La capacité de la femme mariée en matière du travail en droit français et en droit congolais( Télécharger le fichier original )par Yves-Junior MANZANZA LUMINGU Université de Kinshasa - Licence en Droit 2006 |
C. Perspectives de lege ferendaFrappés par ce recul, d'aucuns ont proposé des palliatifs à ce silence. Pour combler cette lacune, il serait indiqué que la femme mariée « informe » son mari avant de s'engager dans le lien d'un contrat de travail. Mais cette information est quasi réductible à une demande d'autorisation, ce qui placerait toujours la femme dans le régime du Code de la famille. S'attachant à la technique législative, le professeur MUKADI BONYI propose deux possibilités pour supprimer l'autorisation maritale qui a malencontreusement été introduite dans la législation sociale congolaise (64(*)) : 1° Modifier l'article 6 du nouveau Code du travail en ajoutant un nouveau litera ainsi rédigé : « la femme mariée peut valablement engager ses services, sans autorisation de son mari » Ce litera sera ainsi une exception à la loi générale qu'est le Code de la famille. 2° Abroger carrément l'article 448 du Code de la famille et le remplacer par un nouvel article libellé comme suit : « le mariage ne modifie en rien la capacité juridique des époux » Par ailleurs, pour éviter ce genre d'incohérence en matière d'élaboration des lois, un recours systématique aux avis de la section de législation de la Cour Suprême de Justice s'impose (du moins jusqu'à son remplacement par l'institution concordante telle que prévue par la Constitution de la République du 18 février 2006). Car on y trouve des magistrats chevronnés et hautement qualifiés pour aider le Gouvernement à déceler les incohérences des projets de lois. En outre, il serait impérieux que la Commission permanente de réforme du droit congolais soit associée à de telles initiatives afin que chaque réforme introduite ait sa raison d'être. Pour notre part, nous suggérons deux possibilités s'attachant l'une à la suppression expressis verbis de l'autorisation maritale et l'autre à la ré instauration de l'opposition expresse du mari. 1. La suppression de l'autorisation maritale Elle pourrait s'opérer de deux manières : 1° Abroger l'article 215 alinéa 2 et l'article 448 du Code de la famille de manière à ce que la femme mariée soit apte à conclure tout acte juridique sans nécessité d'être préalablement autorisée par son mari. Ainsi, à l'instar du Code du travail français, le silence observé par le législateur du Code du travail congolais ne constituerait plus une entrave à la liberté professionnelle de la femme mariée. Ce silence cessera d'être coupable car la loi générale serait déjà favorable à la femme quant à sa capacité professionnelle ; et l'exigence d'une disposition spéciale en cette matière ne serait plus fondée. 2° Garder intactes les dispositions du Code de la famille si du moins l'on tient à maintenir la femme dans cette situation par rapport à d'autres actes juridiques importants, mais modifier l'article 6 du nouveau Code du travail en y ajoutant un nouvel alinéa qui, en tant que disposition spéciale, pourrait déroger au principe du droit commun. Cet alinéa pourrait être libellé comme suit : « la femme mariée peut valablement engager ses services sans autorisation de son mari et sa capacité professionnelle n'est soumise à aucune exigence qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir » 2. L'opposition maritale D'aucuns pourraient considérer cette option comme un recul face aux « avancées » qui seraient observées du moins dans l'imaginaire, d'autres la traiteraient de traditionaliste ou de nostalgique. Mais, à notre avis, elle serait une solution de bon sens qui, d'ailleurs a fait ses preuves sous le régime de l'ancien code. L'on se demande, en effet, si la femme mariée était bien consolidée dans sa peau de capable en matière de travail, l'opposition ne jouant que comme un tempérament utile, assorti d'ailleurs de garde-fous, pourquoi le législateur de 2002 a-t-il cru opportun et indispensable de débattre d'une question qui ne suscitait aucun problème ? Par conséquent, il serait souhaitable de modifier l'article 6 du nouveau code du travail en rétablissant les dispositions de l'article 3c de l'Ord-loi de 1967. Ainsi, cet article serait reformulé de la manière suivante : « la capacité d'une personne d'engager ses services est régie par la loi du pays auquel elle appartient ou, à défaut de nationalité connue, par la loi congolaise. Au sens du présent code, la capacité de contracter est fixée à seize ans sous réserve de dispositions suivantes :
En résumé, rappelons que l'autonomisation de la femme pourra concourir à son épanouissement et au développement économique. Il convient donc de lui reconnaître une liberté d'initiative quant à l'exercice d'une activité salariale ; encore faut-il qu'il y ait des possibilités d'embauche. Sinon, les femmes ne cesseront de peupler à longueur de journées des temples qui, d'ailleurs, ne sont plus à mesure de contenir du monde. En effet, faute d'emploi, tout le monde se lance désespérément à des prières interminables comme s'il s'agit là d'une baguette magique pour le développement national. Nous pensons que le jour où il y aura une bonne politique d'emploi et de pertinentes possibilités d'embauche, la femme à qui sera reconnu le pouvoir de prester librement sera à même de contribuer par son travail aux efforts de la reconstruction nationale. Mais au-delà de tous ces voeux, il faut aménager des tempéraments en ce sens que chacun des époux peut s'opposer à ce que l'autre exerce une profession qu'il estime de nature à porter un préjudice à ses intérêts moraux ou matériels ou à ceux des enfants. Cette attitude favoriserait une bonne ambiance conjugale. En effet, si déjà le philosophe allemand Martin HEIDEGGER renseigne que l'homme (au sens de homo) est un mit Sein(65(*)), c'est-à-dire « Etre avec », mieux un être fait pour vivre ensemble avec des êtres semblables à bien des égards à lui, à combien plus forte raison cette coexistence est nécessaire et même impérieuse pour un couple. D'où il faut préconiser la promotion des droits de la femme et sa pleine liberté, mais sans négliger de préserver la concorde familiale et l'harmonie conjugale. Tout compte fait, de l'étude comparative réalisée quant à la capacité professionnelle de la femme mariée en droit français et en droit congolais, il ressort que le législateur français a procédé étape par étape, apportant chaque fois un nouveau soulagement à la femme. En revanche, son homologue congolais a préféré, après avoir fait un pas considérable, retombé dans sa case du départ, le nouveau code du travail ayant contre toute attente renforcé la discrimination à l'égard de la femme. * 64 MUKADI BONYI, loc.cit. * 65 HEIDEGGER, M., cité par MATENSI TAKIKANGU, Cours de philosophie contemporaine, G3 Philo, Kalonda, 2001-2002. |
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