La pratique des essais cliniques au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Ousmane DIARRA Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA Droit de la Santé 2007 |
La question de la santé1(*) est au coeur des objectifs du millénaire. Elle nécessite de plus en plus de gros moyens financiers et techniques. L'homme a atteint un niveau élevé de la connaissance médicale. Beaucoup de maladies qui jadis constituaient une grande préoccupation pour l'humanité ont été maîtrisées. La maîtrise de ces fléaux est due à certaines méthodes expérimentales qui exigent les essais cliniques avant la mise sur le marché d'un médicament. L'expérimentation humaine pose un éventail de problèmes à la fois juridique et éthique. Parmi les problèmes, on peut citer le consentement du sujet, l'information, les risques encourus. Certes, la découverte de médicament efficace peut soit augmenter l'espérance de vie, qui a un incidence sur le développement, soit elle peut être la source de beaucoup de pertes en vies humaines ou la cause d'une violation fragrante de la dignité humaine. Le régime nazi est un exemple type de dévalorisation de l'être humain. En effet, les nazis animés par un esprit de cruauté, dépourvus de toute valeur morale, ont pratiqué avec la complicité de leurs médecins des essais cliniques, des expérimentations sur l'homme sans le recueil de son consentement. Cela, malgré une directive allemande de 1900 qui prévoyait le consentement éclairé du sujet avant tout essai. A la fin de la deuxième guerre mondiale, les nazis sont poursuivis en justice, les uns pour génocides, les autres pour crimes contre l'humanité. Un Tribunal spécial sera institué à cet effet à Nuremberg en 1945.Au lendemain du procès de Nuremberg, la communauté internationale a décidé de prévenir la société internationale contre toute dérive de la science médicale .Ainsi, naîtra le code de Nuremberg en 1947 annonçant un principe fondamental, gage de la protection de la dignité humaine. Il s'agit du recueil du consentement du sujet avant tout essai. Depuis Nuremberg, d'autres dispositions ont suivi pour le renforcer. Mais, en réalité, il semble que le déroulement des essais emprunte une autre voie loin du droit. On note ce phénomène dans les pays en voie de développement2(*) notamment au Sénégal, d'où la nécessité de traiter ce sujet : Les problèmes juridiques posés par les essais cliniques au Sénégal. Qu'est ce qu'un essai clinique ? L'essai clinique est défini comme une épreuve de laboratoire qui consiste à déterminer les effets physiologiques d'une substance en l'administration à un organe vivant3(*). Le Comité international des rédacteurs de revues médicales le définit comme tout projet de recherche qui affecte de façon prospective des sujets humains à des groupes d'intervention et de comparaison afin d'étudier la relation cause à effet entre un acte médical et l'évolution de l'état de santé4(*). Nous retenons à la lumière de ces définitions que l'essai clinique est une étude scientifique réalisée en thérapeutique humaine pour évaluer l'innocuité et l'efficacité d'une méthode diagnostique ou d'un traitement. La notion d'essai clinique se distingue de plusieurs notions voisines : l'expérimentation sur l'être humain, englobant la recherche sur les personnes, la recherche sur le matériel biologique, sur les données des personnes, sur des personnes décédées ou encore sur des embryons ou foetus humains. L'essai pré-clinique que l'on peut définir comme un essai qui se limite sur les animaux. Au demeurant, il est constaté des lacunes dans l'encadrement des essais cliniques. C'est pour cela que, l'ancien président Français Jacques Chirac, a fait appel à la communauté internationale pour créer dans chaque Etat un comité d'éthique. Aussi, l'UNESCO, dans une déclaration de 2005 5(*)a-t-elle préconisé la mise en place de comité d'éthique. Des pays africains comme le Sénégal(en 2001), le Cameroun, la Cote d'Ivoire, le Bénin se sont dotés de comités d'éthique. Dans ces pays, il existe un encadrement juridique et éthique des essais cliniques. L'éthique vient ainsi au secours du droit. Les essais cliniques requièrent un encadrement à deux niveaux. L'encadrement juridique marqué par le respect des droits fondamentaux, l'encadrement éthique marqué par l'existence de comités d'éthique chargés d'étudier le protocole. Mais, notre étude s'orientera davantage sur les questions de droit. Une telle étude revêt plusieurs intérêts. Du point de vue historique, une progression remarquable des essais cliniques a été notée, engendrant une apparition de nouveaux concepts 6(*)comme de l'apparition du concept de comparaison en l'an 1000, du premier essai théorique contrôlé en 1747, de la première analyse statique d'efficacité par Bernouille en 1760, de la mise au point de la méthode expérimentale par Bernard en 1852, de l'utilisation de la randomisation par Pierre et Jastrown en 1884,ensuite, de l'instauration de l'expérimentation animale par Louis Pasteur en 1885, du premier essai vaccinal à large échelle par Right en 1897, de la première utilisation du placebo par Palmer, puis, l'adoption du code de Nuremberg posant le principe du consentement volontaire en 1947, de l'introduction de la pharmacovigilance en 1962, de la déclaration d'Helsinki (principe du consentement autonome et création de comité d'éthique) en 1964, de la parution de l'article de H. Beecham sur l'éthique et la recherche médicale en 1966, de la déclaration de Manille qui assure la protection des populations des pays en voie de développement en 1981, enfin,de la mise sur pied de guide des bonnes pratiques cliniques par l'organisation mondiale de la santé en 1994. En droit comparé, des pays développés comme la France (Loi Huriet) et la Suisse, ont instauré un cadre juridique approprié des essais cliniques. Les Etats-Unis d'Amérique ont pour leur part une réglementation efficace et contraignante. Leur réglementation assure le respect des droits fondamentaux de l'espèce humaine. Quant au Sénégal, hormis quelques textes épars, il n'existe pas à notre connaissance un cadre juridique bien défini. Notre étude tentera ainsi à faire ressortir l'utilité d'un tel encadrement, malgré l'existence sur le plan international comme sur le plan régional d'instruments de protection des sujets humains qui se prêtent à la recherche. Pour mener à bien notre travail nous avons exploré trois pistes : la piste doctrinale, la piste législative et la piste jurisprudentielle. Des enquêtes ont été ainsi effectuées sur le terrain, dans des structures de recherche tout comme dans des structures de santé où se font des essais cliniques. Il en est ainsi de l'Institut Pasteur de Dakar, de la Direction de la santé, au bureau de l'OMS, de la Direction de l'hygiène publique, de l'Institut de recherche et de développement (IRD), de l'hôpital A. Le Dantec, du centre régional hospitalier de Fann, du centre Roi Baudoin, du district sanitaire de Kaolack, de l'hôpital principal de Dakar. Nous avons aussi été au Tribunal régional hors classe de Dakar. Aux termes de nos enquêtes, des résultats ont été obtenus malgré quelques difficultés rencontrées sur le terrain. Les recherches sur les pistes doctrinales et législatives ont été fructueuses, mais, la piste jurisprudentielle n'a pas été très productive. Ainsi, si la première partie de ce travail se veut une étude générale des essais cliniques (première partie), la deuxième partie sera quant à elle centrée sur la pratique des essais cliniques au Sénégal à l'épreuve du droit(deuxième partie).
PREMIERE PARTIE: ETUDE GENERALE DES ESSAIS CLINIQUES L'étude des essais cliniques nécessite une collaboration entre juriste et médecin. Le juriste doit connaître les mécanismes d'organisation et de fonctionnement de la science médicale. Quant au médecin, il doit découvrir l'aménagement juridique de son activité. C'est pour cela que nous nous proposons d'exposer d'abord le déroulement des essais cliniques (titre I), avant d'entamer le cadre juridique (titre II).
TITRE I : LE DEROULEMENT DES ESSAIS CLINIQUES.Le déroulement des essais sera étudié sous deux rubriques : en premier lieu, Les étapes des essais cliniques (chapitre I), en second lieu, les principes fondamentaux des essais cliniques (chapitre II).
* 1 Selon l'OMS la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. Le Docteur Knock aimait à dire « un homme bien portant est un malade qui s'ignore ».A son corps la santé serait un état d'inconscience, une sorte de sommeil de la lucidité dont l'heureux possesseur méconnaîtrait la fragilité, les dangers qui le guettent. * 2 Chippaux J.P Médicament sans scrupule. L'Afrique le cobaye de big pharma, le monde diplomatique 14, 2002. * 3 Dictionnare : illustré des termes de médicine sous la direction de Garnier Delamare 29édition,Maloine ,France 2006,p.331 * 4 F : /essai clinique-wikipédia.htm * 5 La déclaration de l'UNESCO sur la bioéthique et les Droits de l'homme adoptée par acclamation le 19octobre 2005 par la 33èm session de la Conférence générale de l'UNESCO * 6 J.P Chippaux, La pratique des essais cliniques en Afrique, 2004, p.33-334 |
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