Qu'est ce que le Sénégal pour la France ? De
quelle France d'ailleurs ? Son peuple, hétérogène,
façonné et modelé par les nombreuses migrations dont celle
du continent africain (Afrique subsaharienne francophone en particulier)
étant la dernière en date et celle qui suscite le plus grand
nombre de débats, parfois xénophobes, individualistes, arrogants
et dédaigneux ? Assurément non. Son gouvernement actuel, qui
reprend tous les clichés, a priori et idées de la droite et de
l'extrême droite française ? Non plus. C'est bien de l'État
français et de son rapport avec l'Afrique colonisée d'où
francophone, dont je veux et doit parler ici, ainsi que du secteur
privé.
Quelques commentaires historiques ne sont pas superflus : la
France s'installe sur la façade maritime africaine (de l'Ouest donc) en
1659 et fonde la ville et capitale de l'A.O.F.114, Saint-Louis,
s'implantant de manière irréversible sur le continent ouest
africain. Saint-Louis est avec la presqu'île du Cap-Vert (dont le symbole
est l'île de Gorée) un des principaux territoires où les
114 Afrique occidentale française
esclaves Noirs embarquent pour le commerce triangulaire : la
Traite est officiellement abolie le 29 mars 1815 mais perdurera jusqu'en
1848.
Une parenthèse : le commerce triangulaire est une
forme de la Traite des esclaves africains : les nations coloniales
européennes (Royaume-Uni et Irlande actuel, France, péninsule
ibérique) naviguent vers la côte africaine (de l'Ouest toujours)
afin d'y échanger des marchandises destinées au troc, contre les
esclaves qui travailleront dans les colonies d'Amérique (côte
Ouest dont les États-unis, les Antilles et le Brésil
notamment).
Durant cette décennie (1840), la France conquiert
l'ensemble du Sénégal sous l'impulsion de
Faidherbe115, puis, ce qui deviendra l'A.O.F. à la fin du
XIXe. Dakar, quant à elle, est fondée en 1857 et ne deviendra la
capitale du Sénégal qu'en 1960, le 4 avril. Par ailleurs, elle
devint capitale de l'AOF en 1902, preuve de son importance
géostratégique. Le 4 avril 1960, le Sénégal devient
juridiquement indépendant. Il est alors fédéré au
Mali. Suite à l'échec probant de l'A.O.F. qui était une
tentative de fédérer le Sénégal, le Soudan
Français (Mali), la Haute-Volta (Burkina Faso) et le royaume de
Dahomey (Bénin), De Gaulle qui est opposé au projet,
accepte l'indépendance du Sénégal le 20 août 1960.
Suite à l'adoption de la constitution du 25 août, Léopold
Sédar Senghor devient président le 5 septembre 1960. En 1963, une
nouvelle constitution instituant un régime présidentiel est
approuvée en conséquence du coup d'État tenté par
Mamadou Dia116. Si peu de problèmes sérieux se posent
entre ce coup d'État et 1981, après cette date, le processus
démocratique va s'accélérer : Abdou Diouf est élu
en 1981, puis réélu en 1988 et 1993. Si la démocratie
entre dans les moeurs à cette époque, les obstacles
économiques et politiques demeurent. De plus, depuis 1982, les
insurgés du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance
(MFDC) compliquent la tâche déjà ardue du gouvernement. En
mars 2000, les contestations grondent car A. Diouf brigue, en quelque sorte,
une présidence à vie. Mais, c'est Abdoulaye Wade, se
présentant pour la quatrième fois, qui obtient la majorité
des suffrages au second tour (58,5 %). Le Sénégal aurait donc
opté pour le xopi (changement). Mais, à la lecture de la
presse sénégalaise, ce xopi se fait attendre :
désillusion, hausse du niveau de vie trop timide, dérive au
niveau gouvernemental (quasi culte de la personnalité, malheureusement
trop fréquent sur ce continent), laïcité et liberté
de parole très « encadrées » (même si le
Sénégal possède les médias les plus libres du
continent) et accusations fondées de détournements et abus de
pouvoirs (Idrissa Seck et Karim Wade). Les électeurs ont donc,
malgré tout, en février 2007, choisi la réélection,
au premier tour, du chef d'État sortant.
115 Louis Léon César Faidherbe, gouverneur du
Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865.
116 (1910-) Il fut député de l'Assemblée
Nationale française en 1956, Premier ministre du Sénégal
en 1958 et créa le premier plan de développement
économique. Amnistié en 1976 suite à son arrestation dans
le cadre d'une tentative de coup d'État (1962), il sera défendu
par un certain Abdoulaye Wade. Incarnant l'opposition (paradoxale car dans le
gouvernement) au président historique, L. S. Senghor, il fut un des
premiers à critiquer ouvertement l'actuel chef d'État. Il reste
donc, avec A. Diouf, un des principaux responsables politiques
sénégalais encore en vie.
La France n'a officiellement plus de droit de regard et
d'ingérence au Sénégal. Mais la réalité est
toujours différente et plus complexe. Bien sûr, personne ne verra
un responsable politique français affirmer, devant les médias
internationaux, que le Quai d'Orsay tient toujours une place
prépondérante dans les grandes décisions gouvernementales
sénégalaises. Bien sûr, ces mêmes médias ne
diront jamais que de hauts responsables français travaillent à la
présidence (cabinet politique du président) : du personnel
hautement qualifié se défendront les autorités, des enjeux
géopolitiques j'affirmerai pour ma part.
La France a donc laissé un héritage culturel,
politique, économique et administratif conséquent. N'étant
pour autant pas l'adepte de la vision unique, il est irréfutable que les
métropoles ont apporté des bienfaits à leurs colonies
d'alors. Mais, seulement sur la forme : les routes et voies ferrées,
hier servant aux déportations, sont extrêmement utiles aujourd'hui
; l'administration, hier coloniale et dirigée par les gouverneurs, sont
aujourd'hui bien souvent les seules formes d'organisation...
Mais, tous ces « apports » ont été
effectués dans un cadre politique unilatéral et dans le cadre du
système capitaliste, objectivement parlant. Or, les réalistes
diront qu'il est indispensable de s'adapter à ce système, car
devenu mondial d'où, obligatoire : même le dernier des grands
États totalitaristes communistes, la Chine, s'y rallie. Ma
réponse est courte : les peuples africains, dans toute leur
diversité, ne sont culturellement et socialement pas individualistes.
D'où le fossé qui les sépare de ce système
libéral, aggravé par le pillage continuel (et sans
retombées sociales) de ses ressources et bien entendu par la
création d'un produit unique destiné à l'exportation
(arachide, coton dont les cours se sont effondrés parallèlement
aux deux chocs pétroliers117), par leurs classes politiques
formées et soutenues par les ex-métropoles, par leurs dettes
contractées auprès du FMI et de la Banque Mondiale.
Je change toutefois d'échelle pour me recentrer sur le
cas franco-sénégalais.
Démographiquement, les français sont la
première communauté étrangère : en 2005, plus de 18
000 étaient inscrits au registre118. Ce sont en partie ce que
les Sénégalais nomment amicalement les «
sénégaulois ». Économiquement, selon la même
source, « il existe environ 337 entreprises à participation
française (ou ayant des liens avec une entreprise en France, ou encore
créées localement par des investisseurs français). ».
Il suffit d'observer le classement des vingt premières entreprises
sénégalaises pour comprendre le poids économiques des
sociétés françaises. La Société Nationale de
Commercialisation des Oléagineux du Sénégal (Sonacos) est
la troisième société en terme de chiffre d'affaires, la
Société Nationale des Télécommunications du
Sénégal (Sonatel) est
117 1973 (guerre du Kippour opposant Israël à
l'Égypte et à la Syrie) et 1979 (Révolution iranienne,
instituant une république théocratique islamique, par l'Ayatollah
Ruhollah Khomeiny).
118 Registre des Français établis hors de France,
Maison des Français de l'étranger,
http://www.mfe.org/?SID=5598
classée au rang 4, Total au 7e rang, la
Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) au 8e ,
les Grands Moulins de Dakar (GMD) au 10e, la Société de
commercialisation du ciment (SOCOSIM) au 1 1e, au 12e rang la
Sénégalaise des Eaux (Saur Internationale), au 13e Laborex et au
14e la Compagnie Sahélienne d'entreprise (CSE). Les trois
dernières sociétés classées sont respectivement
Colgate Palmolive, Nestlé Sénégal et Scac Delmas Vieljeux.
Douze sociétés sur les vingt les plus conséquentes sont
françaises ou à capitaux français.
La Sonacos est une société agro-alimentaire.
L'actionnaire principal et majoritaire est le groupe français Advens
(66,9 % des actions), spécialisé dans le négoce, le
stockage et la logistique de produits agroalimentaires. Le groupe
possède également D Smet, groupe belge leader mondial dans la
construction de raffineries d'huile de table et la société
sénégalaise SODEFITEX (Société de
Développement et des Fibres Textiles évoluant comme son nom
l'indique dans le coton), dont 49 % du capital est détenu par la filiale
française DAGRIS.
La Sonatel est un groupe affilié à Orange, soit
France Telecom (téléphonie fixe, mobile et Internet) et a
réalisé un C.A. d'environ 400 milliards de FCFA (quasiment 610
millions d'euros) en 2006. Sonatel réalisa cette année un
bénéfice net de 146,6 milliards de FCFA (environ 223 millions
d'€).
Total qui n'est plus à présenter réalisa 60
000 euros de C.A. en 1997.
La CSS est une entreprise française qui produit et
exporte le sucre issu de la canne à sucre, dans le secteur de
l'agro-alimentaire (C.A. d'environ 49 millions de FCFA en 2001, soit environ 74
700 €).
Les GMD est la première société dans le
secteur alimentaire, avec un C.A. en 2001 d'environ 42 millions de FCFA (un peu
plus de 64 000 €).
La SOCOCIM, appartenant au groupe VICAT (2 083 millions
d'euros dans huit pays : la France et le Sénégal donc, les
États-Unis, l'Italie, la Suisse, la Turquie, l'Égypte et le Mali)
est elle aussi leader, mais dans le BTP : environ 146 millions d'euros en
2006.
La Sénégalaise des eaux (Saur) appartient
désormais au groupe Bouygues très implanté en Afrique de
l'Ouest, à 73 %, à EDF International pour 14 % et aux fonds
d'investissement à 13 %. Multinationale, elle est présente,
hormis dans l'hexagone, en Espagne, en Pologne, en Russie, en Argentine, en
Chine et au Sénégal. Son C.A. global est de 1,4 milliard d'€
en 2005.
Laborex, 60 % de part de marché, est le principal
importateur de produits pharmaceutiques. Si son capital est totalement
sénégalais, elle entretient des liens très étroits
avec la France : son bureau d'achat est à Rouen. Son C.A. était
de 23, 8 millions de FCFA en 2000 (ou 36 000 €).
La CSE est détenue à 45 % par la
société française de travaux publics Fougerolles (un des
leaders du marché). Son C.A. est d'environ 30 milliards de FCFA (45
millions d'euros).
Colgate Palmolive, dans le secteur des produits d'entretien
effectuait en 1997, environ 21 000 euros de chiffre d'affaire.
Nestlé Sénégal (agro-alimentaire)
réalisa 20 000 euros de C.A., approximativement, en 1997.
Enfin, Scac Delmas Vieljeux (transports maritimes) appartient
à un autre groupe très bien implanté en Afrique (70
sociétés dans 35 pays) : Bolloré. Le C.A. était
quelque peu inférieur à 20 000 euros en 1997119.
Parmi ces sociétés, certaines figurent en bonne
place au sein du classement des investissements sur la période 1992-2001
: la SOCOCIM, 3e , a investi 64 573 millions de FCFA, la CSS,
4e , 44 695 millions, Colgate Palmolive en 6e position,
avec 10 714 millions, en 8e je retrouve les GMD qui ont investit 10
008 millions, la SODEFITEX 11e avec 8365 millions et Nestlé
Sénégal avec 5 394 millions en 14e position. Ce
classement regroupe 44 sociétés et est proposé en
annexe IIp, page 158.
A un niveau plus global, je proposerai de se reporter aux
cartes C et D, pages 32 et 33 ainsi qu'aux graphiques 15 à
22, pages 29 à 35. Il est entendu qu'elle est la première
destination et provenance des échanges sénégalais. Elle
importe pour 13,07 % et exporte au Sénégal pour 33,22 %.
Principal pays client et fournisseur, la France est par ses entreprises
privées très bien implantées au Sénégal et
ce dans tous les domaines, secteurs de la vie économique : agro-
alimentaire et agro-industrie, BTP, télécommunications,
hydrocarbures, eau, parachimie, produits d'entretien et transports. Et ce n'est
pas un hasard si Mme Viviane Wade, épouse du chef d'État, se
déplace à la commémoration du 80e anniversaire
de la société Fougerolles, en janvier 2007. Fougerolles
appartient au groupe Eiffage, troisième fleuron français dans le
BTP120.
Paris est en quelque sorte la capitale officieuse des
États africains francophones. Elle accueille les sièges du CIFAS
et du CIAN (Club des investisseurs français au Sénégal et
Conseil français des investisseurs en Afrique). Ces organisations, comme
leur appellation le laisse entendre, aident les nouveaux investisseurs
français. Elles publient à cet effet des rapports : le MOCI
(CIAN) par exemple où les conjonctures économiques des
États africains sont analysées par zones (Afrique du Nord,
Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Afrique australe, et, Afrique orientale
et océan Indien. Au sujet du Sénégal, voici leur compte
rendu : « les entreprises prévoient un chiffre d'affaires en
légère augmentation et aucune ne s'attend à une baisse
d'activité pour 2007. Quant aux résultats financiers, ils restent
très proches de ceux de l'an dernier, puisque cette année encore
1 entreprise sur 2 est nettement bénéficiaire, mais seulement 1
sur 4 faiblement bénéficiaire ou à
119 Les sources permettant d'obtenir ces informations sont les
sites Internet des sociétés citées. Également,
http://www.senegalonline.com/francais/economie/20-entreprises.htm,
pour le classement des 20 premières entreprises.
120 Nettali du 2 janvier 2007,
http://www.nettali.net/spip.php?article2068
l'équilibre. Les investisseurs sont supérieurs
à ceux de l'exercice écoulé avec une reprise
annoncée pour 1 société sur 2. Enfin, un tiers estime que
les créances de l'État sont encore élevées.
Dans l'environnement des affaires, les infrastructures
portuaires et aériennes, les télécommunications, le
secteur bancaire, la qualité du personnel de maîtrise et la
sécurité sont toujours les points les plus satisfaisants. Le
niveau de corruption est relativement bas. En revanche, le mauvais état
du réseau ferroviaire, la fraude douanière, les jugements
arbitraires et les coûts très élevés de
l'énergie restent les principaux sujets de préoccupation des
entreprises. ». Certaines similitudes avec mes propres observations
apparaissent. L'objectif reste, cela s'entend, mercantile : « dans une
Afrique, tant décriée, le CIAN rappelle notamment par ce rapport
et sa lettre trimestrielle, que dans ce continent si proche de l'Europe par
l'histoire et la géographie, des initiatives se développent, des
entreprises y prospèrent et que c'est une erreur grave de
négliger cette partie du monde à laquelle s'intéressent de
plus en plus de nouveaux acteurs [comprendre, la Chine, l'Inde, le
Brésil...] »121.
Paris c'est aussi l'Élysée et sa « cellule
africaine ». Si elle n'a aucune existence juridique, légale, elle
est néanmoins présente depuis les années 1950-1960, depuis
les indépendances. C'est le général de Gaulle qui le
premier crée ce réseau de diplomates, hommes d'affaires et
politiciens. Jacques Foccart (1913-1997) est le principal représentant
de cette organisation diplomaticoéconomico-politique parallèle
(avec Michel Dupuch, Charles Pasqua, Michel de Bonnecorse...). Financements de
partis politiques français, détournements occultes au profit de
multinationales (ELF), assistances lors des coups d'État, ces faits
aujourd'hui avérés sont le côté sombre de la
politique africaine de l'État français. Le nouveau gouvernement,
n'ayant aucune culture politique africaine, voire internationale, promet un
virage dans les relations franco-africaines. N'étant pas essentiel, je
ne détaillerai pas plus.
L. S. Senghor, A. Diouf (secrétaire
général de l'Organisation internationale de la Francophonie
depuis 2002) et A. Wade ont étudié en France, et ont tous,
malgré la tentative de A. Wade de trouver des alternatives à
l'ex-métropole (chronologiquement les États-unis et la Chine),
lié de profonds liens politiques, économiques et culturels avec
la France. Que dit justement ce dernier (cf annexe presse et citations,
page) ? La France et le Sénégal, plus largement l'Afrique, sont
indissociables et ont des intérêts et perspectives communs :
l'immigration, le développement, le terrorisme, l'environnement et le
partenariat eurafricain. Il faut cependant écarter des relations le
syndrome colonisateur-colonisé.
C'est également le point de vue de Geneviève
Lancu, le Consul général de France à Dakar : « la
France entretient une coopération extrêmement importante avec le
Sénégal. La qualité de nos
121 Le MOCI - les entreprises françaises et
l'Afrique, 2007, 18e rapport, N° 1783-1784 du 28
décembre 2006 au 4 janvier 2007
relations de coopération et la place que ce pays occupe
aussi bien au niveau administratif que dans le coeur des français n'est
plus à démontrer ».
Au niveau étatique, la France est très
présente. Elle allège par exemple sa dette extérieure
(également appliquée par les créanciers du Club de Paris)
qui se voit ramenée à 41,4 % du PIB en 2004 (elle sera à
15 % après l'Initiative du G8)122.
Les sommets France-Afrique font partie intégrante des
relations bilatérales. Le dernier en date, le 24ème ,
des 15 et 16 février 2007, à Cannes, accueillit 48
représentants sur 53 possibles. Quel est l'enjeu d'un tel rassemblement
? Quels en sont les dossiers ? « L'Afrique et l'équilibre du monde
» en étaient le thème, les matières premières,
le conflit du Darfour, le développement, la lutte contre l'immigration
clandestine sont les principaux leitmotiv abordés.
Ce fut donc le dernier sommet de « Chirac l'Africain
». Critiquées, ces rencontres sont organisées afin de
remplir certains objectifs : réaffirmer la position française en
Afrique et notamment dans son « pré-carré » (Afrique
francophone), impulser de nouvelles dynamiques diplomatiques et
économiques (contrats, aides, projets de développement), et si
possible, faire passer un message à la nouvelle puissance africaine
qu'est la RPC. Le prochain sommet, qui se déroulera en Égypte en
2009, promet une participation à la baisse étant donné le
peu de maîtrise dont dispose M. Sarkozy sur ce continent. A ce propos,
les deux candidats du second tour de l'élection présidentielle en
mai 2007, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, avaient promis une
nouvelle politique africaine, basée sur plus de transparence. Est-ce
à dire que l'ancien président, Jacques Chirac, entretenait un
système opaque ?
Pour conclure sur ce sujet, si les principaux domaines
étasuniens sont l'approvisionnement en matières premières
et la lutte contre le terrorisme, le nouveau gouvernement français
souhaite surtout contrôler l'immigration. Le Sénégal est en
première ligne. Une phrase d'une mère me marquera : « on en
a marre que nos fils partent mourir en mer, maintenant, on va prendre les
choses en main [...] on leur dit de rester, que ce n'est pas
l'eldorado ! ». Des centaines de vie seront je l'espère
ainsi épargnées (les jeunes hommes embarquent en pirogue au large
de Saint-Louis, se dirigeant vers la porte de l'Europe : les îles
Canaries).
Le Sénégal reste et devient, par le conflit
ivoirien, un territoire clé pour la France, géopolitiquement
j'entends. 1200 militaires y sont stationnés, ce qui représente
la quatrième force militaire française en Afrique, après
la Côte d'Ivoire (contingent d'environ 4200 militaires : opération
Licorne), la Réunion (4100), Djibouti (2900), à
égalité avec le Tchad et devant le Gabon
122 Le club de Paris est un groupe informel de créanciers
publics qui a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables
aux difficultés de paiements de nations
endettées.
www.wikipedia.fr
Le G8 est une organisation regroupant les pays les plus
industrialisés, donc riches. Composé des États-unis, du
Canada, de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Russie et du Japon,
il verra sous peu l'apparition de l'Espagne et du Brésil. La Chine pose
plus de difficultés, étant donné la nature même de
son régime politique. Mais, seuls les intérêts
comptent...
avec 1000 fonctionnaires. Une base y est implantée et
un accord de défense est signé123. L'ambassade de
France, située au Sud-Est du port, est de par sa taille, la plus
imposante de toutes. Sa sécurité est également sans
rapport avec l'ambassade des États-unis ou de la RPC par exemple.
Comment ne pas aborder un des points les plus simples mais si essentiel : la
langue. Le français est la langue administrative officielle au
Sénégal (comme elle l'est au Mali, en Côte d'Ivoire...), le
wolof l'étant pour les affaires : « oui tout le monde parle
français au Sénégal, mais c'est que pour l'administration.
Le wolof c'est pour le business ! », dixit un Sénégalais
d'âge mûr rencontré sur le boulevard de Gaulle.
La France tente également de réaffirmer sa
présence en Afrique. Malmenée au Rwanda, en Côte d'Ivoire,
elle déploie ses activités économiques dans les pays
anglo-saxons (Afrique du Sud, Nigéria...). Son double discours,
politique et économique l'atteste : politique dans l'Afrique
francophone, économie dans les pays colonisés par le Royaume-Uni.
Ce continent est indispensable : le plus rentable de tous. Il existe plus de
2600 entreprises dont 80 % sont bénéficiaires, les privatisations
ayant été une véritable aubaine pour certaines...
La France investit dans tous les domaines possible :
l'agriculture, l'environnement, l'industrie, le tourisme, la santé,
l'éducation et la culture.
L'agriculture est prédominante car les importations
françaises représentent environ 20 % du total (des importations
françaises). La canne à sucre, l'arachide, les produits
halieutiques et les fruits et légumes sont les principales importations
agricoles.
L'industrie, je l'ai décrite, est régie par les
Français et Libanais. La santé est domaine
élémentaire. Elle est cruciale dans un pays où un simple
anesthésique est difficile à se procurer. L'hôpital
principal de Dakar est d'ailleurs en étroite collaboration avec la
France, devenu autonome en 2004. C'est, et de loin, l'infrastructure la plus
adaptée et fonctionnelle au Sénégal.
Le secteur touristique : 49,6 % des touristes sont
français, en 2005. Les complexes touristiques sont nombreux, du Club
Méditerranée sur la pointe Ouest du Cap-Vert, aux petites
chambres proposées par les « sénégaulois ».
L'éducation est bien entendu un autre domaine de
coopération. Pour exemple, l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
détient des accords universitaires avec une trentaine
d'Universités françaises.
123 Le Monde du 13 avril 2006,
http://abonnes.lemonde.fr/web/infog/0,47-0@2-3212,54-761588@51-751452,0.html
Accord datant de 1974, les FFCV (Forces françaises du
Cap-Vert) sont installées à Dakar, sur sa côte Est,
à proximité du port. Il s'agit du 23e bataillon
d'infanterie et de marine (Bima).
Rfi du 2 février 2005,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/062/article
33706.asp
Ce point qui requière à lui seul un
mémoire, ne peut être détaillé ici. La France
possède de nombreux avantages par rapport à son concurrent
direct, ou qui est en passe de le devenir, la Chine. La langue, partagée
par les deux parties, son implantation multisectorielle, ses liens politiques
et diplomatiques forts et la représentation des Sénégalais
vis-à-vis des Français, plutôt positive, bienveillante.
Ceci s'explique notamment par l'aide au développement apportée :
en 2004, elle s'élève à 410,3 millions d'euros dont 124,2
hors annulation de dettes. Le Sénégal est de fait le premier
bénéficiaire de l'APD (Aide publique au développement) :
il perçoit 9,4 %124 . Selon cette source, les « secteurs
de concentration de l'aide française » sont l'éducation, le
secteur productif (« subventions, prêts non souverains
concessionnels et non concessionnels, garanties, lignes de refinancement
bancaire, expertises, mise à niveau environnementale et sociale des
entreprises, partenariats publics/privés, etc. »), les
infrastructures, la santé, le développement rural, «la
consolidation de l'État de droit et l'amélioration de la
gouvernance institutionnelle », l'enseignement supérieur et la
recherche (par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) par
exemple) et « la promotion de la diversité culturelle et du
français ».
Un dernier sujet démontrant le poids
économico-politique français est le franc CFA. Lors de la
ratification par la France des accords de Bretton Woods en 1945, la
monnaie en Afrique de l'Ouest alors essentiellement colonisée par la
France est le franc des colonies françaises d'Afrique. En 1958, elle est
renommée franc de la communauté française d'Afrique,
appellation moins coloniale et impérialiste qui n'enlève rien au
pouvoir que la France garde sur cette monnaie qu'elle dévalue selon ses
besoins (le 11 janvier 1994, quatorze États de la zone franc
dévaluent leur monnaie sous pression du FMI et de la Banque Mondiale.
C'est la France qui l'annonce et pour cause : les spéculations sont
françaises et viennent majoritairement des grandes
sociétés implantées en Afrique de l'Ouest). Elle changera
de nom pour franc de la communauté financière d'Afrique (pour les
membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ou
UEMOA) et franc de la coopération financière en Afrique centrale
(pour les membres de la Communauté Économique et Monétaire
de l'Afrique Centrale ou CEMAC). L'UEMOA regroupe le Bénin, le Burkina
Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le
Sénégal et le Togo. La CEMAC le Cameroun, le Congo (Brazzaville),
le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République
Centrafricaine et le Tchad.
Les deux monnaies (euro et franc CFA) sont liées par
une parité fixe, le franc s'apprécie donc en fonction de la
monnaie européenne. Cela entraîne la chute des prix des
matières premières, celles-ci étant fixées en
dollar US moins fort que l'euro, d'où, une baisse des exportations
124 Ministère des Affaires étrangères,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france
830/aide-au-developpement 1060/politiquefrancaise 3024/instruments-aide
2639/documents-cadres-partenariat-dcp
5219/document-cadre-partenariat-france-senegal-dcp2006-2010 40403.html
(agricoles, de coton...). Cette monnaie forte est avantageuse
à l'export, mais contre-productive à l'import, or, la balance
commerciale sénégalaise est nettement déficitaire.
La France est membre fondateur de l'Union Européenne.
L'U.E. importe 47,28 % des marchandises et exporte pour 92,31 %. Elle est
quasiment en situation de monopole, chez les pays fournisseurs ! Quelle est la
place française ? Elle totalise 36,01 % (des exportations
sénégalaises vers l'U.E. donc) et 51,95 % des importations
sénégalaises. Deux autres pays sortent du lot, l'Espagne et
l'Italie. S'agissant de l'U.E., se référer aux cartes et
graphiques en annexe.
Un procédé navrant, ajouter les annulations de
dettes au chiffre global de l'aide attribuée aux États africains,
devient fréquent. Selon le rapport de l'organisation Concord, l'Europe
accorde en 2006, 48 milliards d'euros125. Mais 13 proviendraient
directement des dettes annulées, soit, près de 30 % !
Monsieur Wade comprenant les enjeux d'un tel partenariat,
affirme que quatre puissances domineront le monde de demain, soit, les
États-unis, la Chine, le Brésil et l'Inde. Il exclue donc l'U.E.
qui ne possède pas de réservoir démographique mais
encourage les liens entre cette dernière et l'Afrique qui elle
possède ces ressources humaines. Un « grand ensemble »
géopolitique où l'indépendance de tous sera le gage de
relations politiques productives et multilatérales (au contraire du
paternalisme français ou anglo-saxon)126. Objectivement, ce
type de déclarations permet surtout d'attirer l'attention.
Il est somme toute logique que la première
économie mondiale (l'Union européenne) attire et exporte
l'ensemble des capitaux. Liens historiques et proximité
géographique ne sont pas étrangers à cette
prépondérance. La Chine, l'Inde, le Brésil et les
partenaires du Maghreb et du Proche et Moyen Orient apparaissent donc
dérisoires vis-à-vis l'ex-métropole, cependant, c'est bien
un enjeu à moyen terme.
En résumé, la France n'est aucunement
menacée au Sénégal (ce n'est pas le cas dans tous les
États francophones). À court terme cependant, car les pays dits
émergents gagnent chaque année des contrats et du terrain
politique. Comme je l'ai brièvement décrit, les
sociétés hexagonales sont leaders, mais le BTP, les
télécommunications, les activités de la pêche sont
trois secteurs d'activités où la Chine joue désormais,
à travers son secteur privé, un rôle important. Il en est
de même dans d'autres activités...
125 Rfi du 17 mai 2007,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/089/article
51903.asp
126 L'hebdomadaire du 21 mars 2007,
http://www.lhebdomadaire.info/Senegal-Abdoulaye-Wade-appelle-a,1257
Un exemple est les télécommunications.
China Télécom est une des plus grandes
sociétés, elle compte 25 millions d'abonnés en Chine.
Actuellement deux groupes se partagent le marché : la Sonatel (capitaux
mixtes, 33,3 % pour France Télécom et 66,7 % revenant à
l'État sénégalais) et un groupe privé du nom de
Sentel. L'entreprise chinoise serait la troisième mais est en
concurrence avec la société saoudienne, Saudi Bin Laden
Group. Il est évident que China Télécom
dispose d'un atout remarquable : son marché potentiel chinois ! De fait,
jouant sur le nombre, elle pourra à terme proposer des tarifs
attrayants. De fait également, elle investira des sommes
conséquentes dans la recherche, l'un des nombreux secteurs dont la Chine
souhaite développer (NTIC pour Nouvelles technologies de l'information
et de la communication)127.
Un autre exemple est la participation française
à la 17e Fidak (Foire internationale de Dakar).La foire, du
30 novembre au 11 décembre 2006, accueillit des centaines d'exposants.
L'information utile ici, est le retour des privés français qui
avaient déserté cette réunion l'année
précédente pour cause de manque de professionnalisme. Ils
n'étaient pas les seuls, les étasuniens, belges ou encore
marocains avaient suivi leur exemple. Alors pourquoi revenir ? Pour faire face
aux pays asiatiques ! D'ailleurs, l'invitée d'honneur était
l'Inde.
Je vais parcourir le globe terrestre afin d'analyser
sommairement les partenaires que sont les NPI, nouvelles économies ou
encore pays émergents, et en premier lieu, vers l'Est, vers l'Inde.