A- L'école
Bien qu'elle ait été le théâtre de
discriminations et d'humiliation de la part des élèves comme des
maîtres parfois, l'école a favorisé l'intégration
des enfants d'immigrés.
Ils ont bénéficié d'un enseignement dont ils
auraient été privés en Italie au début du
siècle.
Soucieux de la réussite de leurs enfants et afin de
leur éviter les tâches les plus avilissantes auxquelles
eux-mêmes avaient dû se soumettre, les parents insistent sur
l'importance de l'école. Leur ambition était qu'ils obtiennent le
certificat d'études, qui permettait d'exercer les métiers
d'ouvriers spécialisés ou d'employés. Beaucoup d'entre eux
obligent leurs enfants à ne parler qu'en français à la
maison. Les enfants jouent ainsi le rôle de médiateurs : c'est par
leur intermédiaire que les parents apprennent le français :
"Innombrables sont à cet égard les
témoignages qui nous montrent comment la langue parlée et
écrite, la culture (mr me réduite à son expression
primaire (...), les références historiques, géographiques,
littéraires, idéologiques, qui fondent l'appartenance à la
nation française, pénètrent peu à peu dans les
familles de migrants par les conversations entre parents et enfants, les
lectures faites à la cantonade, les leçons récitées
à la mère ou aux aînés"49.
Dans sa thèse sur l'immigration italienne dans l'Est
Parisien50, Marie-Claude BlancChaléard a effectué une
recherche sur l'école. Il en ressort que les Italiens obtenaient
généralement de meilleurs résultats que les
écoliers français aux épreuves du certificat
d'études. Les moqueries qu'ils ont endurées en tant que "fils
d'immigrés" et le désir de ne pas décevoir leurs parents
qui tenaient tant à leur réussite scolaire ont certainement
influé sur leur motivation. Mais la plupart d'entre eux cessait
d'étudier après l'obtention du diplôme pour
s'insérer sur le marché du travail. Toutefois, le fait de pouvoir
prétendre aux métiers d'artisans ou d'employés constituait
déjà une belle réussite.
49 Pierre MILZA, Op.cit, p 395.
50 Marie- Claude BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans
l'Est parisien. Une histoire d'intégration (années 1880-
1960), Ecole française de Rome, 2000.
B- La religion
· Une cause de rejet :
Bien que la religion catholique aurait dû rapprocher
Français et Italiens, dans certaines régions - surtout dans les
grandes villes ou les zones industrielles - la piété des
Italiens, jugée excessive, a été une cause de rejet.
Ainsi, à la fin du XIXème siècle,
les processions des Napolitains, suscitent-elles le mépris des
Marseillais :
"Chaque année, au mois d'aoI1t, c'est par milliers
que les Napolitains se rassemblent à l'église de la Major, pour
célébrer avec éclat leur fête patriarcale. Ces
bruyantes démonstrations d'attachement à leurs traditions
religieuses provoquent à l'encontre de la communauté italienne
dans son ensemble des réactions hostiles de la part d'un
prolétariat qui, dans cette partie de la France, a déjà
fortement subi les effets de la déchristianisation"
51.
C'est à cette période, que l'on désigne
avec mépris les Italiens de « Christos ». Ces
différences de pratiques religieuses freinèrent également
l'intégration des migrants des vagues successives, dans les
années 20-30 notamment :
" Dans les années de l'entre-deux guerres, la
majorité des étrangers venaient de pays européens
possédant des affinités culturelles et religieuses avec la
France. Cette parenté semblait propre à faciliter
l'intégration des nouveaux venus. En fait, la réalité se
révélait sous un jour beaucoup plus complexe (...). Des
étrangers ayant conservé la foi pouvaient se trouver en contact
avec des Français indifférents (...) Autre facteur de
diversité, les étrangers, m r me s'ils partageaient les croyances
fondamentales de leurs hôtes restaient souvent fidèles à
des traditions et usages religieux particuliers abandonnés de longue
date en France ou inconnus "52.
Comme nous l'avons évoqué en introduction,
« le miracle italien » marque le début d'une nouvelle
immigration, ce sont les Italiens du Sud qui s'installent dans les petites
villes industrielles de la Lorraine sidérurgique ou du
Nord-Pas-de-Calais. On imagine alors aisément que si la ferveur
religieuse des Napolitains avait choqué les Marseillais, elle dut
sembler encore plus étrange aux habitants du Nord- Est de la France,
d'un tempérament plus réservé.
L'Église joua d'abord un rôle important pour
préserver l'italianité des immigrés : en effet, le
gouvernement de Rome favorisa l'implantation d'un clergé missionnaire.
Les
51 Pierre MILZA,Op.cit., p 125.
52 Ralph SCHOR, « Le facteur religieux et
l'intégration des étrangers en France (1919-1 939),
Vingtième siècle, revue d'Histoire, volume 7,
numéro 7, p 103.
prêtres encadraient des structures d'accueil et
d'assistance comme l'oeuvre Bonomelli créée en 1900 par
l'évêque de Crémone.
Toutefois, les autorités ainsi que le patronat
français y trouvèrent eux-aussi un intérêt :
"Les grandes entreprises payaient souvent le voyage de
l'aumônier depuis son pays d'origine jusqu'en France, elles
construisaient des églises et des presbytères,
rétribuaient les prr~ tres (...) Cette bienveillance n'était pas
dépourvue d'arrière-pensées. Les employeurs avaient
compris que le maintien des traditions religieuses garantissait la
stabilité de la maind'f uvre et le calme social"53.
· Un facteur de rapprochement :
S'il était important de souligner les limites du
rôle de la religion dans l'intégration, il n'en reste pas moins
qu'elle a souvent favorisé les contacts entre français et
immigrés et qu'elle a favorisé leur insertion dans les zones
rurales.
"Il est clair qu'avec le temps les contacts
établis au sein du milieu paroissial ont favorisé l'insertion des
Transalpins. Pour les enfants l'enseignement du catéchisme (...) les
activité reliées à l'église locale ont
accéléré et complété le rôle
assimilateur de l'école. Non sans quelques bavures identiques à
celles qui ont été constatées pour l'institution scolaire
(...) mais globalement l'institution et la pratique religieuses ont
plutôt favorisé l'intégration des migrants, là
où [ils] se trouvaient en présence, non d'un prolétariat
déchristianisé, mais d'importantes communautés
catholiques"54
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