INTRODUCTION
L'influence des firmes multinationales sur la
spécialisation et l'intégration dans l'économie mondiale
n'est plus à démontrer : le développement de
l'investissement direct étranger a imposé un abandon de la
théorie classique et libérale de la spécialisation
internationale fondée sur l'immobilité des facteurs de production
(capital, travail, technologie), et a fait naître aujourd'hui un nouveau
cours d'hypothèses assis sur le caractère désormais
mondial de l'attractivité économique.
En conséquence, le cadre de l'économie
internationale tend à être remis en cause pour adopter celui des
théories de l'économie mondiale.
A côté des formes traditionnelles
d'investissements directs d'intégration verticale internationale et de
conquête des marchés étrangers, on trouve de plus en plus
d'investissements relevant des schémas de la division internationale du
travail : les firmes multinationales tendent davantage à organiser leur
production à l'échelle mondiale par l'intégration des
fabrications et des lignes de produits, laquelle s'accompagne non seulement de
flux de marchandises, mais de plus en plus de transferts de technologies.
Après une analyse historique et détaillée
des théories classiques du commerce, du capital et de la firme,
explicatives de l'investissement direct étranger, l'internationalisation
des entreprises ou de la production est intégrée à la
théorie de l'organisation industrielle : celle-ci explicite dans quelles
conditions, des marchés donnés sont approvisionnés par des
filiales étrangères de production qui y sont établie, en
se fondant sur l'interaction entre les structures de marché et les
conduites ou stratégies des firmes , notamment le concept de «
réaction oligopolistique » au plan international. Ainsi
plusieurs champs économiques ont traité l'investissement direct
étranger : de la théorie de la firme, du commerce international,
de localisation ou encore de l'économie industrielle,
chacun cherche à expliquer ce phénomène
de son propre angle de vision. Dans ce chapitre nous essayerons justement, de
grouper, analyser et expliciter ces théories et d'en sortir les
principaux déterminants des IDE dans le monde, ce qui nous permettra de
mieux appréhender l'analyse empirique.
SECTION 1 : DEFINITIONS ET DETERMINANTS
THEORIQUES DES IDE
Le sujet des investissements directs étranger a
été traité dans plusieurs disciplines économiques.
Les diverses théories existantes s'accordent à donner leur
définition propre, y joignant des éléments susceptibles de
préciser le champ d'application d'une telle notion.
Ce champ s'applique aux déterminants de
l'investissement, à ses modalités de financement, à ses
critères d'efficience et des incitations offertes par le pays hôte
aux investisseurs potentiels. En ce sens l'investissement international se
comprend à travers deux points de vue : celui du pays hôte, pour
lequel l'investissement direct offre des opportunités de
développement et celui du pays investisseur, l'investissement direct
permettant de délocaliser des activités devenues coûteuses
dans le pays d'origine et d'obtenir d'autres avantages d'ordre
législatif, fiscal et financier. Ainsi les trois principaux acteurs de
l'investissement direct sont : les entreprises privés
multinationales, les investisseurs nationaux et internationaux et les banques
commerciales et financières.
Dans la section qui suit nous allons faire le tour des
théories qui se sont intéressées aux IDE en mettant en
évidence leurs évolutions dans le temps. Cette manière de
traiter le sujet est le résultat de l'observation du fait que les IDE
ont pris plusieurs formes depuis le début du siècle et que les
théories relatives s'y sont adaptées.
A : Revue générales des théories sur
les IDE
Plusieurs théories ont traité les IDE, les plus
récentes sont celle de Dunning (1993) et de Caves (1996). Par ailleurs,
on peut remarquer que les théories les plus importantes sont
basées sur l'économie industrielle.
Dans sa thèse de Doctorat, Hymer (1960) a
distingué entre l'investissement de portefeuille et l'investissement
direct. Il montre que les hypothèses d'arbitrage sur le capital
expliquant les mouvements internationaux de capital, sont en contradictions
avec le comportement des multinationales et sont, ainsi, incapables d'expliquer
les causes des IDE et ce pour trois raisons.
· Premièrement : une
fois que le risque, l'incertitude, la volatilité des taux de change, et
les coûts d'acquisitions des informations sont incorporés dans la
théorie de l'arbitrage de portefeuille, plusieurs des prévisions
économiques restent, tout de même, invalides. En fait, ceci est
dû aux imperfections du marché qui affectent les performances des
firmes, et en particulier leurs stratégies sur les marchés
étrangers.
· Deuxièmement : les
IDE permettent non seulement le transfert de ressources (capital), mais aussi
de technologies, d'expériences managériales et de savoir- faire.
D'où l'existence de rentes économiques importantes et d'effets
d'externalité positifs, qui peuvent être aussi importants que les
effets directs des déplacements de capitaux et des investissements
étrangers.
· Troisièmement : les IDE n'ouvrent
pas la possibilité de changement de possession (ownership), de
ressources ou des droits.
Hymer explique la distribution des IDE entre les
marchés, par les théories micro-économiques. En appliquant
les théories d'économie industrielle, Hymer pense que les FMN
sont identiques aux firmes locales. Le fait d'investir à
l'étranger englobe certaines difficultés : communication,
transport, barrières de langues...
Cependant les FMN doivent posséder des avantages
spécifiques de localisation : technologie, économie
d'échelle qui permet de dépasser les barrières locales et
d'être compétitive face aux entreprises locales.
Des recherches ont été menées par
Kindleberger (1958), Caves (1983) et Dunning afin d'identifier, les avantages
de délocalisation tel que : la capacité technologique,
l'expérience, la structure industrielle, la différenciation des
produits, les connaissances du marché, et les compétences
organisationnelles.
Dans l'approche de Vernon (1966), il explique les IDE selon
le cycle de vie du produit. Au début le produit est conçu dans le
pays d'origine avec des technologies innovatrices, et il est aussi produit pour
le marché local. Après, arrivé à un autre stade du
cycle de vie, une certaine croissance et connaissance du marché, de
synergie, le produit est exporté vers d'autres pays ayant des
caractéristiques similaires au pays d'origine. Lorsque le produit
devient standard et mature, les coûts de travail deviennent très
importants dans le processus de production, c'est à ce moment là
que les firmes délocalisent à la recherche de coûts de
production bas. Le cycle de vie du produit était, ainsi, la
première interprétation dynamique des déterminants des IDE
et de leurs relations avec le commerce international.
Dans les années soixante dix, quelques
économistes, en particulier Buckley (1991) et Casson (1976), Lundgren
(1977), et Swedenborg (1979), ont proposé l'application de la
théorie d'internationalisation afin d'expliquer la croissance des FMN
basées sur la théorie des coûts de transactions. En effet,
le choix entre servir un marché extérieur par l'exportation ou
par le franchisage et d'y investir, dépend de certains coûts, tel
que les coûts d'opportunité, d'installation ou encore des
coûts de maintenance... tant que ces coûts existent la FMN
préfère s'installer elle-même à proximité du
marché en question, ou bien elle peut opter pour le franchisage. Ce
dernier semble être le cas de plusieurs multinationales, notamment
`Coca-cola' qui a élaboré un système de franchise à
l'échelle internationale lui permettant d'être présente sur
tous les marchés.
En analysant cette théorie (approche
d'internationalisation), on retrouve très clairement l'idée
d'existence d'imperfections sur le marché, développé au
début des années soixante par Hymer. Ainsi, afin de minimiser les
coûts de transactions et d'améliorer l'efficience de la
production, les FMN décident de délocaliser leurs productions. Il
faut noter, néanmoins, que cette vision des IDE néglige les
spécifications internes de localisation. Par spécifications
internes de localisation on entend les données économiques,
sociales et politiques du pays hôte et qui jouent un rôle
prépondérant à la fois dans la décision de
délocalisation et du choix du pays d'accueil.
De même, les travaux de Mayer et Mucchielli
(1999) se sont intéressés à la localisation
à l'étranger des firmes multinationales et en ont déduit
quatre facteurs déterminants : la demande du marché des biens, le
coût des facteurs de production, le nombre d'entreprises locales et
étrangères déjà installées sur place et la
synthèse des différentes politiques d'attraction menées
par les autorités locales. En d'autres termes, les entreprises
recherchent les lieux où la demande est importante et là
où les coûts de production sont faibles.
Plus tard en 1998, Wilhelms et Witter ont
créé le concept d'adaptation institutionnelle
à l'IDE, publié dans l'ouvrage intitulé « Foreign
Direct Investment and its Determinants in Developping Countries ». La
théorie élaborée intègre des variables
microéconomiques (concernant l'investisseur), macroéconomiques
(couvrant les caractéristiques de l'économie réceptrice de
l'IDE) et des variables méso économiques (représentant les
institutions liant l'investisseur et le pays hôte tel que les agences du
gouvernement qui publient les politiques concernant l'investissement direct).
Un des points qui distinguent cette conception des autres est qu'elle accorde
plus d'importance aux variables dites "méso". Le concept d'adaptation
institutionnelle à l'IDE ainsi développé par ces auteurs,
met en corrélation quatre concepts dans le modèle suivant :
IDE = á0 + á1 G + á2 M +
á3 E + á4 S.
G : symbolisant le concept d'adaptation du
gouvernement à l'IDE, M : celui du marché,
E : celui de l'éducation,
S : pour le concept d'adaptation de la
réalité socioculturelle.
Ces quatre concepts constituent ce que les auteurs appellent
le concept d'adaptation institutionnelle à l'IDE, et illustrent la
capacité d'un pays d'attirer, d'absorber et de préserver les
IDE.
Enfin, les travaux de Morisset et Neso
(2002) ont montré quant à eux que les procédures
administratives complexes, nécessaires à l'établissement
et au fonctionnement des affaires, découragent l'entrée des flux
d'IDE.
B. Définitions opérationnelles des
Investissements Directs Etrangers
Selon Jacquemot (1990), l'investissement international
(notion plus large que l'investissement direct) est formellement défini
comme l'emploi des ressources financières qu'un pays fait à
l'étranger. C'est ainsi qu'en termes de flux, l'investissement
correspond à trois éléments essentiels de la balance des
paiements :
· L'investissement à long terme du secteur non
monétaire.
· Les transferts unilatéraux privés et
publics.
· Le solde des revenus des capitaux à
l'extérieur.
Les sorties de capitaux enregistrés dans les balances
de paiements donnent une vision tronquée des investissements directs
réalisés. Ces investissements peuvent croître sans sorties
de capitaux, grâce aux réinvestissements des profits des filiales
des FMN et grâce à leur appel aux marchés financiers non
comptabilisés dans les balances de paiements. Ce qui biaise l'estimation
des flux réels d'IDE.
En terme de patrimoine, l'investissement direct correspond
à l'ensemble des avoirs en biens et créances que
détiennent les investisseurs d'un pays et qu'ils ont accumulé
à l'étranger dans des périodes passées.
Par opposition au prêt et à l'investissement de
placement, l'investissement direct implique le fait de contrôler une
entreprise localisée en dehors du pays d'origine. En tant que
catégorie de flux financiers, il correspond au souci de tenir compte,
dans la mesure du possible, de la stratégie de l'investisseur.
Selon l'OCDE, « un investissement direct est
effectué en vue d'établir des liens économiques durables
avec une entreprise, tel que notamment, les investissements qui donnent la
possibilité d'exercer une influence sur la gestion de la dite entreprise
au moyen :
- De la création ou de l'extension d'une entreprise ou
d'une succursale appartenant exclusivement au bailleur de fonds.
- De l'acquisition intégrale d'une entreprise
existante.
- D'une participation à une entreprise nouvelle ou
existante.
- D'un prêt à long terme (5 ans et plus).
La notion de prise de contrôle est
interprétée de la façon suivante : il y a
présomption d'investissement direct au sens de l'OCDE s'il y a
contrôle de 20% ou plus des actions ordinaires, « à moins
qu'il puisse être établie que cela ne permet pas à
l'investisseur d'avoir un pouvoir de décision effectif dans la gestion
de l'entreprise » (W. Andreff).
Le manuel de la balance de paiement du Fonds Monétaire
International (4ème édition 1977) donne une autre
définition des investissements directs : « les investissements
effectués dans une entreprise exerçant ses activités sur
le territoire d'une économie autre que celle de l'investisseur, le but
de ce dernier étant d'avoir un pouvoir de décision effectif dans
la gestion de l'entreprise. Les entités ou les groupes d'entités
associés non-résidentes qui effectuent les investissements sont
appelés « investisseurs directs » et les entreprises,
érigées ou non en société (respectivement filiales
ou succursales) dans lesquelles ces investissements directs ont
été effectués, sont distinguées par le terme
`entreprises d'investissement direct' ».
Selon Hugonnier (1984), les pays de l'OCDE se divisent en deux
catégories. La première est constituée de pays qui ont
pensé que le moyen le plus sûr de déterminer si
l'investissement étranger détenait un tel pouvoir sur
l'entreprise était d'établir un certain seuil de
propriété (actions ou actions assorties d'un pouvoir de vote). Ce
seuil va de 10 à 100%. Il est par exemple de 10% pour de Danemark, les
USA, la Turquie, de 20% pour la France, de 25% pour l'Allemagne et la Grande
Bretagne, de 50% pour l'Autriche et de 100% pour les Pays-Bas.
La seconde catégorie est constitué de pays qui
ne retiennent pas un seuil de propriété minimum pour
définir un pouvoir de décision effectif et considère
simplement que dès lors qu'une participation
étrangère est prise dans une entreprise nationale et que les
liens économiques les unissent, l'entreprise locale devient une
entreprise d'investissement direct (exp. Portugal).
En fait, c'est selon ces seuils de participation que chaque
Etat contrôle les flux d'IDE et définie leurs propres
caractère de participation. Ainsi, au Gabon le seuil minimal de prise de
participation est de 70%, au Bénin de 80%, en Arabie Saoudite de 75%, en
Indonésie, Malaisie, Chili, Irak, et en Libye de 49%. En Inde, aux
philippines, au Nigeria de 40%, et au Cameroun il est de 51%.
On voit bien à travers, ce tour des définitions
que les firmes multinationales jouent un rôle très important dans
l'analyse du phénomène. Elles représentent le premier
acteur majeur de la décision d'investissement. Ce qui nous mène
à poser la question quant à la définition du terme
« Firme Multinationale »
|