CHAPITRE III : CADRE ANALYTIQUE
Après avoir été à Keur Bamboung
et analysé le mécanisme qui a été mis en place
autour de l'écotourisme, on se rend compte que ce type de tourisme est
beaucoup plus bénéfique pour les riverains des sites touristiques
et qu'il participe de manière durable au développement des zones
rurales sans les défigurer. Toutefois, pour pouvoir analyser
l'écotourisme à Keur Bamboung dans tous ses aspects, il
était nécessaire de disposer d'informations provenant des
populations autochtones. Ainsi un questionnaire a été soumis aux
habitants et les informations obtenues de celui- ci sont les
suivantes :
Caractéristiques sociodémographiques des
enquêtés :
Les quatre premiers graphiques représentent les
caractères des populations cibles de notre enquête en fonction de
leur âge, sexe, profession et situation matrimoniale. Les
résultats obtenus nous montrent que c'est une population assez jeune car
seuls 14 % des enquêtés ont plus de 46 ans ; la plus grande
tranche se situe entre 26 et 35 ans. Ceux-ci représentent la plus grande
source de revenus de ces villages car il s'agit de personnes en âge de
travailler et qui ont relativement une certaine durée d'activité
professionnelle. Puis ensuite viennent ceux qui se situent entre 36 et 45 ans
et ceux entre 15 et 25 ans qui représentent respectivement 32 et 17 %
des résultats.
Puis nous avons une population où les femmes
représentent une grande part de la population active, elles sont
très actives aussi bien professionnellement que dans la protection de
leur milieu. Elles représentent 58 % des résultats tandis
les hommes sont donc minoritaires et représentent 42 %. Les femmes sont
pour la plupart des commerçantes se chargeant de vendre une partie des
prises de pêche ou la transformation de noix d'acajou. Elles se chargent
aussi de ramasser les coquillages et mollusques (huîtres, cymbium, murex,
etc.) dans les zones réservées nous avons certaines d'entre elles
aussi qui sont employées du campement pour la restauration et
l'entretien des chambres. Dans l'artisanat aussi nous elles sont tr-s
présentes car elles se chargent de la confection certains pagnes et
tissus et aussi dans la fabrique de colliers. Donc les femmes sont très
actives dans cette localité. Les hommes sont le plus souvent des
pêcheurs ou des artisans certains travaillent sur place tandis que
d'autres font la navette entre les villages alentours et le marché
artisanal de Sipoh pour écouler leurs produits. Une large partie
travaille dans le campement dans les structures hôtelières se
trouvant près de leurs villages. Certains font partie du comité
de surveillance, mais ils sont pour la plupart jeunes et se situent dans la
tranche d'âge entre 15 et 25 ans. C'est aussi dans cette tranche
d'âge que nous retrouvons ceux qui travaillent dans le transport, en
fait, il s'agit de conducteurs de motocyclettes qui transportent les touristes
qui arrivent dans la localité sans véhicule ou parfois ils font
la liaison entre les villages. Il y a aussi certains qui ont des pirogues et
sont à la disposition de touristes qui voudraient faire une balade au
niveau des bolongs ou dans certaines zones de l'aire protégée. En
dehors de ces professions, nous avons certains qui travaillent comme agents de
sécurité dans des hôtels de la localité, des
charretiers, quelques menuisiers et instituteurs parmi les
enquêtés.
Enfin en ce qui concerne la situation matrimoniale la
majorité des personnes interrogées sont mariées et
apparemment ils se marient assez jeunes et parfois, c'est assez mal vu
d'atteindre un certain âge sans être marié.
APPRECIATIONS SUR L'AIRE PROTEGEE
A partir du premier diagramme, on se rend compte que les
habitants ont en général un avis très positif sur la mise
en place de cette zone réservée. Surtout les villages se trouvant
le plus près de l'Aire marine Protégée. Et les avis sont
aussi les même s'agissant de la question suivante à savoir si oui
ou non la création de cette zone avait-elle eu un impact sur leurs
activités quotidiennes. Les villageois voient le plus souvent la
création d'une zone de reproduction pour les ressources halieutiques
comme une très bonne initiative car leur situation économique
change de mieux en mieux. Nous avons une petite marge de 12% des personnes
interrogées qui trouvent que l'interdiction totale de pouvoir disposer
d'une certaine zone est assez contraignante, et en plus, disent-ils, c'est
assez sévère de risquer des peines de prison juste en
pêchant dans ces zones. Cet avis est le plus souvent celui de certains
villages assez éloignés du site, tel que Missira ou Souroubani
où les habitants pensent d'une manière générale que
leurs habitudes étaient de pouvoir aller librement dans une zone qui est
la leur et qu'il est un peu aberrant d'interdire l'exploitation des ressources
de manière définitive. Toutefois, certains d'entre eux
reconnaissent que la mise en place de l'aire marine a tout de même eu des
effets dans leur environnement quotidien, d'autant plus que le comité de
gestion mis en place intègre 14 villages et de ce fait il y a une
coopération plus renforcée entre les villages.
Et on se rend compte que la création d'une aire marine
protégée dans cette zone a eu des répercussions sur tous
les secteurs d'activité, les pêcheurs disent qu'avant 2003, leurs
prises diminuaient constamment alors que depuis quelques temps, la taille des
poissons a augmenté et le nombre aussi, il n'est même plus
nécessaire d'aller en pleine mer pour avoir de grosses prises. Et ce
fait a affecté beaucoup de secteurs, les piroguiers disent qu'ils
gagnent plus car certains touristes ou scientifiques payent cher pour naviguer
dans l'aire protégée alors qu'auparavant seuls les grands
hôtels avaient des pirogues pour les ballades maritimes. D'autres
trouvent que c'est grâce à l'aire marine protégée
qu'ils ont eu des emplois plus facilement sans avoir à quitter la
localité dans laquelle ils ont grandi. Mais l'avis le plus constant est
que, depuis la création de l'aire marine protégée, les
villageois se sentent concernés par la protection de leur environnement
et par la sauvegarde de leurs ressources pour une exploitation dans le long
terme et de plus ils considèrent l'AMP comme uns structure qui leur
appartient et chacun contribue à sa gestion à sa
manière.
APPRECIATIONS SUR L'ECOTOURISME
Concernant l'écotourisme aussi les villageois trouvent
d'une manière générale qu'il a beaucoup d'avantages aussi
bien sur leur vie quotidienne mais aussi dans d'autres domaines tel que
l'amélioration de leur cadre de vie, en effet c'est après
l'installation du gîte écotouristique que les premiers panneaux
solaires ont commencé à être mis en place et la
fréquentation touristique a fait que la localité de Toubacouta
est aujourd'hui mieux desservie que 5 ou 6 ans auparavant, de plus ils ont un
four qui a été installé à Soukouta. Les membres du
comité de surveillance aussi ont vu leur statut passer de
bénévoles à des salariés qui gagnent 1500 francs
par jour au minimum, donc c'est un des avantages. De plus les parents disent
qu'ils se passent plus aisément de l'aide de leurs enfants qui peuvent
maintenant aller à l'école.
Aussi sur le plan économique, le tourisme a attrait sur
place une clientèle qui d'habitude n'arrivait pas dans ces zones aussi
reculées : les artisans, ceux qui transforment les noix d'acajou et
ceux qui revendent le pain de singe jugent qu'il leur est plus facile
d'écouler leurs produits et à un prix qui est supérieur
à celui auquel ils le vendaient aux hôtels. Puis il y a même
certains qui vont dans d'autres localités alentour pour acheter des
produits qu'ils viennent revendre aux touristes.
Dans d'autres secteurs comme le transport et la pêche,
les travailleurs sentent que l'affluence touristique permet
indéniablement d'avoir plus de revenus, et les charretiers jugent que
leurs revenus ont quasiment doublé depuis la création du
campement.
Ceci a quand même entraîné certains
changements, surtout concernant toujours l'aspect économique :
avant la création du campement, peu de gens travaillaient dans le
secteur du tourisme, mais depuis quelques temps, l'activité touristique
est devenue une grande source de devises donc on voit de plus en plus de gens
qui se arrêtent leur activité pour se reconvertir dans le secteur
du tourisme. Et pendant la haute saison, le campement recrute des saisonniers,
donc beaucoup de jeunes aussi surtout ceux qui travaillent dans le transport,
vont alors travailler pour le campement. Aussi, certains habitants des villages
environnants qui viennent habiter dans les localités proches du
campement. Ainsi 62 % des personnes interrogées trouvent que le tourisme
a entraîné des changements dans leurs habitudes locales.
Et pour ce qui est des inconvénients ou effets
indésirables qui ont été observés avec
l'arrivée du tourisme, nous constate que c'est aussi sur le plan
économique que les inconvénients les plus néfastes se font
ressentir. En effet certains affirment que depuis la mise sur pieds du
campement et la fréquentation des touristes, le prix de certains
produite de base ont presque doublé surtout certains mollusques et
poissons. Aussi d'autres disent que le prix pour les terrains et aussi certains
matériaux de construction ont beaucoup augmenté car d'autres
hôtels cherchent à s'établir au niveau de cette zone. Mais
il est important de souligner que 20 % des personnes interrogées
affirment qu'ils ne constatent aucun changement négatif lié
à l'activité écotouristique.
Mais concernant des retombées du tourisme,
excepté les effets positifs dont nous avons parlé dans les
parties supérieures, beaucoup de villageois de Missirah, Katior et
Sandicoli trouvent que leurs villages ne profitent pas du tout des
retombées du tourisme. Le comité de gestion reverse le tiers des
recettes du tourisme à la communauté rurale pour que celle-ci
fasse en sorte que tous les villages en bénéficient
équitablement mais la communauté rurale doit déclarer
toutes ses recettes et les reverser au Trésor Public avant d'en faire
bénéficier les villages sous formes d'aides ou d'infrastructures,
mais tout ce parcours fait que les recettes se retrouvent
éparpillés entre les 52 villages qui sont sous sa juridiction et
donc beaucoup d'autochtones trouvent que leurs villages ne
bénéficient peu des retombées du tourisme.
Et concernant ceux qui ont affirmé que leurs villages
bénéficient des retombées de l'écotourisme et qui
ne représentent que 41 % des réponses, nous voyons sur le
graphique suivant que la majorité d'entre eux disent que c'est au niveau
économique qu'ils les ressentent. Ils représentent 37 % des
résultats en effet l'activité écotouristique a
réellement mis en place un dynamisme économique dans les villages
et à travers les différents produits touristiques
proposés, le touriste est directement en contact avec les populations et
sans aucun intermédiaire celui-ci peut lui vendre des produits ou lui
proposer divers services. Le campement est aussi un pourvoyeur d'emplois, et de
plus en plus le gîte augmente le nombre de travailleurs car l'affluence
des touristes est supérieure d'année en année. Puis il y a
25 % d'entre eux qui affirment ressentir les bénéfices du
tourisme sur leurs activités professionnelles et cela se justifie aussi
par l'arrivée de devises étrangères alors que les
ressources sont disponibles localement et doivent juste être
exploitées. 20 % des personnes interrogées affirment ressentir
les effets du tourisme au niveau de l'éducation. Il est vrai que
l'école du village de Sipoh était au début une case et que
depuis peu, elle a été reconstruite en dur, le seul
bâtiment construit avec du ciment de tout le village, et cela
représente de manière incontestable une tr-s bonne
avancée. Et aussi, du fait que le pouvoir d'achat des autochtones a
fortement progressé, de plus en plus le nombre d'enfants qui sont
inscrits à l'école a beaucoup augmenté selon un des
instituteurs. Le reste, 18 % disent que c'est sur le plan infrastructurel
qu'ils ressentent le plus ces retombées. Cela est vrai surtout en ce qui
concerne l'électricité, l(installation de panneaux solaires sur
certaines iles a permis d'électrifier certaines zones assez
reculées. Aussi il leur a été mis des dispositifs afin que
ces derniers puissent disposer d'eau potable en quantité suffisante.
Et concernant l'aspect culturel, le tourisme est d'habitude
une activité changent beaucoup les habitudes et moeurs des autochtones
mais cela n'est pas du tout le cas pour les habitants des villages proches de
Keur Bamboung seuls 23 % trouvent que le tourisme modifie les traditions
locales. Pour certaines parmi ces derniers, le contact avec les touristes fait
que certains jeunes développent certains complexes et ne s'adonnent plus
à certains rites. De plus certains trouvent que les mariages sont de
plus en plus tardifs et aussi que la polygamie est un peu moins
fréquente. Toutefois, de l'avis de la majorité des personnes
interrogées, le tourisme offre au contraire une occasion de valoriser
leurs acquis et leurs rites. La plus grande partie d'entre eux trouve qu'ils
apprennent des touristes autant qu'ils apprennent autant que les touristes
apprennent d'eux. Et il arrive même parfois que certains villageois
soient invités pour faire des représentations de danses
traditionnelles moyennant une rémunération. Et cela est d'autant
plus vrai que même le village le plus proche du campement, à
savoir Sipoh, ne compte pas de structures construites avec du ciment ou
d'autres matériaux modernes, il s'agit de cases faites avec des briques
de terre cuite et recouverte de paille.
Le dernier point de notre questionnaire concernait les aspects
de la gestion du campement écotouristique ou de l'Aire Marine
Protégée qu'ils aimeraient changer, et encore à cette
question beaucoup de personnes trouvent que le comité actuel fait preuve
d'une certaine maturité et qu'ils ont d'une manière
générale un bon plan de gestion. Mais cet avis n'est pas
partagé dans toutes les localités, surtout dans les villages
où les habitants affirment ne pas ressentir les retombées du
tourisme. Certains proposent qu'un autre campement soit construit dans un autre
village, parmi ceux qui sont le plus proches de l'océan afin qu'eux
aussi puissent avoir certains atouts et certains emplois sans avoir à se
déplacer sur de nombreux kilomètres. D'autres proposent que la
pêche soit autorisée une certaine partie du temps afin que les
pêcheurs puissent exploiter les ressources qui s'y trouvent.
RECOMMANDATIONS
L'activité écotouristique est un
véritable atout pour les villages se situant aux abords de Keur Bamboung
et la création d'une Aire marine protégée est
incontestablement un véritable atout pour le campement. Mais, encore
beaucoup de progrès doivent être réalisés pour que
les ressources locales soient mises en valeur de manière optimale.
La gestion du campement écotouristique est
confiée à 2 habitants de Soukouta, cela est certes positif, mais
ils n'ont aucune notion de management ou même de comptabilité. Les
guides écotouristiques non plus n'ont qu'un niveau assez bas de
français et sont parfois obligés de gesticuler afin que les
touristes comprennent le sens de leurs messages. Il en est de même pour
le comité de gestion qui n'a pas non plus de formation requise, et
d'ailleurs seuls quelques membres ont fait des études assez
poussées. Il serait nécessaire que les employés du
campement fassent des stages de formation afin que les services sur place
soient de meilleure qualité, la gestion financière des recettes
est faite sans un plan bien établi et le suivi et contrôle est
assez opaque car ils ne font pas de bilans comptables afin de
répertorier toutes leurs charges.
Puis il y a le fait qu'au niveau de l'aire marine
protégée, certaines espèces, les huîtres et
coquillages notamment, font partie des espèces mises en défens et
meurent alors que les populations pourraient les recueillir pour leurs propres
besoins. Le long des palétuviers du bolong, on observe une très
grande quantité de mollusques et coquillages qui arrivent à
maturité mais ne sont pas exploités. Beaucoup de ressources aux
alentours du campement sont aussi disponibles et ne font l'objet d'aucun usage
à savoir certains arbres fruitiers et le miel par exemple qui est
exploité par des gens basés à Toubakouta alors que les
villageois pourraient en tirer profit. Il est certes logique, dans un esprit de
préservation, de ne pas surexploiter les ressources locales mais
certains produits sont périssables et donc cela revient à du
gâchis de ne pas en jouir. Et ils pourraient être revendus ne
serait-ce qu'aux touristes qui font le déplacement pour consommer des
produits locaux. Et toujours au niveau du campement, aucun accord n'a pu
être trouvé entre les villageois pour qu'il y ait une boutique
d'objets d'art ou même pour les produits de base. Et le village le plus
proche se trouve à environ deux kilomètres de Keur Bamboung,
alors que certains touristes aimeraient avoir certains produits ou une
« boutique souvenir » au niveau du campement, ce qui serait
un bénéfice pour tout le monde.
Il serait nécessaire que le comité de gestion
ait une projet bien défini pour l'activité écotouristique,
car même si les recettes touristiques sont assez conséquentes, la
durée moyenne du séjour des touristes est de 2 à 3 jours,
ce qui est relativement court vu tout le potentiel disponible dans cette
localité. Les atouts naturels, le milieu et les espèces sur
place, la culture locale, la mise en valeur de tous ces éléments
est vraiment faite à un très faible niveau.
Aussi sur le plan infrastructurel, certains villages sont
vraiment assez en retard et les habitants ont raison de dire qu'ils ne
ressentent pas les retombées du tourisme. Chaque trimestre, le
comité de gestion reverse le tiers des revenus du gîte à la
communauté rurale et c'est une somme assez conséquente alors que
certains villages n'ont pas d'écoles, le village se Sipoh par exemple
n'a pas de centre de santé et Néma Ba non plus. Il en est de
même pour les fours, dans certains villages, les habitants sont
obligés d'attendre qu'une pirogue de Soukouta fasse la livraison. Le
comité devrait revoir s'il serait possible de faire en sorte que les
villages faisant partie de ce projet et qui sont donc directement
concernés puissent vraiment bénéficier de
l'activité écotouristique.
Enfin l'aspect le plus fondamental est que, même si on
sent une véritable volonté des autochtones de faire en sorte de
faire en sorte que cette initiative puisse se développer, les
autorités locales ne font pas vraiment tout le nécessaire.
Déjà c'est seulement en 2004, que l'Aire marine
protégée Keur Bamboung a reçu son
récépissé, et c'est donc à cette date qu'elle
était officiellement reconnue. Puis il y a la problème de
l'accessibilité, la route entre Kaolack et Toubakouta est totalement
détériorée, les véhicules sont obligés de
faire des détours ou d'emprunter des pistes poussiéreuses pour
parvenir au gîte. Il serait vraiment nécessaire que l'Etat
soutienne ce genre d'initiatives et les assiste au niveau de la promotion car
très peu de gens connaissent l'existence de ce campement et les moyens
pour y accéder ne sont pas toujours des plus commodes.
|