2.
L'entrée en résidence : une crise dans la vie du sujet et
dans le système familial
De la naissance à la mort, la vie de l'Homme est
ponctuée par des passages. Certains ont valeur de normes, ou de
promesses, comme l'entrée à l'école pour les enfants, le
mariage, l'entrée dans le monde professionnel...mais d'autres sont
redoutés comme le passage à la retraite ou l'entrée en
institution pour la personne âgée qui représentent un
sentiment de finitude. Selon Erikson (1982), chaque tranche d'âge
correspond à un stade représentant une crise psycho-sociale
majeure. A chaque stade sont présents des éléments
négatifs et positifs. Si l'adulte de plus de 60 ans procède
à l'assimilation de son histoire, de l'ordre de sa vie, conduisant au
sentiment d'intégrité ; d'autres, moins chanceux,
éprouvent rejet et honte. Quelque soit la résolution des
différents stades de vie, l'entrée en résidence vient
perturber l'évolution du sujet.
Certaines étapes peuvent être prévues,
mais ce n'est pas pour autant que l'on s'y prépare réellement.
Une étape non préparée est un cap beaucoup plus difficile
à franchir que lorsque l'on a fait les préparatifs
nécessaires. Il n'y a pas deux personnes et deux familles qui
préparent de la même façon l'entrée en institution.
La singularité de chaque sujet est ainsi à penser. Le changement
s'impose à la personne lors du passage de ces seuils (« je ne
pouvais plus rester seule, je voyais bien que je ne pouvais plus faire les
mêmes choses, j'avais atteint un seuil » exprime ce sujet
à la résidence Midi-Pyrénées), et il est
nécessaire de se réorganiser.
L'entrée en institution est souvent le point culminant
d'une crise familiale. Selon T. Darnaud (2008), une crise est une
période plus ou moins longue, pendant laquelle le système
familial est à la recherche d'une solution à un nouveau
problème qui se pose à lui [8]. Il ne s'agit pas d'un simple
changement de lieu de vie mais bien d'une transformation d'état de la
personne. Le système familial traverse donc une crise qui peut l'amener
à l'écart de l'équilibre. Lorsque la personne vit à
domicile, de nombreuses aides peuvent être mises en place, mais il arrive
un temps où le retour à l'équilibre n'est plus possible.
A l'arrivée en foyer-logement, la notion de crise
familiale est présente puisqu'un changement s'opère mais elle
semble différente de la crise observée lors de l'entrée en
établissements médicalisés. En effet, les personnes
âgées entrant en foyer-logement sont indépendantes et
choisissent dans la plupart des cas seules cette installation. La famille et le
sujet, conscients des changements s'opérant avec l'avancée en
âge, préparent l'avenir. La solution qu'ils trouvent à
cette rupture d'équilibre est donc le foyer-logement, qui
représente pour eux « la
sécurité ».
Chaque passage est une réactualisation de la souffrance
générée par la rupture de l'équilibre existant dans
l'ancienne dynamique de vie de la personne. A son arrivée dans la
résidence, le sujet doit donc recréer et tisser de nouveaux liens
avec son entourage pour trouver un nouvel équilibre en concordance avec
son statut de « résident ».
Selon Bowlby (1978), durant toute transition se joue en
condensé trois expériences fondatrices de l'Homme :
l'attachement que la crise va transformer en détachement, la
séparation et la perte [2]. Le Moigne J.L. (1994), décrit la
crise comme une bifurcation [18]. Pour limiter les conséquences
néfastes de cette crise familiale, il est important que l'entrée
soit en phase avec l'idéal du sujet, de sa famille et du milieu social
dans lequel il baigne. L'idéal du moi est satisfait lorsque la
représentation de la résidence et de l'entrée sont
conformes aux représentations investies comme positives.
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