Chapitre III - Le règlement de
l'indemnité
Le règlement peut être amiable ou judiciaire. S'il
est judiciaire, le tiers lésé devra veiller à respecter le
délai de prescription.
Section 1- Le règlement amiable
Les avantages d'un règlement amiable de l'indemnisation
sont si évidents qu'il est à peine besoin de les rappeler. En
évitant le procès, les intéressés
s'épargnent en effet, non seulement des frais importants, mais le plus
souvent des préoccupations et des inquiétudes liées au
caractère pénalisant et incertain des règles de la
responsabilité civile ainsi qu'aux aléas de l'évaluation
judiciaire des dommages et intérêts. En outre, il est
avéré que la durée moyenne d'une action en justice est
nettement supérieure à celle d'une négociation permettant
d'aboutir à une transaction : souci de sécurité,
impératif d'économie, goût de la tranquillité
semblent donc se rejoindre pour inciter les parties à rechercher un
terrain d'entente afin de parvenir à un règlement amiable.
Pourtant, il serait excessif de prétendre que la
transaction ne présente aucun danger et qu'elle ne suscite aucune
réticence chez ceux dont les intérêts sont engagés
dans le litige sur la responsabilité.
Du côté de la victime d'abord, le risque provient
du fait qu'elle aborde souvent la négociation en position de faiblesse.
Face à un assureur qui connaît généralement les
règles de droit applicables et qui disposent d'une documentation
importante, elle se sent en effet isolée et mal armée, au moins
si elle n'est pas elle-même assistée d'un conseil.
De plus, lorsque le dommage est important, le besoin qu'elle a
le plus souvent de l'indemnité la rend d'autant moins combative qu'elle
constate que l'assureur a, quant à lui, tout son temps. En outre, le
danger le plus grave que court la victime, même si elle n'en est pas
toujours consciente c'est d'accepter une indemnisation qui lui parait correcte
sur le moment, mais qui se révélera par la suite insuffisante en
comparaison du dommage réel. En effet, le principe de la transaction est
de fermer la voie à l'action judiciaire, ce qui empêche de
rectifier une évaluation erronée et cet effet
peut être encore renforcé par la clause dite « de forfait
» qui comporte renonciation implicite à toute demande
ultérieure de réparation, non seulement pour le dommage
déjà apparu au moment de la signature, mais aussi pour toutes les
aggravations et manifestations nouvelles du fait dommageable initial. On mesure
ici les risques auxquels une transaction rédigée dans des termes
insuffisamment pesés expose les victimes de préjudices.
D'ailleurs du côté des débiteurs
d'indemnités, la question est également complexe. Sans doute,
pour l'auteur du dommage lui-même, la transaction présente
l'inestimable avantage d'éviter l'affirmation officielle par un tribunal
de sa responsabilité. Mais il est essentiel de souligner ici que la
généralisation de l'assurance de responsabilité a eu pour
conséquence celle des clauses dites « de transaction » qui
figurent dans tous les contrats d'assurance de responsabilité et dont
l'objet consiste à empêcher l'assuré de transiger avec la
victime hors de la présence de l'assureur, soit de transférer
à l'assureur lui-même le droit de transiger au nom du responsable.
Cette pratique contractuelle a donc permis aux assureurs de supplanter leurs
assurés et de devenir les interlocuteurs des victimes au cours des
pourparlers engagés en vue des règlements amiables. Or l'attitude
des compagnies d'assurance vis-à-vis de la transaction n'a pas toujours
été favorable, quelques-unes ayant même pratiqué et
prôné, à une certaine époque une réticence
systématique aux prétentions des victimes qui les conduisait
à se laisser assigner et à épuiser toutes les voies de
droit avant de se résigner au paiement. Toutefois cette politique,
probablement rentable à court terme, mais désastreuse pour
l'image de marque de l'assurance a été heureusement
abandonnée par l'immense majorité des assureurs. Bien plus,
l'attitude de ceux-ci à l'égard des arrangements amiables s'est
même radicalement transformée à partir des années
1960, au moins en ce qui concerne le règlement des dommages
matériels légers ou moyens résultant des accidents de la
circulation.
Il parait désormais de plus en plus évident que
l'entente directe entre les parties est préférable aux
procédures judiciaires aussi bien pour les parties elles-mêmes,
auxquelles elles peuvent éviter beaucoup de soucis et de frustrations
(à condition bien entendu que les intérêts des victimes
soient efficacement protégés), que pour l'intérêt
général qui a tout à gagner à l'allégement
du contentieux de la responsabilité civile. D'ailleurs ce besoin de
favoriser les règlements non contentieux est ressenti non seulement en
France, mais aussi dans beaucoup d'autres pays et il a suscité,
notamment en Europe, des initiatives diverses en faveur de la mise en place des
procédés, tels que la médiation, l'arbitrage et les
accords amiables sur l'indemnisation, en particulier, la transaction.
L'article 54 du code des assurances, applicable à
toutes les assurances de responsabilité, prévoit que «
l'assureur ne peut payer à une autre que le tiers lésé
tout ou partie de la somme due par lui tant que ce tiers n'a pas
été désintéressé, jusqu'à concurrence
de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable
ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ».
A ce titre le règlement effectué par l'assureur entre les mains
de son assuré n'est pas libératoire, sauf si l'assuré
justifie avoir déjà indemnisé la victime.
Néanmoins, il appartient à l'assureur qui règle son
assuré de toujours vérifier si la victime a été
indemnisée, sans quoi il reste exposé au recours de celle-ci.
Aussi il a été jugé que la résistance
injustifiée de l'assureur à accorder à son assuré
transporteur ou à la victime du dommage la garantie résultant de
la police, peut lui valoir une condamnation à des dommages -
intérêts. En effet l'assureur est tenu d'une obligation de
loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation.
L'article 225, alinéa 2, précise que « les
dépositions du présent code s'appliquent, soit lors de la
transaction soit lors de la procédure judiciaire », il ne fait donc
que consacrer les règles préexistantes.
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