3.4. Socioconstructivisme
Outre la théorie béhavioriste et
constructiviste, nous pouvons aussi évoquer la théorie
socioconstructivisme qui est basée sur le modèle social de
l'apprentissage (Bandura, A, 1986), développé essentiellement par
les psychologues sociaux et les psychologues du développement social.
L'approche socioconstructivisme appelée aussi
sociocognitive par rapport au constructivisme, introduit une dimension des
interactions, des échanges, du travail de verbalisation, de construction
et de co-élaboration (Vygotsky, 1985). On peut constater l'idée
de base de cette théorie dans les titres de plusieurs ouvrages
aujourd'hui. Dans le sens d'interagir et connaître, d'apprentissage
de groupe, de partage d'idée dans l'apprentissage, ...
Dans cette théorie développée
principalement par Vygotsky (1985), l'apprentissage est considéré
comme le résultat des activités sociocognitives liées aux
échanges didactiques entre enseignant-élèves et
élèves - élèves. Le concept d'une construction
sociale de l'intelligence est la continuité d'une auto-socioconstruction
des connaissances par ceux qui apprennent.
Les conditions de mise en activité des apprenants sont
indispensables dans le cadre des socioconstructivistes, parce que
l'acquisition des nouvelles connaissances et la restriction des connaissances
existantes ne sont pas les seuls objectifs de l'apprentissage. L'apprentissage
considère aussi le développement de la capacité à
apprendre, à comprendre, à analyser et la maîtrise d'outils
d'apprentissage. Nous devons souligner que l'apprentissage n'est plus,
seulement ce que l'enseignant transmet et les formes de mise en activité
des élèves, mais l'apprentissage est aussi la mise en
interactivité entre élèves, entre enseignant et
élèves. C'est à partir de cela que le savoir se
construit.
Comme nous l'avons vu au début, cette théorie
socioconstructiviste a été développée
essentiellement par les psychologues sociaux et les psychologues du
développement social. Voyons quelques grands représentants de
cette théorie.
A/Vygotsky
Dans ses recherches, Vygotsky (1985) met en avant le
rôle de la culture dans l'apprentissage. Son hypothèse
centrale est « le fonctionnement fondamentalement social de
l'être humain ». Dans son approche historico-culturelle, il
affirme que l'homme étant un acteur culturel et social se
développe grâce au processus social et historique. Pour
Vygotsky(1985), « la vraie direction du développement ne va
pas de l'individuel au social, mais du social à
l'individuel ». C'est l'apprentissage qui tire le
développement. Vygotsky affirme que « les recherches montrent
incontestablement (...) que ce que l'enfant sait faire aujourd'hui en
collaboration, il saura le faire tout seul demain » et parle alors de
« zone proche de développement » (ZPD) pour
décrire les fonctions en maturation chez l'enfant (Cf. GOUPIL &
LUSIGNAN 1993).
Vygotsky (1985, p45) définit la zone proche de
développement comme la distance entre deux niveaux : celui du
développement actuel, mesuré par la capacité qu'a un
enfant de résoudre seul des problèmes, et le niveau de
développement mesuré par la capacité qu'a l'enfant de
résoudre des problèmes lorsqu'il est aidé par quelqu'un.
Apprendre revient alors à former une zone proche de
développement. Comme chercheur, Vygotsky a étudié le
développement cognitif des enfants. Selon Gredler (1992) Piaget et
Vygotsky ont quatre points en commun :
1. L'établissement d'un cadre théorique pour
l'étude des processus psychologiques ;
2. L'identification de différentes structures
psychologiques durant le développement ;
3. L'analyse des processus psychologiques requis pour
atteindre des niveaux plus élevés de développement ;
4. L'affirmation que le développement psychologique ne
procède pas par des petits changements isolés.
Dans son ouvrage, Pensée et langage. L. S.
Vygotsky (1985) affirme que « le seul apprentissage valable pendant
l'enfance est celui qui anticipe sur le développement et le fait
progresser. » Dans cette perspective, le devoir de l'école est
de proposer à cet enfant des tâches à un niveau
supérieur de ce qu'il sait faire. L'enfant peut imiter de nombreuses
actions qui dépassent de loin les limites de ses capacités.
Grâce à l'imitation, dans une activité collective, sous la
direction d'adultes, l'enfant est en mesure de réaliser beaucoup plus
que ce qu'il réussit à faire de façon autonome. La
théorie de Vygotsky met l'accent sur la coopération
sociale parce qu'elle permet à l'enfant de
développer plusieurs fonctions intellectuelles : l'attention
volontaire, la mémoire logique, l'abstraction, l'habileté
à comparer et différencier.
Au niveau de l'enseignement, Vygotsky n'est pas favorable
à l'enseignement magistral. L'aspect fondamental de l'apprentissage chez
lui consiste à la formation d'une zone proche de développement.
L'apprentissage donne naissance, réveille et anime chez l'enfant toute
une série de processus de développement internes qui, à un
moment donné, ne lui sont accessibles que dans le cadre de la
communication avec l'adulte et de la collaboration avec les camarades, mais
qui, une fois intériorisés, deviendront une conquête propre
de l'enfant. Vygotsky (1985) postule qu'il existe un lien entre la
croissance et l'apprentissage. Il soutien que l'enfant a un certain
contrôle sur son développement en fonction de son apprentissage.
Il exprime son opposition à ceux qui, comme Piaget, pensent que la
croissance précède l'apprentissage. Il s'oppose aussi à
ceux qui prétendent que l'apprentissage se confond avec la croissance et
que les deux se déroulent ensemble.
En résume, l'apprentissage ne coïncide pas avec
le développement, mais active le développement mental de
l'enfant, en réveillant les processus évolutifs qui ne pourraient
être actualisés sans lui, grâce à la médiation
socioculturelle. La zone proche de développement a une
caractéristique spéciale : elle est sociale et
culturelle. Par exemple, le sujet qui apprend à utiliser
l'ordinateur, l'utilisera comme le professeur d'informatique lui a
montré et comme les autres apprenants l'utilisent. Le comportement est
déterminé par le contexte de l'apprentissage. En apprenant, le
sujet imite aussi les autres. Ce qui constitue un processus d'apprentissage
social et culturel. La zone proche de développement est bien une
théorie sociale et culturelle dont l'impact peut être très
important en apprentissage scolaire.
B/Jérôme Seymour Bruner
Bruner affirme que « le processus éducatif
nécessite une structure de connaissances en un tout cohérent,
pour en faciliter l'encodage ». Bruner accorde beaucoup d'importances
au stade du développement intellectuel chez l'enfant : « il
faut respecter les étapes ». Il parle aussi du rôle de
la motivation intrinsèque et de sa
valeur.
Bruner a été inspiré par Piaget et il a
mis sur pied trois modes de représentation des connaissances ( le mode
actif, le mode symbolique et le mode iconique). Pour Bruner, pour qu'il y ait
un réel apprentissage, l'élève doit participer à
celui-ci. Pour lui, il existe deux modes d'enseignement :
1. Le mode fondé sur l'exposition
(l'élève est auditeur) ;
2. Le mode fondé sur
l'hypothétique (coopération entre
l'élève et l'enseignant).
Selon la théorie de Bruner, l'acte d'apprendre comporte
trois processus (LUSIGNAN ET GOUPIL, 1993) :
1. L'acquisition de la nouvelle information ;
2. La transformation de cette information ;
3. L'évaluation.
Bruner (1987) préconise quatre techniques
pédagogiques :
1. L'emploi des contrastes ;
2. La formulation d'hypothèses ;
3. La participation (jeu) ;
4. L'éveil de la conscience de l'élève
quant aux stratégies d'apprentissage.
En bref, les principes de la théorie de Bruner
sont : l'apprentissage par la découverte,
l'exploration ainsi que l'action chez
l'élève.
Bruner et le processus d'étayage
L'oeuvre de Bruner a deux grandes idées
importantes :
a. La culture donne forme à l'esprit
b. L'activité mentale ne se produit jamais
isolement.
Pour Bruner (1987), apprendre est un « processus
interactif dans lequel les gens apprennent les uns des autres ».
C'est dans ce sens qu'il a contribué à développer le
modèle social de l'apprentissage. Bruner affirme que le modèle
transmissif n'est plus à mesure de répondre convenablement aux
exigences de maîtrise de savoir-faire, de cheminement vers l'autonomie,
d'acquisition du jugement, de capacité à s'auto-évaluer.
Bruner voit plus le rôle de l'enseignant à travers la mise en
oeuvre d'un processus d'étayage. Les fonctions de ce processus attestent
que ce qui est bénéfique tient autant aux aspects socio -
affectifs qu'aux aspects cognitifs ou intellectuels.
Les aspects socio- affectifs
Dans ce domaine socio-affectif nous pouvons citer : la
mobilisation, le maintien de l'intérêt et de la
motivation de l'élève dans le champ de
la tâche ainsi que le but à atteindre. En apprentissage,
l'enseignant doit faire en sorte que la tâche soit plus agréable
à réaliser avec son aide, tout en évitant que
l'élève soit très dépendant de lui.
Premier aspect correspond à l'effort
d'enrôlement pour intéresser l'élève
à la tâche, solliciter sa motivation, le
mettre davantage devant les exigences de la tâche.
Deuxième aspect se veut doublement
dynamisant : il s'agit ici de maintenir l'orientation, garder
l'élève dans le champ de résolution du problème
sans oublier le but à atteindre, encourager l'élève,
faire preuve d'entrain et de sympathie pour maintenir sa
motivation.
Les aspects cognitifs
Les bases d'assistance sur le plan cognitif concernent la prise
en charge par l'enseignant (dans son rôle de tuteur) de certains aspects
de la tâche, la signalisation des caractéristiques
spécifiques et la suggestion de modèles de résolution.
Le premier aspect correspond à la
nécessité d'alléger la tâche de certaines
de ses difficultés en la simplifiant un peu afin qu'elle soit
momentanément davantage à la portée de
l'élève.
Le second aspect correspond à la
signalisation des caractéristiques spécifiques de la
tâche pouvant mettre sur la voie de la résolution. C'est une
manière d'apprécier l'écart qui sépare ce que
l'élève vient de faire de ce qui aurait dû être fait.
Le troisième aspect consiste à montrer
ce qui peut être fait sans pour autant donner la solution,
à partir de ce que l'élève a déjà
réalisé, soit parce que c'est une manière de lui faire
voir qu'il est sur la bonne voie, ou au contraire pour le prévenir par
rapport à une procédure de réalisation
inadéquate.
Effets du processus d'étayage
Le processus d'étayage produit souvent deux sortes
d'effets :
- Effets immédiats : celui qui est aidé parvient
à faire des choses qu'il ne réussirait pas à faire
correctement tout seul ;
- Effets d'apprentissage à plus long terme : ils sont
le fruit du travail verbal d'explicitation et de compréhension des
exigences de la tâche à réaliser et des procédures
de résolution.
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