Il existe bien des conflits d'intérêts portant
sur la présence des commerçants chinois. Plus économiques
que politiques ou idéologiques, ils scindent néanmoins deux
camps, deux groupes et en font ressortir deux représentations. Le
patronat et les petits entrepreneurs d'un côté, conservateurs et
désirant garder leur influence sur la vie économique, en refusant
la concurrence chinoise, et, les consommateurs et leurs représentants de
l'autre côté, progressistes, libéraux, qui accueillent avec
complaisance cette concurrence positive pour les portefeuilles des plus
démunis, soit la majorité de la population dakaroise. Le
gouvernement quant à lui se positionne dans ce second groupe, appliquant
des mesures ponctuelles pour feindre le plaidoyer (envers le
99 Senghor, socialiste, refusa tout amalgame (et
projets) avec les idéologies marxistes. Proche de la
social-démocratie française actuelle donc (ne remettant pas en
cause le capitalisme mondial, mais en l'adaptant aux besoins nationaux).
premier cercle d'individus et syndicats). Ce faisant, il ne
cherche pas le règlement des conflits, ne jouant pas son rôle,
mais y trouve une occasion d'arborer ses sentiments auprès de la RPC :
c'est le rejet des responsabilités.
Rejet des responsabilités également car c'est
une nouvelle preuve de leur incapacité à contrôler et tenir
l'économie locale. Ces organisations puissantes ne peuvent rivaliser
avec le lobbying français. C'est là une frustration. Ensuite, les
Libanais s'accaparant le secteur commercial, ils intègrent ces derniers,
par la force des choses si je puis dire. Enfin, l'arrivée des Chinois
déstabilise de fond en comble ce monopole commercial, des prix
notamment. Mauvaise stratégie, manque de clairvoyance,
d'objectivité et de spontanéité économique,
frustration, voici comment je résumerai la situation qui en devient une
représentation.
Il est significatif de voir comment moins de 200
commerçants peuvent en l'espace d'une dizaine d'années, imposer
une « révolution » économique (à
l'échelle du marché dakarois) et sociale. Politiquement, l'enjeu
est plus emprunt de symbolique et de volonté de ne pas contrarier son
nouveau partenaire que dogmatique, philosophique, idéologique. Ceci pose
une question fondamentale : quelle doit être la politique d'accueil,
migratoire, du Sénégal ? L'État doit il affiner les
conditions d'entrées, la législation, encadrer leurs
activités commerciales ? Actuellement, la réponse est non. Non
seulement le gouvernement ne s'y emploie d'aucune manière, mais serai
t'il intelligent politiquement, socialement, diplomatiquement, de fermer les
frontières à des commerciaux qui de surcroît, profitent
à la majorité ? L'État est incohérent,
contradictoire et donc dans la confusion.
Je change d'échelle pour revenir au niveau
économique national. La coopération entre le pays asiatique et de
l'Afrique de l'Ouest reste marginale. Pourtant, en l'espace de cinq
années (entre 2000 et 2005 où les deux États
n'étaient pas encore liés diplomatiquement) la Chine devint
incontournable : elle est la quinzième importatrice et septième
exportatrice ; mille milliard de FCFA ont été injectés
dans quarante projets et réalisations ; je constate une évolution
négative des exportations sénégalaises mais positives
à l'inverse et, surtout, la dette (balance commerciale) a
augmenté de 36 % en seulement une demie décennie ! Les IDE
(Investissements directs à l'étranger) chinois restent
confinés à des secteurs restreints et choisis (les ressources
halieutiques, le textile, le BTP). Mais ces secteurs étant primordiaux
au Sénégal, ce dernier doit enrichir les liens commerciaux
existants. Les grands travaux100 et les entreprises chinoises sont
autant de possibilités pour le Sénégal de gagner son pari
: un partenariat positif avec la Chine. Il faut d'ores et déjà
comprendre que le Sénégal n'est pas en position de force pour
négocier. Il ne peut que proposer de
100 Spatialisés en annexe IIn, page 158.
nouvelles associations (encore que ce soit la Chine qui le
fasse, en général), les multiplier et les étayer.
Géopolitiquement, l'État de la
teranga, qui donc ne doit pas toujours être perçu comme
tel par les commerçants chinois, a un rôle à joué et
a les cartes en main. Économiquement, le système très
libéral imposé par A. Wade démontre ses limites. Le
gouvernement ne contrôle que les sociétés d'État.
L'économie est maîtrisée et assujetti par les
Français, les Libanais et dans une moindre mesure, les Indiens et les
anciens PVD, aujourd'hui NPI (Nouveaux pays industrialisés, le
Brésil notamment) qui rattrapent les vieilles économies
européennes issues de la révolution industrielle britannique.