INTRODUCTION GENERALE
La participation du continent africain à
l'économie mondiale a diminué au cours des 50 dernières
années aussi bien du point de vue de son produit intérieur brut
(PIB), de ses exportations que de ses influx d'investissements internationaux
(Ocde, 2002). Le seul domaine dans lequel l'Afrique a prospéré,
est sa population en raison d'une croissance démographique qui s'est
accélérée au cours du vingtième siècle.
Cette démographie, forte sur l'ensemble du continent, constitue un
sérieux handicap à la croissance et au développement
humain, de même qu'elle va impliquer à long terme des changements
profonds dans les conditions d'activités économiques en
Afrique.
En termes économiques, la part de l'Afrique dans le
Produit intérieur brut mondial exprimée en parité de
pouvoir d'achat a diminué d'un tiers environ entre 1950 et 2000 et sa
part dans les exportations mondiales a été divisée par
trois (Cnuced, 2002)1. L'évolution des termes de
l'échange est un des facteurs explicatifs de cette tendance.
La déconnexion de l'Afrique de l'économie
mondiale s'explique également par ses évolutions internes. Ainsi,
la faible croissance de l'Afrique par rapport au reste du monde peut en elle
même expliquer la diminution de son poids dans le commerce mondial. De
plus, la transformation des capacités de production en capacités
d'exportation est plus difficile en Afrique que dans le reste du monde en
raison des faiblesses de la chaîne de commercialisation et de transport.
En bref, on a lieu de se demander si «l'Afrique ne va-t-elle pas vers une
diminution de ses avantages comparatifs» (Bekolo, 2000).
Dans un contexte économique où l'épargne
domestique est faible et où il est pratiquement impossible
d'accéder aux marchés financiers internationaux, le Cameroun,
comme la plupart des autres pays africains recourt à certains modes de
financement extérieur tels que l'aide publique au développement
et l'emprunt extérieur dans le but de poursuivre ses objectifs de
développement socio-économique. Or, les prêts en faveur des
pays africains en général ont diminué ces dernières
années pour passer à 3,8% en 2001 contre 6% du PIB en 1990. En
plus, l'aide extérieure par tête a
1 Cnuced signifie: Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement
baissé pour atteindre la moyenne de 35 dollars entre
1989 et 1992 à 28 dollars entre 1993 et 2001 (Banque Mondiale, 2003),
d'où la nécessité pour l'Afrique et plus
particulièrement le Cameroun, de compenser le déficit de
l'assistance extérieure en favorisant l'investissement direct
étranger (IDE).
En effet, depuis une décennie, on remarque une
croissance importante des flux d'IDE dans le monde. Ils sont passés de
198 milliards de dollars en 1990 à 321 milliards de dollars en 1995, et
ont atteint 1050 milliards de dollars en 2003 selon les estimations World
Investment Report (WIR 2005).
Cependant, la distribution géographique de ces
investissements révèle une répartition
inégalitaire. Par exemple, concernant les investissements directs
étrangers pour l'année 2003, on note que les pays
développés à économie de marché ont
bénéficié de 985 milliards de dollars, les « pays et
territoires en développement» ont reçu 210 milliards de
dollars, alors que les pays d'Europe Orientale ont enregistré 20
milliards de dollars. Cette répartition ne révèle pas la
part des investissements étrangers destinés à l'Afrique
qui fait partie de la région « pays et territoires en
développement ». En effet, dans cette région, l'Asie en
développement attire à elle seule 133 milliards de dollars, 46
milliards pour l'Amérique Latine et le reste revient à l'Afrique,
soit 10,5 milliards de dollars.
En Afrique, la dotation en IDE varie fortement d'un pays
à un autre. L'Afrique du Sud, le Nigeria et la Côte d'Ivoire sont
les pays qui ont le plus attiré l'IDE dans les années 1990.
Comparativement au Cameroun, la Côte d'Ivoire a attiré huit fois
plus d'IDE entre 1989 et 2003 (Cnuced, 2003). En plus, fort est de constater
que la part de l'Afrique dans les investissements directs internationaux a
connu une chute spectaculaire. Elle a baissé de moitié entre 1970
et 1980. A partir de cette date, et jusqu'à dans les années 1990,
elle a encore diminué de moitié. Dans les années 1970, les
pays pétroliers d'Afrique recevaient une proportion significative des
investissements directs étrangers dans le monde. Par la suite, les flux
d'investissements à destination de l'Afrique ont progressé
lentement en valeur dans les années 1980 et ont repris vigoureusement
dans les années 1990. Malgré cette reprise, la. Part de l'Afrique
reste insignifiant par rapport à la croissance des investissements
internationaux reçus par l'ensemble du monde. Le Cameroun fait partie
des pays qui n'ont pas bénéficié de ces influx
d'investissements directs étrangers. Il ne compte en
flux comme en stocks, que pour 1% de l'investissement mondial
en Afrique (Cnuced, 2003).
En effet, depuis la dévaluation de janvier 94, le taux
de croissance de l'économie camerounaise se situe en moyenne autour de
5%2 avec un accroissement du PIB par habitant compris entre 1,5% et
2,7%. L'agriculture étant le secteur le plus important, contribue aux
recettes d'exportation à hauteur de 40%(Beac 2003) bien qu'elle fait
face à la baisse des cours internationaux. Le secteur secondaire a aussi
connu une croissance en 2003, liée à la reprise de
l'investissement public et à la remise à niveau de la
consommation. C'est cependant le secteur tertiaire qui a apporté la
contribution la plus significative à la croissance du PIB en 2003, soit
4,65%.
Pourtant sa situation géographique entre l'Afrique
occidentale et l'Afrique centrale lui assure une position stratégique
unique en matière d'échanges commerciaux en plus de ses
nombreuses ressources naturelles et agricoles3 .
Le Cameroun dispose d'un tissu industriel diversifié et
en expansion, présentant un réseau permanent de sous-traitance et
également d'une main-d'oeuvre abondante et qualifiée, bon
marché et douée d'une grande capacité d'adaptation et
d'initiative indispensable au développement des entreprises. Son cadre
législatif et réglementaire consacre la liberté d'investir
et le libre transfert des bénéfices industriels et commerciaux
ainsi que des salaires.
Sur le plan macro-économique, le Cameroun, comme
l'ensemble des pays de la communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale (Cemac), présente un taux de
change fixe par rapport à l'euro4. La taxe sur le chiffre
d'affaires (Tca) introduite par la reforme fiscale et douanière
de 1993 est remplacée par la taxe sur la valeur ajoutée (Tva) en
1999. La tension inflationniste est maîtrisée et fluctue autour de
2% (Beac, 2003)5
En terme de financement, le Cameroun, qui pendant longtemps, a
bénéficié des aides publiques au développement et
des prêts concessionnels, est classé aujourd'hui parmi les pays
les plus pauvres très endettés car ayant accumulé une
dette extérieure
2 Notons tous de même que ces quatre
dernières années, le taux de croissance du Cameroun était
de 3.5%
3 Les ressources naturelles sont entre autres : le
pétrole, le gaz, la bauxite, le fer, le nickel, le bois...et les
ressources agricoles : le cacao, le café, le coton, la banana,
l'hévéa, l'huile de palme, l'ananas...
4 L'euro est la monnaie unique européenne.
5 BEAC signifie : banque des états de l'Afrique
centrale
Très importante dans les années 1980 au moment
de la chute drastique des prix du pétrole.
Sur le plan structurel, un vaste programme de privatisations a
été initié en 1994 et prévoit la
libéralisation des principaux secteurs de l'économie. Le niveau
de développement des infrastructures routières, ferroviaire,
portuaire s'est également amélioré malgré quelques
insuffisances dans leurs entretiens.
Sur le plan politique, le Cameroun connaît une
stabilité depuis les années 1990 et ses institutions sont
démocratiques.
Au regard de cette analyse, il apparaît que, le
Cameroun, dans le cadre de la globalisation, peut bénéficier de
l'interconnexion croissante des marchés en s'intégrant à
l'économie mondiale. L'investissement direct étranger, par le
biais de cette ouverture, peut ainsi contribuer à promouvoir Le
développement économique du Cameroun.
Or, malgré l'engagement du gouvernement camerounais
dans la mise en oeuvre des politiques d'ajustement et des reformes structurels
proposés par le Fonds Monétaire International (Fmi) et la Banque
Mondiale (BM), malgré la multiplication des partenariats dans le cadre
des coopérations bilatérale et multilatérale et
malgré ses atouts naturels, le constat est que le Cameroun attire
.davantage moins d'investissements directs étrangers
caractérisés par une présence moins importante des firmes
multinationales (FMN)6 sur le territoire.
Le véritable problème qui se pose alors
est celui de savoir pourquoi le Cameroun, malgré ses divers avantages
mentionnés précédemment ne réussit toujours pas
à attirer suffisamment d'investisseurs étrangers.
L'objet de notre étude sera de rechercher les variables
pertinentes qui expliquent les flux entrants d'investissements directs
étrangers au Cameroun afin de proposer des mesures de politiques
économiques susceptibles d'améliorer l'attractivité de
l'environnement économique du pays. Le cadre méthodologique
repose sur l'estimation de la fonction d'attractivité par les moindres
carrés ordinaires (MCO). Aussi, il conviendra de s'assurer de la
stationnarité des séries observées car, lorsque les
variables ne sont pas stationnaires, l'estimation par les MCO et les tests
usuels des
6 Une multinationale (entreprises ou firme) est une
entité qui réalise des opérations de production dans au
moins dans deux pays. Elle est constituée d'une société
mère (résidente d'un pays) et d'au moins une filiale
(résidente d'un autre pays). Est filiale toute société
dont le capital social est contrôlé par une entité.
t-student et f- fisher ne sont pas valides. Ceci dit, les
coefficients estimés ne convergeront pas vers leurs vraies valeurs et on
dira que les régressions sont fallacieuses. Nous utiliserons ainsi les
tests de Dickey-Fuller augmenté (ADF) pour rendre compte de la
stationnarité de ces séries.
Pour répondre à notre question centrale, notre
travail sera organisé en quatre chapitres ; nous aborderons dans le
premier chapitre les différentes théories qui ont
étudié l'Investissement Direct Etranger. Ensuite, dans le
deuxième chapitre nous allons nous intéresser à l'analyse
des flux IDE et le cadre d'investissements au Cameroun.
Dans le chapitre trois, nous modéliserons les facteurs
explicatifs des investissements directs étrangers, puis nous
présenterons une analyse et les propositions de politiques
économiques seront faite ceci au chapitre quatre.
PREMIERE PARTIE : LE CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
DE L'ETUDE.
Depuis le début des années 70 le Cameroun
accorde une importance capitale aux investissements directs étrangers
(IDE) comme moyen de développement économique ; Cette
volonté c'est accentué dans les années 90 et 2006.
L'attraction des IDE a été pendant longtemps dans la pointe de
mire des stratégies économiques nationales.
La littérature étant abondante sur la question,
propose des déterminants et des théories économiques des
IDE. La plus exhaustive date de 1992 [The determinants of foreign Direct
Investment: Asurvey of the evidence, publication des Nations -Unies]. La
majorité des auteurs s'accordent à souligner le rôle
important des fondamentaux (niveau d'endettement externe, croissance
économique, etc), du marché et des infrastructures. Aujourd'hui
avec la mondialisation, les économistes [Nunnenkamp &Spatz (2002)]
et Dunning (2002) mettent en avant de nouveaux déterminants non
traditionnels axés plutôt sur le climat d'investissement. Pour
Stern (2005), il s'agit d'une approche qui s'intéresse à la
gouvernance et à l'environnement économique et institutionnel
dans lequel les agents économiques prennent leurs décisions.
Nous constatons ainsi le manque de consensus de la
littérature et les divergences de vue des auteurs en ce qui concerne les
déterminants des IDE.
Pour cela, dans cette première partie, nous trouvons
judicieux non seulement de clarifier les concepts utilisés, de faire une
revue des théories économiques sur les IDE Au Chapitre 1, puis au
chapitre 2 une illustration des flux des IDE et le cadre d'investissements au
Cameroun sera faite.
CHAPITRE 1 : LA THEORIE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS
ETRANGERS
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