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Etude sur le forum des marchés d'Adjamé

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par Anonyme
Université de Cocody -  2009
  

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II- LES MARCHES URBAINS AMENAGES OU MARCHÉS MODERNES

II- 1- La structure

La nouvelle tendance en Côte d'Ivoire est la construction des marchés aménagés en hauteur d'un ou de deux niveaux. Cette tendance n'est pas uniquement typique à la Côte d'Ivoire. En effet, les grands marchés des pays de la sous région tels que le Ghana (Accra), le Benin (Cotonou), le Burkina Faso (Ouagadougou), le Togo (Lomé), et le Nigeria sont construits en R + 1. Tous ces marchés connaissent le phénomène de la sous fréquentation, excepté celui d'Accra74(*).

Si le marché d'Accra construit en hauteur est entièrement occupé par les vendeurs, c'est grâce à l'éducation sanitaire que l'Etat a inculqué aux populations. Sous le règne de Jerry Rolins en effet, la population ghanéenne a été éduquée à la salubrité, au respect des institutions, etc. De ce fait, les ghanéens ne prennent plus la liberté de jeter les ordures dans les rues. Tout ce qu'ils vendent est hermétiquement protégé contre la poussière et contre tout autre insalubrité75(*). La propriété est devenue pour les ghanéens une seconde nature. Le fait pour un vendeur de s'installer sur le trottoir expose non seulement la marchandise à toutes sortes d'impureté, mais aussi pourrait produire des ordures.

II- 2- Les habitudes d'approvisionnement des consommateurs

II- 2- 1- Le pouvoir d'achat des ivoiriens et la recherche de

produits à bon marché

Les dix consommateurs enquêtés, pour justifier leur fréquentation constante du marché d'Adjamé ont avancé le fait que «Adjamé est un centre commercial, on y trouve toute sorte d'articles à bon marché». Ils sont issus de diverses communes: Port- Bouët, Yopougon, Bingerville, Cocody, etc. Cependant, ceux qui le fréquentent régulièrement (au nombre de neuf) sont ceux qui y achètent des produits alimentaires et des articles en gros pour revendre. Pour ce qui est de l'approvisionnement en tenues vestimentaires, trois le font à l'approche des fêtes de fin d'année (dans le mois de Décembre). Une dame y va régulièrement acheter des bijoux pour les revendre à Yopougon où elle réside. Cinq enquêtés y vont s'approvisionner en tenues vestimentaires lorsque le besoin se fait sentir et qu'ils en ont les moyens financiers. Une jeune fille y va rarement.

A l'issu de ce constat, nous disons que la priorité pour la population ivoirienne est l'approvisionnement alimentaire. Quelle en serait la raison essentielle?

En 1993, selon une enquête menée dans les dix grandes régions administratives de la Côte d'Ivoire, 81,11% des ménages du Sud ; 90,67% des ménages du Sud- Est; 74,17% des ménages du Sud- Ouest; 81,94% des ménages du Centre; 85,30% des ménages du Centre- Nord; 77,79% des ménages du Centre- Ouest; 91,92% des ménages de l'Ouest; 62% des ménages du Nord; 95% des ménages du Nord- Est et 74,21% des ménages du Nord- Ouest affirment avoir des difficultés alimentaires76(*).

Dans chaque région donc, plus de la moitié de la population a des difficultés alimentaires. Or cette étude a été réalisée avant la guerre que connaît le pays depuis 2002. Celle- ci ayant aggravé le diagnostic, a conduit la Côte d'Ivoire à s'inscrire dans le processus de la réduction de la dette. Elle fait pour cela mains et pieds pour être reconnue comme un pays pauvre très endetté (PPTE), afin de bénéficier d' aide au développement. La population est donc en majorité pauvre et donc satisfait difficilement ses besoins alimentaires. Même les artistes n'y échappent pas77(*). Or, la satisfaction de ce besoin vital passe avant celui de se vêtir.

En effet, Maslow78(*) fait une hiérarchisation des besoins en quatre niveaux. Il situe au premier plan les besoins physiologiques qui sont indispensables à la vie de chaque individu, et qui sont composés de la respiration, l'alimentation, l'élimination, le maintien de la température, etc. Certains sociologues quant à eux font le classement des besoins en deux niveaux: le niveau primaire79(*). Pour eux, le besoin de se vêtir fait parti des besoins primaires tout comme le besoin alimentaire. Le sociologue Legrand fait la classification des besoins en trois groupes: besoins physiologiques où il situe le besoin de se vêtir et le besoin de s'alimenter.80(*) Ils sont unanimes quant à classer le vêtement et l'alimentation parmi les besoins primaires. Cependant, tous les besoins primaires ou physiologiques n'ont pas les mêmes urgences au niveau des satisfactions.

Pour la vie sexuelle par exemple, il y a des personnes consacrées au niveau de l'Église Catholique qui ont fait voeux de chasteté, tels que les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïques consacrés. C'est un besoin qui n'est pas indispensable à la santé des individus. Ils peuvent donc s'en abstenir. Le vêtement également, bien qu'ayant intégré la vie normale des sociétés, il a un degré de satisfaction qui n'est pas le même que celui de l'alimentation. Une personne peut se passer d'acheter des vêtements les jours de fête ou pendant plusieurs mois, mais elle ne peut se passer de s'alimenter pendant plusieurs jours.

Ayant donc des difficultés pour satisfaire leurs besoins alimentaires, les ivoiriens sont à la recherche constante d'article à bon marché, peu importe les conditions dans lesquelles ils sont exposés et vendus. En effet, tous les consommateurs enquêtés vont à l'intérieur ou restent à l'extérieur du marché en fonction des prix des articles qu'ils trouvent abordables dans ces endroits. Un jeune homme titulaire d'une Maîtrise, habitant le quartier de la riviera 3, situé dans la commune de Cocody également va au marché pour s'approvisionner en denrée alimentaire, en particulier le poisson, car dit- il, sa femme vend du poisson fumé. Il n'a jamais acheté de tenues vestimentaires à Adjamé, parce qu'il était habitué au marché de Kouté81(*), situé dans la commune de Yopougon où il vivait. Il attend de découvrir le lieu où les prix seraient très abordables, selon ce que lui a dit l'un de ses amis, avant de s'y approvisionner en tenues vestimentaires.

Adjamé est donc un centre commercial (petit Noé), mais la population ne prend pas plaisir à y acheter n'importe quel produit. Les produits sont sélectionnés par ordre de priorité, et en fonction des prix. Elle adopte ce même comportement vis- à- vis des supermarchés. En effet, Piton affirme: «les personnes à revenu moyen fréquentent les supermarchés, mais seulement pour acheter les produits de base (riz, huile) qui sont pour la plupart du temps exposés en gondole, en produits d'appel à prix attrayant»82(*).

II- 2- 2- La recherche de proximité

L'autre aspect du comportement des consommateurs est la recherche de proximité. Les consommateurs viennent de toutes les communes du District d'Abidjan. Sur dix consommateurs enquêtés, un, résidant dans la commune de Port- Bouët, vient souvent faire des emplettes «au forum»83(*), quelques fois en tenue vestimentaire. Cependant, cette dernière, dit- elle a monté les escaliers du forum des marchés une ou deux fois depuis sa construction, parce qu'elle a déjà le choix à l'extérieur. Une dame habitant la commune d'Akouédo, achète des tenues vestimentaires à l'intérieur (au rez- de chaussé) du forum des marchés, parce qu'elle dit avoir des difficultés pour trouver son choix à l'extérieur. Cependant, elle n'a jamais monté les escaliers du forum des marchés. Une autre dame habitant la commune de Yopougon, achète des bijoux au premier étage pour les revendre84(*) dans sa commune. Elle achète les autres produits sur les pourtours et les trottoirs du forum des marchés. Les sept autres enquêtés achètent ce qu'ils ne trouvent pas à l'extérieur du forum, à l'intérieur. Ils ont tous évoqué le problème de l'accessibilité.

Les consommateurs quittent leurs différentes communes sans peine pour se rendre au forum des marchés d'Adjamé, cependant, une fois là- bas, c'est comme si l'accès à l'intérieur du marché était «le plus grand des supplices». Ils ont avancé comme raison «la montée penible des escaliers», cependant même le rez- de- chaussé n'est pas régulièrement pratiqué. Ceux qui y vont recherche une certaine garantie du produit85(*), ou parce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils désirent sur les trottoirs et pourtours.

Les vendeurs ont si bien compris cette habitude des consommateurs que même dans les marchés construits de façon basse, certains donnent des produits en petites quantités à leurs enfants, où les portent eux- mêmes dans des plateaux pour les exposer sur les pourtours et trottoirs. Le marché des légumes du plateau en est une illustration. Les automobilistes refusent de descendre de leurs voitures pour s'approvisionner. Cela contraint les vendeurs à s'installer sur les trottoirs avec les produits déjà emballés86(*). Ce comportement amène à croire que les consommateurs ne font des emplettes que lorsqu'ils vont vaquer à leurs occupations. Car «le temps, c'est de l'argent», comme dirait un adage populaire.

La recherche de proximité est également illustrée par l'étude de Aman sur les vendeurs ambulants aux alentours des feux tricolores87(*). Les automobilistes approuvent ce métier, parce qu'il rapproche les produits des consommateurs.

La recherche de proximité des produits par les ivoiriens n'est pas le fruit de la société moderne. Elle remonte aux sociétés pré- coloniales. En effet, les commerçants dioula qui étaient colporteurs envoyaient leurs produits aux gouro. Ceux- ci les achetaient sans fournir d'efforts de déplacement88(*).

II- 2- 3- Consommation et conscience sanitaire

Aucun des enquêtés n'était préoccupé par les conditions d'hygiène. Tous les consommateurs enquêtés vont à l'intérieur ou restent à l'extérieur du marché en fonction des prix des articles qu'ils trouvent abordables dans ces endroits. L'hygiène des denrées alimentaires ne constitue pas un souci pour eux.

Une dame fonctionnaire à la retraite, habitant le quartier des deux- plateaux situé dans la commune de Cocody, ayant le niveau première, achetait des denrées alimentaires sur le trottoirs pendant que nous faisions l'interview avec elle. L'état d'insalubrité de l'intérieur du marché en serait une raison; mais elle ne l'a pas évoqué. Un jeune homme titulaire d'une Maîtrise, en quête d'emploi, habitant le quartier riviéra 3, situé dans la commune de Cocody également, nous a affirmé: «moi c'est la quantité que je cherche oh, je ne cherche pas la qualité». Ces propos révèlent qu'il ne se préoccupe pas de l'état d'insalubrité du marché, mais se contente de comparer les prix. Pourvu qu'il obtienne les marchandises à bon marché, peu lui importe les conditions dans lesquelles elles sont exposées.

Cette mentalité est si répandue que le constat du boulevard Nangui Abrogoua en est une illustration. En effet, tout le long du boulevard Nangui Abrogoua se trouve exposée la nourriture déjà confectionnée: pain accompagné de soupe généralement, à l'intérieur de laquelle se trouvent des condiments tels que la viande, le rognon, les pattes alimentaires, etc. Ces produits ne sont pas protégés, ils sont exposés à la poussières et à toute sorte d'impureté; pourtant les consommateurs se ruent là dessus.

* 74 Propos recueilli auprès du directeur technique de la mairie d'Adjamé.

* 75 Les vendeuses ghanéennes de pain sucré et de beignets en Côte d'Ivoire utilisent des caisses vitrées ou de grands sachets transparents pour la protection des aliments.

* 76 Institut Nationale de la Statistique (1993), cité par Modeste Gnoka Brouabré (1996), La problématique du développement et du niveau de vie en Côte d'Ivoire, Projet de DEA, IES, P

* 77 Saturnin Thien (2002), La pauvreté en milieu artistique, mémoire de Maîtrise, Abidjan, IES.

* 78 Abraham Harold Maslow (2008), Devenir le meilleur de soi, Organisation Edition (production électronique).

* 79 Béatrice Amar, Jean Philippe Guéguen et Suzanne Priot (2007), «Soins infirmiers: concepts et théories, démarche de soins», Nouveaux cahiers de l'infirmière, n°2, 4ème édition, p 45.

* 80 Jean Claude Legrand (1984), cité par Béatrice Amar, Jean Philippe Guéguen et Suzanne Priot (2007), Ibid, p 46.

* 81 Le marché de Kouté est renommé pour les brodes à moindre coût. Les habitants de toutes les communes du District d'Abidjan y vont pour s'approvisionner en tenue vestimentaire.

* 82 Elodie Piton (2000), Les centres commerciaux à Abidjan, mémoire de Maîtrise, Université de Provence Aix- Marseille, Institut de géographie, p 33.

* 83 Ce terme est employé pour parler du forum des marchés et ses pourtours; c'est- à- dire les trottoirs du boulevard Nangui Abrogoua y compris.

* 84 Les bijoux sont vendus en gros seulement au premier étage du forum des marchés.

* 85 Cette raison a été donnée par un jeune étudiant qui y va acheter des téléphones portables. Il trouve une garantie en ce sens que le vendeur est installé à un lieu fixe, et donc en cas d'anomalie au niveau du téléphone, il peut le lui restituer.

* 86 Le quotidien (2008), op cit.

* 87 Félix Koffi Aman (2002), Le phénomène des vendeurs ambulants aux alentours des feux tricolores à Abidjan, Mémoire de Maîtrise, IES.

* 88 Claude Meillassoux(1964), op cit, p 272.

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