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Les institutions démocratiques

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par H B
Université de Clermont- ferrand - Maitrise 2008
  

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1-2 QUELLE INSTITUTION CARACTERISE UNE CITE DEMOCRATIQUE

C'est dans la prévalence des institutions sur les hommes que réside la meilleure garantie de la démocratie. Si celle-ci est bien née dans un contexte culturel donné, son universalisme repose sur l'adoption d'un système d'institutions; parler de la  `'culture démocratique `' (17), est un peu une reconstruction après coup. La culture démocratique ne précède pas les institutions, car elle en est l'intériorisation; c'est-à-dire que le fonctionnemnt des institutions approprient cette culture démocratqiue pour en être la manifestation, et finalement être adaptée aux aspirations et aux attentes des citoyens.

Si on prend les institutions athéniennes, on remarque sans doute qu'à l'époque des philosophes rois, la démocratie telle qu'on l'entend aujourd'hui est loin d'être exemplaire.

C'est à ce juste titre qu'on peut faire l'etat des lieux des institutions dites démocratiques et voir leur conformité ideologique avec l'espace publique,civique.

________________________

17* P-Jean QUILLIE , dans son oeuvre écrite, Histoire de la démocratie

1-3 L'EXEMPLE ATHENIEN

Ce qu'on va voir à présent, dans le modèle athénien, c'est la question qui s'impose à nous ; à savoir jusqu'à quel degré de validité l'esprit des institutions grecques correspond à la démocratie au sens noble du terme : la représentation des citoyens par les citoyens et pour les citoyens ?

.

En effet, l'institution athénienne est composée de tous les citoyens mâles âgés de plus de dix-huit ans (18) ; l'ekklêsia athénienne se réunit sur la colline de la Pnyx au moins quarante fois par an. Elle a pour ainsi dire tous les pouvoirs, sauf celui de changer un homme en femme, comme la désignation et le contrôle des principaux magistrats, vote des lois et des décrets, décision de faire la guerre et la paix ; choix des alliances ; préparation de la guerre, organisation des finances, jugement des affaires les plus graves, notamment des atteintes à la sûreté de l'État...etc.

En outre, chaque citoyen peut proposer une motion à l'assemblée ou prendre la parole dans un débat. Sans doute, la terrible menace de l'accusation pour illégalité, (lagraphê para nomôn), (19), a pour objet de punir celui qui propose une loi contraire aux lois existantes). Cela traduit plus simplement le sentiment d'incompétence et la peur du ridicule, et dans ce cas, le régime de l'Assemblée limite-t-il les initiatives individuelles ? Sachant que la démocratie antique ne reconnaît aux citoyens aucun droit individuel, naturel et imprescriptible, et de surcroît, les écrivains du Ve et du IVe siècle ne donnent pas une image très flatteuse des délibérations populaires.

Dans l'Assemblée des femmes, Aristophane compare les décrets de l'assemblée à des actes commis en état d'ivresse. Cinquante ans plus tard, Isocrate reproche à ses concitoyens de changer plusieurs fois d'avis dans une même journée et d'adopter des mesures qu'ils ne tardent pas à blâmer. Pour assurer la continuité de la souveraineté populaire, l'assemblée délègue une partie de ses pouvoirs à un conseil permanent qu'on appelle la boule et un nombre de cinq cents, les bouleutes, qui sont chaque année tirés au sort à raison de cinquante par tribu, parmi les citoyens volontaires. Au sein de ce conseil populaire, il existe une sorte de présidence collégiale et tournante.

Pendant 1/10 de l'année, les cinquante bouleutes de chaque tribu exercent la prytanie (20). Les prytanes sont chargés de convoquer le conseil et de garder la cité, de jour comme de nuit. C'est pourquoi, pendant le temps de leur prytanie, ils logent dans un édifice qui leur est spécialement affecté à la Tholos.

En dehors de ses importantes compétences judiciaires, les fonctions essentielles de la boule consistent à préparer et à exécuter les décrets de l'ekklêsia, mais aussi, en cas d'urgence, à pouvoir prendre des décisions autonomes. Au Ve siècle, elle paraît le véritable centre de toute l'administration de la cité, dont elle surveille les magistrats, la politique étrangère, l'organisation militaire et les finances. Elle est chargée de

l'exécution des lois ; les magistrats sont des délégués du peuple souverain. En principe, les magistratures sont ouvertes à tous ; elles sont annuelles et collégiales.

La misthophorie, c'est-à-dire la rémunération des fonctions publiques, a précisément pour objet de permettre à chacun de servir la cité pendant un an et par conséquent, un droit reconnu à tous et de plus, de nombreuses responsabilités sont attribuées par un tirage au sort, selon une procédure compliquée qui assure une égalité de représentation entre les différentes tribus.

Même si les dieux de la cité président à ce mode de recrutement, tous les philosophes, à commencer par Socrate et ses disciples, (Antisthène aussi bien que Platon), ont critiqué et rejeté un système aussi hasardeux, susceptible de promouvoir le plus demeuré ou le plus malhonnête des citoyens. A partir de ce point de vue, on peut penser que les démocrates athéniens, sensibles aux inconvénients du procédé, profitaient de la procédure de la docimasie, (examen de l'« éligibilité » du magistrat, préalable à son entrée en fonction), pour effectuer une certaine sélection.

D'autre part, la rémunération des magistrats est trop modeste pour assurer à elle seule leur subsistance, alors que les citoyens les plus aisés financièrement qui sont capables de négliger leurs loisirs toute une année, devaient donc constituer la majorité des candidats. En fait, Athènes n'a jamais connu la démocratie absolue qu'Aristote définit dans La Politique en un régime où toutes les charges sont ouvertes à tous ; et l'esprit d'égalité régnait en maître.

Pour les fonctions les plus importantes, notamment les stratèges et les trésoriers, des conditions de sélections sont imposées, car les détenteurs sont en effet appelés à répondre sur leur fortune personnelle des fonds confiés par la cité.

Le mécanisme de sélection consiste à réserver certaines magistratures aux membres d'une ou de plusieurs des quatre classes censitaires instituées par Solon,  dont le revenu annuel, en mesures de blé, n'est pas inférieur à 500 médimnes, hippeis, « cavaliers », c'est-à-dire assez riches pour entretenir un cheval; zeugites capables d'entretenir un attelage (21) , zugon, de boeufs, thètes.

D'autre part, les magistratures essentielles, militaires et surtout financières, sont soumises à l'élection. C'est pourquoi elles continuent en fait d'être assumées par les membres des familles aristocratiques, tels Périclès, ou en tout cas aisées, comme par exemple Démosthène, qui ont pu se former et se préparer au métier politique en étudiant notamment la rhétorique. En effet, au Ve siècle, les stratèges, au nombre de dix, sont les principaux magistrats de la cité.

Ils sont chargés de la conduite de la guerre, ils doivent sans cesse défendre leur politique devant l'assemblée. Orateurs habiles, ils influencent, voire contrôlent toute la politique extérieure et intérieure (notamment financière). C'est comme stratège que Thémistocle gouverne Athènes pendant la deuxième guerre médique. C'est bien sûr Périclès qui, en exerçant la stratégie sans discontinuer pendant quinze ans,

achève d'en faire la magistrature suprême. Jusqu'au début du IVe siècle, tous les grands noms de l'histoire politique athénienne sont ceux de stratèges.

Ensuite, ces magistrats tendent à retrouver leur spécialisation militaire. Si le plus ancien tribunal d'Athènes est l'Aréopage, (composé d'anciens magistrats), compétent au Ve siècle en matière religieuse et criminelle, le plus important est sans conteste l'Héliée. Plus qu'une simple cour de justice, ce tribunal populaire constitue un véritable organe de la vie politique.

Chaque année, on tire au sort 6 000 juges, (600 par tribu), parmi les citoyens de plus de trente ans qui se portent volontaires. Les séances plénières sont exceptionnelles.

Généralement, les héliastes jugent en sections de taille variable : un jury ordinaire, comme celui qui condamne Socrate, comprend 501 citoyens. Ce sont souvent des hommes âgés et peu fortunés, pour qui le misthos (22) constitue un complément de ressources non négligeable. Si l'on en croit Aristophane dans Les Guêpes, les critiques des philosophes, les plaidoiries des orateurs, ce tribunal populaire ne brillait pas par l'équité ni par la rationalité de ses jugements. Quand les juges n'étaient pas achetés, ils persécutaient les citoyens les plus riches : au IVe siècle, leur salaire est financé par la vente des biens confisqués ! On le voit, la démocratie athénienne, même au siècle de Périclès, n'est pas le régime idyllique chanté par certains auteurs de manuel.

Elle connaît bien des limites, dont l'allure est paradoxale. D'une part, l'assemblée et le tribunal populaires ne sont pas représentatifs de l'ensemble du peuple athénien. Sur les 30 000 à 40 000 citoyens que compte la cité, seuls quelques milliers se pressentent régulièrement aux séances de l'ekklêsia. Le quorum de 6 000 votants exigé pour les décisions les plus importantes indique assez que ce nombre n'était pas ordinairement atteint.

La plus grande partie des citoyens, peut-être les 4/5 au début du IVe siècle, sont des paysans tirant péniblement leur subsistance d'un petit lot de terre, qu'ils cultivent eux-mêmes avec l'aide d'un ou deux esclaves. D'après Aristophane aussi bien qu'Aristote, ils hésitent à se rendre en ville pour participer aux assemblées, sauf si la décision débattue les concerne directement. Le démos urbain, composé d'hommes habitant dans les faubourgs d'Athènes et du Pirée, fournit le gros bataillon de ceux qui fréquentent l'assemblée avec assiduité. Dans le Protagoras de Platon, Socrate mentionne surtout des forgerons, des charpentiers, des cordonniers, des petits marchands, souvent âgés, qui viennent chercher dans les salaires publics un complément à leurs maigres revenus. C'est pourquoi les théoriciens politiques de l'Antiquité présentent souvent Athènes comme un régime où les pauvres, détenteurs du pouvoir, font la guerre aux riches, sur qui pèsent de lourdes charges fiscales et militaires. Au sommet de l'État, pourtant, les classes supérieures dominent d'une façon écrasante. Les plus grands noms de l'histoire athénienne, de Clisthène,

(Alcméonide) à Alcibiade, (apparenté aux Alcméonides, pupille de Périclès) en passant par Périclès (Alcméonide), appartiennent à des familles nobles ou riches, en tout les cas influentes.

A l'école de Protagoras, d'Isocrate ou de Platon, ils se sont donné les moyens de réussir dans la carrière politique. Ils ont appris à argumenter, à convaincre, à séduire leurs concitoyens. Vivant de leurs rentes, ils peuvent consacrer la plus grande partie de leur temps à la gestion des affaires de la cité. Thucydide, qui, il est vrai, appartient au parti aristocratique, décrit le régime institué par Périclès comme une monarchie élective, qui n'a de démocratie que le nom, tant le stratège exerce une forte domination. A la fin du Ve siècle, le terme démagogue, `' meneur de peuple `', fait son apparition, pour désigner l'orateur habile qui, magistrat ou non, détermine par ses discours le vote populaire. H. Arendt distinguait le moteur de l'obéissance au sein de la cité de ceux qui agissant dans l'empire ou la nation, en la décrivant comme conséquence de la force de persuasion. Arendt :-« présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation »*.L'exemple le plus tristement célèbre est sans doute celui de Cléon, à jamais cloué au pilori par Thucydide et Aristophane.

Par ailleurs, même si on note quelques défaillances dans le choix du régime institué, à savoir que la cité athénienne n'a pas utilisé le rapport au pouvoir émanant de la souveraineté, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle a réussit à développer une synergie basée sur la logique institutionnelle. C'est une synergie, dans laquelle les institutions de la cité ont donné naissance à une forme de démocratie directe.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault