0.3. Hypothèses
Sur la question de la définition de la
« réalité sociale », les sciences sociales
africaines doivent à juste titre être
réévaluées et reformées. Une telle évolution
épistémologique passe par une suppression dialectique
opérationnelle de l'opposition ontologique simpliste et
réductrice entre le réalisme et le constructivisme. C'est la
grande leçon que l'on doit retenir de l'oeuvre grandiose de John Searle
portant sur la construction de la réalité sociale, et dont le
principe est considéré dans la philosophie sociale contemporaine
comme un réflecteur opératoire de réévaluation et
de rénovation des sciences sociales. Toutefois, en Afrique, une
vigilance agissante doit être exercée contre les écueils
subtils de la théorie de John Searle. Tel est l'objectif sous-jacent
à notre investigation.
A la question théorique et conceptuelle de
dépassement de la double approche structuro-fonctionnaliste, un des
concepts centraux de notre propre hypothèse et de notre reconstruction
est justement le concept africain de kheper, une notion
familière en philosophie qui renvoie à des traditions africaines
à la loi de la transformation du Devenir, notion que nous
trouvons dans plusieurs traditions philosophiques. Dans le contexte de cette
discussion, ce concept de Kheper est reconstruit en philosophie depuis
les présocratiques en passant par René Descartes et Friedrich
Leibniz jusqu'aux sciences sociales classiques avec Emile Durkheim et bien
d'autres penseurs. Cette reconstruction théorique chez Emile Durkheim,
un des fondateurs des sciences sociales ,se fait par exemple au moyen d'un
concept qui lui est dérivé, celui de
l'hylémorphisme du Stagirite, il fonctionne comme un dispositif
central de son livre intitulé Les Règles de la méthode
sociologique.
John Searle ne déconstruit pas ce programme, il le
reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche
linguistico-pragmatique et cognitiviste. Ce qui est remarquable c'est que nous
avons tout ensemble dans le programme de Searle, les états mentaux et
les actes de langage comme support de la représentation de la
réalité sociale ; ce qui ne manque pas de renvoyer à
son projet actuel qui tend à mettre ensemble : le langage,
l'action et l'esprit.
A la question théorique de l'icône, du concept ou
du symbole qui nous permet de lire le projet de Searle, il faut dire que le
naturalisme biologique dans lequel baigne John Searle est le type de
philosophie où la Nature est celle que découvre la science
positive et non la métaphysique. Tout est expliqué par la Nature
et la théorie évolutionniste ; d'où la récurrence
des questions liées au naturalisme biologique. L'icône ressemble
au mode de reproduction de la symbolique de « scarabée
égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré.
Le scarabée illustre le Devenir en ce que pour se reproduire,
il dépose son larve dans une bouse qu'il enroule. Après une
certaine période, sort un autre scarabée adulte. D'où, la
conscience apparait suite à un processus physicaliste et connexionniste
du processus neurobiologique des neurones et des relations synaptiques chez
John Searle. L'esprit dans la Nature soit y oeuvre soit apparait à un
certain niveau. Le dépassement se fait pour nous au moyen de la
dimension de sacré qui est laissé de côté dans ce
type de naturalisme.
Le constructivisme searlien doit être un programme a
priori dans un contexte onto- théologique auquel on fait recours, qui
prend en compte théoriquement les concepts centraux
suivants : la matière, la forme, le langage, la parole, les actes
de langage pour être précis, les états mentaux tels que le
désir, l'intention, la conscience, et enfin le divin.
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