CONCLUSION GENERALE.
Dans notre travail, nous avons jugé bon d'exposer
d'abord au lecteur quelques notions générales relatives au droit
d'auteur. Nous avons précisé que le droit d'auteur protège
les créations appartenant au champ littéraire ou artistique et
qu'il confère aux auteurs des prérogatives morales et
patrimoniales. Mais pour bénéficier de la protection, ces
créations doivent revêtir une certaine forme extérieure qui
fait qu'elles soient perceptibles aux sens humains. En outre, elles doivent
présenter une certaine originalité par rapport aux oeuvres
préexistantes ; Si la création littéraire ou
artistique n'est pas toujours libre de toute influence extérieure, cette
influence ne peut pas aller au-delà des limites légales.
Dans un second temps, nous avons présenté les
grandes lignes de l'évolution du droit d'auteur dans notre pays. Le
droit de la propriété littéraire et artistique dans notre
pays a connu successivement trois lois. Nous pouvons dire que chacune de ces
lois contenait tout au moins des règles minimales qui pouvaient
permettre aux auteurs d'assurer, dans une certaine mesure, le respect de leurs
oeuvres et d'en tirer des profits pécuniaires. Contrairement à
toute attente, les auteurs burundais ont toujours produit pour le grand public.
Conséquence, leurs oeuvres ont toujours été
exploitées sans qu'ils puissent en contrôler le marché.
C'est pourquoi nous estimons que les écueils qui ont miné
l'efficience des législations qui se sont succédé et qui
constituent les principaux défis auxquels était confronté
la nouvelle loi, sous peine pour elle de suivre le même sort que les
législations antérieures, ne sont pas à chercher
foncièrement dans les textes.
Nous avons pu constater également que
l'évolution de la réglementation du droit d'auteur doit
nécessairement suivre celle des technologies de diffusion et de
communication des oeuvres de l'esprit. Or, il est difficile de prévoir
les cycles de développement de ces technologies. Celles-ci sont
tellement en constante évolution qu'une loi bien faite à un
moment donné peut se trouver dépassée dans les quelques
années suivantes. C'est pourquoi le législateur devrait toujours
faire diligence et apporter constamment aux textes les modifications qui
s'imposent.
S'agissant des innovations de la loi de 2005, il est
intéressant de faire remarquer que la nouvelle législation est,
en dépit de quelques insuffisances, plus complète que la plupart
des législations occidentales ; le législateur a
été tellement ambitieux qu'il a même introduit des
solutions très récentes en matière de droit d'auteur et
qui ne sont déjà introduites que dans de rares
législations. Par ailleurs, la nouvelle loi est, dans une large part,
inspirée des conventions internationales les plus pertinentes et les
plus récentes en matière de droit d'auteur et des droits voisins.
Plus concrètement, le législateur aménage la protection
des intérêts juridiques de certaines catégories de
personnes qui contribuent à mettre les oeuvres à la disposition
du public : ce sont les titulaires des
droits voisins.
De même, il accorde une place de choix au danger de
l'évolution des techniques liées à l'enregistrement de
sons et/ou d'images. Cette évolution a entraîné un
accroissement sans précédent de la copie d'oeuvres
protégées pour un usage privé. Pour y faire face, le
législateur institue une sorte de licence légale sous forme de
redevances assises sur la vente ou l'importation d'appareils d'enregistrement
et de bandes vierges. C'est « la
rémunération équitable pour la reproduction à des
fins privées. »
En outre, l'un des aspects du droit d'auteur étant la
possibilité pour cet auteur de monnayer sa production, il est tout
à fait rationnel de prévoir les différents
contrats qui touchent l'exploitation du droit d'auteur. Le
législateur y satisfait en réglementant, en plus des dispositions
régissant les contrats d'exploitation du droit d'auteur en
général, le contrat d'édition et le contrat de
représentation ou d'exécution, en les définissant et en y
précisant de manière plus ou moins détaillée les
droits et les obligations des parties. Ici, nous avons pu constater que le
législateur n'a pas précisé la qualification de certaines
dispositions et que le contrat de représentation est
réglementé de façon très parcellaire en ce sens que
l'essentiel des questions qu'il pose est renvoyé au droit commun des
obligations et que les obligations de l'auteur ne sont pas mises en
évidence.
Enfin, le législateur tient compte des
possibilités trop larges d'utiliser illicitement des oeuvres
électroniques, possibilités offertes par la révolution du
numérique. Aussi, la nouvelle loi incrimine-elle certains actes qui
conduiraient à anéantir les systèmes techniques
appliqués aux oeuvres numériques pour leur protection. De tels
actes donnent lieu à l'application des mesures et des sanctions civiles
et pénales prévues en cas de violation du droit d'auteur. C'est
la couverture des mesures techniques de protection des
oeuvres.
Au-delà des innovations, il y a lieu de
déplorer le fait que, dès l'origine, le législateur n'a
jamais eu conscience que toute réforme utile en la matière
devrait plutôt tabler sur certains facteurs extrinsèques aux
textes : l'absence des mesures d'accompagnement, l'ignorance et les
mentalités, le défaut de la volonté politique lié
à l'absence de conscience des conséquences économiques et
culturelles du non-respect du droit d'auteur, sont autant de facteurs qui ont
fait que le droit d'auteur dans notre pays s'est toujours réduit
à une simple illusion. Il faut également faire observer que toute
loi doit, chaque fois que de besoin, être accompagnée de mesures
d'application pour être efficace et servir effectivement les
intérêts du public concerné.
Autant dire que les innovations apportées par la
nouvelle loi ne profiteront à personne si l'autorité
législative burundaise continue pendant longtemps à miser sur des
lois toute faites et sans penser à faire face aux véritables
pierres d'achoppement.
A ce propos, l'Etat doit d'abord tenir compte du rôle
économico-culturel que le droit d'auteur et les droits voisins sont
appelés à jouer dans la société moderne et
afficher, par voie de conséquence, un réel intérêt
pour la répression de la piraterie et les autres infractions au droit
d'auteur et droits voisins et pour le respect strict du droit d'auteur. A cet
égard, plusieurs actions peuvent être menées.
Nous pensons notamment à la création d'une
brigade spéciale anti-piraterie qui serait aussi chargée de
lutter contre les autres violations du droit d'auteur.
Il s'impose aussi, pour faciliter la recherche et la sanction
des infractions, de développer la coopération au niveau national,
d'une part entre les divers services administratifs concernés par la
lutte contre la piraterie et les autres utilisations illicites des oeuvres,
tels la police, la douane, les services fiscaux, la justice, et d'autre part,
entre ces services et les organismes de défense des droits d'auteurs et
des droits voisins ou les associations ayant la matière pour domaine
d'intervention.
Le gouvernement doit également exprimer publiquement
sa volonté réelle et effective d'éliminer la piraterie et
de mettre fin au règne de la violation du droit d'auteur sous toutes ses
formes. Les pouvoirs publics doivent prendre la piraterie et les autres formes
de violation du droit d'auteur pour une forme de vol et faire comprendre
à tous qu'elles sont profondément antisociales et contraires
à l'intérêt public, et qu'elles ne constituent pas de
simples atteintes aux droits des particuliers
Il faut en outre que l'Etat s'applique à promouvoir,
en coopération avec les organismes intergouvernementaux et les
organisations professionnelles, l'enseignement, la formation et l'information
en matière de droit d'auteur et des droits voisins, dans tous les
milieux et à tous les niveaux, afin de sensibiliser le public sur les
conséquences socio-économico-culturelles de la piraterie. Nous
proposons à ce propos notamment l'introduction d'un cours obligatoire de
« droit d'auteur et droits voisins » à la
Faculté de Droit de l'Université du Burundi. L'étude de ce
cours permettra aux étudiants, futurs cadres du pays, de connaître
les règles de base en la matière qu'ils iront, à leur
tour, appliquer et diffuser dans leur vie active.
Il est également de stricte nécessité de
formuler, adopter et appliquer une politique nationale de développement
des industries culturelles qui tiennent compte de la protection des
créations de l'esprit, du cadre culturel, économique et social
des industries concernées et de la formation du personnel d'enseignement
et des services de conservation et d'information.
L'autre point névralgique de la législation sur
le droit d'auteur et les droits voisins est la protection internationale des
oeuvres. En effet, les oeuvres, comme les hommes, ont vocation à
circuler. L'émergence des médias transfrontaliers, la
banalisation des technologies de diffusion et de reproduction, le
développement à vive allure de l'Internet et du numérique
en général, ne font qu'accentuer cette tendance. La migration des
oeuvres témoigne d'une ouverture au monde permettant de montrer des
talents, des valeurs confirmées ; bref, un potentiel
générateur de capital culturel. Un cadre juridique toujours
adapté à l'évolution des techniques de la reproduction et
de la communication des oeuvres de l'esprit et capable de vitaliser la
créativité et de dynamiser la fluidité des échanges
dans le respect réciproque du droit d'auteur, nous semble indispensable
à l'absolu.
Devant toutes ces considérations, la protection des
auteurs ainsi que des bénéficiaires des droits voisins doit
être, d'emblée, envisagée au-delà des
frontières. Notre pays a déjà posé une série
d'actions tendant à garantir les droits des créateurs nationaux
à l'étranger et vice versa. Outre la signature de l'A.D.P.I.C.,
le Burundi est déjà membre de l'O.M.P.I. depuis 1977.
Il convient de renforcer cette démarche. Pour ce
faire, l'adhésion à la convention de Berne, à la
convention de Rome, à la convention phonogramme et à la
convention satellite, s'avère obligatoire. Ceci permettra, d'une part,
de combattre la production, la distribution, l'importation et l'exportation des
produits pirates. D'autre part, l'adhésion aux différentes
conventions exercera nécessairement un effet attractif : le Burundi
attirera des auteurs et artistes d'autres cultures qui, sans craindre pour
leurs droits, viendront s'y établir.
Nous ne pouvons pas prétendre avoir traité de
fond en comble le sujet que nous nous sommes proposé. Certaines
questions ont été soulevées sans parvenir vraiment
à scruter tous les contours qu'elles comportent. Nous avons
été limité par le cadre retreint d'un travail comme
celui-ci. Aussi n'avons-nous fait que débrayer le terrain, tout en
invitant les autres chercheurs à nous suivre. Nous estimons entre autres
que des travaux sur les incidences de la piraterie ou du non-respect du droit
d'auteur en général, sur l'opportunité des mesures
techniques de protection des oeuvres au regard du domaine public ou des
exceptions et limitations au droit d'auteur, seraient d'un intérêt
capital. En outre, une analyse approfondie des mesures d'accompagnement que
requiert l'actuelle loi burundaise sur le droit d'auteur et une proposition de
la forme d'une structure de gestion des droits des auteurs bien adaptée
au contexte burundais, serviront à guider pertinemment le
législateur.
|