SECTION II. LA POSITION DU
LEGISLATEUR CONGOLAIS
Héritage du droit français par l'entremise de la
Belgique, la législation congolaise sur l'état et la
capacité des personnes est dès le départ une photocopie du
code civil Napoléon. Sous le régime colonial, certaines lois
furent adoptées en matière du travail, mais avec comme
caractéristique majeure la discrimination raciale. Deux textes
régissaient l'un le contrat de travail et l'autre le contrat
d'entreprise.
C'est juste après l'indépendance que la RDC a
connu une législation dense en matière du travail avec comme
point de mire la promulgation du Code du travail en 1967 par l'ordonnance loi
n° 67/310 du 9 août 1967. Cette législation est restée
en vigueur jusqu'à la promulgation de la loi n° 015/2002 du 16
octobre 2002 portant nouveau code du travail.
Malheureusement, à l'instar de Ponce PILATE, le
législateur de 2002 a brillé par son silence quant à la
capacité professionnelle de la femme mariée. Est-ce par ignorance
de ses propres textes, par complaisance ou par triomphalisme
mitigé ? That is the question !
Ce faisant, nous analyserons d'abord la législation
coloniale, ensuite l'ordonnance-loi n° 67/310 du 9 août 1967 avant
de parcourir la loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant nouveau code du
travail. Cette démarche nous permettra de procéder, en
dernière analyse, à une appréciation critique du code du
travail congolais en vigueur.
§1. La législation
coloniale
La législation coloniale en matière du travail
est caractérisée par la discrimination raciale, avec deux
régimes distincts.
L'on établissait une nette différence entre le
contrat d'emploi et le contrat de travail selon qu'il était conclu, dans
le premier cas, par les européens et dans le second par les
indigènes.
Il sied de signaler a priori que ces deux régimes ne
réservaient pas le même sort à la femme mariée.
A. Le décret du 25
juin 1949
Ce décret régissait le contrat d'emploi et ne
concernait que les européens, les seuls capables de conclure un tel
contrat.
Dans l'esprit de ce texte, la femme mariée de
nationalité belge n'avait pas besoin de l'autorisation maritale pour
prester, ni pour intenter les actions nées du contrat d'emploi. Il
s'ensuit que la femme mariée belge bénéficiait d'une
liberté d'initiative qui serait soit totale, soit assortie d'une
possibilité d'opposition par le mari.
Tel n'est pas cependant le sort réservé aux
femmes indigènes.
B. Le régime du
contrat de travail des indigènes
Ce régime fut organisé successivement par le
décret de 1910, le décret du 16 mars 1922 et
l'arrêté royal du 19 juillet 1954.
Dans tous les cas, la femme mariée ne pouvait
valablement conclure un contrat de travail qu'avec l'accord préalable de
son mari ; cette autorisation pouvant être expresse ou tacite.
Exceptionnellement, le décret de 1910 prévoyait
une possibilité pour l'autorité judiciaire de décider en
lieu et place du mari. Cette situation ne tarda pas de susciter des
réactions de la part du Conseil colonial qui fustigea les extrapolations
des auteurs de ce décret.
Aussi le rapport dudit Conseil pour le décret du 16
mars 1922 note-t-il que la commission a été unanime à
supprimer la disposition du décret de 1910 qui permettait à
l'autorité judiciaire de se substituer au mari et d'autoriser, contre le
gré de celui-ci, la femme mariée à engager ses services
à un maître européen.
Cependant nous ferons plus allusion à
l'arrêté royal de 1954 qui tendait à apporter des
limitations au décret du 16 mars 1922 régissant le travail des
indigènes et serait le point de départ du processus
d'instauration d'un régime unique de louage de services visant à
supprimer la discrimination raciale.
Aux termes de l'article 4 de cet arrêté
royal : « la femme mariée, civilement ou
religieusement ou suivant la coutume indigène, ne peut valablement
engager ses services sans l'autorisation expresse ou tacite de son
mari »
Cet article se conformait ainsi à l'esprit des
dispositions du code civil congolais livre 1er, notamment à
l'article 122 qui stipulait que « la femme [mariée] doit
obtenir l'autorisation de son mari pour tous les actes juridiques dans lesquels
elle s'oblige à une prestation qu'elle doit effectuer en
personne »
Or le contrat de travail est une convention qui exige du
travailleur l'exécution personnelle de la prestation, parce que conclu
intuitu personae. Le législateur colonial n'a fait que reprendre les
principes énoncés dans le droit commun, sans chercher à y
insérer un petit bémol, mieux une règle spéciale
qui dérogerait à la règle générale.
Retenons pour conclure que, pour l'arrêté royal
sous examen, la femme mariée ne pourrait conclure un contrat de travail
sans autorisation de son mari, quelle que soit la forme de leur mariage.
En fait, du moment qu'il y a une famille qui existe, peu
importe qu'elle se soit fondée sur un mariage civil ou encore sur un
mariage religieux, ou enfin sur un mariage suivant la coutume indigène,
la loi doit la respecter et ne rien autoriser qui puisse la troubler, la
disloquer ou la dissoudre. Pourtant, en autorisant une femme mariée
à s'engager au service d'une personne contre la volonté de son
mari, le juge aboutirait fatalement à briser un foyer, à
séparer une famille.
Cette difficulté a été prise en compte
par l'ordonnance-loi n° 67/310 du 09 août 1967 qui fera l'objet du
paragraphe suivant.
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