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Les enjeux géopolitiques de la "percée" chinoise au Sénégal

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par Xavier Aurégan
Institut Français de Géopolitique - Master 2007
  

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3. Les commerçants

Les commerçants chinois représentant la majorité de cette communauté implantée au Sénégal sont exclusivement établis à Dakar. De nombreuses interrogations émanent quant à cette population. Il est vrai qu'ils ne passent pas inaperçus. En contradiction avec les Libanais, toubabs et peuples africains limitrophes : les Libanais, comme je l'expliquerai dans le chapitre II de la seconde partie, page 94, sont depuis plusieurs générations intégrés ; les toubabs ou blancs, terme familier et amical désignant les Européens et notamment Français, sont également depuis longtemps assimilés et agrégés dans la société sénégalaise ; les Maliens, Gambiens, Mauritaniens et Guinéens sont de par leur couleur de peau également confondus. Les Chinois sont les seuls à attirer autant de curiosité à leur égard, les Indiens passant, et c'est insolite, plus inaperçus (car plus rares et spatialement limités aux mines de phosphate).

Physiquement et socialement différents des Sénégalais, ce sont les étrangers les plus distincts de tous les groupes sociaux vivant dans ce pays et dans la grouillante Dakar. Plusieurs explications peuvent être apportées : leur physionomie bien sûr, éloignée des traits physiques des habitants de l'Afrique de l'Ouest, le fait que ce soient les derniers migrants dans cet État de la Teranga77, leur intégration sociale, leur statut de commerçants et enfin leurs moeurs et manières de vivre.

Le Sénégal accueille depuis toujours les nouveaux arrivants avec bienveillance. Ce n'est pas un hasard si c'est actuellement un des derniers pays et plus précisément une des dernières capitales africaine où un blanc peut se promener seul sans risques. Le seul ennui est le perpétuel quémandeur, ou bana-bana venant demander quelques FCFA ou voulant vendre à tout prix des objets souvent inutiles ou touristiques. Les Talibés sont des enfants, instruits religieusement (je rappelle que la religion principale au Sénégal est l'Islam, pratiqué à 90 %, même si les moeurs sénégalaises font qu'il est plus ou moins respecté (alcool, pratiques sexuelles). Les jeunes surtout, ont une forte tendance à l'interpréter à leur guise, ce qui ne les empêche pas pour autant de l'exercer quotidiennement.) Ils sont livrés à eux-mêmes et doivent obtenir par tous les moyens des francs qui leur permettront de se nourrir.

Je reprends, c'est la dernière communauté à s'installer, ce qui amène à un questionnement sur la capacité d'accueil de la société sénégalaise (voir le troisième point de ce chapitre).

77 Hospitalité, ou accueil en wolof.

Les Sénégalais comme tout peuple78, subit des pressions politiques nationalistes. L'emploi étant précaire et rare (dans le formel j'entends), certains ne se gênent pas pour clamer la dangerosité de cette population asiatique. Leur emploi et statut sont par ailleurs des difficultés supplémentaires à leur intégration.

Un bref rappel historique est souhaitable : dans un premier temps, les sénégalo-libanais (Libanais pour clarifier) commencent à faire des allers-retours en Chine où ils achètent les produits made in China. Les Sénégalais de souche voyant cette occasion les rejoignent. Mais les Chinois du Sénégal et plus précisément de Henan Chine et Sénégal Pêche et S. Armement interprètent rapidement la conjoncture, parlant de facto la langue et ayant des contacts familiaux et autres au pays, dans la « fabrique du monde », vont après leurs contrats, rester en Afrique afin d'y créer des commerces. Petit à petit, ce sont les Chinois qui vont organiser le marché (import et export), s'appuyant sur certains Sénégalais pour réguler et répartir la marchandise une fois entrée et contrôlée au port de Dakar. Ayant désormais accaparé ce marché, ils sont accusés de ne pas redistribuer les richesses, d'autant que leur style de vie favorise ce sentiment : ils n'achètent pas de produits sénégalais, ne mangent pas sénégalais, ne se vêtissent pas selon les coutumes locales... Tout ce dont ces commerçants chinois ont besoin, consomment, est importé de Chine (vélos, nourriture, habits). L'intégration n'est pas facilitée car ils se regroupent géographiquement, entraînant un effet loupe, une représentation démultipliée par rapport au nombre total d'hommes et femmes implantés à Dakar. Enfin, leurs produits sont aujourd'hui si visibles, car achetés par toutes les couches sociales sénégalaises, je peux dire en quelque sorte, que la Chine est omniprésente dans les rues et foyers dakarois.

Les commerçants chinois (majoritairement jeunes : 20 à 40 ans) sont installés sur trois territoires urbains de la capitale, à forte valeur ajoutée et à valeur symbolique. Le phénomène de diffusion spatiale a joué. Les premiers commerçants s'installent vers la fin des années 1990 sur le boulevard du général de Gaulle. Lorsqu'en 2003 cette voie essentielle devient saturée (il n'est plus possible d'ajouter des commerces ou saturation foncière due au quartier densément peuplé de la Médina et à l'autoroute côté Est), les nouveaux migrants vont s'installer sur

78 L'Europe est malheureusement la plus distinguée en la matière : la France et l'Italie sont des États où le regain nationaliste est le plus fort. Immigration choisie, filtrée, les étrangers sont accusés dans ces trois territoires de tous les maux (mais également en Suisse, en Belgique, en Pologne, en Bosnie-Herzégovine et bien sûr en Russie). Mais sur tous les continents, la méfiance envers les clandestins, sans-papiers, ou émigrés tout simplement, est forte. Aux États-unis où le gouvernement Bush souhaite ériger un mur le long de la frontière Sud, pour stopper les migrants Sud-Américains ; en Israël où le mur sépare les colonies des territoires Palestiniens, afin d'éviter la multiplication des attentats terroristes, et, en Côte d'Ivoire, pour ne citer que ces exemples, où le rejet ethnique est fort ainsi qu'un nationalisme (contre les Burkinabés) exacerbé par la pauvreté et le désarroi politique. Des signes encourageants tout de même avec l'arrivée au pouvoir de Romano Prodi, mettant fin au règne de Berlusconi et de son oligarchie (mais les partis d'extrême droite, l'Alleanza nazionale et la Lega Nord, sont toujours très présents comme le Front national et le Vlaams Blok en Belgique ou le Hrvatska stranka prava et le Srpska demokratska stranka en Bosnie-Herzégovine). N'étant pas essentiel à l'étude je ne détaillerai pas plus.

Aurégan, Xavier, Le risque de l'extrême droite en Europe, Rennes, 2006 (dossier de Licence 3 de Géographie, Rennes 2).

l'avenue Faidherbe et les allées Papa Guèye Fall, ce qui représente le prolongement naturel du boulevard, vers le Sud, vers la grande mosquée et le Plateau. Si l'avenue Faidherbe est le prolongement naturel du boulevard, les allées Papa Guèye Fall se dirigent vers la gare Petersen où les Chinois rachètent les hangars et garages privés où les automobiles sont en réparation. On peut facilement observer un commerçant chinois implanté entre deux ateliers sénégalais.

L'ensemble des magasins achetés, loués, les commerçants chinois dernièrement arrivés vont s'implanter à quelques mètres de leurs confrères, sur l' « allée chinoise » (terme appliqué par les Sénégalais eux-mêmes) ou début de l'avenue Faidherbe. Sur la carte J, page 71 (et H, page 53), je présente schématiquement ces trois territoires. Ces commerçants modifient l'espace urbain79 : ce sont des espaces références, appartenant au patrimoine commun. Ces phénomènes diasporiques sont identifiables : un facteur quantitatif avec une concentration urbaine réelle et spatialisée et, un rôle économique indiscutable (ce sont les phénomènes diasporiques selon Pierre Trolliet).

Le boulevard de Gaulle (appelé également boulevard du Centenaire) compte 129 commerces dont 84 % environ sont tenus par les Chinois. L' « allée chinoise » compte elle 92 % de commerçants chinois et l'avenue Faidherbe angle allées Papa Guèye Fall, 71 %. Au total, je dénombre 163 commerces chinois contre 36 sénégalais sur ces trois territoires urbains étudiés. 82 % du total (199) sont gérés par ces détaillants venus d'Asie80. C'est un fort pourcentage.

Puis-je dénommé ce territoire « Chinatown » ? Selon la définition de P. Trolliet, il est difficile de faire la comparaison : « c'est un quartier affecté a une implantation chinoise, souvent voulu et défini comme tel, au sein d'une agglomération préexistante ou en création et qui a fini, par sa taille, sa structure, sa cohérence, par devenir une ville dans la ville [...] ville dans la ville, la Chinatown est dotée d'une dense infrastructure ethnique - commerces, artisans, temples, associations, journaux... - au service d'une société structurée et stratifiée, dotée d'une quasi- autonomie mais qui s'ouvre sectoriellement vers l'extérieur par ses restaurants, surtout. Elle a constitué et constitue encore ici ou là un maillon essentiel de la chaîne migratoire en tant que foyer d'accueil des nouveaux migrants et conservatoire identitaire de la communauté émigrée. Cette fonction d'accueil, qui opère comme un sas entre le pays natal et le pays d'arrivée - pour l'apprentissage de la langue, pour un premier emploi, pour s'intégrer aux réseaux ethniques, etc. - a valu très vite à toutes les Chinatowns une surcharge démographique de plus en plus considérable qui s'est traduite par un de leurs caractères bien visibles - les foules et l'animation de leurs rues ».

Certes certaines similitudes et concordances apparaissent (quartier de Dakar, commerces, foyer d'accueil, foule et animation) mais je ne peux pour autant qualifier ce territoire de

79 « Nous ne voulons pas de ce que font les Chinois sur les Allées du Centenaire qui peuvent devenir nos Champs-Élysées. Ils peuvent établir des partenariats avec les commerçants sénégalais et ne pas transformer ces allées en souks », dixit le ministre du Commerce.

Le Soleil du 7 décembre 2005.

80 En Annexe Ik, page 156, je propose certaines photographies de ces commerces.

« Chinatown ». Telle la communauté qui est une diaspora en devenir, cette zone urbaine est un Chinatown en devenir.

Il existe également trois autres commerces que je ne peux insérer dans le même groupe, deux sont cités plus haut, le dernier étant le Chinatel, boutique spécialisée dans les téléphones mobiles et proposant à la vente des appareils MP3, vidéos, informatiques... (Annexe Il, page 157).

ci

 

Une étude spécifique devait être faite sur ces hommes et femmes81. Elle révèle des informations et donnés intéressantes. Elle porte sur 39 de ces protagonistes, ceux ayant répondu au questionnaire proposé.

22 d'entre eux sont originaires de la province du Henan, dans le centre-Est de la RPC. C'est une province pauvre et peuplée82. Les provinces du Fujian (6 d'entre eux), de Shanghai (3), du Zhejiang (4), du Hubei, de Hebei et du Jiangxi (1 personne pour chacune des trois dernières) sont également représentées (voir ci-dessous et carte G, page 43). Un commerçant affirme par ailleurs être originaire de Russie.

Depuis combien de temps sont-ils au Sénégal ? Depuis six mois pour six d'entre eux, cinq sont installés depuis une année, un depuis un an et demi, huit depuis deux ans, trois depuis deux ans et demi, huit depuis trois ans, trois depuis quatre ans, six depuis cinq, deux depuis deux ans et une seule depuis sept années.

81 Avec Marie Gaborit, étudiante en seconde année du Master de Géopolitique, à l'Institut Français de Géopolitique.

82 Peuplée d'environ 100 millions d'habitants, elle demeure rurale et pauvre. En 2002, elle ne participe qu'à hauteur de 6 % du PIB (Produit intérieur brut) national. L'agriculture (blé, coton, tabac, arachides et sésames) et l'industrie (charbon, textile, fer, acier et aluminium) restent les principaux revenus de cette province, malgré son rôle historique : ce fut le centre politique de l'Empire chinois pendant des siècles, avec l'apogée, entre 1766 et 1027 avant J.-C., de la ville de Anyong (Nord) qui en était la capitale sous la dynastie Shang.

www.wikipedia.fr, Microsoft Encarta 2006.

Voir également en annexe presse et citations. , page 185

Ces premiers éléments de réponse révèlent une population relativement homogène. En opposition, ils et elles ne se concertent pas, à l'évidence, pour migrer au Sénégal, l'étendue temporelle l'atteste. La moitié de ces 41 (ceux ayant répondu à la seconde question) sont arrivés depuis 2005 (48 % et en bleu sur le graphique).

A la question pourquoi êtes-vous venus en Afrique, ils répondent à 60 % pour le business. Les deux réponses restantes sont, pour l'Afrique et pour la famille (respectivement 22, 8 et 3 réponses). Je dois préciser que tous ne répondent pas à l'ensemble des interrogations.

La quatrième question qui leur est posée est, que pensez-vous de la qualité de vie ici ? Seulement 5 répondent par l'affirmative : bien. 14 émettent des réserves, 11 ne se sentent pas bien au Sénégal et quatre apportant des réponses que je classe dans « autres », par exemple, « avant bien 900 yuan de douane, plus difficile depuis 2005, frais de douane 1480 yuan ». Parmi ceux ayant répondu avec des réserves et qui ne se sentent pas bien, voici ce qu'ils répondent : « au début c'est dur, difficile de s'adapter, maintenant ça va mieux » et « pas bien, beaucoup de voleurs, mauvaises conditions de vie, transport et environnement ».

A la question ouverte, présentez votre commerce, seulement trois répondent être satisfaits pour 20 répondant « moyen » et 7 ne se satisfaisants pas du leur. Voici leurs réponses : « c'est toujours rentable pour les Chinois de venir faire du commerce » ; « pas mal, assez pour nourrir sa famille mais pas assez pour devenir riche » et donc « beaucoup de stress et de concurrence » ou « les taxes augmentent et les prix baissent ».

La question suivante est, où achetez-vous vos produits ? Ils répondent tous en Chine, ce qui semble logique : il aurait fallu préciser dans la question la province et la ville, mais, certains affinent. La ville la plus fréquemment mentionnée est Yiwu dans la province de Zhejiang, au Sud-Est. Cette ville, qui est aussi un port, est spécialisée dans l'export, à destination de l'Afrique et du Moyen-Orient. Les provinces citées sont (Zhejiang) et Shanghai (qui est donc également une ville). Les cités de Guangzhou (Canton) et Shenzhen sont aussi évoquées par un commerçant. Vous remarquerez que Shenzhen est une zone économique spéciale (ZES) ou Zhongguo Jingji tequ, la plus importante d'ailleurs. Le PCC a créer quatre ZES : dans le Guangdong (villes de Shantou, Shenzhen et Zhuhai), le Fujian (Xiamen), sur le Yangzi Jiang (fleuve Bleu avec Pudong et Qinghuandao) et la ville de Changzhou dans la province du Jiangsu qui n'est pas encore officialisée. A remarquer également les liens entre ces ZES et les ports d'embarquement en carte G, page 43.

Achetez-vous vos produits seuls ou faîtes-vous de l'achat groupé ? Cette question est importante, car elle me permet de comprendre comment sont effectués les commandes, et, s'il existe une organisation au sein des commerçants. Eh bien 26 répondent « seul » contre 8 affirmant acheter en groupe, soit « groupé ». Ce sont des commerçants individuels qui ne lient pas assez de relations avec leurs voisins et compatriotes pour organiser l'achat des produits, pourtant très similaires. Ils possèdent donc, en majorité, leurs propres réseaux d'achat.

D'où vient votre capital d'investissement ? Là encore, la majorité des commerçants possède avant de s'installer leur propre capital nécessaire à la location de l'habitat et du magasin, sans omettre les fonds minimums à l'importation des premières marchandises. 18 d'entre eux possédaient ce capital, mais tout de même 12 ont du pratiquer un crédit pour parvenir à l'objectif commun, être et avoir les moyens matériels et financiers de commercer. 5 ont à la fois apporté un financement personnel et emprunté. A savoir, lorsqu'ils empruntent, c'est à la famille et aux amis ; un seul dit avoir emprunté à une banque, la Banque Populaire de Chine.

Comment choisissez vous les produits que vous achetez ? La grande majorité des réponses suivent logiquement le raisonnement ainsi opéré : ils choisissent seuls, en fonction du marché local, des coutumes et traditions. Trois disent ne pas choisir eux-mêmes leurs produits mais n'approfondissent pas cette démarche. Voici quelques exemples de réponses : « en fonction du marché local », « des prix pas chers », « selon le goût des clients », et même « en observant et avec audace », « en suivant l'ordre du Seigneur ». Visiblement, certaines réponses ne manquent, elles, pas d'audace.

Cette interrogation est quant à elle significative d'une représentation sénégalaise des Chinois : Avez vous reçu de l'aide du gouvernement chinois ? En effet, beaucoup pensent que les commerçants sont financièrement aidés par leur gouvernement pour investir sur le marché africain, qu'en est t'il ? 13 l'affirme, 21 répondent par la négative. En analysant les réponses, une question vient automatiquement à l'esprit, certains (ceux qui seraient aidés) mentent t'ils ou certains (ceux ne recevant aucune aide) sont ils ignorants ? Parmi ceux répondant oui, « l'État a donné des subventions et politiques favorables », « le gouvernement leur fournit une bonne base de production pour faire leurs commandes » et « le gouvernement chinois nous aide et prend soin de nous, le gouvernement africain nous soutien beaucoup », ils expliquent même grossièrement que la RPC n'est pas étrangère à leur volonté de s'installer sur ce continent éloigné et méconnu des leurs. C'est malheureusement une information ardue à vérifier. Mais, au regard des réponses de la seconde question, l'aide étatique si elle existe, est rare, étant donné que plus de la moitié se sont implantés avant 2005, date du rétablissement des relations...

Cette question relativement ouverte a provoquée des réponses qui le sont toutes autant : pourquoi avez vous quitté la Chine pour venir faire du commerce en Afrique ? En regroupant leurs témoignages, une vingtaine expriment l'expérience, le reste, l'argent. Je recueille par exemple « l'Afrique a un avenir prometteur en développement », « le continent africain est la dernière terre vierge », « parce que les gens ont besoin d'expériences variées pour enrichir leur vie et aussi pour subvenir à ses besoins » et dans le domaine uniquement pécuniaire, « pour trouver une voix qui me permette de gagner plus d'argent » ou « parce qu'il est difficile de trouver du travail en Chine ».

Je regroupe les deux questions suivantes en raison de leur sujet : pensez vous rentrer en Chine ou continuer a faire du commerce ici ? Pourquoi ? Et, votre famille est-elle venue aussi ou vous rejoindra-t-elle plus tard ? A la première, ils répondent oui (ils souhaitent rentrer) pour seize d'entre eux et non pour 6. 9 ne savent pas. A la seconde, 15 affirment être venus avec leur famille, ou, qu'elle le rejoindra plus tard et 21 pensent ne pas revoir leurs femmes et enfants avant leur retour au pays.

Les dernières questions sont ciblées, sur leurs commerces. La première étant, présentez les changements que vous avez pu observer dans le commerce. La plupart répondent à l'affirmative, autrement dit, il y a des changements : des modifications diverses : « il n'y a pas de règle les choses

évoluent », « ça suit la mode française », « trop de changement », « la concurrence est de plus en plus forte », « il y a plus de justice et d'égalité ».

L'autre question est : combien de conteneurs importez-vous de Chine chaque année ? Ici aussi les réponses sont différentes : deux importent 1 conteneur par année ; cinq importent de 2 à 3 conteneurs annuels ; deux importent de 3 à 10 ; trois en importent plus de 10 et sept déclarent que cela dépend des années et de la demande.

L'avant-dernière question est, quelle est la valeur marchande de la marchandise contenue dans un conteneur ? Les réponses sont ici éloignées, car l'échelle est pour le moins très grande, de quelques centaines à 5 millions de FCFA !

La dernière est plus précise : quel est le montant en valeur ou en pourcentage de vos bénéfices ? A cette question, je suis en mesure d'affiner les réponses : de 0 à 5 %, neuf réponses ; de 5 à 10, six réponses ; de 10 à 20 %, deux réponses ; de 20 à 30 %, trois commerçants et un seul dit faire plus de 30 % de bénéfices après avoir réglé l'ensemble des dépenses (achats, loyer, salaires...).

Avant de laisser nos protagonistes à leurs occupations professionnelles, nous avions inscrit une dernière épreuve, très ouverte et personnelle : autres informations que vous souhaitez ajouter. Seuls cinq ont répondu mais, leurs propositions et affirmations sont intéressantes : « nous sommes les bienvenus auprès des commerçants et amis de Dakar car 1- on peut fournir les marchandises qu'ils aiment, 2- prix pas cher 3- On a crée des emplois, avant certains étaient des voleurs maintenant ce sont des marchands, 4- les frais douaniers et loyers sont élevés, 5- quand il y a des vols la police est gentille et agit vite, mais même s' ils rattrapent le voleur, on ne peut récupérer la marchandise », « il serait plus intéressant de faire une étude non économique sur les Chinois qui vivent à l'étranger dans des conditions difficiles et comment ils arrivent à s'épanouir malgré ces conditions. Vive la Chine, je suis très fier de mon pays, notre dur labeur est notre fierté », « les containers sont souvent partagés entre plusieurs acheteurs, chacun réservant une certaine quantité de m3. Il y a environ 200 magasins, avec en moyenne 5 containers importés par an par magasin ça fait 1000 conteneurs par an en tout », « citation de la bible [2 Corinthiens, chapitre 5 verset 10]. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait, étant dans son corps » et moins philosophique, cette dernière remarque : « il n'y a aucun point commun entre la Chine et l'Afrique mais à cause du chômage, on a pas le choix, il faut partir pour tenter sa chance ailleurs ».

Cette étude qualitative et empirique apporte donc des informations essentielles à la bonne compréhension de la population commerçante chinoise. Mais j'en ai obtenu d'autres durant l'étude

de terrain : entre 20 et 30 % de ces Chinois sont des Chinoises ; fidèles aux clichés, ils possèdent des vélos, travaillent du matin au soir sans jamais se plaindre de leurs conditions (mis à part ces plaintes d'ordre économique relevées) et vivent de manière simple voire rudimentaire : certains magasins abritent des couches ou lits sommaires posés à même le sol. Une anodine remarque mais qui cache en elle bien des révélations sont les comptoirs. Ces comptoirs sont omniprésents chez les commerçants chinois (voir photos de l'Annexe Ij, page 155) mais rares chez les commerçants sénégalais (également installés chez les Libanais). Ces comptoirs où l'on peut lire en très mauvais français « Avis - chère clients(e) : toute marchandise achetée n'est ni échangeable ni remboursable - vérifiez votre monnaie avant de partir - merci de votre compréhension », signé du tampon du ministère de l'Intérieur, sont en fait de véritables murs antivols ! En effet, les Sénégalais ayant pour coutume, c'est peu de le dire, de négocier leurs achats, seraient pendant cinq, dix ou vingt minutes présents dans les commerces (à multiplier par le nombre de clients), jusqu'à l'achat final. Les Chinois ont trouvé la meilleure des parades, ne pas négocier et séparer le magasin, donc les produits, des clients. Le vol s'en trouve diminué.

Une remarque intéressante me vient d'une des vendeuses : elle affirme mettre en location son commerce, le bail, pour s'installer sur l'avenue Faidherbe où « ça marche mieux ». Selon un autre commerçant, c'est de plus en plus dur pour eux car le taux des loyers augmente continuellement. C'est en partie pour cela que la majorité des sondés déclarent vouloir rentrer en Chine sous peu. Le Sénégal n'est pas un eldorado.

Ces informations diverses pourraient être accompagnées de celles-ci : des journalistes de RTS (Radiodiffusion télévision sénégalaise) sont, un après-midi où Marie et moi-même conversions avec les commerçants de l'allée chinoise, venus effectuer un reportage sur ces derniers. Écoutant et parlant avec elle (la journaliste), nous apprenons que son reportage sera clairement à l'encontre des commerçants venus d'Asie. Elle prend parti sans s'en émouvoir. Une autre information donnée par un commerçant concerne la position stratégique du Sénégal : il prétend que ce pays est « le supermarché chinois pour l'Afrique de l'Ouest ». Cette affirmation est pourtant fausse, d'après le couple Yin et plusieurs autres témoins entendus.

Ceci étant dit, des questions doivent émerger chez le lecteur : sont t'ils réellement organisés ? Eh bien oui et non. Oui car il m'est clairement apparu que les nouveaux migrants bénéficient d'aides matérielles et financières, s'ils le souhaite, pour ouvrir l'échoppe et s'intégrer à Dakar. Mais ce n'est bien sûr qu'une organisation officieuse. Non car une organisation officielle a été tentée en 2005 et 2006, et continue de l'être. Malheureusement, les commerçants ne parviennent pas à se décider sur le nom du responsable. Mme Yin fut d'ailleurs proposée, mais son refus comme elle l'indique est plutôt judicieux : « l'Ambassade m'a demandé mais je ne veux pas car il n'y a pas de reconnaissance, pas de retours, ils sont trop individualistes ». Monsieur Liu, du restaurant

Le Mandarin place de l'Indépendance, fut lui aussi proposé, mais étant originaire de Shanghai, il n'était pas légitime.

Une seconde question serait, malgré tous les inconvénients (loyers, adaptation au pays, langue, vols...), pourquoi de nouveaux Chinois migrent au Sénégal ? La réponse est simple : ces agriculteurs et autres employés originaires de la province du Henan ne sont pas fortunés et comme je l'ai indiqué, ne peuvent que difficilement faire évoluer leur statut social, au sein de leur pays d'origine. Leurs compatriotes, par l'intermédiaire de Henan Chine, s'installent les premiers sur le boulevard de Gaulle, ayant pressenti les avantages et bénéfices à court terme d'un tel emploi dans un pays où la vie est relativement chère83. Le bouche à oreille fonctionne lors de retours et de nouveaux migrants du Henan s'installent à Dakar. Si aujourd'hui, certains migrent, la principale raison est monétaire et sociale : accéder en moins de quelques mois au statut de commerçant individuel est une évolution sans précédents pour certains, ce qui reste extrêmement difficile en RPC. Concernant la migration des commerçants, voici la réponse de l'ambassadeur de la RPC à Dakar, Lu Shaye : « je ne sais pas comment les commerçants chinois se sont établis à Dakar. Ce que j'ai constaté, c'est que les commerçants chinois sont venus pour la plupart à Dakar pendant les dix dernières années. Aujourd'hui, ils sont au nombre d'une centaine. Par rapport aux pays voisins, je ne pense pas qu'ils soient si nombreux que ça. D'ailleurs, leur présence à Dakar présente plus d'avantages que de problèmes ».

Cette affirmation confirmerait donc ce que la majorité des interrogés affirment. Il s'agit plus d'une démarche personnelle, individualiste que concertée et en rapport, soutenue par le PCC. Maintenant, quelles sont les aides dont parlent les autres interrogés ? Le commerçant prétextant que « le gouvernement leur fourni une bonne base de production pour faire leurs commandes » répond, seul, à la question comment achetez-vous, seul ou groupé ? Si l'État asiatique souhaitait réellement s'approprier le marché sénégalais, ne serais-ce pas plus aisé d'exporter les produits pour l'ensemble des détaillants établis au Sénégal (qui je le rappelle vendent les mêmes produits), voire à une échelle plus petite, en Afrique de l'Ouest ? Les coûts seraient de fait réduits... Il s'agit peut-être d'usines d'État, là, la production dont parle le commerçant serait effectivement proposée aux professionnels de la vente à un prix moindre. D'autres commerçants ont parlé de visas, de « subventions et politiques favorables ». Je ne pense personnellement pas un instant que l'État favorise ou assiste directement l'ensemble des commerçants chinois migrants en Afrique Subsaharienne. Des aides indirectes sont fournies, c'est certain, telles l'octroi facilité de visas,

83 Selon le recoupement des entretiens, les commerçants sénégalais ont dans un premier temps, subi les tarifs appliqués par les libanais. Les Sénégalais, qui détenaient le monopole commercial ont vu cette concurrence diminuer les marges des produits de consommation courante. L'arrivée des commerçants chinois permit une révolution : les prix ont été divisés par deux, mettant certainement des Sénégalais au chômage mais contribuant à la baisse du coût de la vie. Les foyers purent également acheter plus de produits (habillement, cosmétique, bien-être...) pour plus de personnes. Je rappelle qu'au Sénégal, si la qualité n'est que rarement prisée (sauf chez les favorisés), la quantité est, elle, très importante, dans le textile par exemple.

la conjoncture économique et sociale de la RPC permettant à certains de ses ressortissants de choisir de voyager et s'installer dans des États éloignés idéologiquement et géographiquement. Je n'exclue toutefois aucune possibilité, même certaines pressions habilement menées par l'ambassade ou le gouvernement envers certains dirigeants sénégalais pour favoriser les démarches et l'intégration des migrants. Je rappelle également l'arrivée de la moitié de ces commerçants interrogés post-2005, soit, une moitié arrivée lorsque le Sénégal entretenait encore des relations avec Taipeh.

L'ambassadeur parle d'avantages. Ces atouts, aubaines pour les Dakarois, je l'ai déjà dit, sont la baisse du prix des biens de consommation courante, la possibilité pour les femmes d'obtenir un second salaire familial grâce à la vente des produits chinois dans les quartiers et villes limitrophes de Dakar, l'emploi direct de deux à trois cent jeunes faisant le lien entre la clientèle et le patron chinois. Dans une moindre mesure, des revenus informels pour les douaniers et autres personnels de sécurité du port de Dakar, dédouanant les conteneurs.

Que dit il ? « Parce que ces commerçants chinois sont des privés qui, avec leur arrivée, importent des marchandises chinoises qui sont très bon marché. Bien sûr, ces marchandises ne sont pas « haut de gamme », mais elles ne sont pas de mauvaise qualité. Et cela correspond au pouvoir d'achat de la population ordinaire sénégalaise. C'est pourquoi les commerçants chinois sont bien accueillis par la population sénégalaise. J'entends aussi des contestations envers eux. Mais ce sont surtout de la part des commerçants sénégalais. Ces derniers sont concurrencés. Mais on ne doit pas jeter le bébé en versant l'eau du bain. Il faut réfléchir. Il faut se mettre à table pour essayer de trouver une solution adéquate dans l'intérêt des deux parties. »84. L'ambassadeur ne s'avance pas énormément il est vrai.

D'autres réponses sont données par le rapport produit par la mission économique française : « la présence de ces petits commerçants a un impact important sur l'économie sénégalaise car leurs prix sont bien moins chers que ceux des Sénégalais, qui pourtant se fournissent aussi en Chine. Il est périlleux d'évaluer toutes les causes de ces prix plus bas, mais certaines pistes peuvent être explorées : - le coût de la main d'oeuvre encore bien plus bas que pour les Sénégalais. (Un ingénieur chinois gagnerait autant qu'un journalier sénégalais). - le fait que les Chinois soient envoyés (et subventionnés ?) par leur gouvernement, pour « faire avant tout de la devise » ; ils peuvent donc se permettre de vendre à perte. - l'envoi de marchandises semi finies en pièces détachées qui prennent beaucoup moins de place dans les conteneurs et qui sont plus difficiles à évaluer par la douane. - l'entraide entre les commerçants qui se connaissent tous et n'hésitent pas à se prêter de l'argent, pour faciliter l'installation de nouveaux venus. En effet, lorsqu'un nouveau arrive, il reste quelques temps dans la boutique d'un compatriote pour apprendre des rudiments de français et wolof, les techniques de ventes, en attendant de trouver une échoppe. ».

84 Entretien avec Ndakhté M. Gaye pour le journal privé Wal Fadjri, www.walf.sn/economique/suite.php?rub=3&id art=36771

Leurs conclusions sont trop hâtives. Le premier argument est celui du coût de la main d'oeuvre. Il est plausible mais seulement à très court terme car s'il est certain qu'aujourd'hui ils sont proches, les salaires, ce ne sera pas le cas dans les années à venir. Logiquement, le Sénégalais stagnera, pas le Chinois. De plus, des commerçants affirment gagner autant ici, à Dakar, qu'en Chine ; la différence est au niveau familial et dans le loyer, toujours plus abordable que dans les grandes villes de la côte Est asiatique.

Le second argument concerne les devises. Il est vrai que la Chine possède plus que n'importe quel État, de devises (ses réserves sont estimées à 1 200 milliards de dollars). Mais elles sont originaires des États-unis en grande partie. Si certains commerçants vendent à perte, c'est plus par souci d'écouler ses stocks qu'autre chose. Un commerçant vend beaucoup et à prix bas, défiant toute concurrence je l'accorde. Mais c'est la quantité qui compte, à l'image d'une chaîne de supermarchés. On peut comparer les commerçants achetant en gros et selon un fournisseur commun (8 sur 32 réponses) à des franchisés d'une grande marque française d'hypermarchés, ou plutôt allemande, Lidl, étant donné le peu d'efforts en marketing et agencement ! Si 13 sur 34 commerçants affirment avoir reçu une aide de leur gouvernement, c'est bien plus par souci de protéger ses ressortissants et de trouver des débouchés pour les produits made in China invendables sur le marché intérieur que pour produire les devises, plus aisées à obtenir de l'autre coté de l'Atlantique et en Europe de l'Ouest. Les deux arguments restants sont véridiques : les commerçants envoient des pièces détachées dont certaines sont assemblées sur place, dans les villas et logements. Mais ce n'est qu'une partie infime des marchandises vendues au Sénégal.

L'argument final est l'aide octroyée par leurs compatriotes. Il est également fondé.

Mais ne vous imaginez pas que, pareillement aux « Chinatowns » de San Francisco ou bien Paris, ils sont une dizaine par baraquement, entassés les uns sur les autres, Dakar est à une échelle bien moindre. Par contre vous pouvez imaginez que dans une des principales capitales africaines, au minimum 75 % des produits proposés à la vente dans les rues sont d'origine chinoise. Le textile et l'habillement (chaussures notamment) représentant une bonne part.

Tout cela attise, c'est humain, des représentations diverses. C'est le sujet du prochain chapitre. Avant d'éclairer ce propos, je dois m'arrêter sur certains points. Comptant au minimum deux Chinois par boutiques (car dans certains commerces plusieurs s'y trouvent, jusqu'à quatre : ce sont les migrants récents, qui épargnent dans l'attente d'ouvrir leur propre échoppe), deux cent employés et une centaine d'experts, techniciens et autres (les Chinois qui comptent) réunis, la population originaire de Chine est d'environ 6 à 700 âmes. Ce qui confirmerait les chiffres donnés par M. Yin (500 à 700) mais serait en deçà de M. Liou (environ 800).

Des réactions intéressantes sont celles des commerçants sénégalais et chinois au lendemain de la reprise des relations bilatérales. Voici ce que l'APS relève (en annexe, page 185).

Un sujet primordial est la concurrence qu'exerce entre eux les commerçants. Ce n'est pas négligeable car jusqu'ici la population chinoise est en augmentation : si je compare et ajoute mes chiffres (nombre de commerces chinois) avec l'étude citée en [47], page 44 ; cf. Annexe Im, page 157.

De plus l'étude de S. Bredeloup et B. Bertoncello apporte des éléments supplémentaires : « c'est ainsi qu'à Dakar, l'association des consommateurs sénégalais (ASCOSEN) annonçait le chiffre de 300 commerces chinois en août 2004 et évaluait le nombre de familles à 150 l'année suivante. En 2005, la presse dénombrait 152 boutiques dans lesquelles opèreraient 1200 personnes sans préciser leur nationalité ; A. Sarr, la même année, en comptabilisait 138, réparties dans les trois artères principales de Dakar (allées du Centenaire, allées Papa Guèye Fall et avenue Faidherbe) et estimait à 145 le nombre de vendeurs. A l'évidence, au regard de nos observations établies dans le même périmètre géographique l'année suivante, les 143 boutiques recensées accueillent chacune entre 2 et 4 travailleurs chinois sans compter les employés sénégalais »

Ce faisant, ils mettent en péril les autres détaillants de nationalité sénégalaise et notamment les Libanais. Des faillites dues à cette continuelle baisse des prix qui mécontente par ailleurs les commerçants chinois eux-mêmes. Ces hommes et femmes sont simples, dans le sens où ils n'attendent pas des miracles de leur statut mais seulement un salaire leur permettant de vivre et de faire évoluer quelque peu leur condition sociale. Ils et elles n'ont pas effectué de longues études, (certains ne savent lire et écrire) et ne possèdent pas, de fait, de conscience politique profonde et riche.

Ils sont plutôt individualistes (professionnellement parlant) et ont donc de sérieuses difficultés à s'organiser. L'intégration est affectée par une rotation humaine, (même si pour beaucoup - de clients - un Chinois reste un Chinois). C'est aussi pour cela que leurs opposants y trouvent des occasions supplémentaires pour les critiquer, les déconsidérer et les blâmer.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote