L'objectif de cette étude était de mettre en
perspective les relations bilatérales sinosénégalaises.
Qui profite au mieux de ce partenariat ?
Économiquement, c'est la RPC. Elle à d'ores et
déjà investit dans les secteurs les plus rentables et les plus
performants du Sénégal, tels que le secteur maritime (la
pêche et le transit) ; le textile ; le BTP.
Le secteur de la pêche devra répondre à
l'ultimatum naturel qu'est la raréfaction des ressources halieutiques.
Les sociétés sino-sénégalaises sont pour une part
imputables à ce constat. L'expérience chinoise dans ce domaine
est une opportunité.
Un secteur très préoccupant est celui du
textile. Le coton déjà soumis à la concurrence
américaine (subventions) n'est plus compétitif avec
l'arrivée du textile chinois. Les opérateurs asiatiques
n'investissent donc pas. Une opportunité là encore, est la
modernisation des industries sénégalaises avec l'appui des
sociétés chinoises.
Le BTP profite lui d'une croissance régulière
et importante. Si les tarifs appliqués par Henan Chine sont un
avantage (création d'infrastructures à bas coûts), le
transfert de savoir-faire est faible et les investissements demeurent peu
importants.
Ces trois secteurs économiques ne sont pas
négligeables dans l'économie sénégalaise et ce sont
donc les trois principales implantations chinoises, avec le commerce des
produits made in China.
La Chine s'offre ainsi des débouchés.
Ces produits de basse qualité que l'on retrouve sur tous
les étals africains sont rarement proposés sur le marché
intérieur chinois : c'est donc bien une offre spécifique.
Ces produits sont vendus par des commerçants chinois,
qui par leur présence, sont à l'origine de tensions et des
conflits d'intérêts. Concurrencés, désavoués,
les organisations syndicales et patronales exercent un repli identitaire. Ce
capitalisme patriotique n'est pas propre au Sénégal, mais il est
ici plus qu'ailleurs (U.E. et États-unis), difficile à mettre en
oeuvre, faute de moyens et de soutiens suffisants.
Les enjeux et perspectives de l'État
sénégalais sont donc :
- Diversifier les échanges commerciaux (avec la RPC) et
trouver des filières d'exportations
afin de combler le déficit
commercial, attirer les IDE en sorte en s'appuyant sur la SCA.
- Prendre ses responsabilités et clarifier la situation
des commerçants chinois.
- Négocier avec les deux géants asiatiques dans
le cadre de leurs intérêts mutuels, dont les subventions font
partie (exemple de la Politique agricole commune).
- Certains secteurs dont j'ai peu parlé, sont
l'agriculture, l'agro-industrie, les télécommunications, les
services et le tourisme.
- Favoriser la compétition entre l'Inde et la Chine,
la première fournissant en échange des matières
premières, les transferts de savoir-faire, de technologie,
indispensables. La seconde étant incontournable économiquement et
politiquement. L'appel d'offre des gisements de fer de la Falémé,
proche de la ville de Tambacounda, a été remporté par une
société indienne. Ceci permettra de nuancer le poids
politico-économique chinois.
- Parvenir à se positionner comme interlocuteur
privilégié et indispensable dans les relations Chine-Afrique,
impulsées par Hu Jintao et son prédécesseur, Jiang Zemin,
et ce en dépit du sous-sol.
- Profiter de la situation de carrefour pour attirer les IDE,
profiter également (et entretenir) le climat de confiance et de
stabilité relatif au Sénégal, comparé aux tensions
présentes en Afrique de l'Ouest (Guinée et Côte
d'Ivoire).
- Tirer profit des gisements de fer de la
Falémé, du phosphate et du pétrole pour investir dans le
secteur public car même les ultra-libéraux du FMI et de la Banque
Mondiale le reconnaisse, les biens publics sont indispensables à
l'économie de marché. Le Sénégal doit donc investir
dans les biens publics, qui sont donc, des jeux à somme positive.
Une perspective non négligeable est la hausse des
salaires sur la façade maritime chinoise. L'Afrique et le
Sénégal, pourraient profiter de délocalisations
occidentales. D'ailleurs, toutes les conditions sont réunies : la
langue, la connaissance des marchés, l'implantation déjà
plus que centenaire.
Plus présente dans cette économie qu'au premier
abord, j'ai donc remarqué cette implantation grandissante, qui a priori,
ne faiblira pas ces prochaines années, au contraire.
Le gouvernement sénégalais doit non seulement
composer avec la Chine, mais l'intégrer dans sa stratégie de
croissance accélérée, car les investissements industriels
sont une nécessité.
Les sociétés implantées pourraient
également effectuer sur le territoire sénégalais une
période de rodage, d'appréhension du marché local et
international. Les transferts et échanges de savoirs, de technologies,
doivent être la première revendication.
Le gouvernement devra par ailleurs gérer les tensions, si
un véritable Chinatown voit le jour. La réaction
à moyen terme des Libanais pourrait être pour le moins
néfaste.
Le Sénégal doit diversifier ses partenaires
économiques et politiques, en tenant compte de la concurrence
France-Chine. Je rappelle que la France représente toujours 80 % des
IDE. Si
Abdoulaye Wade n'a pas obtenu un partenariat
privilégié auprès des États-Unis, la Chine est
à l'inverse une réussite diplomatique.
Fort de ses atouts diplomatiques, stratégiques et
géographiques, le Sénégal devra trouver sa place dans les
relations sino africaines, car s'il n'est pas indispensable au
développement de la Chine, l'inverse est moins évident.
N'excluant pas de possibles surenchères dans ces
prochaines décennies, il lui faudra anticiper le futur proche, qui
pourrait donner un intérêt premier à l'Afrique
subsaharienne, étant donné la raréfaction des ressources
fossiles. Un engagement plus important des puissances européennes,
américaines et asiatiques sur la région subsaharienne, n'est pas
à exclure.
L'enjeu pour l'Afrique est donc son organisation politique. La
fédération africaine verra t'elle le jour ? L'Organisation de
l'unité africaine (OUA) devait selon le Ghanéen Nkrumah y
répondre. S'il n'en fut pas ainsi, la question est toujours
d'actualité. Par ce moyen, l'Afrique ou du moins l'Afrique subsaharienne
qui présente une homogénéité géographique,
historique (sans tomber dans le déterminisme par ailleurs), pourrait
enfin, d'une unique voix, parler à l'ensemble de la communauté
internationale. Les défis, enjeux, conflits pourraient de fait
être résolus ou abordés par un organe central.
Il semble évident que l'ensemble des conflits du XXe
siècle (en Afrique) ne se limite pas aux frontières
tracées par les puissances européennes, leurs règlements
ne peuvent donc qu'être régionaux. L'individualisme serait une
grave erreur : les États les plus riches (ceux ayant les ressources
naturelles) accapareront l'ensemble des flux financiers, contribuant à
l'enclavement des pays ne possédant d'économie stable et de
produits d'exportations. La Chine comme les autres favorisera les
échanges avec les premiers au détriment des seconds.
Le Sénégal est à même de prendre une
place importante dans ce défi.
À long terme d'ailleurs, quelle sera la politique
africaine de la Chine, dès lors qu'elle aura réintégrer
Taiwan et trouvé de nouveaux partenaires commerciaux, de nouveaux
fournisseurs de ressources (énergétiques notamment) ? Continuera
t'elle de proposer un mode de développement alternatif,
différent, lorsque sa classe moyenne sera constituée ? Faut il se
méfier de la Chine, car celle-ci ne donnera pas indéfiniment sans
recevoir en retour ?
L'État sénégalais doit tenir compte de
toutes ces données, clarifier ses attentes, définir ses moyens,
et, prendre ses responsabilités. Ce sont les conditions sine qua non.