1.2.1.3. Critères d'identification des pauvres
D'après le lexique d'économie
« Dalloz, 7 édition 2002, p.499 » la notion de
pauvreté est liée à la non satisfaction des
« besoins ». Il est facile, en théorie, de dire que
la pauvreté rurale est un fléau qu'il faut éliminer. Il
n'est pas si simple d'identifier les pauvres ni d'évaluer le nombre
véritable de pauvres qui existe. Ainsi, pour identifier les pauvres,
trois approches sont généralement proposés : la
méthode directe, la méthode basée sur le revenu et une
combinaison de ces deux.
La méthode directe consiste à
identifier tous ceux-là dont la consommation effective laisse
insatisfaite quelques nécessités basiques. Ainsi, par exemple,
les niveaux actuels de satisfaction en matière de calories sont tels que
48% des personnes n'atteignent pas le niveau minimal de la quantité
nécessaire.
La méthode des revenus :
l'utilisation du revenu monétaire à des fins
d'identifier et de mesurer la pauvreté date de très longtemps.
C'est aussi la méthode la plus couramment utilisée, tant et si
bien qu'elle est devenue le cheval de bataille de ceux qui favorisent une
approche économique et quantitative du problème. Elle consiste
à calculer un revenu minimum nécessaire pour satisfaire les
besoins primaires. Ce revenu une fois déterminé constituera le
seuil de pauvreté. Seront alors considérés comme pauvres
tous ceux-la dont le revenu est inférieur à ce niveau. En
dépit des sous-estimations attachées à l'application de
cette méthode, elle présente néanmoins l'avantage
d'indiquer le nombre minimum de personnes qui n'ont pas la capacité de
subvenir adéquatement à leurs besoins à partir du revenu
disponible.
1.2.1.4. Seuils de pauvreté
Le seuil de pauvreté est l'instrument de mesure
utilisé pour évaluer le bien-être et déterminer qui
est pauvre et qui ne l'est pas. Les individus sont considérés
comme pauvres lorsque leur niveau de vie tel qu'il a été
mesuré (généralement en fonction du revenu ou de la
consommation) est inférieur à un plancher acceptable. Le seuil de
pauvreté est essentiellement défini comme la valeur du revenu ou
de la consommation nécessaire pour assurer le niveau minimum
d'alimentation et d'autres besoins. Ainsi, on distingue trois seuils de
pauvreté : la pauvreté absolue, la pauvreté relative
et une combinaison des deux.
La pauvreté absolue est un seuil de
pauvreté fixé à partir d'un panier de biens de
consommation nécessaires à la stricte reproduction des individus
(ou des ménages). Elle définit un modèle de subsistance
minimale en termes de nutrition, logement, santé, habillement et autres
nécessités considérées comme basiques. Le revenu
considéré comme nécessaire pour soutenir ce mode de vie
minimal constitue le seuil de pauvreté absolue. A titre de guide, les
pondérations des différents postes de consommation (IHSI) du pays
par milieu donnent :
- pour l'Aire Métropolitaine : Alimentation,
Boissons et Tabacs (32.8%), Habillement et Chaussures (5.8%), Logement (18.4%),
Education (3.7%), Santé (3.2%), Transport (15.1%), Loisirs et Culture
(1.3%).
- en milieu rural : Alimentation, Boissons et Tabacs
(55.6%), Habillement et Chaussures (7.5%), Logement (14.2%), Education (2.7%),
Santé (3.2%), Transport (2.4%), Loisirs et Culture (0.7%).
- en milieu urbain : Alimentation, Boissons et Tabacs
(41.2%), Habillement et Chaussures (8.8%), Logement (17.6%), Education (3.7%),
Santé (3.6%), Transport (3.4%), Loisirs et Culture (1.1%).
Pour l'ensemble du pays, en 2004, les pondérations des
différents postes de consommation donnent :
- Alimentation, boissons et tabacs (49.42%) ; Habillement
et tissus, chaussures (8.48%) ; Loyer du logement, énergie et eau
(9.08%) ; Aménagement et entretien du logement (4.96%) ;
Santé (3.21%) ; Transport (8.72%) ; Loisirs, spectacles,
enseignement et culture (7.19%) ; Autres biens et services (8.94%).
En utilisant l'approche de la pauvreté absolue, le PNUD
a pu déterminer en 2003 pour Haïti un pourcentage de 76% des
personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans le pays avec
respectivement 82% en milieu rural et 55% en milieu urbain. En l'absence de
possibilité matérielle de réévaluer ces
statistiques aujourd'hui, ces données sont retenues comme de simples
ordres de grandeur pour dimensionner l'envergure de toute solution à
apporter aux problèmes de pauvreté.
Par ailleurs, selon les approches de la CEPAL, les indigents
sont ceux-là dont le revenu ne permet pas de subvenir aux simples
besoins nutritionnels. La détermination de ces types de besoin se fait
à partir d'enquête réalisée auprès d'un
échantillon de familles non pauvres en vue d'obtenir les aliments
achetés avec la plus grande fréquence. Ensuite on élabore
une liste des prix minimums pratiqués pour ces différents
biens.
En fonction de l'actuel panier de produits retenus par l'IHSI
et la BRH pour le calcul du coût de la vie, on peut sélectionner
leur coût moyen en gourde par unité, en décembre
2004 : riz (livre : 18.03 gourdes), maïs moulu (livre :
11.99 gourdes), farine de blé (livre : 17.44 gourdes), pain
(livre : 13.08 gourdes), viande de boeuf (livre : 44.84 gourdes),
viande de cabri (livre : 59.10 gourdes), poulets (livre : 61.07
gourdes), poissons frais (livre : 67.33 gourdes), lait
évaporé non sucré (boîte de 6 oz : 19.19
gourdes), huile (gallon : 190.10 gourdes), banane (livre : 6.64
gourdes), pois sec (livre : 19.27 gourdes), sucre (livre : 15.77
gourdes), cola (bouteille de 33 cl : 12.65 gourdes), savon de toilette
(140 gr : 20.01 gourdes), savon de lessive (barre : 10.95 gourdes),
charbon de bois (« gros sac » : 250.24 gourdes).
Face à la difficulté de chiffrer la
quantité exacte requise pour ces produits selon les normes
diététiques, une autre démarche a consisté à
appliquer la proportion nationale des dépenses de consommation (84.3%)
au revenu par tête pour ensuite déterminer la proportion des
Haïtiens dont les revenus sont situés en dessous de cette valeur.
En termes de revenus annuels par personne, le seuil d'indigence a
été estimé à 2681 gourdes et le seuil de
pauvreté à 5362 gourdes en 2004. Malgré les faiblesses
d'une telle donnée, elle permet aux décideurs de disposer au
moins d'un ordre de grandeur basé sur les statistiques officielles face
à tout aspect d'un programme de lutte contre la pauvreté
focalisée sur les besoins essentiels de la population cible.
La pauvreté relative tient compte de
la distribution effective des niveaux de vie (découlant des revenus
déclarés). Elle considère de manière explicite
l'interdépendance existant entre le seuil de pauvreté et la
distribution de revenu. L'application la plus simple et la plus connue de cette
approche consiste à retenir comme seuil de pauvreté le niveau de
revenu qui sépare les 20 ou 40% les plus pauvres du reste de la
population. La faiblesse de ce critère est de faire apparaître un
pourcentage constant et permanent de pauvres.
En utilisant les données de la distribution de revenus
non agricoles de l'Enquête Budget-Consommation des Ménages
(1999-2000 : EBCM/IHSI) il est permis de voir que les 20% et 40% des
ménages les plus pauvres totalisent des revenus qui représentent
respectivement 0.3% et 3% de l'ensemble du pays. Il est à noter qu'en
1999-2000, le revenu per capita en gourdes courantes fut d'une valeur de
8536,6.
Si l'on applique ce seuil à chacun des milieux de
résidence, il apparaît que près de 40% des ménages
du milieu rural sont pauvres contre respectivement 3.0% et 18.1% dans la
capitale et dans les autres villes de province.
En fait, le milieu rural est doublement
défavorisé : outre la forte incidence de la pauvreté
relative observée, l'immense majorité des ménages pauvres
résident en milieu rural (89.6%) contre respectivement 1.7% et 8.7%
vivant dans l'Aire Métropolitaine et les autres villes.
Enfin, si l'on prend le seuil de pauvreté relative de
l'ensemble du pays comme seuil unique, on note que le milieu rural est, une
fois de plus, le lieu où l'on échappe le moins à la
pauvreté.
La troisième approche, la mesure de
base pour comptabiliser le nombre de pauvres, consiste à fixer un seuil
en tant que pourcentage du revenu moyen de la population. En fonction de ce
calcul, plus la distribution de revenu est équitable, moins nombreux
sont les pauvres. L'indice de GINI obtenu à partir de
ces mêmes données de l'EBCM/IHSI a
révélé pour Haïti un coefficient de 0.63 pour tout le
pays, ce qui correspond à une très forte concentration, donc
à une grande inégalité des revenus.
La méthode du seuil de pauvreté est
intéressante, car elle donne une image assez rapide et vivante du
phénomène.
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