La boad et la réduction de la pauvreté au bénin( Télécharger le fichier original )par Babatoundé Adéléké Eustache ALOGOU Ecole Nationale d'Administration du TOGO - Inspecteur Central du Trésor 2009 |
Paragraphe 1 : La corrélation entre croissance et réduction de la pauvretéBien que la croissance économique soit essentielle pour extirper les gens de la pauvreté, elle n'y suffit pas à elle seule. Le renforcement des institutions pour habiliter les citoyens qu'elles desservent est la base de la croissance inclusive, mesurée par l'égalité d'accès et de contribution aux avantages de la croissance économique. 1. Croissance et développement Certaines théories énoncent que la croissance implique de manière induite le développement. En réalité, une intervention économique gouvernementale efficace peut favoriser une distribution plus équitable de la richesse entre riches et pauvres. Différents mécanismes permettent effectivement à l'État de jouer le rôle d'un «Robin des bois« des temps modernes. La gratuité de certains services (santé, éducation...), l'impôt progressif ou la sécurité du revenu garantissent un certain rapprochement entre les classes sociales. Il faut cependant noter que l'intervention gouvernementale dans les pays en voie de développement est très difficile, voire impossible dans bien des cas. Les institutions gouvernementales souvent archaïques de ces pays rendent difficiles la perception des impôts de manière rationnelle. C'est d'ailleurs une autre raison qui motive l'existence d'une si grande disparité au niveau des revenus de ces habitants qui fait de cet « argent dopant » un gonfleur des chiffres sans faire bouger le niveau de vie et ne créant en fait qu'une «croissance idéalisée ». La vraie croissance économique est définie, elle, comme une augmentation soutenue pendant une période prolongée de la quantité de biens et de services matériels produits par une économie. Pendant la période où il est possible de faire des observations quantitatives, une amélioration qualitative des biens et services produits doit être associée à l'augmentation du bien-être matériel moyen. L'économiste Simon KUZNETS l'a définie comme : « la capacité d'offrir à la population une augmentation de quantité des biens et services par habitant »9(*). Elle ignore aussi l'amélioration des conditions de travail, l'augmentation du temps de loisir, les services de santé, sans oublier la prise en compte des infrastructures de base. Cette insuffisance méthodologique dans les modes de calcul n'a fait qu'augmenter la confusion. S'ajoute à cela l'utilisation des gains dégagés à des dépenses qui ne sont ni redistributives, ni d'investissement (train de vie excessif de l'Etat, coût exorbitant de l'entretien des infrastructures, etc....). Certes, on ne peut nier que croissance et développement sont deux notions indissociablement liées. Mais on oublie presque toujours la finalité des deux notions. Il est certain que le développement économique d'un pays ne peut se faire sans des mécanismes de croissance, mais pour qu'il y ait ce « linkage », il faut qu'il y ait croissance prolongée. Une expansion courte et forte est un premier pas. La durée d'un programme ou d'un plan de quatre ou cinq ans peut laisser apparaître une prospérité somme toute relative qui, si elle est mal répartie, ne peut résorber le sous-développement et peut même entraîner des déséquilibres. Une croissance valorisante doit s'accompagner d'une diversification des activités économiques et suppose donc la création d'infrastructures (routes, barrages, ponts, grands projets agricoles) pour viabiliser les investissements directement productifs (les usines, les exploitations agricoles, les centres commerciaux, etc.). Ce qui suppose de longs délais de croissance soutenue. Si la croissance se poursuit au rythme de 7 à 8% par an pendant quinze ans dans un pays doté d'un espace économique de grande ou moyenne dimension, elle s'accompagne alors nécessairement d'effets de développement économique. Or la plupart des pays sous-développés ont une croissance appauvrissante. Cette dernière n'a rien à voir avec les visions malthusiennes avec des limites démographiques, ni d'ailleurs celles dites écologiques, de mise aujourd'hui. Les méthodes occultes, utilisées pour doper les chiffres cachent souvent le poids des sacrifices liés à toute croissance imparfaite : l'endettement, l'inflation, le chômage, la sur-urbanisation, les inégalités sociales. 2. Croissance et réduction de la pauvreté La question de la réduction de la pauvreté par la croissance économique a fait l'objet de plusieurs controverses. Pour certains auteurs la croissance économique, socle de tout développement, permet de réduire considérablement la pauvreté. Pour d'autres, cette réduction de la pauvreté qui passe par la croissance économique n'est pas chose évidente. La plupart des auteurs qui soutiennent la thèse selon laquelle la croissance économique permet de lutter contre la pauvreté, se fondent sur le fait que toute croissance économique génère des revenus qui profitent plus aux démunis. Pour ces auteurs les revenus générés se traduisent simplement par une hausse du PIB réel par habitant. SUBBARAO1(*)0 affirme que la croissance économique surtout celle agricole est un facteur déterminant dans la lutte contre la pauvreté. il cite en exemple des pays comme le Taiwan, la Malaisie, la Thaïlande, la Chine, qui ont connu des succès considérables en matière de lutte contre la pauvreté. Ces succès spectaculaires s'expliquent par des réformes agraires mises en place dans ces pays et les programmes développés par ces mêmes pays en vue de porter assistance aux petits paysans. Mais SUBBARAO, dans son développement, n'a pas su donner des informations sur comment cette croissance devrait être promue puisqu'une croissance économique génère des ressources pour un développement harmonieux et permet de financer les dépenses susceptibles d'améliorer les niveaux de vie des populations à la base. Selon TOVO, « les stratégies qui réussissent le mieux en matière de lutte contre la pauvreté, ont en général deux objectifs parallèles : en premier lieu, il faut stimuler la croissance économique afin d'augmenter la taille du gâteau à partager... »1(*)1 Pour cet auteur, deux secteurs sont des sources potentielles de croissance. Il s'agit de l'agriculture et du secteur tertiaire. Toutefois, il faut remarquer que la croissance économique n'est pas une condition suffisante du développement donc de la lutte contre la pauvreté, si celle-ci va de pair avec un accroissement des inégalités, une détérioration des conditions de vie pour les plus pauvres, la misère et la répression politique et sociale. La bonne gouvernance est donc un préalable à la réduction de la pauvreté. La plupart des bailleurs de fonds, quant à eux, mettent l'accent sur la nécessité de : ? promouvoir une croissance économique durable favorisant un accroissement de la demande de main-d'oeuvre fournie par les pauvres et d'un accès plus large de ceux-ci aux ressources productives ; ? faire participer les pauvres au processus de développement. D'ailleurs, la majorité des projets qui définissent des objectifs de croissance, d'emploi ou d'augmentation des revenus, sont formulés en misant clairement sur des personnes ayant déjà un minimum de capacités humaines, matérielles et/ou financières au départ. La réduction de la pauvreté extrême échappe donc aux projets et programmes à caractère économique sauf les projets d'infrastructures. Pour les auteurs qui défendent la thèse contraire, ils avancent l'idée selon laquelle l'augmentation de la population absorbe toute augmentation de la production, et que le revenu par tête est condamné à stagner. Pour ces auteurs, la poussée démographique n'est pas un facteur de progrès donc de réduction de la pauvreté. Soulignons que cette idée avait déjà été formulée au XIXème siècle par John STUART MILL : « La croissance de la population talonne les améliorations agricoles et efface ses effets aussitôt qu'ils sont produits »1(*)2. On avançait même que la thèse de Malthus qui s'était révélée fausse pour les pays riches, allait se vérifier au niveau planétaire. Il fallait donc selon une formule frappante « accroître la fertilité des sols et diminuer la fertilité des Hommes ». Pour avoir une idée plus juste du bien-être économique des habitants d'un pays, il faut d'abord considérer le nombre d'individus qui profiteront de la richesse nationale (PIB). Par exemple, lors d'une célébration d'anniversaire, ce n'est pas la grosseur du gâteau de fête qui détermine si les convives présents combleront bien leur appétit, mais plutôt la portion qui se retrouvera dans chacune de leurs assiettes une fois le gâteau distribué. La logique est la même lorsque vient le temps d'établir le niveau de vie économique des habitants d'un pays. Pour ces auteurs, l'accroissement de la population entraîne la nécessité d'investissements en infrastructures du type logement, éducation, santé, moins productifs que les investissements agricoles ou industriels alors que l'épargne a tendance à baisser. Cependant, il faut remarquer que, bien que les investissements agricoles ou industriels soient générateurs de revenus contribuant à la réduction de la pauvreté, il faut dans un premier temps que les fruits de ces investissements soient accompagnés d'une redistribution parfaite des revenus. Deuxièmement, un développement industriel s'accompagne toujours d'effets néfastes liés souvent à la santé et nécessite également la formation des agents qui travaillent dans ce secteur. Un investissement industriel ou agricole doit alors s'accompagner d'un investissement en éducation et en santé bien que ces derniers ne soient pas directement productifs. * 9 - In Economic Growth and Income Inequality, The American Economic Review, vol. 45, n° 1, p. 1-28, 1955. * 10 - In Lessons on 30 years of fighting poverty. Approches économiques de lutte contre la pauvreté. Actes de conférence, Québec, Canada. * 11 - In Réduire la pauvreté au Bénin, Ed. ceda, Cotonou, 1995. * 12 - MILLS, J.S. De la liberté, (titre en anglais: On Liberty), 1859. Première traduction française par Charles Brook Dupont-White, Paris : Guillaumin, 1860. |
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