L'entrée du sujet à¢gé en foyer logement( Télécharger le fichier original )par Caroline Chapelier Université Toulouse-Le-Mirail - Master 2 psychologie parcours gérontopsychologie 2009 |
5.2 Les liens à l'ancien domicileGarder sa maison à l'extérieur de l'établissement peut poser des problèmes dans la mise en place de nouveaux investissements. Certains auteurs pensent même qu'il n'y a pas de vie possible en institution si l'énergie psychique est encore bloquée en arrière (Maltaverne, 1990) [23]. Dans tous les cas, l'entrée en résidence implique souvent des transformations dans la possession de ses biens et de ses objets. Un choix doit être fait de la part de la personne concernant les objets qu'elle souhaite conserver dans son nouveau domicile ainsi que ce qu'elle fait du reste. Ces décisions sont souvent difficiles pour le sujet âgé (« faut faire le deuil » « c'est des moments difficiles » « on laisse tout ») qui a parfois vécu pendant de nombreuses années au sein du même mobilier. Pour d'autres, il s'agit davantage d'un soulagement car ces objets peuvent leur remémorer leur passé et par exemple leur conjoint. Changer de meubles peut donc signer un investissement dans une nouvelle partie de vie et la conservation d'affaires personnelles peut être associée à une certaine continuité dans le changement. Pour illustrer cela, Mme D. explique apprécier vivre dans un endroit « agréable et différent », soulignant ainsi le renouveau par ses nouveaux meubles. La personnalisation du domicile a donc toute sa place dans le processus d'adaptation de la personne âgée au sein de la résidence. 5.3 L'adaptation lors de l'entrée en résidence : notion de socialisationLe déménagement constitue une transition, dont le phénomène peut être mis en relation avec celui de la socialisation. Certains travaux relatifs aux adaptations du sujet lors de cette période se sont développés autour des phénomènes de professionnalisation. Nicholson (1984) a développé la théorie des transitions du rôle professionnel7(*). Ce modèle met en avant trois facteurs qui affectent l'adaptation du sujet dans son nouvel environnement. Nous proposons de faire un parallèle entre le monde professionnel et l'entrée en résidence. [27] Le premier facteur est l'orientation motivationnelle (désir de contrôle). La notion de contrôle est centrale lors d'une entrée en résidence pour personnes âgées. Le sujet a souvent l'impression d'être désubjectivé, de ne plus maîtriser sa vie. Le second facteur est la socialisation professionnelle antérieure : Il s'agit ici de la manière dont la personne âgée s'est socialisée dans sa vie passé, les liens qu'elle a entretenus avec son entourage et la façon dont elle rentre en contact avec autrui. La personnalité a donc un impact sur l'adaptation du sujet. Le dernier facteur correspond aux tactiques de socialisation déployées par l'entreprise. L'adaptation du sujet âgé dépend non seulement de facteurs internes mais également de facteurs externes liés à l'accueil mise en place par l'institution. Les choix de socialisation (activités proposées à un nouvel arrivant par exemple) vont jouer un rôle important dans l'adaptation de la personne. Pour expliquer ce processus d'adaptation au sein de la résidence, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Festinger (1962) mettant en avant les mécanismes de résolution de dissonances cognitives [10]. Ce mécanisme consiste à valoriser tous les éléments favorables à la décision qui a été prise (entrer dans la résidence) alors que le poids des arguments de sens opposé est minimisé. Le sujet recherche donc de la cohérence interne pour justifier sa présence au sein de la résidence et se persuade du bienfait de son choix. Après une année de vie en institution, la personne âgée constate l'état de fait. Les sujets âgés cherchent ainsi des justificatifs pour légitimer la situation. Maisonneuve (1973) explique que le changement est un passage d'un état à un autre [21]. Selon lui, ce processus s'accompagne d'un état de tension psychologique où se mêlent une certaine anxiété et la nostalgie d'un ordre passé, sans oublier cependant une certaine espérance. Maisonneuve met également en avant la tentative de mobilisation du sujet, d'adaptation, de transformation des situations ou des choses à gérer selon sa propre conception. Il confirme ici la vision active du sujet dans son adaptation et sa socialisation. La personne âgée confrontée à un une situation nouvelle va donc abandonner ses stratégies habituelles. Pour Tap et al. (1995), ayant développé le modèle de la personnalisation, il existe 4 processus stratégiques lors de l'adaptation à une nouvelle situation [31]. Nous allons présenter ces processus et tenter de faire le lien avec celles utilisées par le sujet âgé. Stratégies identitaires basées sur l'identité8(*) : Le sujet âgé entrant en résidence qui utilise cette stratégie va tenter de se mettre en avant, d'être reconnu par ses pairs. Stratégies de positionnement social9(*): Le sujet âgé va tenter de trouver une place dans la résidence, d'assumer un rôle. Cette position sociale lui permet de préserver son sentiment d'utilité et de s'adapter dans la structure. Nous pouvons prendre l'exemple de M. C., un des participants du groupe de parole (Travail clinique 1, 2 et 3) au sein de la Résidence Midi-Pyrénées qui occupe un positionnement social valorisé dans la ville et dans la résidence, prenant en charge de nombreuses responsabilités. Cela l'a aidé pour s'intégrer au sein de la résidence lors de l'installation et la reconnaissance qu'il en tire semble maintenir une estime de soi satisfaisante. Stratégies de projet 10(*): Mme Z. est une personne âgée de 86 ans, vivant au sein de la résidence depuis trois ans. Depuis son entrée, elle souhaite entreprendre la construction d'un logement avec son fils ou louer un second appartement dans l'espoir de passer la moitié de l'année dans ce logement et l'hiver dans la résidence. Ce projet, réalisable ou non, permet à Mme Z. de gérer ses conflits internes. L'espoir de changement est donc un élément indispensable dans la continuité de sa vie. Stratégies de coping : Elles permettent au sujet de contrôler, de tenter de maîtriser quelque chose dans la situation présente en ayant une action sur elle. Le sujet s'ajuste à une nouvelle situation ou se défend contre toutes emprises. Ces stratégies seront abordées conjointement aux mécanismes de défense. La personne, quelque soit son âge, se construit et continue de croître en fonction des interrelations qu'elle organise entre ses différents domaines d'existences et ses conflits. Le processus de socialisation11(*) est d'autant plus complexe que le sujet est confronté à des résidents déjà installés dans l'établissement dont chaque histoire de vie est différente. Pour Tap (1988), il existe deux processus de socialisation [32]: · L'intégration personnelle du social Ce processus interne et centripète permet au sujet de faire entrer en lui-même les caractéristiques et les exigences sociales et culturelles de son environnement. Tap dégage trois étapes au sein de ce processus : la capacité à identifier les acteurs sociaux et à s'identifier à eux, puis l'intériorisation (inscription au niveau interne) et enfin l'appropriation. Nous pouvons supposer que la personne âgée passe par les mêmes étapes lors de son arrivée : A son entrée, elle repère et identifie les acteurs sociaux de la résidence et s'identifie alors à certains résidents. Après quelques temps, le sujet intériorise les normes et les valeurs de l'établissement et du groupe social auquel il s'est identifié. Il s'agit donc d'une inscription interne, parfois longue et difficile, étant donné l'histoire de vie de la personne et sa socialisation antérieure. La socialisation se solde ou non par l'appropriation de l'ensemble de ces données. · L'intégration sociale de la personne Ce processus externe et centrifuge permet au sujet d'entrer dans des relations et des réseaux sociaux. Tap (1988) distingue trois étapes au sein de ce processus : initiation, insertion et intégration [32]. La personne âgée va s'insérer au sein de la résidence en créant du lien avec les autres résidents. Nous pouvons supposer que cette partie de la socialisation est difficile pour le sujet. En effet, celle-ci dépend de nombreux facteurs de la personne, comme les modes de socialisation antérieure, la personnalité, le vécu...Chaque résident, doté de son propre passé (souvent de plus de 80 ans), doit donc faire face à celui des autres. * 7 Théorie des transitions du rôle professionnel (Nicholson, 1984) : Lors de l'entrée au sein d'une nouvelle organisation (entreprise pour le professionnel, résidence pour la personne âgée), deux styles d'adaptation sont possibles Tout d'abord le développement personnel, qui consiste à modifier ses cadres de référence, son système de valeur, style de vie pour répondre à la situation. Ensuite, le développement de rôle qui correspond à la manipulation de l'environnement. Nous pouvons ici faire le lien avec le lieu de contrôle (locus of control) du sujet qui peut être interne ou externe. Ces deux stratégies, non exclusives l'une de l'autre, permettent au sujet de s'adapter à sa nouvelle situation et d'y faire face. * 8 Stratégies identitaires basées sur l'identité : ont pour fonction d'agir sur la définition de soi en maintenant, préservant ou augmentant le degré de valorisation de soi, en assumant une logique interne et en maintenant une continuité dans le changement. Le besoin de reconnaissance sociale fonde cette dynamique identitaire. * 9 Stratégies de positionnement social : Il s'agit de trouver ou d'inventer une solution à la crise, au conflit, en modifiant le rapport des rôles joués, en s'engageant dans de nouveaux réseaux. * 10 Stratégies de projet : Elles permettent de défendre des projets, de se dégager d'une situation problématique, de gérer des conflits par anticipation ou espoir de changement. Ces projets peuvent être réels ou imaginaires (par le rêve) mais permettent par l'espoir de s'insérer dans la résidence. * 11 La socialisation, selon Malrieu (1973), concerne spécifiquement la relation à autrui, intégration à un groupe, une société. Lors de son entrée au sein de la résidence, la personne âgée se socialise en intériorisant les normes et valeurs de l'institution mais également en se les appropriant [22]. |
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