Les commerçants chinois représentant la
majorité de cette communauté implantée au
Sénégal sont exclusivement établis à Dakar. De
nombreuses interrogations émanent quant à cette population. Il
est vrai qu'ils ne passent pas inaperçus. En contradiction avec les
Libanais, toubabs et peuples africains limitrophes : les Libanais, comme je
l'expliquerai dans le chapitre II de la seconde partie, page 94, sont
depuis plusieurs générations intégrés ; les toubabs
ou blancs, terme familier et amical désignant les Européens et
notamment Français, sont également depuis longtemps
assimilés et agrégés dans la société
sénégalaise ; les Maliens, Gambiens, Mauritaniens et
Guinéens sont de par leur couleur de peau également confondus.
Les Chinois sont les seuls à attirer autant de curiosité à
leur égard, les Indiens passant, et c'est insolite, plus
inaperçus (car plus rares et spatialement limités aux mines de
phosphate).
Physiquement et socialement différents des
Sénégalais, ce sont les étrangers les plus distincts de
tous les groupes sociaux vivant dans ce pays et dans la grouillante Dakar.
Plusieurs explications peuvent être apportées : leur physionomie
bien sûr, éloignée des traits physiques des habitants de
l'Afrique de l'Ouest, le fait que ce soient les derniers migrants dans cet
État de la Teranga77, leur intégration
sociale, leur statut de commerçants et enfin leurs moeurs et
manières de vivre.
Le Sénégal accueille depuis toujours les
nouveaux arrivants avec bienveillance. Ce n'est pas un hasard si c'est
actuellement un des derniers pays et plus précisément une des
dernières capitales africaine où un blanc peut se promener seul
sans risques. Le seul ennui est le perpétuel quémandeur, ou
bana-bana venant demander quelques FCFA ou voulant vendre à
tout prix des objets souvent inutiles ou touristiques. Les Talibés sont
des enfants, instruits religieusement (je rappelle que la religion principale
au Sénégal est l'Islam, pratiqué à 90 %, même
si les moeurs sénégalaises font qu'il est plus ou moins
respecté (alcool, pratiques sexuelles). Les jeunes surtout, ont une
forte tendance à l'interpréter à leur guise, ce qui ne les
empêche pas pour autant de l'exercer quotidiennement.) Ils sont
livrés à eux-mêmes et doivent obtenir par tous les moyens
des francs qui leur permettront de se nourrir.
Je reprends, c'est la dernière communauté à
s'installer, ce qui amène à un questionnement sur la
capacité d'accueil de la société sénégalaise
(voir le troisième point de ce chapitre).
77 Hospitalité, ou accueil en wolof.
Les Sénégalais comme tout peuple78,
subit des pressions politiques nationalistes. L'emploi étant
précaire et rare (dans le formel j'entends), certains ne se gênent
pas pour clamer la dangerosité de cette population asiatique. Leur
emploi et statut sont par ailleurs des difficultés
supplémentaires à leur intégration.
Un bref rappel historique est souhaitable : dans un premier
temps, les sénégalo-libanais (Libanais pour clarifier) commencent
à faire des allers-retours en Chine où ils achètent les
produits made in China. Les Sénégalais de souche voyant
cette occasion les rejoignent. Mais les Chinois du Sénégal et
plus précisément de Henan Chine et Sénégal
Pêche et S. Armement interprètent rapidement la conjoncture,
parlant de facto la langue et ayant des contacts familiaux et autres au pays,
dans la « fabrique du monde », vont après leurs contrats,
rester en Afrique afin d'y créer des commerces. Petit à petit, ce
sont les Chinois qui vont organiser le marché (import et export),
s'appuyant sur certains Sénégalais pour réguler et
répartir la marchandise une fois entrée et contrôlée
au port de Dakar. Ayant désormais accaparé ce marché, ils
sont accusés de ne pas redistribuer les richesses, d'autant que leur
style de vie favorise ce sentiment : ils n'achètent pas de produits
sénégalais, ne mangent pas sénégalais, ne se
vêtissent pas selon les coutumes locales... Tout ce dont ces
commerçants chinois ont besoin, consomment, est importé de Chine
(vélos, nourriture, habits). L'intégration n'est pas
facilitée car ils se regroupent géographiquement,
entraînant un effet loupe, une représentation
démultipliée par rapport au nombre total d'hommes et femmes
implantés à Dakar. Enfin, leurs produits sont aujourd'hui si
visibles, car achetés par toutes les couches sociales
sénégalaises, je peux dire en quelque sorte, que la Chine est
omniprésente dans les rues et foyers dakarois.
Les commerçants chinois (majoritairement jeunes : 20
à 40 ans) sont installés sur trois territoires urbains de la
capitale, à forte valeur ajoutée et à valeur symbolique.
Le phénomène de diffusion spatiale a joué. Les premiers
commerçants s'installent vers la fin des années 1990 sur le
boulevard du général de Gaulle. Lorsqu'en 2003 cette voie
essentielle devient saturée (il n'est plus possible d'ajouter des
commerces ou saturation foncière due au quartier densément
peuplé de la Médina et à l'autoroute côté
Est), les nouveaux migrants vont s'installer sur
78 L'Europe est malheureusement la plus
distinguée en la matière : la France et l'Italie sont des
États où le regain nationaliste est le plus fort. Immigration
choisie, filtrée, les étrangers sont accusés dans ces
trois territoires de tous les maux (mais également en Suisse, en
Belgique, en Pologne, en Bosnie-Herzégovine et bien sûr en
Russie). Mais sur tous les continents, la méfiance envers les
clandestins, sans-papiers, ou émigrés tout simplement, est forte.
Aux États-unis où le gouvernement Bush souhaite ériger un
mur le long de la frontière Sud, pour stopper les migrants
Sud-Américains ; en Israël où le mur sépare les
colonies des territoires Palestiniens, afin d'éviter la multiplication
des attentats terroristes, et, en Côte d'Ivoire, pour ne citer que ces
exemples, où le rejet ethnique est fort ainsi qu'un nationalisme (contre
les Burkinabés) exacerbé par la pauvreté et le
désarroi politique. Des signes encourageants tout de même avec
l'arrivée au pouvoir de Romano Prodi, mettant fin au règne de
Berlusconi et de son oligarchie (mais les partis d'extrême droite,
l'Alleanza nazionale et la Lega Nord, sont toujours très présents
comme le Front national et le Vlaams Blok en Belgique ou le Hrvatska stranka
prava et le Srpska demokratska stranka en Bosnie-Herzégovine).
N'étant pas essentiel à l'étude je ne détaillerai
pas plus.
Aurégan, Xavier, Le risque de l'extrême droite
en Europe, Rennes, 2006 (dossier de Licence 3 de Géographie, Rennes
2).
l'avenue Faidherbe et les allées Papa Guèye
Fall, ce qui représente le prolongement naturel du boulevard, vers le
Sud, vers la grande mosquée et le Plateau. Si l'avenue Faidherbe est le
prolongement naturel du boulevard, les allées Papa Guèye Fall se
dirigent vers la gare Petersen où les Chinois rachètent les
hangars et garages privés où les automobiles sont en
réparation. On peut facilement observer un commerçant chinois
implanté entre deux ateliers sénégalais.
L'ensemble des magasins achetés, loués, les
commerçants chinois dernièrement arrivés vont s'implanter
à quelques mètres de leurs confrères, sur l' «
allée chinoise » (terme appliqué par les
Sénégalais eux-mêmes) ou début de l'avenue
Faidherbe. Sur la carte J, page 71 (et H, page 53), je présente
schématiquement ces trois territoires. Ces commerçants modifient
l'espace urbain79 : ce sont des espaces références,
appartenant au patrimoine commun. Ces phénomènes diasporiques
sont identifiables : un facteur quantitatif avec une concentration urbaine
réelle et spatialisée et, un rôle économique
indiscutable (ce sont les phénomènes diasporiques selon Pierre
Trolliet).
Le boulevard de Gaulle (appelé également
boulevard du Centenaire) compte 129 commerces dont 84 % environ sont tenus par
les Chinois. L' « allée chinoise » compte elle 92 % de
commerçants chinois et l'avenue Faidherbe angle allées Papa
Guèye Fall, 71 %. Au total, je dénombre 163 commerces chinois
contre 36 sénégalais sur ces trois territoires urbains
étudiés. 82 % du total (199) sont gérés par ces
détaillants venus d'Asie80. C'est un fort pourcentage.
Puis-je dénommé ce territoire « Chinatown
» ? Selon la définition de P. Trolliet, il est difficile de faire
la comparaison : « c'est un quartier affecté a une implantation
chinoise, souvent voulu et défini comme tel, au sein d'une
agglomération préexistante ou en création et qui a fini,
par sa taille, sa structure, sa cohérence, par devenir une ville dans la
ville [...] ville dans la ville, la Chinatown est dotée d'une dense
infrastructure ethnique - commerces, artisans, temples, associations,
journaux... - au service d'une société structurée et
stratifiée, dotée d'une quasi- autonomie mais qui s'ouvre
sectoriellement vers l'extérieur par ses restaurants, surtout. Elle a
constitué et constitue encore ici ou là un maillon essentiel de
la chaîne migratoire en tant que foyer d'accueil des nouveaux migrants et
conservatoire identitaire de la communauté émigrée. Cette
fonction d'accueil, qui opère comme un sas entre le pays natal et le
pays d'arrivée - pour l'apprentissage de la langue, pour un premier
emploi, pour s'intégrer aux réseaux ethniques, etc. - a valu
très vite à toutes les Chinatowns une surcharge
démographique de plus en plus considérable qui s'est traduite par
un de leurs caractères bien visibles - les foules et l'animation de
leurs rues ».
Certes certaines similitudes et concordances apparaissent
(quartier de Dakar, commerces, foyer d'accueil, foule et animation) mais je ne
peux pour autant qualifier ce territoire de
79 « Nous ne voulons pas de ce que font les Chinois sur
les Allées du Centenaire qui peuvent devenir nos
Champs-Élysées. Ils peuvent établir des partenariats avec
les commerçants sénégalais et ne pas transformer ces
allées en souks », dixit le ministre du Commerce.
Le Soleil du 7 décembre 2005.
80 En Annexe Ik, page 156, je propose
certaines photographies de ces commerces.
« Chinatown ». Telle la communauté qui est une
diaspora en devenir, cette zone urbaine est un Chinatown en devenir.
Il existe également trois autres commerces que je ne
peux insérer dans le même groupe, deux sont cités plus
haut, le dernier étant le Chinatel, boutique
spécialisée dans les téléphones mobiles et
proposant à la vente des appareils MP3, vidéos, informatiques...
(Annexe Il, page 157).
Une étude spécifique devait être faite
sur ces hommes et femmes81. Elle révèle des
informations et donnés intéressantes. Elle porte sur 39 de ces
protagonistes, ceux ayant répondu au questionnaire proposé.
22 d'entre eux sont originaires de la province du
Henan, dans le centre-Est de la RPC. C'est une province pauvre et
peuplée82. Les provinces du Fujian (6 d'entre eux),
de Shanghai (3), du Zhejiang (4), du Hubei, de
Hebei et du Jiangxi (1 personne pour chacune des trois
dernières) sont également représentées (voir
ci-dessous et carte G, page 43). Un commerçant affirme par
ailleurs être originaire de Russie.
Depuis combien de temps sont-ils au
Sénégal ? Depuis six mois pour six d'entre eux, cinq sont
installés depuis une année, un depuis un an et demi, huit depuis
deux ans, trois depuis deux ans et demi, huit depuis trois ans, trois depuis
quatre ans, six depuis cinq, deux depuis deux ans et une seule depuis sept
années.
81 Avec Marie Gaborit, étudiante en seconde
année du Master de Géopolitique, à l'Institut
Français de Géopolitique.
82 Peuplée d'environ 100 millions
d'habitants, elle demeure rurale et pauvre. En 2002, elle ne participe
qu'à hauteur de 6 % du PIB (Produit intérieur brut) national.
L'agriculture (blé, coton, tabac, arachides et sésames) et
l'industrie (charbon, textile, fer, acier et aluminium) restent les principaux
revenus de cette province, malgré son rôle historique : ce fut le
centre politique de l'Empire chinois pendant des siècles, avec
l'apogée, entre 1766 et 1027 avant J.-C., de la ville de Anyong
(Nord) qui en était la capitale sous la dynastie Shang.
www.wikipedia.fr, Microsoft
Encarta 2006.
Voir également en annexe presse et citations. ,
page 185
Ces premiers éléments de réponse
révèlent une population relativement homogène. En
opposition, ils et elles ne se concertent pas, à l'évidence, pour
migrer au Sénégal, l'étendue temporelle l'atteste. La
moitié de ces 41 (ceux ayant répondu à la seconde
question) sont arrivés depuis 2005 (48 % et en bleu sur le
graphique).
A la question pourquoi êtes-vous venus en
Afrique, ils répondent à 60 % pour le business. Les deux
réponses restantes sont, pour l'Afrique et pour la famille
(respectivement 22, 8 et 3 réponses). Je dois préciser que tous
ne répondent pas à l'ensemble des interrogations.
La quatrième question qui leur est posée est,
que pensez-vous de la qualité de vie ici ? Seulement 5
répondent par l'affirmative : bien. 14 émettent des
réserves, 11 ne se sentent pas bien au Sénégal et quatre
apportant des réponses que je classe dans « autres », par
exemple, « avant bien 900 yuan de douane, plus difficile depuis 2005,
frais de douane 1480 yuan ». Parmi ceux ayant répondu avec des
réserves et qui ne se sentent pas bien, voici ce qu'ils répondent
: « au début c'est dur, difficile de s'adapter, maintenant
ça va mieux » et « pas bien, beaucoup de voleurs, mauvaises
conditions de vie, transport et environnement ».
A la question ouverte, présentez votre
commerce, seulement trois répondent être satisfaits pour 20
répondant « moyen » et 7 ne se satisfaisants pas du leur.
Voici leurs réponses : « c'est toujours rentable pour les Chinois
de venir faire du commerce » ; « pas mal, assez pour nourrir sa
famille mais pas assez pour devenir riche » et donc « beaucoup de
stress et de concurrence » ou « les taxes augmentent et les prix
baissent ».
La question suivante est, où achetez-vous vos
produits ? Ils répondent tous en Chine, ce qui semble logique : il
aurait fallu préciser dans la question la province et la ville, mais,
certains affinent. La ville la plus fréquemment mentionnée est
Yiwu dans la province de Zhejiang, au Sud-Est. Cette ville,
qui est aussi un port, est spécialisée dans l'export, à
destination de l'Afrique et du Moyen-Orient. Les provinces citées sont
(Zhejiang) et Shanghai (qui est donc également une
ville). Les cités de Guangzhou (Canton) et Shenzhen
sont aussi évoquées par un commerçant. Vous
remarquerez que Shenzhen est une zone économique
spéciale (ZES) ou Zhongguo Jingji tequ, la plus importante
d'ailleurs. Le PCC a créer quatre ZES : dans le Guangdong
(villes de Shantou, Shenzhen et Zhuhai), le
Fujian (Xiamen), sur le Yangzi Jiang (fleuve Bleu
avec Pudong et Qinghuandao) et la ville de Changzhou
dans la province du Jiangsu qui n'est pas encore officialisée.
A remarquer également les liens entre ces ZES et les ports
d'embarquement en carte G, page 43.
Achetez-vous vos produits seuls ou faîtes-vous de
l'achat groupé ? Cette question est importante, car elle me permet
de comprendre comment sont effectués les commandes, et, s'il existe une
organisation au sein des commerçants. Eh bien 26 répondent «
seul » contre 8 affirmant acheter en groupe, soit « groupé
». Ce sont des commerçants individuels qui ne lient pas assez de
relations avec leurs voisins et compatriotes pour organiser l'achat des
produits, pourtant très similaires. Ils possèdent donc, en
majorité, leurs propres réseaux d'achat.
D'où vient votre capital d'investissement ?
Là encore, la majorité des commerçants possède
avant de s'installer leur propre capital nécessaire à la location
de l'habitat et du magasin, sans omettre les fonds minimums à
l'importation des premières marchandises. 18 d'entre eux
possédaient ce capital, mais tout de même 12 ont du pratiquer un
crédit pour parvenir à l'objectif commun, être et avoir les
moyens matériels et financiers de commercer. 5 ont à la fois
apporté un financement personnel et emprunté. A savoir,
lorsqu'ils empruntent, c'est à la famille et aux amis ; un seul dit
avoir emprunté à une banque, la Banque Populaire de Chine.
Comment choisissez vous les produits que vous achetez
? La grande majorité des réponses suivent logiquement le
raisonnement ainsi opéré : ils choisissent seuls, en fonction du
marché local, des coutumes et traditions. Trois disent ne pas choisir
eux-mêmes leurs produits mais n'approfondissent pas cette
démarche. Voici quelques exemples de réponses : « en
fonction du marché local », « des prix pas chers »,
« selon le goût des clients », et même « en
observant et avec audace », « en suivant l'ordre du Seigneur ».
Visiblement, certaines réponses ne manquent, elles, pas d'audace.
Cette interrogation est quant à elle significative
d'une représentation sénégalaise des Chinois : Avez
vous reçu de l'aide du gouvernement chinois ? En effet, beaucoup
pensent que les commerçants sont financièrement aidés par
leur gouvernement pour investir sur le marché africain, qu'en est t'il ?
13 l'affirme, 21 répondent par la négative. En analysant les
réponses, une question vient automatiquement à l'esprit, certains
(ceux qui seraient aidés) mentent t'ils ou certains (ceux ne recevant
aucune aide) sont ils ignorants ? Parmi ceux répondant oui, «
l'État a donné des subventions et politiques favorables »,
« le gouvernement leur fournit une bonne base de production pour faire
leurs commandes » et « le gouvernement chinois nous aide et prend
soin de nous, le gouvernement africain nous soutien beaucoup », ils
expliquent même grossièrement que la RPC n'est pas
étrangère à leur volonté de s'installer sur ce
continent éloigné et méconnu des leurs. C'est
malheureusement une information ardue à vérifier. Mais, au regard
des réponses de la seconde question, l'aide étatique si elle
existe, est rare, étant donné que plus de la moitié se
sont implantés avant 2005, date du rétablissement des
relations...
Cette question relativement ouverte a provoquée des
réponses qui le sont toutes autant : pourquoi avez vous quitté
la Chine pour venir faire du commerce en Afrique ? En regroupant leurs
témoignages, une vingtaine expriment l'expérience, le reste,
l'argent. Je recueille par exemple « l'Afrique a un avenir prometteur en
développement », « le continent africain est la
dernière terre vierge », « parce que les gens ont besoin
d'expériences variées pour enrichir leur vie et aussi pour
subvenir à ses besoins » et dans le domaine uniquement
pécuniaire, « pour trouver une voix qui me permette de gagner plus
d'argent » ou « parce qu'il est difficile de trouver du travail en
Chine ».
Je regroupe les deux questions suivantes en raison de leur
sujet : pensez vous rentrer en Chine ou continuer a faire du commerce
ici ? Pourquoi ? Et, votre famille est-elle venue aussi ou vous
rejoindra-t-elle plus tard ? A la première, ils répondent oui
(ils souhaitent rentrer) pour seize d'entre eux et non pour 6. 9 ne savent pas.
A la seconde, 15 affirment être venus avec leur famille, ou, qu'elle le
rejoindra plus tard et 21 pensent ne pas revoir leurs femmes et enfants avant
leur retour au pays.
Les dernières questions sont ciblées, sur leurs
commerces. La première étant, présentez les changements
que vous avez pu observer dans le commerce. La plupart répondent
à l'affirmative, autrement dit, il y a des changements : des
modifications diverses : « il n'y a pas de règle les choses
évoluent », « ça suit la mode
française », « trop de changement », « la
concurrence est de plus en plus forte », « il y a plus de justice et
d'égalité ».
L'autre question est : combien de conteneurs importez-vous
de Chine chaque année ? Ici aussi les réponses sont
différentes : deux importent 1 conteneur par année ; cinq
importent de 2 à 3 conteneurs annuels ; deux importent de 3 à 10
; trois en importent plus de 10 et sept déclarent que cela dépend
des années et de la demande.
L'avant-dernière question est, quelle est la valeur
marchande de la marchandise contenue dans un conteneur ? Les
réponses sont ici éloignées, car l'échelle est pour
le moins très grande, de quelques centaines à 5 millions de FCFA
!
La dernière est plus précise : quel est le
montant en valeur ou en pourcentage de vos bénéfices ? A
cette question, je suis en mesure d'affiner les réponses : de 0 à
5 %, neuf réponses ; de 5 à 10, six réponses ; de 10
à 20 %, deux réponses ; de 20 à 30 %, trois
commerçants et un seul dit faire plus de 30 % de bénéfices
après avoir réglé l'ensemble des dépenses (achats,
loyer, salaires...).
Avant de laisser nos protagonistes à leurs occupations
professionnelles, nous avions inscrit une dernière épreuve,
très ouverte et personnelle : autres informations que vous souhaitez
ajouter. Seuls cinq ont répondu mais, leurs propositions et
affirmations sont intéressantes : « nous sommes les bienvenus
auprès des commerçants et amis de Dakar car 1- on peut fournir
les marchandises qu'ils aiment, 2- prix pas cher 3- On a crée des
emplois, avant certains étaient des voleurs maintenant ce sont des
marchands, 4- les frais douaniers et loyers sont élevés, 5- quand
il y a des vols la police est gentille et agit vite, mais même s' ils
rattrapent le voleur, on ne peut récupérer la marchandise »,
« il serait plus intéressant de faire une étude non
économique sur les Chinois qui vivent à l'étranger dans
des conditions difficiles et comment ils arrivent à s'épanouir
malgré ces conditions. Vive la Chine, je suis très fier de mon
pays, notre dur labeur est notre fierté », « les containers
sont souvent partagés entre plusieurs acheteurs, chacun réservant
une certaine quantité de m3. Il y a environ 200 magasins, avec en
moyenne 5 containers importés par an par magasin ça fait 1000
conteneurs par an en tout », « citation de la bible [2 Corinthiens,
chapitre 5 verset 10]. Car il nous faut tous comparaître devant le
tribunal du Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal
qu'il aura fait, étant dans son corps » et moins philosophique,
cette dernière remarque : « il n'y a aucun point commun entre la
Chine et l'Afrique mais à cause du chômage, on a pas le choix, il
faut partir pour tenter sa chance ailleurs ».
Cette étude qualitative et empirique apporte donc des
informations essentielles à la bonne compréhension de la
population commerçante chinoise. Mais j'en ai obtenu d'autres durant
l'étude
de terrain : entre 20 et 30 % de ces Chinois sont des
Chinoises ; fidèles aux clichés, ils possèdent des
vélos, travaillent du matin au soir sans jamais se plaindre de leurs
conditions (mis à part ces plaintes d'ordre économique
relevées) et vivent de manière simple voire rudimentaire :
certains magasins abritent des couches ou lits sommaires posés à
même le sol. Une anodine remarque mais qui cache en elle bien des
révélations sont les comptoirs. Ces comptoirs sont
omniprésents chez les commerçants chinois (voir photos de
l'Annexe Ij, page 155) mais rares chez les commerçants
sénégalais (également installés chez les Libanais).
Ces comptoirs où l'on peut lire en très mauvais français
« Avis - chère clients(e) : toute marchandise achetée n'est
ni échangeable ni remboursable - vérifiez votre monnaie avant de
partir - merci de votre compréhension », signé du tampon du
ministère de l'Intérieur, sont en fait de véritables murs
antivols ! En effet, les Sénégalais ayant pour coutume, c'est peu
de le dire, de négocier leurs achats, seraient pendant cinq, dix ou
vingt minutes présents dans les commerces (à multiplier par le
nombre de clients), jusqu'à l'achat final. Les Chinois ont trouvé
la meilleure des parades, ne pas négocier et séparer le magasin,
donc les produits, des clients. Le vol s'en trouve diminué.
Une remarque intéressante me vient d'une des vendeuses
: elle affirme mettre en location son commerce, le bail, pour s'installer sur
l'avenue Faidherbe où « ça marche mieux ». Selon un
autre commerçant, c'est de plus en plus dur pour eux car le taux des
loyers augmente continuellement. C'est en partie pour cela que la
majorité des sondés déclarent vouloir rentrer en Chine
sous peu. Le Sénégal n'est pas un eldorado.
Ces informations diverses pourraient être
accompagnées de celles-ci : des journalistes de RTS (Radiodiffusion
télévision sénégalaise) sont, un après-midi
où Marie et moi-même conversions avec les commerçants de
l'allée chinoise, venus effectuer un reportage sur ces derniers.
Écoutant et parlant avec elle (la journaliste), nous apprenons que son
reportage sera clairement à l'encontre des commerçants venus
d'Asie. Elle prend parti sans s'en émouvoir. Une autre information
donnée par un commerçant concerne la position stratégique
du Sénégal : il prétend que ce pays est « le
supermarché chinois pour l'Afrique de l'Ouest ». Cette affirmation
est pourtant fausse, d'après le couple Yin et plusieurs autres
témoins entendus.
Ceci étant dit, des questions doivent émerger
chez le lecteur : sont t'ils réellement organisés ? Eh bien oui
et non. Oui car il m'est clairement apparu que les nouveaux migrants
bénéficient d'aides matérielles et financières,
s'ils le souhaite, pour ouvrir l'échoppe et s'intégrer à
Dakar. Mais ce n'est bien sûr qu'une organisation officieuse. Non car une
organisation officielle a été tentée en 2005 et 2006, et
continue de l'être. Malheureusement, les commerçants ne
parviennent pas à se décider sur le nom du responsable. Mme Yin
fut d'ailleurs proposée, mais son refus comme elle l'indique est
plutôt judicieux : « l'Ambassade m'a demandé mais je ne veux
pas car il n'y a pas de reconnaissance, pas de retours, ils sont trop
individualistes ». Monsieur Liu, du restaurant
Le Mandarin place de l'Indépendance, fut lui
aussi proposé, mais étant originaire de Shanghai, il
n'était pas légitime.
Une seconde question serait, malgré tous les
inconvénients (loyers, adaptation au pays, langue, vols...), pourquoi de
nouveaux Chinois migrent au Sénégal ? La réponse est
simple : ces agriculteurs et autres employés originaires de la province
du Henan ne sont pas fortunés et comme je l'ai indiqué,
ne peuvent que difficilement faire évoluer leur statut social, au sein
de leur pays d'origine. Leurs compatriotes, par l'intermédiaire de
Henan Chine, s'installent les premiers sur le boulevard de Gaulle,
ayant pressenti les avantages et bénéfices à court terme
d'un tel emploi dans un pays où la vie est relativement
chère83. Le bouche à oreille fonctionne lors de
retours et de nouveaux migrants du Henan s'installent à Dakar.
Si aujourd'hui, certains migrent, la principale raison est monétaire et
sociale : accéder en moins de quelques mois au statut de
commerçant individuel est une évolution sans
précédents pour certains, ce qui reste extrêmement
difficile en RPC. Concernant la migration des commerçants, voici la
réponse de l'ambassadeur de la RPC à Dakar, Lu Shaye : « je
ne sais pas comment les commerçants chinois se sont établis
à Dakar. Ce que j'ai constaté, c'est que les commerçants
chinois sont venus pour la plupart à Dakar pendant les dix
dernières années. Aujourd'hui, ils sont au nombre d'une centaine.
Par rapport aux pays voisins, je ne pense pas qu'ils soient si nombreux que
ça. D'ailleurs, leur présence à Dakar présente plus
d'avantages que de problèmes ».
Cette affirmation confirmerait donc ce que la majorité
des interrogés affirment. Il s'agit plus d'une démarche
personnelle, individualiste que concertée et en rapport, soutenue par le
PCC. Maintenant, quelles sont les aides dont parlent les autres
interrogés ? Le commerçant prétextant que « le
gouvernement leur fourni une bonne base de production pour faire leurs
commandes » répond, seul, à la question comment
achetez-vous, seul ou groupé ? Si l'État asiatique souhaitait
réellement s'approprier le marché sénégalais, ne
serais-ce pas plus aisé d'exporter les produits pour l'ensemble des
détaillants établis au Sénégal (qui je le rappelle
vendent les mêmes produits), voire à une échelle plus
petite, en Afrique de l'Ouest ? Les coûts seraient de fait
réduits... Il s'agit peut-être d'usines d'État, là,
la production dont parle le commerçant serait effectivement
proposée aux professionnels de la vente à un prix moindre.
D'autres commerçants ont parlé de visas, de « subventions et
politiques favorables ». Je ne pense personnellement pas un instant que
l'État favorise ou assiste directement l'ensemble des commerçants
chinois migrants en Afrique Subsaharienne. Des aides indirectes sont fournies,
c'est certain, telles l'octroi facilité de visas,
83 Selon le recoupement des entretiens, les
commerçants sénégalais ont dans un premier temps, subi les
tarifs appliqués par les libanais. Les Sénégalais, qui
détenaient le monopole commercial ont vu cette concurrence diminuer les
marges des produits de consommation courante. L'arrivée des
commerçants chinois permit une révolution : les prix ont
été divisés par deux, mettant certainement des
Sénégalais au chômage mais contribuant à la baisse
du coût de la vie. Les foyers purent également acheter plus de
produits (habillement, cosmétique, bien-être...) pour plus de
personnes. Je rappelle qu'au Sénégal, si la qualité n'est
que rarement prisée (sauf chez les favorisés), la quantité
est, elle, très importante, dans le textile par exemple.
la conjoncture économique et sociale de la RPC
permettant à certains de ses ressortissants de choisir de voyager et
s'installer dans des États éloignés idéologiquement
et géographiquement. Je n'exclue toutefois aucune possibilité,
même certaines pressions habilement menées par l'ambassade ou le
gouvernement envers certains dirigeants sénégalais pour favoriser
les démarches et l'intégration des migrants. Je rappelle
également l'arrivée de la moitié de ces commerçants
interrogés post-2005, soit, une moitié arrivée lorsque le
Sénégal entretenait encore des relations avec Taipeh.
L'ambassadeur parle d'avantages. Ces atouts, aubaines pour
les Dakarois, je l'ai déjà dit, sont la baisse du prix des biens
de consommation courante, la possibilité pour les femmes d'obtenir un
second salaire familial grâce à la vente des produits chinois dans
les quartiers et villes limitrophes de Dakar, l'emploi direct de deux à
trois cent jeunes faisant le lien entre la clientèle et le patron
chinois. Dans une moindre mesure, des revenus informels pour les douaniers et
autres personnels de sécurité du port de Dakar, dédouanant
les conteneurs.
Que dit il ? « Parce que ces commerçants chinois
sont des privés qui, avec leur arrivée, importent des
marchandises chinoises qui sont très bon marché. Bien sûr,
ces marchandises ne sont pas « haut de gamme », mais elles ne sont
pas de mauvaise qualité. Et cela correspond au pouvoir d'achat de la
population ordinaire sénégalaise. C'est pourquoi les
commerçants chinois sont bien accueillis par la population
sénégalaise. J'entends aussi des contestations envers eux. Mais
ce sont surtout de la part des commerçants sénégalais. Ces
derniers sont concurrencés. Mais on ne doit pas jeter le
bébé en versant l'eau du bain. Il faut réfléchir.
Il faut se mettre à table pour essayer de trouver une solution
adéquate dans l'intérêt des deux parties.
»84. L'ambassadeur ne s'avance pas énormément il
est vrai.
D'autres réponses sont données par le rapport
produit par la mission économique française : « la
présence de ces petits commerçants a un impact important sur
l'économie sénégalaise car leurs prix sont bien moins
chers que ceux des Sénégalais, qui pourtant se fournissent aussi
en Chine. Il est périlleux d'évaluer toutes les causes de ces
prix plus bas, mais certaines pistes peuvent être explorées : - le
coût de la main d'oeuvre encore bien plus bas que pour les
Sénégalais. (Un ingénieur chinois gagnerait autant qu'un
journalier sénégalais). - le fait que les Chinois soient
envoyés (et subventionnés ?) par leur gouvernement, pour «
faire avant tout de la devise » ; ils peuvent donc se permettre de vendre
à perte. - l'envoi de marchandises semi finies en pièces
détachées qui prennent beaucoup moins de place dans les
conteneurs et qui sont plus difficiles à évaluer par la douane. -
l'entraide entre les commerçants qui se connaissent tous et
n'hésitent pas à se prêter de l'argent, pour faciliter
l'installation de nouveaux venus. En effet, lorsqu'un nouveau arrive, il reste
quelques temps dans la boutique d'un compatriote pour apprendre des rudiments
de français et wolof, les techniques de ventes, en attendant de trouver
une échoppe. ».
84 Entretien avec Ndakhté M. Gaye pour le
journal privé Wal Fadjri,
www.walf.sn/economique/suite.php?rub=3&id
art=36771
Leurs conclusions sont trop hâtives. Le premier
argument est celui du coût de la main d'oeuvre. Il est plausible mais
seulement à très court terme car s'il est certain qu'aujourd'hui
ils sont proches, les salaires, ce ne sera pas le cas dans les années
à venir. Logiquement, le Sénégalais stagnera, pas le
Chinois. De plus, des commerçants affirment gagner autant ici, à
Dakar, qu'en Chine ; la différence est au niveau familial et dans le
loyer, toujours plus abordable que dans les grandes villes de la côte Est
asiatique.
Le second argument concerne les devises. Il est vrai que la
Chine possède plus que n'importe quel État, de devises (ses
réserves sont estimées à 1 200 milliards de dollars). Mais
elles sont originaires des États-unis en grande partie. Si certains
commerçants vendent à perte, c'est plus par souci
d'écouler ses stocks qu'autre chose. Un commerçant vend beaucoup
et à prix bas, défiant toute concurrence je l'accorde. Mais c'est
la quantité qui compte, à l'image d'une chaîne de
supermarchés. On peut comparer les commerçants achetant en gros
et selon un fournisseur commun (8 sur 32 réponses) à des
franchisés d'une grande marque française d'hypermarchés,
ou plutôt allemande, Lidl, étant donné le peu
d'efforts en marketing et agencement ! Si 13 sur 34 commerçants
affirment avoir reçu une aide de leur gouvernement, c'est bien plus par
souci de protéger ses ressortissants et de trouver des
débouchés pour les produits made in China invendables
sur le marché intérieur que pour produire les devises, plus
aisées à obtenir de l'autre coté de l'Atlantique et en
Europe de l'Ouest. Les deux arguments restants sont véridiques : les
commerçants envoient des pièces détachées dont
certaines sont assemblées sur place, dans les villas et logements. Mais
ce n'est qu'une partie infime des marchandises vendues au
Sénégal.
L'argument final est l'aide octroyée par leurs
compatriotes. Il est également fondé.
Mais ne vous imaginez pas que, pareillement aux «
Chinatowns » de San Francisco ou bien Paris, ils sont une dizaine par
baraquement, entassés les uns sur les autres, Dakar est à une
échelle bien moindre. Par contre vous pouvez imaginez que dans une des
principales capitales africaines, au minimum 75 % des produits proposés
à la vente dans les rues sont d'origine chinoise. Le textile et
l'habillement (chaussures notamment) représentant une bonne part.
Tout cela attise, c'est humain, des représentations
diverses. C'est le sujet du prochain chapitre. Avant d'éclairer ce
propos, je dois m'arrêter sur certains points. Comptant au minimum deux
Chinois par boutiques (car dans certains commerces plusieurs s'y trouvent,
jusqu'à quatre : ce sont les migrants récents, qui
épargnent dans l'attente d'ouvrir leur propre échoppe), deux cent
employés et une centaine d'experts, techniciens et autres (les Chinois
qui comptent) réunis, la population originaire de Chine est d'environ 6
à 700 âmes. Ce qui confirmerait les chiffres donnés par M.
Yin (500 à 700) mais serait en deçà de M. Liou (environ
800).
Des réactions intéressantes sont celles des
commerçants sénégalais et chinois au lendemain de la
reprise des relations bilatérales. Voici ce que l'APS relève (en
annexe, page 185).
Un sujet primordial est la concurrence qu'exerce entre eux
les commerçants. Ce n'est pas négligeable car jusqu'ici la
population chinoise est en augmentation : si je compare et ajoute mes chiffres
(nombre de commerces chinois) avec l'étude citée en [47], page 44
; cf. Annexe Im, page 157.
De plus l'étude de S. Bredeloup et B. Bertoncello
apporte des éléments supplémentaires : « c'est ainsi
qu'à Dakar, l'association des consommateurs sénégalais
(ASCOSEN) annonçait le chiffre de 300 commerces chinois en août
2004 et évaluait le nombre de familles à 150 l'année
suivante. En 2005, la presse dénombrait 152 boutiques dans lesquelles
opèreraient 1200 personnes sans préciser leur nationalité
; A. Sarr, la même année, en comptabilisait 138, réparties
dans les trois artères principales de Dakar (allées du
Centenaire, allées Papa Guèye Fall et avenue Faidherbe) et
estimait à 145 le nombre de vendeurs. A l'évidence, au regard de
nos observations établies dans le même périmètre
géographique l'année suivante, les 143 boutiques recensées
accueillent chacune entre 2 et 4 travailleurs chinois sans compter les
employés sénégalais »
Ce faisant, ils mettent en péril les autres
détaillants de nationalité sénégalaise et notamment
les Libanais. Des faillites dues à cette continuelle baisse des prix qui
mécontente par ailleurs les commerçants chinois eux-mêmes.
Ces hommes et femmes sont simples, dans le sens où ils n'attendent pas
des miracles de leur statut mais seulement un salaire leur permettant de vivre
et de faire évoluer quelque peu leur condition sociale. Ils et elles
n'ont pas effectué de longues études, (certains ne savent lire et
écrire) et ne possèdent pas, de fait, de conscience politique
profonde et riche.
Ils sont plutôt individualistes (professionnellement
parlant) et ont donc de sérieuses difficultés à
s'organiser. L'intégration est affectée par une rotation humaine,
(même si pour beaucoup - de clients - un Chinois reste un Chinois). C'est
aussi pour cela que leurs opposants y trouvent des occasions
supplémentaires pour les critiquer, les déconsidérer et
les blâmer.