La valeur totale des échanges commerciaux entre la
Chine et l'Afrique subsaharienne ou Noire est passée d'environ 820
millions de dollars en 1977, à 10 milliards en 2000 puis 37 milliards en
2005. Elle devrait atteindre 100 milliards de dollars d'ici 2010. Pourtant, ces
échanges ne représentent que 3 % du commerce extérieur
chinois (comparés aux 15 % ; soit 200 milliards avec l'U.E. pour
l'année 2005). Paradoxalement, si en 2004 les exportations chinoises
(vers l'Afrique) ont augmenté de 37 % et ses importations de 81 %, le
continent africain reste un partenaire économique relativement peu
important. Et encore, ses importations sont restreintes aux matières
premières (chrome, platine, cobalt, fer, or, argent et bois) dont le
pétrole figure au rang 1 (25 % environ du pétrole importé
est originaire d'Afrique). Enjeu économique certes, en
concurrençant les autres grandes puissances (États-unis,
États européens notamment) mais politique également, en
offrant au plus grand nombre un panel de subventions et aides, comme je l'ai
décrit pour le Sénégal. Et cela, n'exige aucune
contrepartie politique (transparence, droits de l'homme) des États
africains.
Les cartes L et M, pages 139 et 140,
représentent les exportations et importations de l'Afrique subsaharienne
aux années 2000 et 2004, cartographiant l'évolution. Ces deux
cartes démontrent l'augmentation des échanges, le rouge et ses
nuances devenant plus présents en 2004. La carte N, page 141,
représente la balance commerciale des États africains avec la RPC
en 2004. Fort logiquement, ceux exportant du pétrole et autres
ressources énergétiques (Angola, Congo, Soudan, Tchad, Gabon et
Zimbabwe) possèdent une balance positive (ainsi que le Mali et le
Burkina Faso exportant le coton). A l'inverse, ceux ne possédant ou
n'exportant pas encore leurs ressources, affichent un déficit, tel le
Sénégal.
Si redevenir la première puissance mondiale, contenir
les multiples conflits internes (dans le milieu rural et
particulièrement dans sa partie occidentale) sont des principes et
objectifs premiers, instaurer un nouvel ordre (géo)politique mondial en
s'appuyant sur tout État susceptible d'apporter son aide, est donc une
perspective non négligeable au sein du PCC. C'est une des raisons des
sommets Chine-Afrique. Trois sommets en six ans, l'ensemble des États
africains présents, organisés fastueusement, la réussite
est au rendez-vous.
Le premier sommet de 2000 (10 au 12 octobre), à
Pékin, rassembla déjà 45 États africains. La Chine
expose son principe de gagnant-gagnant, autrement dit, les deux parties y
trouvent leurs intérêts. La Chine annule ou réduit la dette
de 32 États pour un montant global de 10 milliards de dollars. L'Afrique
en contrepartie, permet à 600 sociétés asiatiques de
s'installer sur son territoire.
Toutefois, Pékin ne reçut que quatre chefs
d'État africains : Gnassimbgé Eyadema du Togo, Abdelaziz
Bouteflika président de la république algérienne,
Frederick Chiluba pour la Zambie et Benjamin Mkapa pour la Tanzanie. Le
secrétaire général de l'OUA, Salim Ahmed Salim,
s'était également déplacé.
Le second se déroule cette fois en Éthiopie (25
et 26 novembre 2003), dans la capitale Addis-abeba. Cinq présidents,
trois vice-présidents, deux premiers ministres ainsi que le
président de la commission de l'Union africaine, Alpha Omar
Konaré, font le déplacement.
Là encore l'économie est omniprésente
avec la ratification du plan d'action 2004-2006. La coopération est au
centre des négociations (dans les domaines de l'exploitation de
ressources naturelles, agriculture, transports, tourisme, formation...) avec
les investissements bilatéraux. Mais la politique est cette fois
abordée : la Chine signe un engagement pour la paix régionale,
tout en soutenant le gouvernement soudanien. La volonté de ne pas
pratiquer l'ingérence (à l'image de la France par exemple) est le
but recherché et atteint ; tout en se positionnant contre la guerre, ce
qui ne mange pas de pain, pour reprendre une expression courante. Il
n'empêche, le Libéria rejoint la RPC. Le Sénégal en
2005 et le Tchad en 2006 suivront.
Le troisième forum sino-africain de 2006 (du 3 au 5
novembre à Beijing) accueillit 48 chefs d'États et
délégations. Celui-ci pourtant similaire aux
précédents, fut très médiatisé. La banderole
de 18 km, de l'aéroport au Palais du Peuple, où l'on pouvait
admirer les quarante années des relations sino-africaines ne fut pas
étrangère à cet engouement médiatique.
C'était tout de même le plus important évènement
diplomatique depuis la révolution de 1949.
Le forum sur la coopération Chine-Afrique adopta le
plan d'action de Beijing 2007-2009. Globalement, deux milliards de dollars
furent attribués pour mener à bien les accords de financement,
tels la construction de 900 km de voies ferrées au Nigéria, la
construction du Sénat gabonais, une industrie de production d'aluminium
en Égypte, 200 millions de dollars pour la production de cuir en Zambie
ou encore la suppression des droits de douanes pour 190 produits (pour 28
États les moins développés). Directement adressé
aux populations, la construction de 4000 écoles en milieu rural à
l'horizon 2009, la formation de 15 000 africains, la construction de 30
hôpitaux... Ces quelques exemples démontre cette volonté
chinoise du rapport gagnant-gagnant : ces investissements créent de
l'emploi et en contrepartie, le pays receveur, exporte évidemment les
ressources produites grâce à la création de l'industrie...
Des industries qui ne sont pas toutes chinoises : environ 170 000 Chinois sont
installée en Afrique dont la majorité sont employés dans
ces sociétés. Les grandes réalisations (Sénat ici
mais stades, palais présidentiels ailleurs) servent la
notoriété de la RPC et entretiennent les relations entre
dirigeants.
Ces dirigeants qui se sont déplacés
m'amènent à une réflexion : pourquoi ne pas simplement
mandater le président de l'U.A. (dont le siège situé
à Addis-Abeba est financé par la Chine), et celui du NEPAD par
exemple ? La réponse est simple, ce forum devient au fil des
années, non seulement un rendez-vous capital, mais surtout une source
financière inestimable pour tous les États africains. Là
où la France et l'Europe ont échoué, la Chine en
déployant aides et financements colossaux, a gagné.
Alors s'agit t'il d'une nouvelle géopolitique mondiale
? Tout en étant prudent, il est certain que la RPC est parvenue à
ses objectifs : le PCC ne choisi plus ses partenaires africains en fonction de
la nature idéologique des régimes. Tous les États (ne
reconnaissant Taiwan) échangent aujourd'hui avec le pays asiatique, le
cadre s'est élargi, il est devenu global. Ceci, de par la nature de
l'offre diplomatique et politique et par la quantité des subventions,
aides..., favorise la bienveillance à son égard, sur le
continent. Un appui stratégique si l'on pense que dans les prochaines
années et décennies, la Chine aura besoin d'un maximum de
partenaires au sein des organisations internationales, afin de mener à
bien ses projets géopolitiques. Personne ne doute un instant que cette
dernière sera Le Pays du XXIe siècle, il ne s'agit que d'une
question de temps. Les futurs conflits sino-étasuniens
détermineront de qui la communauté internationale souhaite voir
la prépondérance, quelle super-puissance dirigera
l'économie, la politique mondiale et sur quelles bases : un capitalisme
ultra-libéral enrichissant les riches et appauvrissant les pauvres
où les multinationales possèderont les tenants et aboutissants,
ou, un modèle encore difficilement identifiable, mêlant
capitalisme et État autoritaire, libéralisme ciblé
géographiquement et structurellement, et, interventionnisme
étatique. Ce modèle ne peut en aucune manière être
international, mais peut cependant être régi sous la forme de
régions (Asie, Moyen-Orient, Afrique, Europe, Amérique du Nord,
Amérique du Sud, Océanie ?). Les extravagantes disparités
chinoises amènent également à bien des questionnements sur
ce mode de développement national. Mais la Chine possède des
avantages : une vision sur le long terme (à la différence des
États-unis), une image positive dans les pays du Sud (n'appelle t'on pas
le groupe des 77 plus la Chine ?), un potentiel démographique donc
militaire sans comparaison aucune et donc, un État fort, puissant,
capable en théorie de mener plus d'un milliard d'individus à tel
ou tel objectif.
Ce sommet placé sous le thème «
Amitié, paix, coopération et développement »
préfigure donc à mon sens une nouvelle organisation des relations
internationales, basé sur la coopération entre régions. Le
sommet Afrique-Amérique du Sud en est la preuve.