WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'influence des principes de la doctrine sociale de l'Eglise sur les politiques de ressources humaines des entreprises

( Télécharger le fichier original )
par Ranim EL-HAGE
Université Paris 1 Pantheon Sorbonne - M2 Recherche Economie des ressources humaines et des politiques sociales 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

I.3.d Ethique et responsabilité des salariés

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les salariés subordonnés et en situation défavorable par rapport à leurs dirigeants ne sont pas exclus de la responsabilité sociale envers les autres. Les obligations entre collaborateurs d'une même entreprise se font toujours dans les deux sens. Certaines obligations des salariés sont déjà mentionnées dans le contrat de travail, donc dès le début de la relation de travail, tandis que d'autres sont ajoutées au fur et à mesure selon le profil, le comportement, la famille, la ponctualité, la présence et l'assiduité du salarié. L'employeur fixe alors, en plus du règlement intérieur général, des normes de conduite supplémentaires à chaque catégorie de parties prenantes pour orienter leurs comportements avec les autres collègues au sein de l'entreprise ainsi que leurs rapports avec les acteurs externes.

En interne, un salarié doit respecter son collègue, notamment son subordonné, et favoriser le dialogue dans le microgroupe avec lequel il collabore. Il doit éviter toute discrimination raciale, sexuelle ou religieuse, et faire preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit. Il doit aussi veiller à l'assurance de l'égalité des chances au niveau des emplois. A un niveau un peu plus personnel, le salarié est tenu, en ce qui concerne les tâches qu'il est chargé d'exécuter, de préserver la confidentialité des informations qu'il traite et de ne pas les dévoiler à des collègues non concernés, encore moins à des gens extérieurs à l'entreprise. Il doit protéger le patrimoine de son entreprise et ne pas le détourner à des fins personnelles.

En externe, un salarié, dans le cadre de son travail, ne doit exploiter aucune décision pour son intérêt personnel au détriment de celui de l'entreprise. Il ne peut spéculer sur les titres au nom de l'entreprise, et n'a aucun droit d'utiliser les informations confidentielles de l'entreprise à des fins privées, ni le nom de cette dernière pour défendre implicitement une cause en son nom.

D'autre part, un salarié a, envers lui-même et sa famille, l'obligation sociale de réclamer auprès de son employeur ses droits de repos et de congés payés afin de jouir d'un meilleur épanouissement et d'atteindre une meilleure efficacité dans son travail.

I.3.e Les différentes visions des pays vis-à-vis de l'éthique

Les pratiques organisationnelles ainsi que la vision vis-à-vis de l'éthique et de la responsabilité sociale de l'entreprise varient selon les pays. Geert Hofstede, psychologue néerlandais spécialisée dans le culturalisme, montre dans une enquête statistique, publiée en 1980 et menée dans 72 filiales IBM partout dans le monde, que, contrairement aux apparences, aucune convergence des cultures n'est observée dans le sillage de la mondialisation, et que cette dernière est donc loin d'être uniformisante. La culture, la valeur et les moeurs initient les comportements humains, mais la nature du marché et du commerce peut également jouer un rôle dans le choix de l'éthique. Dans ce qui suit, nous exposons brièvement la situation éthique aux Etats-Unis, berceau de l'éthique des affaires, de la sphère asiatique (Japon et Chine), de l'Europe et du monde musulman. Dans les trois premiers cas, nous sommes en présence de territoires économiques et commerciaux géants, où la main d'oeuvre est sujette à de fortes contraintes dues aux mutations technologiques.

A) - Business ethics à l'américaine

Aux Etats-Unis, 90% des grandes entreprises ont déjà formalisé une politique éthique individuelle. En 1950, 15 à 30% de ces grandes entreprises possédaient déjà un code éthique. Actuellement, les Etats-Unis sont le pays qui regroupe le plus grand nombre de codes éthiques dans le monde.

Depuis le début des années 1970, l'éthique est une spécialisation formalisée et indépendante aux Etats-Unis, et ce après avoir été bien auparavant partie intégrante dans plusieurs cursus d'économie et de gestion.

La vision américaine de l'éthique est souvent jugée utilitariste. Selon cette vision, « Ethics is good business », c'est-à-dire que l'éthique n'est pas mise au service d'un idéal qui aille au-delà du profit, mais simplement au service de la matière et de l'extraction de la plus grande plus-value possible pour l'image de l'entreprise. L'éthique est conçue

parce qu'elle est nécessaire à la réussite commerciale de l'entreprise et à sa survie face à la concurrence internationale, et non parce qu'elle est considérée comme une exigence morale absolue, au-delà des considérations matérielles. Les codes éthiques américains sont très managériaux. Ils consistent essentiellement à cerner les droits et responsabilités de chacun, à véhiculer des règles générales de conduite et à entretenir la loyauté du personnel. Les entreprises américaines ont souvent eu recours à des codes éthiques pour responsabiliser juridiquement tout salarié à comportement douteux, voire illégal, et dont le contrat de travail était, de ce fait, en risque de résiliation.

En 1977, les Etats-Unis ont formalisé le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) suite à des affaires illégales commises par des entreprises américaines à l'étranger. Cette loi rend les citoyens américains passibles de poursuites pénales en cas de tout abus envers un fonctionnaire étranger, leur imposant de fortes amendes et éventuellement des peines de prison. En conséquence, le FCPA impose aux entreprises un contrôle éthique interne très serré. Toutefois, cette loi a un caractère plutôt préventif que rectificatif, ce qui a permis à un bon nombre d'entreprises, par le seul fait d'avoir fait preuve de l'existence d'un programme de prévention au moment de leur implication dans des affaires illicites, d'échapper au versement d'une grande partie des amendes, jusqu'à 95% dans quelques cas. Cet état de fait un peu laxiste a motivé les entreprises à développer leurs propres normes éthiques et à contrôler leur application avec plus d'exigence. Ainsi, une plus grande marge de manoeuvre revenait aux dirigeants, qui pouvaient alors manipuler les termes du contrat du travail selon la gravité de la faute commise. Là aussi les critiques se sont multipliées, car un pourcentage élevé de dirigeants avait abusé des possibilités de la loi pour comprimer le nombre d'employés. D'autres lois ont été alors promulguées pour légitimer une surveillance directe des entreprises par le gouvernement américain.

B) - L'éthique communautaire asiatique (Japon et Chine)

L'éthique des affaires au Japon s'est inspirée des valeurs traditionnelles issues des principaux courants religieux qui ont façonné le peuple japonais : le confucianisme, le bouddhisme et le shintoïsme. Le premier légitime l'existence de la hiérarchie et des

obligations de dévouement et de loyauté à cette hiérarchie. Le second, à travers l'enseignement du zen, considère le travail comme une action sacrée dont la culture japonaise a pour vocation d'améliorer continuellement les méthodes, les stratégies et les processus de décision et d'exécution. Le shintoïsme, quant à lui, met l'accent sur le primat des rapports interindividuels, sur la réputation, et sur le regard de la société et des autres. En somme, une éthique japonaise d'entreprise prône, avant tout, un sentiment d'appartenance au groupe et une identité sociale de l'employé, et c'est cela qui inspire le comportement éthique des individus.

Les codes éthiques, formalisés par 40% des entreprises japonaises, sont peu indicatifs et stratégiques. Ils comprennent plutôt des préceptes philosophiques véhiculant des normes de conduite allant au-delà du monde des transactions matérielles. Ces normes recommandent aux anciens d'apporter aide, attention et accompagnement aux plus jeunes salariés en vue de transmettre les valeurs traditionnelles et de les incarner dans les nouveaux processus de production. Toute entreprise doit avoir comme vocation première l'intérêt de la collectivité, et exister pour la nation et son développement. L'abnégation individuelle est nécessaire pour le bien-être collectif, ce qui explique le service clientèle tant admiré dans les entreprises japonaises ainsi que la confiance aveugle entre clients et fournisseurs. Ceci dit, les plus grands vices éthiques dont souffre le business japonais sont la discrimination sexuelle, bien loin d'avoir disparu, et l'aliénation des salariés. La dimension collective du groupe a aussi des incidences négatives lorsque l'individu se sent personnellement déresponsabilisé de toute charge qui, à la base, lui incombe. En bref, l'originalité de l'éthique japonaise résulte de la combinaison entre les valeurs humaines traditionnelles, parfois archaïques, et une économie florissante, dynamisée au niveau international par une production high-tech à la pointe du progrès. Le Japon est un géant de la production économique mondiale, mais qui a consenti une place privilégiée à sa propre éthique (dont par exemple « les cercles de qualité ») inspirée d'une tradition multiséculaire : un véritable paradoxe qui surprend tout l'Occident.

La Chine, actuellement en expansion encore plus rapide que celle du Japon, a des valeurs éthiques similaires dans le monde des affaires. Mais, contrairement aux emplois

japonais plutôt stables, réalisés au détriment de la dimension individuelle, les entreprises chinoises, qui sont leaders mondiales, ont un taux de turnover de la main d'oeuvre avoisinant les 20%, et une bonne gestion de leurs ressources humines se fait en assurant à chacun une polyvalence dans la formation et l'expérience professionnelles, engendrant un parcours de travail plus mitigé et des perspectives de carrières plus prometteuses. Ce qu'exige principalement un salarié chinois de son entreprise est qu'elle lui assure un plan de carrière suffisamment valorisateur, avec accès à la promotion au moment où le marché du travail s'échauffe. Lui importent aussi la réputation de l'entreprise et l'équilibre en son sein entre vie professionnelle et vie privée. Tout comme les entreprises japonaises, les entreprises chinoises se distinguent par leur maîtrise du commerce international, tout en veillant à ce que la tradition se perpétue dans les nouveaux processus de gestion, et ce en vue de souder les équipes et d'assurer une coopération efficace entre les partenaires de l'entreprise.

C) - L'éthique au sein de la communauté européenne

L'éthique des affaires en Europe a été importée des Etats-Unis à travers les filiales américaines qui se sont implantées en Europe et qui avaient pour mission de poursuivre les mêmes stratégies éthiques que la société-mère là où elles opéraient dans le monde. De ce fait, les pays européens ont tendance à régler leurs problèmes éthiques à l'intérieur de leurs noyaux de négociations plutôt qu'au niveau national et communautaire. L'unification politico-économique n'a pas encore unifié les traditions. La formalisation de l'éthique a commencé dans les pays germanophones et les pays nordiques bien avant les pays du sud de l'Europe. Les allemands ont établi des codes éthiques par branche professionnelle. En France, l'éthique a plutôt un cachet philosophique et religieux, et l'inspiration chrétienne y est prépondérante. L'éthique française de l'entreprise reste donc axée sur la personne, et s'applique selon la foi et les convictions de chaque chef d'entreprise. Bien que près de la moitié des entreprises françaises ont formalisé des codes éthiques assez universels, elles sont loin de se ranger sur la tradition américaine. Les pays européens ont tous un tronc commun : celui de l'héritage chrétien, ce qui rend les stratégies humaines des affaires assez homogènes et en

atténue les tensions. Cela ne signifie pas pour autant que la coordination des enseignements éthiques est devenue commune et évidente entre les membres de l'Union. Les commissions formelles pour parrainer l'éthique des affaires à l'échelle européenne se multiplient, mais concrètement les codes éthiques ne se ressemblent que peu. Il semble bien qu'il existe une certaine « dépendance du sentier » suivi historiquement et traditionnellement par chaque nation, et cette spécificité n'a pas pu être bouleversée jusqu'à présent par la suppression des barrières et l'ouverture des frontières.

D) - L'éthique dans les pays islamiques

Les principes de base de l'éthique des affaires conçue par l'islam reposent, à l'instar des visions « laïques » et chrétiennes, sur la primauté de la dignité de l'homme au travail, sur le juste salaire, et sur la protection de l'environnement. Toutefois, on note une grande hétérogénéité dans les différents pays islamiques face à la discrimination sexuelle à l'embauche et aux conditions de travail. La ségrégation des secteurs et des métiers y est remarquable, notamment en Arabie Saoudite et en Afghanistan. Malgré cette distinction sexuelle au niveau de l'éducation et du travail dans les pays appliquant à la lettre les commandements de la Shari 'a Mouallimat (la loi sacrée enseignante), le modèle de management islamique s'appuie sur la responsabilité individuelle et sur la promotion des capacités des travailleurs. Le travail y est considéré comme une réalisation de soi. Adhérer à une organisation et respecter des normes spécifiques forme l'homme et l'oriente sur la bonne voie divine à travers son autodiscipline, sa patience, sa diligence, sa gratitude, sa modestie et son abnégation. Il est difficile d'isoler la religion du monde des affaires dans ces pays. Peu d'études ont été entreprises sur les spécificités musulmanes dans la gestion des ressources humaines, mais nous passerons en revue quelques-unes d'entre-elles : l'Iran (1997), la Malaisie (1995) et les pays du Moyen-Orient (1980).

En Iran, le manager est un leader qui a la tutelle de ses subordonnés, notamment des plus jeunes, et auxquels il doit une formation continue tout au long de leur parcours professionnel. Former la prochaine génération de managers est sa vocation principale pour servir sa société. Les femmes sont actives et accèdent à des niveaux éducatifs

souvent plus élevés que ceux des hommes, selon les formations et les secteurs d'activité. Les femmes sont très souvent voilées dans les postes de direction, mais interagissent de manière très occidentale avec leur entourage et leurs collaborateurs étrangers quand il s'agit de business au niveau international.

En Malaisie, la situation est très particulière. Assez traditionnels, les Malaisiens ont manifestement transposé leurs coutumes religieuses dans leurs rythmes, horaires et cadres de travail. Si la personne a une formation initiale en management, elle est recrutée beaucoup plus aisément si elle a par ailleurs une formation sur les valeurs de l'Islam. Les Malaisiens sont constamment entraînés à faire apparaître leur foi et leurs moeurs religieuses dans leur travail.

Dans les pays arabes du Moyen-Orient, l'organigramme d'une entreprise à cachet musulman est assez pyramidal. La prise de décision est restreinte à la personne ou au micro-comité dirigeant. La consultation des parties prenantes est assez rare. Les fonctions sont déléguées à des subordonnés, mais le dialogue social reste assez faible. L'idée de comité d'entreprise est presque inconnue, et le travail d'équipe est lui-même très hiérarchisé.

En bref, on peut constater que les moeurs islamiques ne peuvent aller de pair avec les nouvelles logiques industrielles si elles ne sont pas « flexibilisées » lors de leur intégration dans les nouveaux processus de production. L'éthique islamique des affaires se distingue le plus nettement par sa propre spécificité au niveau du secteur bancaire. Selon la pensée islamique, les richesses appartiennent à Dieu, et l'homme a la tutelle de préserver et de faire fructifier ces richesses pour que le surplus engendré serve la collectivité et non les intérêts personnels. La rentabilité du capital par l'entremise des intérêts ainsi que la spéculation sont donc prohibées. De plus, le dirigeant n'a pas le droit d'investir ses plus-values dans la production de biens interdits par la religion, tels que l'alcool, la pornographie et le porc. Un comité de Shari 'a est chargé de surveiller la conformité des comportements des dirigeants aux préceptes islamiques et de contrôler que les bénéfices ne soient pas colossaux et trop douteux. On enseigne aux débutants en

études financières les Souloukiyat (les conduites) afin de les orienter sur la bonne voie et la bonne utilisation des ressources matérielles. Les banques islamiques s'engagent également dans des oeuvres charitables à travers les caisses de la Zakat (aumône), et ce en vue de partager une partie des actifs liquides avec les démunis.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera