Section 2- Le règlement judiciaire
L'objet de l'assurance de responsabilité civile
consistant à garantir la responsabilité de l'assuré envers
la victime, il faut, pour que l'assurance puisse jouer, que l'assuré
soit effectivement responsable d'un dommage et que cette dette de
responsabilité entre dans l'objet de l'assurance qu'il a souscrite ou
qui a été souscrite par un tiers à son profit. Lorsque ces
deux conditions ne sont pas sérieusement contestables le
règlement de l'indemnité ne devrait soulever aucune
difficulté et il devrait se faire à l'amiable. Malheureusement,
l'attitude de l'assureur est parfois équivoque ou frauduleusement
dilatoire. Il arrive, par exemple, qu'il commence par reconnaître au
moins, implicitement, sa dette pour ensuite la contester. Mais il est encore
plus fréquent que l'assureur conteste une dette qui est pourtant
certaine, ce qui contraint l'assuré ou la victime à faire un
procès. Cette attitude peut retarder considérablement le
règlement. Pourtant le nouveau code de procédure civile
Français a donné au créancier une arme non
négociable en lui ouvrant la possibilité d'obtenir une provision
en référé s'il établit que la dette n'est pas
sérieusement contestable. Aux termes de l'article 51 du code CIMA «
dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu que si,
à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une
réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par
le tiers lésé ».
L'article 30 du même code règle les
compétences de manière suivante : « dans toutes les
instances relatives à la fixation et au règlement des
indemnités dues, le défendeur (assureur ou assuré) est
assigné devant le tribunal du domicile de l'assuré, de quelque
espèce d'assurance qu'il s'agisse, sauf en matière d'immeubles,
ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné
devant le tribunal de la situation des objets assurés.
Toutefois, s'il s'agit d'assurance contre les accidents de
toute nature, l'assuré peut assigner l'assureur devant le tribunal du
lieu où s'est produit le fait dommageable.
Rappelons en ce qui concerne la mise en cause de l'assureur
par l'assuré que l'assuré doit toujours déclarer le
sinistre à l'assureur dans un certain délai. Cette prescription
est prévue par l'art. 12 al.4 du code des assurances selon lequel
l'assuré est obligé de « donner avis à l'assureur,
dès qu'il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai
fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner
la garantie de l'assureur. Ce délai ne peut être inférieur
à cinq jours ouvrés. En cas de vol ou en cas de sinistre
mortalité de bétail, ce délai est fixé à 48
heures. Ces délais ci-dessus peuvent être prolongés d'un
commun accord par les cocontractants ». Mais cette déclaration ne
suffit pas, il faut ensuite que l'assureur soit l'objet d'une
réclamation précise de l'assuré visant à le
garantir pour sa dette de responsabilité. Cette réclamation peut
être faite sous deux formes :
- il peut s'agir d'une action principale de l'assuré
contre l'assureur (indépendante de l'action intentée par la
victime contre l'assuré) ;
- mais ce peut être également une mise en cause
de l'assureur dans l'action exercée par la victime contre
l'assuré
L'assuré exerce contre l'assureur une action
principale. Cette hypothèse peut se réaliser soit lorsque la
victime et l'assuré se sont entendus à l'amiable sur le montant
des dommages et intérêts, soit, en cas d'action en justice de la
victime contre l'assuré, si la juridiction compétente pour
statuer sur les responsabilités ne l'est pas pour trancher la question
de l'assurance.
La mise en cause de l'assureur par la victime exerçant
l'action directe « est une garantie de paiement pour les victimes. On
pourrait a priori penser que « l'action directe » de la victime
contre l'assureur a été conçue essentiellement comme un
moyen de simplifier la mise en cause de l'assurance de responsabilité.
Au lieu de deux demandes successives (de la victime à l'assuré et
de l'assuré à l'assureur) une seule suffit. Mais en
réalité ce n'est pas ce souci de simplification qui a
guidé le législateur et la jurisprudence vers la reconnaissance
du principe de l'action directe.
En effet, pour obtenir cette simplification il aurait suffit
de généraliser la mise en cause de l'assureur dans tout
procès en responsabilité contre un responsable assuré.
L'action directe a d'ailleurs été admise dans le cas où la
victime avait déjà agi contre le tiers responsable. Or,
dès cette hypothèse elle n'apporte aucune simplification.
L'avantage essentiel de l'action directe est donc tout autre ; il consiste
à renforcer la protection des victimes de dommages. Pour le comprendre,
il suffit de se représenter la situation qui serait celle des victimes
si elles ne disposaient pas de l'action directe. Elles devraient alors, pour
agir contre l'assureur, débiteur de leur débiteur, exercer
l'action oblique prévue par l'article 1166 du code civil. Or on sait que
cette voie du droit ne donne au créancier que la possibilité de
faire entrer la créance dans le patrimoine de son débiteur, mais
qu'elle ne lui donne aucun privilège sur cette créance qui peut
se trouver absorbée par le passif déjà existant.
L'action directe évite précisément ce
passage de la créance d'indemnité dans le patrimoine de
l'assuré, elle permet en effet son acquisition directe par la victime.
Ceci présente deux (02) avantages considérables pour celle-ci.
Tout d'abord ce procédé empêche que l'assuré ne
puisse dissiper l'indemnité aussitôt après l'avoir
reçue. En outre, cela lui évite le concours, sur cette
indemnité, avec les autres créanciers de l'assuré. Ainsi,
l'action directe n'est pas un procédé simplifié de mise en
oeuvre de l'assurance responsabilité mais une garantie de paiement de
l'indemnité au profit de la victime.
L'exercice de l'action directe appartient à la victime
ou aux victimes (immédiates ou par ricochet ou encore aux personnes
subrogées) dans la mesure où elles n'ont pas été
encore indemnisées soit par l'assuré, soit par un tiers. En
effet, le droit d'exercer l'action directe est étroitement lié
à l'existence de la créance d'indemnisation. Plus
généralement, toute cause de disparution ou de diminution de
cette créance se répercute immédiatement sur l'existence
ou la portée de l'action directe. C'est le cas en particulier du
paiement proprement dit, fait par l'assuré ou par un tiers, qui
éteint l'action directe s'il est total, et en diminue d'autant la
portée, s'il est partiel.
Mais la plupart des autres modes d'extinction de la
créance par exemple la compensation et la prescription, auraient le
même effet. Le fait que la victime eut déjà exercé
une action en responsabilité contre l'assuré ne la prive
nullement du droit d'exercer l'action directe contre l'assureur, tant qu'elle
n'a pas été effectivement indemnisée. Enfin, le droit de
la victime d'exercer l'action directe suppose une créance de
réparation contre l'assuré. Cela, ne signifie pas seulement que
l'assuré doit être débiteur envers la victime d'une
véritable dette de « responsabilité civile », excluant
les sanctions pécuniaires non strictement civiles ou les dettes autres
que de réparation.
On a vu que l'action directe a pour conséquence de
transférer l'indemnisation directement à la victime sans passage
par le patrimoine du responsable, ce qui élimine évidemment le
risque de souci des créanciers de celui-ci. Ainsi la victime (comme
d'ailleurs les autres bénéficiaires de l'action directe) n'a pas
seulement droit de préférence sur l'indemnité. Elle a sur
celle-ci un véritable droit d'exclusivité. Ce droit se trouve
garanti par le système du blocage organisé par l'article 54 du
code CIMA « l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers
lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers
n'a pas été désintéressé, jusqu'à
concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait
dommageable ayant entraîné la responsabilité de
l'assuré ». Par conséquent, tant que la victime n'a pas
été indemnisée, l'indemnité d'assurance est
bloquée, immobilisée, entre les mains de l'assureur qui ne peut
s'en dessaisir qu'au profit du tiers lésé.
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