III.2. La faiblesse des capacités de
réponse à la pauvreté.
La paupérisation décrite plus haut est
exacerbée par la faiblesse dans la gestion du développement
c'est-à-dire dans l'élaboration et l'exécution des
programmes de relance économique et de redistribution sociale.
L'épineuse question de capacité d'absorption dans
l'administration tchadienne affecte négativement la qualité des
dépenses publiques, et ce au détriment des secteurs du
développement humain (santé, éducation,
développement rural,...). Au 30 juin 2005, seulement 34 % des
crédits alloués aux dépenses prioritaires de
développement (santé, éducation, développement
rural...) ont été engagés et 24% seulement ont
été payés. Ce problème de capacités
d'absorption doit être cependant posée de manière globale
et non pas être réduite à la faiblesse des ressources
humaines, techniques et matérielles des structures nationales
impliquées dans la chaîne des dépenses publiques. En effet,
la faiblesse des capacités d'absorption au Tchad est un problème
global de lacunes à chacune des étapes du cycle de mise en oeuvre
des programmes et politiques de développement depuis la conception
peu participative des cadres stratégiques jusqu'à
l'inefficacité du suivi et évaluation en passant par les
faiblesses de programmation et d'exécution financière ou
physique.
La faiblesse des capacités d'absorption est
également liée à trois autres facteurs : la
corruption, la mobilité élevée des fonctionnaires et
l'impact limité du partenariat au développement sur le
renforcement des capacités nationales du fait notamment de règles
et procédures trop complexes. La corruption risque en effet d'inhiber
l'efficacité des investissements publics, de freiner ainsi la
croissance économique et de contrarier les efforts accomplis en vue
d'instaurer une bonne gouvernance. Contribuent aussi à cette faiblesse
les fréquentes restructurations des ministères, la
mobilité fort élevée des agents de l'Etat ainsi que des
hauts responsables l'Administration.
III.3. Les contraintes structurelles au
développement humain.
La gestion du développement se trouve en grande partie
contrecarrée par le caractère structurel des déterminants
de la pauvreté que sont les dégradations continues des
environnements économique, politique, et physique du pays. La croissance
a été très faible au cours des dernières
décennies. Jusqu'en 1999, elle a rarement excédé de plus
d'un point le taux d'accroissement annuel de la population ; la croissance
a même reculé de 0,4 % en 2000 par rapport à 1999. Il va de
soi que ces rythmes de croissance de l'économie ne pouvaient
créer suffisamment d'emplois pour une population estimée à
6,28 millions avec un taux d'accroissement naturel de 2,5%.
L'avènement de l'ère pétrolière a
été considéré comme une opportunité unique
de progresser dans la voie du développement humain étant
donné que les revenus de l'Etat allaient doubler et que 80% de ceux-ci
devaient être affectés aux secteurs prioritaires du
développement humain de la santé, de l'éducation, du
développement rural et des infrastructures. Cette vue optimiste doit
être tempérée au regard des prévisions
récentes qui projettent un déclin de la production
pétrolière entraînant un recul drastique du taux de
croissance du PIB pétrolier réel qui s'établira à
2% en 2005 comparé au taux de 27% de croissance projeté
auparavant.
Sur le plan politique, l'Etat tchadien montre comme partout en
Afrique les caractéristiques structurelles d'une faible
institutionnalisation. En effet, si certaines normes bureaucratiques
(élections, grades administratifs, armée et police nationales)
permettent une certaine fonctionnalité du pouvoir administratif, le
système d'obligations reste cependant déterminée par des
normes non institutionnalisées telles que le clientélisme
politique ou les relations personnelles. La corruption mentionnée
ci-dessus s'explique ainsi par un dysfonctionnement du système
étatique dans lequel certains services de l'Etat (subventions, licences,
exemptions, emplois, dotations budgétaires,...) peuvent être
fournis par des voies arbitraires, discrétionnaires, voire
personnalisées.
La résurgence de l'insécurité et des
conflits au Tchad est chronique et constitue un problème fondamental de
société et de développement, au sens où l'existence
de foyers de tensions perpétuelles empêche la constitution d'un
tissu social et le maintien d'un consensus politique stable. Aucune perspective
de long terme ne peut être envisagée dans un tel contexte de
tensions, d'insécurité physique, de pertes matérielles, de
crise alimentaire, ou de violences diverses. Ceci explique en grande partie le
peu d'intérêt des investisseurs privés pour le pays, ou
encore le bas niveau de la production agricole et donc le pourcentage
élevé de la population souffrant de la faim et de la
malnutrition.
L'absence d'un dialogue suivi entre les différents
acteurs politiques ainsi qu'entre le gouvernement et la société
civile ne permet pas une gestion participative et transparente du
développement. La priorité doit être donc donnée
à des actions qui rétablissent le dialogue politique et social en
vue d'engager de manière participative des actions qui augmentent
l'institutionnalisation de l'Etat tchadien et notamment de son système
de distribution.
L'insécurité au Tchad comme ailleurs en Afrique
a une dimension transfrontalière particulièrement le long des
frontières Sud et Est avec respectivement la RCA et le Soudan
(région du Darfour). Elle y prend diverses formes :
insécurité physique, matérielle et alimentaire du fait
d'importants déplacements des populations fuyant les troubles dans ces
pays voisins. Cette insécurité frontalière engendre des
groupes vulnérables particuliers que sont les réfugiés et
les populations autochtones d'accueil. On relève sur les sites de Maro
et Danamadji au Sud du Tchad, la présence d'environ 20.000 personnes. Le
conflit dans le Darfour, a provoqué le déplacement d'environ 1
000 000 de personnes. Plus de 150 000 ont franchi la frontière pour
se mettre à l'abri au Tchad. Du fait de la présence et des
mouvements de ces réfugiés et déplacés, les
conditions d'existence des populations tchadiennes d'accueil se trouvent
fragilisées par les dégâts causés sur les cultures,
les pâturages, et la pression exercée sur les ressources
déjà rares en eau et en vivres. Ces conséquences de la
présence de réfugiés et de déplacés
nécessitent des stratégies et des programmes de
développement local qui combinent l'assistance d'urgence de court terme
à des interventions de sortie de crise de plus long terme. La mise en
oeuvre de ces stratégies et programmes dans les régions d'accueil
de réfugies et déplacés peut servir d'expérience
pilote de développement local transposable dans d'autres régions
ou à l'ensemble du pays.
Comme la décroissance économique, la
dégradation continue des écosystèmes revêt
également un caractère structurel du fait de la position
géographique du Tchad. L'enclavement du pays conjugué au
changement du régime des pluies depuis la période humide de
1950-1973 a provoqué le déplacement des isohyètes
annuelles d'environs 180 km vers le sud entraînant de profonds
bouleversements des paysages et des activités humaines en dépit
d'une amélioration très sensible du régime moyen des
pluies depuis cinq ans. Ces changements sont, avec l'augmentation des pressions
anthropiques à la base des phénomènes d'appauvrissement
des sols, de la désertification, et de l'érosion éolienne
ou hydrique. Autant de facteurs qui influent négativement sur la
santé et la productivité des hommes. En effet, les pratiques
culturales inadaptées ont entraîné une extension des zones
de pâturage vers le sud, au détriment des terroirs agricoles,
créant régulièrement des conflits entre agriculteurs et
éleveurs. A cela s'ajoutent les modes d'exploitation
inappropriées : feux de brousse, ramassage incontrôlé
du bois de feu, intensification de la pêche et du braconnage.
CHAPITRE IV. LES REALITES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA
GAR : LA GESTION DU PROGRAMME
L'analyse de la situation permet d'identifier les
différents problèmes de développement et d'isoler ceux sur
lesquels le PNUD va axer son intervention. Ensuite le CPAP aborde
l'étape des parties prenantes, s'accorde avec elles sur un consensus en
ce qui concerne les priorités de développement à retenir
pour la durée de la programmation. Lors du séminaire de
validation du CPAP en cours du bureau du PNUD tenu au CEFOD (N'djamena, 21- 22
décembre 2005), le Représentant Résident adjoint qui
dirigeait le séminaire n'a pas manqué de mentionner que
« tout est priorité au Tchad » et que cela
pose une véritablement difficulté quant au choix d'axe
d'intervention. C'est, au regard des priorités définies dans le
Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté
(DSRP) et des domaines d'intervention du PNUD que ce dernier a retenu de
centrer l'action sur une problématique de développement à
deux manches : la gouvernance et la lutte contre la pauvreté
constituant deux sous-programmes déclinés en différents
projets.
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