Profession d'avocat en République Démocratique du Congo( Télécharger le fichier original )par Urbain KOKOLO LANDU UNIKIS - Gradué en Droit 2008 |
CHAPITRE I : LA PROFESSION D'AVOCAT1.1. NOTIONS GENERALES Les hommes sont rarement à la fois objectifs, sereins, compétents et juridiquement aptes à la parole pour présenter et défendre leurs intérêts devant le juge. Aussi, de tout temps, les parties ont-elles fait recours à un porte-parole professionnel, qui, dépouillé des passions du plaideur, expose clairement les arguments susceptibles de déterminer la décision du juge. Ce porte-parole est l'avocat. La fonction d'avocat tire son origine dans la plus haute antiquité. Dans la Rome antique, les patriciens étaient entourés de « clients » au sens particulier de ce terme. La défense en justice du « client » était une des obligations du patricien, naturellement gratuite. C'était en fait une des formes de son devoir de protection. Puis ont apparu les « Ad-vocati » qui ne sont pas encore des professionnels, mais des amis qu'on appelle à l'aide pour assurer sa défense. Ensuite, apparaît l' « orator » , donc celui qui, parmi les amis, possède la connaissance du droit et maîtrise la rhétorique et prend la parole devant le préteur ou le juge. Peu à peu, il devient un professionnel mais sa fonction reste théoriquement gratuite pendant que dans la pratique, il peut recevoir en témoignage de reconnaissance, des présents parfois considérables. La « lex Cincia » et la « lex Augusta » tentent de mettre fin à ces abus en interdisant les présents à l' « orator », mais ces lois n'ont pas été respectées. L'empereur Claude substitue à l'interdiction une réglementation plus ou moins rigoureuse et impose une rémunération qui ne peut excéder 10.000 sesterces. Et plus tard, l'empereur Justinien autorise le groupement d'Avocats et établit ainsi l'acte de naissance des Barreaux ou Ordres des Avocats. 1.2. ATTRIBUTIONS DES AVOCATS Aux termes de l'article 1er du code de déontologie des Avocats « les Avocats sont des auxiliaires de justice chargés d'assister ou de représenter les parties, postuler, conclure et plaider devant les juridictions. Cette mission est explicitée par l'article 6 qui ajoute d'autres attributions notamment celles de consulter, conseiller, concilier, rédiger des actes sous seing, assister ou représenter, plaider et conclure en dehors des juridictions.3(*) En principe et conformément aux prescrits de l'article 6 du code précité, les Avocats détiennent le monopole d'assistance ou de représentation, de postuler, de conclure et de plaider pour autrui devant les juridictions. Ce monopole est justifié par le fait que se faire assister ou représenter par un Avocat offre « des garanties de compétence, de probité et de surveillance par la puissance publique »4(*) et reste lié au droit de la défense, étant donné que l'Avocat est supposé avoir la connaissance nécessaire du droit et que sa profession contrôlée ne lui permet pas de faire preuve de négligence ou de mauvaise foi. Il sied a présent de présenter les attributions les unes après les autres : 1.2.1. Assistance en justice L'assistance peut se définir comme « une mission en général confiée par le plaideur lui-même à un avocat (...) qui emporte pour celui qui en est chargé pouvoir et devoir de conseiller la partie ( d'où le nom « conseil des parties ») et de présenter sa défense sans l'obliger ( d'où le nom de « défenseur »).5(*) L'assistance en elle - même n'accorde pas mandat de représentation à l'Avocat, mais un mandat de représentation, sauf dispositions ou conventions contraires, inclut la mission d'assistance. Ainsi, conformément à l'article 73 du Code de procédure pénale6(*), chaque partie au procès peut se faire assister d'une personne agréée spécialement dans chaque cas par le Tribunal pour porter la parole en son nom. Bien que le juge puisse commettre un défenseur à cet effet, c'est l'Avocat qui jouit du monopole de l'assistance conformément aux prescrits de l'article 6 du code de déontologie de l'Avocat.7(*) 1.2.2. Représentation La représentation est une « mission d'origine conventionnelle (...) qui confère au mandataire pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant (plaideur) les actes de la procédure... »8(*) En matière pénale, d'après l'article 71 du code de procédure pénale, la représentation n'est valable que si les faits pour lesquels le représente est poursuivi ne sont pas punissables de plus de 2 ans de servitude pénale. Cependant, bien que cette condition ait été remplie, le juge peut toujours exiger que le prévenu comparaisse personnellement. En principe, les Avocats ne représentent les parties que lorsqu'ils sont porteurs d'une procuration spéciale, mais dans certains cas, ils sont présumés représenter les parties lorsqu'ils portent sur eux les pièces de procédure. Il importe de souligner qu'à la différence de l'assistance qui n'est qu'une mission de conseil et de défense du plaideur et qui n'oblige en rien la partie, la représentation consiste en un véritable mandat emportant pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant tous les actes de procédure. Aux termes de l'article 14, alinéa 3 du code de procédure civile, Ce mandat comporte le droit de comparaître, de postuler et de conclure pour la partie ainsi que de porter la parole en son nom. 1.2.3. Postulation Corollaire de la représentation, la postulation consiste pour l'Avocat, mandataire d'un client, à accomplir pour lui les actes de procédure que nécessite le déroulement de l'instance. La législation française, à travers l'article 417 du Nouveau code de procédure civil français, voudrait qu'elle se limite aux seuls actes ordinaires de la procédure et qu'elle ne porte pas sur les plus graves actes, comme le désistement, l'acquiescement, la transaction, qui ne sont pas compris, de plein droit, dans le pouvoir général de mandataire pour l'accomplissement desquels il est seulement réputé - à l'égard du juge et de la partie adverse -, avoir reçu un pouvoir spécial, par l'effet d'une présomption relative. 1.2.4. Conclusion La conclusion est un acte de procédure par lequel les parties, par l'intermédiaire de leurs Avocats ou par elles-mêmes, formulent à l'intention du juge leurs chefs de demande ou leurs moyens de défense, en bref leurs prétentions. Le dépôt des conclusions entraîne la fin des débats et oblige le juge à répondre à tous leurs objets. 1.2.5. Plaidoirie La plaidoirie est « un exposé verbal, à l'audience, des prétentions et arguments des parties »10(*) Si, en matière pénale, par exemple, la plaidoirie conserve encore toute son importance, il n'en va pas de même en d'autres matières, celle civile par exemple où les Avocats peuvent déposer leurs conclusions sans plaider verbalement, après n'avoir donné que de très brèves explications orales. 1.2.6. Consultation On peut parler de la consultation lorsqu'un juriste professionnel donne son avis dans un cas litigieux. 1.2.7. Conseil Jusqu'au 31 décembre 1990, le Conseil juridique était une profession juridique différente de celle de l'Avocat en France, la loi N* 90 -1259 promulgué à la date précitée a supprimé cette profession qui consistait à donner des avis et à rédiger des actes sous seing privé et ceux qui l'exerçaient ont été assimilés aux Avocats, à dater du 1er janvier 1992.11(*) En RDC, le Conseil juridique reste l'une des attributions de l'Avocat, néanmoins, il existe des juristes professionnels employés par des personnes physiques ou morales et dont la mission principale est de « conseiller » leurs employeurs en matière juridique. 1.2.8. Conciliation Indépendamment des attributions qu'il exerce au prétoire, c'est-à-dire assister ou représenter, conseiller, plaider et postuler pour les parties en conflit, l'Avocat peut être appelé à suggérer une solution à un litige né entre les parties, c'est ce qu'on appelle la conciliation. Dans ces circonstances, l'Avocat est appelé « arbitre » ou « conciliateur » Concernant la nature de cette attribution de l'Avocat et le choix porte sur sa personne, Emile LAMY écrit « .... C'est une mission occasionnelle, justifiée par ses connaissances juridiques »12(*) La conciliation est différente de la consultation en ce sens que l'Avocat est dans ce cas sollicité par toutes les deux parties en désaccord afin qu'il leur propose une solution à leur litige tandis que pour la consultation, il est invité par un client seul pour qu'il l'aide dans ses préoccupations juridiques, « il joue donc un rôle de conseiller unilatéral »13(*) 1.2.9. Rédaction La rédaction est, non seulement « l'action de rédiger, mais aussi le résultat de cette action »14(*) Ainsi, dans ce cas, l'Avocat est-il appelé à mettre par écrit le résultat des recherches qu'il a entreprises pour le compte d'une partie ou les volontés dictées par cette dernière. 1.3. DROITS ET INTERDICTIONS ET DEVOIRS DES AVOCATS Le métier exceptionnel de l'Avocat entraîne à son profit un certain nombre de droits et par voie de conséquence le soumet aussi à certaines obligations particulières tel que nous l'exposerons dans les lignes qui suivent : 1.3.1. Droits de l'Avocat Ils sont présentés par les articles 72 et 73 du code de déontologie des Avocats. Ce sont notamment : - Plaider à l'audience ; - Correspondre avec son client et le voir sans témoin en son lieu d'incarcération ; - Prendre connaissance au greffe de tous les dossiers des affaires dans ; lesquelles ils représentent ou défend une partie - Représenter les parties lorsqu'il dispose d'un mandat spécial ou lorsqu'il est porteur des pièces de la procédure ; - Assister au huis clos. ; - A ces droits de l'Avocat prévus par la loi, d'aucuns s'accordent à ajouter le droit qu'a l'Avocat d'être cru sur parole 1.3.2. Interdictions et devoirs de l'Avocat Dans l'exercice de sa fonction, l'Avocat est tenu à plusieurs obligations, formulées en termes d'interdictions et de devoirs. On ne peut en donner qu'une liste exhaustive telle que prévue par les articles 74 a 80 : - L'interdiction de se rendre concessionnaire des droits successoraux ou litigieux ; - Interdiction de faire avec les parties, en vue d'une rétribution, des conventions aléatoires subordonnées a l'issue des procès - Interdiction de se livrer à des injures envers les parties ou à des personnalités, envers les défenseurs ; - Interdiction de refuser ou de négliger la défense des prévenus et l'assistance aux parties dans les cas où ils sont désignés ; - Interdiction de racoler la clientèle ou de rémunérer un intermédiaire dans ce but ; - Interdiction d'accepter de défendre tour à tour les intérêts opposés dans une même cause ; - Interdiction de révéler les secrets qui leur sont confiés en raison de leur profession ou d'en tirer eux-mêmes un parti quelconque - Interdiction de faire état à l'audience d'une pièce non communiquée a l'adversaire ; - Interdiction de faire toute démarche, d'avoir toute conduite susceptible de compromettre leur indépendance ou leur moralité ; - Devoir de conduire jusqu'à leur terme les affaires dont il s'occupe à moins qu'il n'en soit déchargé par la partie - Devoir de conduire chaque affaire avec célérité et compétence - Devoir de restituer, sans délai, les pièces ou sommes dont il est dépositaire dès qu'elles ne lui sont plus nécessaires pour la défense de la cause ; - Devoir de se présenter au Président de l'audience, à l'Officier de Ministère Public, au bâtonnier et au confrère chargé des intérêts adverses lorsqu'il est appelé à plaider devant une juridiction extérieure au ressort de son barreau ; - Devoir de ne pas se rendre au domicile de ses clients, sauf en cas d'urgence ou de nécessité. Les manquements à certains de ces devoirs cités ci-haut peuvent entraîner la responsabilité civile et pénale de l'Avocat lorsqu'ils ont porté préjudice aux droits des clients et de ses confrères Avocats ; et lorsqu'ils ont porté atteinte au caractère indépendant, libéral et honorable du métier d'Avocat, ils entraînent l'ouverture d'une action disciplinaire dont l'issue, selon la gravité des faits, peut être , soit la suspension qui ne peut dépasser une année, soit la radiation, soit l'avertissement, soit encore la réprimande. 1.3. CARACTERES DE LA PROFESSION D'AVOCAT L'article 2 du code de déontologie des avocats pose deux caractères de la profession d'Avocat. En effet, l'Avocat est non seulement libéral, mais aussi indépendant dans l'exercice de sa profession. 1.3.1. Libéralité Le caractère « libéral » de la profession d'Avocat signifie qu'il « exerce librement son ministère... » et que le fruit de son travail lui revient directement. Il irait jusqu'à signifier que l'Avocat ne peut pas être employé de l'Etat ou d'une personne morale ou privée. Concernant ses rapports avec l'Etat, on retient que « les Avocats ne sont pas des agents publics mais ils sont des collaborateurs occasionnels des services publics »15(*) Quant à ses rapports avec les clients, personnes morales ou physiques, on doit relever qu'ils ne peuvent être envisagés comme étant des rapports entre employeurs et employés mais plutôt comme des contrats d'abonnement dont l'exécution encore reste occasionnelle. En conséquence, il est permis de d'affirmer que la profession d'Avocat est libérale bien qu'elle soit réglementée et contenue dans un ensemble des restrictions, car elle est a l'abri de tout dirigisme ou autoritarisme de l'Etat ou de la corporation, malgré le contrôle que cette dernière exerce sur l'accès et l'exercice de la profession aux termes de la loi. 1.3.2. Indépendance Ce caractère attribué à la profession d'Avocat par la loi signifie que dans l'exercice de sa profession, l'Avocat n'est soumis à aucun lien de subordination. Il ne prête son ministère que dans des causes qu'il estime, de par sa conscience, justes et honorables, à moins qu'il soit désigné d'office par le juge, selon les règles et conditions légales. Ainsi, ni l'Etat, ni le juge, ni le Barreau ne peuvent forcer l'Avocat à prester ses services dans une cause qu'il n'estime juste. Aussi, ne peuvent-ils pas dicter à l'Avocat les arguments ou les moyens légaux à utiliser dans une cause qu'il défend. En définitive, les caractères libéral et indépendant que la loi accorde au métier d'Avocat « n'impliquent pas une totale liberté dans ses rapports professionnels, que soit avec les magistrats, se confrères ou ses clients »16(*) Ces caractères présument plutôt une certaine confiance faite à l'Avocat en ce qu'il fera toujours preuve de réserve, discernement (bon sens) et de probité dans ses rapports professionnels. * 3 MUPILA NDJIKU et WASENDA N'SONGO, Code de déontologie des Avocats, Pax Congo, Kinshasa, 2002, p.42 * 4 HAMELIN et DAMIEN, Les règles de la profession d'Avocat au Barreau de Paris, Dalloz, Paris, 9eme ed., 1995, p.245 * 5 CORNU, G., Vocabulaire juridique, 7eme ed. P.U.F., Paris, 2005, p.80 * 6 Loi... * 7 N'KONGOLO TSHILENGU, M., Droit judiciaire congolais: le rôle des cours et tribunaux dans la restauration d'un droit violé ou contesté, Service de documentation et d'études du Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, Kinshasa,2003 * 8 9 CORNU, G., Op. Cit., p.796 * 10 GUILLIEN, R. et VINCENT,J., Lexique des termes juridiques, 14e ed., Dalloz, Paris, 2003, p. 433 * 11 GUILLIEN, R. et VINCENT,J., Op.Cit., p.146 * 12 LAMY,E., Le droit prive zaïrois, Vol. 1., Introduction a l'étude du droit écrit et du droit coutumier zaïrois, P.U.Z. , Kinshasa,1975, p.115 * 13 LAMY, E., ibidem, * 14 CORNU, G.,Op. Cit., p.763 * 15 CHAPUS, R. Droit administratif general, Tome II, Montchrestien, Paris, 2001, p.85 * 16 NKULU KILOMBO, Profession d'Avocat : règles et usages en matière disciplinaire, SECCO, Kinshasa, 1992, p.10 |
|