Aperçu évolutif de la réglementation du droit d'auteur au Burundi et les principales innovations de la loi n?°1/021 du 30 décembre portant protection du droit d'auteur et des droits voisins( Télécharger le fichier original )par Cyriaque NIBITEGEKA Université du Burundi - Diplôme de Licence en Droit 2009 |
Section 2. Les critères de protection en matière de droit d'auteur.Sous cette rubrique, nous allons tour à tour parler des critères de « mise en forme »et d' « originalité » et nous ferons un point sur le principe qu'aucune formalité n'est indispensable pour qu'une oeuvre donne prise à la protection au titre du droit d'auteur. §1. Le droit d'auteur protège les créations de forme et non les idées.Le droit d'auteur ne s'applique qu'aux seules « créations de forme »36(*). L'expression « création de forme » ne doit pas s'entendre par opposition aux « créations de fond » ; elle signifie simplement que ce sont les formes sous lesquelles l'auteur extériorise son idée originale, et non les idées elles-mêmes, qui sont protégées. Il faut donc que la pensée de l'auteur ne reste pas dans le domaine inviolable des idées et soit plutôt exprimée dans une certaine forme, par un moyen sensoriel d'expression.37(*)POINSARD énonçait déjà en 1910 que « c'est la forme seule qui est protégée, parce que seule elle peut revêtir un caractère personnel et prendre une disposition matérielle, fruit du travail, susceptible d'appropriation. »38(*). C'est dire avec POUILLET que « ce qui appartient à l'auteur, ce qu'il peut revendiquer, c'est la forme de sa pensée, c'est l'ouvrage qu'il a écrit, qu'il a peint, qu'il a sculpté pour la manifester. C'est cette oeuvre sensible et corporelle parfaitement définie qui est sa propriété exclusive.».39(*) Ainsi, une oeuvre peut trouver son expression sensorielle dans un livre, dans un discours, dans une récitation devant un public, dans un tableau. C'est dire donc que la protection couvre la forme sensible, perceptible aux sens, qui matérialise l'idée, la structure qui est donnée à l'oeuvre, mais en aucun cas une idée, une méthode, voire un mode de travail. Aussi un romancier ou un cinéaste ne pourra-t-il jamais prétendre être plagié pour l'idée même géniale de son prochain ouvrage.40(*) Celle-ci étant de libre parcours et ne pouvant être appropriée, sa matérialisation effective est une condition à leur protection. Par ailleurs, chacun des auteurs qui développent une même idée, un même thème, y imprime la marque de sa personnalité, de son individualité ; son idée est « mise en forme » d'une façon tout à fait particulière et originale.41(*) §2. Le droit d'auteur ne protège que les créations originales.Si l'on se réfère aux analyses doctrinales françaises42(*), l'originalité est la pierre de touche en matière de droit d'auteur. La loi burundaise en fait notamment écho à l'article 2 qui dispose que : « Les auteurs d'oeuvres littéraires et artistiques originales43(*) ont qualité pour bénéficier de la protection de leurs oeuvres conformément aux dispositions de la présente loi.». Pour plusieurs auteurs44(*), l'originalité réside dans l'expression créative ou individualisée de l'oeuvre. C'est dire que celle-ci doit être l'expression de ce qui est propre à l'auteur et porter la marque de sa personnalité. Il n'y a donc pas de protection sans ce minimum.
Il convient de préciser que pour qu'une oeuvre soit originale et, comme telle, donne accès au droit d'auteur, point n'est besoin que l'originalité en soit absolue. Nous voulons dire qu'en aucune mesure, elle n'ait été inspirée par une oeuvre antérieure. Il n'est pas nécessaire, en effet, que les idées de l'auteur soient libres de toute influence extérieure. Le droit d'auteur admet que la création intellectuelle procède d'éléments préexistants, mis en place par la nature ou les autres créateurs. Il faut seulement que l'oeuvre ne soit pas une copie ou une imitation d'une oeuvre antérieure. Ainsi, les traductions, les adaptations, les compilations et les recueils d'oeuvres donnent prise à la protection.45(*) En dernière analyse, il est à faire remarquer que du moment que l'oeuvre satisfait à la condition d'originalité, elle doit être protégée quel que soit son mérite. L'article 2 in fine ne fait que prendre à son compte une règle admise comme un principe traditionnel du droit d'auteur. Il consacre que les oeuvres sont protégées quelle que soit leur valeur. En effet, le mérite de l'oeuvre est une affaire de goût que le droit ne pourrait prendre en considération. A ce propos, les termes de POUILLET sont plus éloquents : « la loi ne juge pas les oeuvres, elle n'en pèse ni le mérite ni l'importance ; elle les protègent toutes aveuglément : long ou court, bon ou mauvais, utile ou dangereux,... »46(*), pourvu que les auteurs aient fait preuve de créativité.
En définitive, l'originalité est une notion subjective qui correspond à l'effort créatif que fait un auteur, à ce qu'il produit de lui-même même s'il s'inspirerait des matières et des éléments existants. Elle peut même être traduite par le « petit plus » qu'une personne ajoute à une oeuvre antérieure, pourvu que son sens créatif soit suffisamment établi. * 36 A. BERENBOOM, op. cit., p. 31. * 37 Ibidem * 38 POINSARD, La propriété littéraire et artistique, 1910, p.165, cité par C.LE HENAFF, op.cit, p.33 * 39 POUILLET, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique, 1908, p.36, cité par C.LE HENAFF, op.cit, p.33 * 40A. BERENBOOM, op.cit, p. 36. * 41 POUILLET, Traité de la propriété littéraire et artistique, p. 45, cité par Cl. COLOMBET, Propriété littéraire et artistique et droits voisins, 8 è éd., Dalloz, Paris, 1997, p. 20. * 42 H. DESBOIS, Le droit d'auteur en France, 3ème éd., Dalloz, Paris, 1978, p. 5 et S. * 43 c'est nous qui mettons en évidence * 44 D. LIPSZYC, op.cit. p. 59. A. BERTRAND, op.cit, p. 130. * 45 Voir article 5 de l'actuelle loi burundaise sur le droit d'auteur. * 46 POUILLET, op. cit., p. 45., cité par Cl. COLOMBET, op. cit. p. 20. |
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