Paragraphe 2 : Etude de quelques projets
réalisés : résultats d'enquêtes
Les financements de la BOAD influent différemment sur la
pauvreté selon le domaine et la forme d'activité. En plus de
l'impact de ses nombreuses actions sur la croissance économique et la
diminution de la sévérité de la pauvreté,
d'importantes interventions sont dirigées directement vers les couches
les plus vulnérables. Ces interventions concernent, pour l'essentiel,
les projets agricoles et hydro-pastoraux pour la création des centres de
production et l'amélioration du niveau de vie des populations rurales.
Des projets ont aussi trait à des domaines aussi variés que la
lutte contre la désertification et I' érosion des sols. Il
s'agira pour nous dans ce paragraphe d'évaluer les actions dans les
domaines tels que :
? les infrastructures (modernes et de base) ;
? le développement rural ;
? les institutions financières et les entreprises de
production ;
? les autres activités productives.
A l'interne, la BOAD a mis en place un système
d'évaluation rétrospective de ses opérations. A chaque
projet est associé également un rapport d'achèvement. Ces
rapports expliquent le curriculum d'exécution du projet de même
que les retombées ou résultats atteints.
Notre analyse s'appuie sur un questionnaire adressé aux
populations bénéficiaires de ces projets ; leur avis compte
en ce sens qu'ils sont les seuls à même de dire si oui ou non leur
situation a changé (évolué), et dans quel sens. Les
appréciations qu'ils ont eues par rapport à tel ou tel projet
selon son champ d'action serviront dans la suite pour mesurer les impacts
socio-économiques des financements de la BOAD sur la réduction de
la pauvreté.
Au 31 Décembre 2007, les projets entièrement
exécutés ou en passe de l'être sont au nombre de soixante
(60) pour un concours global d'un montant de 94 milliards FCFA. On y retrouve
dix-huit (18) pour le secteur privé c'est d'ailleurs selon cette
subdivision que nous ferons le point de ces financements.
1. les opérations avec le secteur public
Elles peuvent être effectuées avec le secteur public
marchand ou non marchand. Le secteur public non marchand est celui dont les
activités concourent au bien-être de populations sans souci de
profit par opposition aux entreprises publiques ou semi-publiques qui se
comportent comme de véritables sociétés commerciales.
Les projets que nous présenterons ci-après nous
permettront d'être édifiés sur l'apport de la BOAD pour le
bien-être des populations.
? La route Savalou-Djougou
Savalou et Djougou sont deux villes du centre-ouest du
Bénin ou la culture des noix d'anacarde et de l'igname est
prépondérante. Cependant, la région n'arrivant, et ne
pouvant, pas absorber la totalité de la production locale, il
s'avère nécessaire de trouver des débouchés. Le
tronçon reliant Savalou aux autres grandes villes (Dassa, Parakou,
Cotonou) est bitumé. Celle qui va de Djougou à Savalou est
praticable quatre mois sur douze. L'objectif du projet qui coïncide avec
le voeu des populations est de permettre (i) une bonne circulation des biens et
des personnes dans un but (ii) d'accroissement significatif des revenus des
populations des régions desservies à travers (iii) la ventilation
des récoltes.
L'évaluation de ce projet et la constatation de la
réalisation ou non de ces objectifs s'appuient sur les enquêtes
directes auprès des populations. En effet, ce projet permettra aux
populations couvertes, en augmentant leurs revenus, d'atteindre l'objectif
monétaire de réduction de la pauvreté tout en leur
permettant d'accéder plus facilement aux services sociaux de base.
Au terme du questionnaire d'enquête que nous avons
effectué, les changements significatifs observés renvoient aux
résultats suivants :
? outre l'objectif n° 2 de la SRCP à savoir le
développement des infrastructures, il répond au
développement équilibré et durable des régions et
localités (axe 5) ;
? les populations estiment dans leur immense majorité
que la construction de cette route a réduit sensiblement leurs
difficultés. En outre, elle leur a permis de (i) s'approvisionner
facilement en produits alimentaires et non alimentaires ;(ii) de se rendre
facilement dans les centres de santé en cas de besoin, les soucis
liés aux conditions difficiles de circulation étant
réglés ;(iii) d'écouler plus rapidement leurs
produits ; (iv) de réduire les coûts des facteurs.
? La route Cotonou - Porto-Novo
Réalisée en 2000 pour un coût global de 11
milliards dont la moitié financée par la BOAD, ce projet a
été conçu dans un but de simplification des
difficultés inhérentes à la circulation sur cette route.
Cotonou, capitale économique, et Porto-Novo, capitale politique et ville
frontalière du Nigéria ne sont distantes que d'une trentaine de
kilomètres qu'il fallait parcourir en quatre vingt dix minutes. La route
construite depuis plus de trente ans est dégradée et ralentit,
sinon réduit considérablement les possibilités
d'échanges avec ce grand voisin. Il importe d'autant que les
résidents du Sud-est n'ont accès que partiellement aux produits
manufacturés venant par la mer.
La réalisation du projet permettra à
terme :
? la fluidité, la sécurité et la
célérité du trafic routier entre les deux villes ;
? le transport facile et l'approvisionnement régulier
en produits de première nécessité ;
? la libre circulation, en l'occurrence, des populations de
Porto-Novo, majoritairement musulmane, dotées d'aptitudes commerciales,
de se trouver une place favorable à des activités commerciales
florissantes ;
? beaucoup d'institutions de la République se trouvant
à Porto-Novo, notamment l'Assemblée Nationale, il faut offrir aux
députés des conditions favorables à un bon exercice de
leur mandat ;
? la saturation démographique de la ville de Cotonou
n'offre pas aux travailleurs la possibilité une fois installés
à Porto-Novo de changer de résidence lorsqu'ils doivent
être affectés à Cotonou dans le cadre des activités
professionnelles.
Au terme de l'enquête, on peut récapituler
ci-après les résultats :
? les usagers du tronçon sont satisfaits dans leur
majorité de la route construite ;
? pour un grand nombre, cela a permis la réduction des
frais de transport et la rapidité ;
? les taxis, minibus et bus ont connu un essor ;
? les commerçants se sont estimés heureux car
ils arrivent à aller mener tranquillement et librement leurs
activités qui, à Cotonou, qui, à Porto-Novo.
Outre ces aspects subjectifs, l'exécution des projets
routiers crée des emplois. L'intensité de la main d'oeuvre
engrangée permet à ces individus une fois le projet achevé
de se reconvertir à partir des revenus obtenus dans d'autres
activités (le taxi-moto, la gestion des cabines
téléphoniques), ce qui n'aurait pas été possible
s'ils n'avaient pas eu l'occasion d'être employés sur les
chantiers.
? le projet d'aménagement de
l'accès et de la traversée de Cotonou
Ce projet fiancé à concurrence de 40,7%, soit 1,9
milliards FCFA a eu pour impact direct :
? la réduction des temps de mouvement entre les
diverses zones desservies ;
? le développement des quartiers ;
? la réduction du coût de maintenance des
véhicules ;
? l'amélioration des conditions de santé et
d'hygiène grâce aux ouvrages d'assainissement.
Certains quartiers de la ville donnaient en effet l'impression
d'appartenir à un autre monde. La disparité d'urbanisation entre
le centre-ville et la périphérie était perceptible. La
mobilité humaine étant par hypothèse vecteur de
développement, la fréquentation des centres de santé, des
écoles a été facilitée. Ce projet s'inscrit dans le
cadre général du plan de construction de routes et
d'infrastructures sanitaires, axe 2 de la SCRP.
? Projet hydraulique pastorale et
agricole
Il a concerné la partie septentrionale du Bénin.
Pour un montant total de 4,800 milliards, il a été financé
pour 84 % par la BOAD. Le projet ciblait une aire géographique de
220 ha dans le département de l'Alibori. Au terme de sa mise en oeuvre
achevée en 2007, les constats suivants ont été
faits :
? la sécurité alimentaire a été
améliorée à concurrence de 75% contre 31 avant son
exécution ;
? l'aménagement des périmètres
irrigués a permis la disponibilité de l'eau pour la culture des
céréales ;
? certaines populations ont d'ailleurs avoué que
désormais cette sécurité alimentaire leur permet de se
rendre sans complexe à l'hôpital en cas de malaise sans crainte de
se faire « réprimander » pour ne pas avoir
mangé ;
? ils ont eu les moyens de se construire des logements
décents avec les fruits issus de la vente de leurs récoltes ou de
leurs animaux désormais sauvés de la déshydratation
dû à la sécheresse grâce à la
disponibilité permanente de l'eau ;
? la production de riz a connu un boom passant de 4,5
tonnes /ha à 7 tonnes/ ha dans les grands périmètres
rizicoles ;
? la pêche a également connu un essor grâce
aux nombreux points d'eau crées.
? Développement rural Atacora, phase 2
Il s'agit ici de :
? renforcer les capacités et la sécurité
alimentaire ;
? intégrer les migrants dans leurs
communautés ;
? améliorer la productivité d'origine ;
? augmenter le rendement agricole en réhabilitant les
petits périmètres irrigués, en favorisant une meilleure
gestion de l'eau et à la traction animale.
Dans l'Atacora, Nord-ouest du Bénin, le projet a
été lancé en 2004 et est à sa phase terminale. Sur
le plan de l'impact socio-économique,
? plus de 370 ha sur les 450 ha envisagés ont
été développés ;
? 64% des terres développées ont
été allouées par le projet et exploitées ;
? les techniques d'irrigation des champs rizicoles selon les
recommandations du WARDA ont été mises en oeuvre ;
? des organisations paysannes ont vu le jour et fonctionnent
comme de véritables mutuelles associatives ;
? le rendement des sols a été significativement
amélioré ;
? si le projet n'a pas permis le retour des exilés, il
a tout de même permis le maintien surplace des populations qui se sont
rendues compte que le bonheur n'est pas ailleurs ;
? il a changé les conditions de vie de 474 familles
soit 3792 personnes.
? Extension du réseau électrique dans les
régions périphériques de Parakou et Tchaourou
Logé dans le département du Borgou au
Nord-Bénin, il a concerné les communes voisines de Parakou et
Tchaourou et a consisté à étendre le réseau moyenne
et basse tensions afin d'électrifier les centres secondaires des
communes sus indiquées. Il s'est agi de construire les lignes du
réseau pour un transport efficace et efficient du courant
électrique. Ceci devra permettre d'améliorer les conditions de
30 000 individus en 2008, 42 000 en 2010 et 54 700 en 2014. Le
coût total de ce projet est de 1,159 milliards FCFA dont la Banque a
financé 80%, soit 992 millions FCFA.
Au terme de l'enquête réalisée, les
populations se sentent satisfaites car plus proches désormais des
habitants des autres villes environnantes. Le sentiment d'appartenance à
une même communauté et à un même groupe social
renforce les liens familiaux, sociaux et leur permet de mener des
activités ensemble.
2. les opérations avec le secteur privé
En faveur de ce secteur, la BOAD a considérablement
renforcé ses interventions ces dernières années. Cette
ligne d'actions consiste, tel que clairement affirmé par les Etats
membres de l'UEMOA, à diversifier les activités de production et
faire du secteur privé une nouvelle source de création d'emplois.
Par rapport au secteur privé, les interventions de la BOAD peuvent
prendre l'une des formes ci-après :
? allocation des ressources à moyen et long termes pour
le financement de projets nationaux et/ou régionaux ;
? concours indirects et assistance aux PME à travers
l'assistance aux institutions financières nationales et aux agences de
promotion des PME ;
? participation au capital des entreprises financières
et non financières ;
? réalisation d'études de faisabilité ou
conduites d'études.
Si la BOAD soutient le secteur privé, c'est parce qu'il
est générateur d'emplois, particulièrement dans les
régions urbaines. Faute de qualification, la majorité des jeunes
qui arrivent sur le marché de l'emploi envahissent ce secteur qui
constitue pour eux le chemin du salut. La Banque oriente son action sur les
facteurs à même d'impulser le développement des PME en
promouvant un secteur privé compétitif et un environnement
juridique favorable et stable.
Nous analyserons brièvement quelques actions en faveur de
la promotion et du financement de l'investissement productif.
? Implantation de l'usine d'égrenage de coton
«LE LABEL COTON BENIN SA«
C'est une société à capitaux privés
spécialisée dans l'égrenage du coton et la production des
produits dérivés. Sur les 6 milliards du projet, la BOAD a
apporté 2,5 milliards, soit 41% du coût global. La
société installée à Cana à 120 km de Cotonou
a développé une main d'oeuvre permanente de 20 employés et
346 ouvriers et manoeuvres en période de campagne agricole, sans oublier
l'abondante main d'oeuvre mise en oeuvre lors de l'implantation de l'usine.
? Prise de participation au capital social de la
BOA-BENIN
Contre un montant de 11 millions FCFA, la BOAD est devenu
actionnaire de la BOA-BENIN à hauteur de 10,6% en 1995. Outre les
dividendes espérés, cet apport permet à la BOAD d'avoir
une vue sur les activités de cette banque et lui donne par l'occasion
les moyens de mettre en oeuvre indirectement sa politique de distribution de
crédit et de promotion de l'activité économique.
? Prise de participation au Fonds GARI
C'est une institution créée en 1994 ayant pour
objectif d'aider les entreprises en offrant aux établissements d'octroi
de crédits les garanties dont elles pourraient avoir besoin pour
l'octroi aux entreprises des financements à moyen et long termes
nécessaires à la réalisation des investissements
productifs. Pour un montant de 1,496 milliards FCFA, la Banque a une part de
11,6% au fonds en concours avec l'Agence Française de
Développement (AFD). A travers ce Fonds, les entreprises ont facilement
accès au financement bancaire de leurs besoins en crédit.
? La Banque régionale de Solidarité
(BRS)
Le Holding du Groupe BRS est une Société Anonyme
avec Conseil d'Administration, créée le 10 mai 2004 à
Lomé avec comme fondateurs quatre vingt sept (87) actionnaires,
personnes physiques et morales.
Le noyau dur de l'actionnariat du Holding est composé
d'actionnaires stratégiques et de référence dont le poids
financier, la renommée, la crédibilité ou le secteur
d'activité sont susceptibles de faciliter la réalisation de la
mission et des objectifs confiés au Groupe. Il s'agit :
? des institutions de l'UEMOA à savoir : les Fonds
d'Action Communautaire de l'UMOA (FAC-UMOA), la Banque Ouest Africaine de
Développement (BOAD), l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) ;
? des organismes ou établissements financiers nationaux
impliqués dans la collecte de la petite épargne, la gestion de
fonds affectés et la distribution de microcrédits ;
? des compagnies d'assurances, fonds de pension et de
garantie ;
Le holding du groupe de la Banque régionale de
solidarité (BRS), surnommée "la banque des pauvres" de l'Union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a pour objet de
promouvoir l'emploi indépendant en faveur des populations
traditionnellement exclues du système bancaire. Sa population-cible est
principalement :
? les diplômés sans emplois de l'enseignement
supérieur, général, technique ou professionnel, des
écoles des arts et métiers ;
? les apprentis ayant achevé leur formation
auprès d'un maître-artisan dûment inscrit sur le registre
des artisans de son pays et reconnu par ses pairs ;
? les coopératives non financières d'ouvriers,
d'agriculteurs ou d'artisans ;
? les opérateurs de micro-activités de
production aspirant au développement ou à la modernisation de
leur activité ;
? les Systèmes Financiers Décentralisés,
pour leurs besoins de refinancement ou des lignes de crédit.
? Cette clientèle s'est estimée globalement
satisfaite. En effet, les banques classiques octroient difficilement des
crédits à des personnes ne présentant pas des garanties de
remboursement traduites par des sûretés réelles. La BRS, de
son côté, se penche plutôt du côté de ceux-ci
car, sans une activité génératrice de revenus, ces
garanties sont difficilement constituables.
Ces diverses appréciations rendent compte des
« bienfaits » des actions de la BOAD sur la
réduction de la pauvreté. Certes, la liste n'est pas
exhaustive ; car les réalisations sont nombreuses. En revanche, ce
tableau rose ne doit pas nous faire perdre de vue les écueils
inhérents à toutes oeuvres humaines, ratés dont il sera
question dans le chapitre suivant qui proposera également des pistes
pour une meilleure efficacité de la BOAD en matière de
réduction de la pauvreté.
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