I.3.b L'élaboration et la diffusion de
l'éthique au sein d'une entreprise
L'éthique d'entreprise s'interroge avant tout sur le
rôle de chacun, sur ses responsabilités et sur les limites de ses
droits afin d'établir un climat de confiance entre les membres d'une
entreprise. La formalisation de cette éthique commence par l'application
des règles de conduite par le dirigeant lui-même, qui va insuffler
l'esprit éthique de l'entreprise aux employés. C'est au moment
où la personnalité particulière du patron, avec son
arrière-plan culturel et social, est reflétée dans les
relations professionnelles entre les parties prenantes que les principes
éthiques se trouvent réellement concrétisées.
Les crises de ce siècle ayant montré que la
sécurité de l'emploi ne peut et ne doit plus être garantie,
toute institution doit s'engager à assurer à ses employés
les conditions nécessaires pour un épanouissement au travail
ainsi que des perspectives de formation permanente et de polyvalence
professionnelle sur le long terme en fonction de leurs efforts et de leurs
aspirations personnelles. L'éthique d'une entreprise tourne alors autour
de l'employabilité de la personne elle-même et non plus autour de
la sécurité de son parcours.
Quelles sont les étapes de formalisation de
l'éthique d'entreprise?
Le processus de formalisation de l'éthique d'entreprise
se divise en deux étapes : l'élaboration de la charte (ou de tout
autre document fondateur), et la diffusion de cet instrument.
L'élaboration : On institue tout d'abord un
groupe de travail formé de personnes représentant les
différents départements de l'entreprise. A la tête de ce
groupe, le patron désigne un coordinateur pour la réflexion
éthique. Deux alternatives de travail sont alors possibles : soit on
demande au groupe de travail de rédiger un document à partir de
la vision précise de la direction, soit on concède au groupe une
plus grande marge de manoeuvre pour qu'il définisse lui-même les
objectifs éthiques à la lumière de sa culture
d'entreprise. Le document final ne devra pas se contenter de souligner les
idéaux à atteindre, mais fera également ressortir les
difficultés passées que l'entreprise a été en
mesure de surmonter d'une manière éthique. Les salariés
sont constamment soumis à des enquêtes pour dégager leurs
perceptions vis-à-vis des valeurs organisationnelles au sein de leur
entreprise, et on s'attend à ce qu'ils soient d'autant plus ravis que la
compatibilité entre leurs aspirations personnelles et celles de
l'entreprise est grande. La formalisation se fait aussi par comparaison
à d'autres entreprises similaires. Il existe un certain mimétisme
entre les entreprises, surtout lorsqu'elles opèrent sur un même
marché et sur une clientèle qui les met en concurrence.
L'éthique est effectivement assimilée à une valeur
boursière qui doit être maintenue vers le haut pour assurer un
plus grand pouvoir de marché.
La diffusion : Le principal acteur de la diffusion de
l'éthique est le département des ressources humaines dans
l'entreprise, qui annexe souvent le document éthique au contrat de
travail. La manière et la prise en charge de diffuser le document
éthique aux anciens employés de l'entreprise varient selon les
pays. En France, les cadres communiquent l'information verticalement à
leurs subordonnés et horizontalement à leurs collègues
d'outre-mer. Souvent, les documents éthiques sont destinés aux
personnes concernées par la pré-embauche, aux fournisseurs et
même à la clientèle. De plus, des séminaires et
forums sur le sujet ont régulièrement lieu afin de sensibiliser
l'audience par des témoignages directs, souvent par le patron
lui-même, sur l'authenticité de l'engagement éthique de
l'entreprise.
L'éthique ne se diffuse pas du jour au lendemain. Elle
doit être entretenue et ses valeurs mises à jour pour
préserver le standing de l'entreprise. Pour cette surveillance continue,
un comité éthique est désigné par le conseil
d'administration. Il est chargé du suivi et du contrôle des normes
éthico-juridiques et de leur application dans l'activité de
l'entreprise en tenant compte du cadre juridique du pays dans lequel elle
opère. Ce comité doit actualiser la politique éthique
selon les évolutions de l'environnement, du marché et de la
politique suivie par les autres compagnies, concurrentes ou non. Il doit ainsi
former et informer le personnel sur ces nouvelles prescriptions et veiller
à ce que la mise en application ne reste pas sans effet. Cette formation
doit présenter divers cas de confrontation à un dilemme
éthico-économique ainsi que leurs solutions optimales, alimentant
le dialogue social et l'interaction entre collaborateurs sur tout
problème de nature éthique. En 1999, près de 75% des
grandes entreprises américaines avaient déjà eu recours
à la formation éthique.
Dans certaines entreprises, on nomme également des
déontologues et des ergonomes qui, comme le comité
éthique, sont responsables de veiller à la diffusion de la
politique éthique et à son respect, mais qui, contrairement
à lui, sont tenus de soumettre des rapports sur tous les comportements
du personnel, bons ou mauvais, afin qu'ils soient débattus par la
hiérarchie supérieure.
Les acteurs les plus contraignants pour les transgresseurs des
normes éthiques sont les audits éthiques, qui interviennent
annuellement, et parfois mensuellement, pour un contrôle
méticuleux sur le respect des normes. Ce contrôle se fait
également auprès des fournisseurs et, dans certains cas,
auprès des sous-traitants. Les sanctions sont plus correctives
qu'éliminatoires dans la mesure où toute relation professionnelle
occasionne des dégâts et des pertes à l'entreprise si elle
est brusquement rompue à cause d'une mauvaise conduite éthique.
Le contrôle des moeurs d'entreprise n'est pas aisé, même si
des normes internationales tiennent déjà lieu de
référence, comme la norme SA 8000. Cette dernière
définit les conventions sociales fondées sur celles de
l'organisation internationale du travail et couvre le travail des enfants, le
travail forcé, l'hygiène et la sécurité du travail,
la liberté syndicale et le droit au dialogue social, la
discrimination,
notamment à l'embauche, le temps de travail, les
règles de discipline et de conduite, les rémunérations et
la formation des salaires, et les stratégies de management du personnel.
A partir de 2008, la norme internationale ISO 26000 établira les lignes
directrices de la responsabilité sociale au sein des entreprises (voir
annexe 2).
L'audit transmet son bilan à la direction de
l'entreprise et aux autorités éthiques du pays qui
réglemente l'éthique d'entreprise. Outre les problèmes
humains, ce bilan couvre également les champs environnementaux et
sociaux externes. Depuis presque vingt ans, des entreprises de renom, telles
que Danone et Shell, se sont engagées dans le développement
durable.
Elaborer des bilans environnementaux est de plus en plus
légiféré dans les pays développés. Ainsi,
les entreprises britanniques sont obligées, depuis le 1er
juillet 2000, de publier des rapports concernant l'impact de leurs
activités sur l'environnement. En France, la loi NRE (Nouvelles
Régulations Economiques) de 2001 régit les deux volets social et
environnemental. Sur le plan social, cette loi contrôle essentiellement
l'effectif et les nouvelles embauches, les plans de sauvegarde de l'emploi, les
rémunérations et relations professionnelles, la formation et
l'employabilité des travailleurs handicapés, et les conditions
d'opération de la sous-traitance. Sur le plan environnemental, elle
couvre notamment la consommation d'eau, la consommation de carburants et de
matière combustibles, et les plans d'action de l'entreprise pour
préserver l'environnement et limiter les dégâts à
son encontre.
I.3.c Ethique et responsabilité de
l'entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes et de
l'environnement
Les actionnaires et les salariés : La
responsabilité sociale des entreprises dépasse le simple cadre
législatif. Elle permet à chacune de décrire son
idéal de management et de le mettre en pratique selon son propre
jugement. Un dirigeant d'entreprise a plusieurs objectifs à
déléguer et à faire exécuter: recueillir les
bénéfices, les redistribuer à toutes les parties prenantes
selon leur contribution, et notamment assurer un retour correct aux financeurs
de l'activité et aux investisseurs de capitaux. L'éthique tend
alors à limiter les
sommes irréalistes que pourrait toucher le dirigeant
d'entreprise en instituant des stocks options et des avantages en nature pour
le bénéfice des salariés, qui sont bien évidemment
en position inégale par rapport à leur patron. Outre le contrat
économique passé entre employeur et employé, les patrons
s'engagent à signer un contrat psychologique avec leurs
subordonnés pour atténuer les effets pervers causés par la
promotion des intérêts personnels de ces derniers au
détriment de ceux de l'entreprise. Cela peut se concrétiser sous
forme d'un salaire d'efficience, en contrepartie duquel le salarié
s'engage à travailler pour l'intérêt général
de son entreprise. Le contrat psychologique repose sur des engagements moraux
réciproques et sur des échanges implicites de promesses
mutuelles. Depuis les années 1980, le contrat psychologique fait
tâche d'huile avec les mutations technologiques et les exigences des
marchés, ce qui exige plus de vigilance en termes de qualité et
de compétence des ressources humaines. Ce contrat est alors moins
axé sur la sécurité, la permanence, l'engagement sur le
long terme, la carrière en interne, et la loyauté du
salarié, facteurs qui assurent un revenu croissant avec le temps, que
sur la flexibilité, l'adaptabilité, la polyvalence, les
connaissances et les compétences de l'employé, facteurs qui lui
permettent de s'épanouir et de « se recycler » tout au long de
sa vie active. L'entreprise devient ainsi un lieu de motivation et de
développement des personnes et de leurs talents et implique tous les
niveaux hiérarchiques afin d'assurer cet épanouissement pour tous
dans la vie professionnelle et afin que chacun ait le goût et le courage
d'ajouter à la créativité de l'entreprise de la valeur en
input pour obtenir plus d'expansion et de pouvoir de marché en output.
Le dialogue avec les parties prenantes et la délégation des
tâches permet à tous et à chacun de connaître les
attentes des autres et ainsi de trouver plus facilement la solution
adéquate satisfaisant la majorité dans un climat de confiance
réciproque. L'entreprise doit également informer à temps
ses parties prenantes en interne sur les orientations futures de l'entreprise
et sur ses perspectives d'expansion sur le terrain, ou même sur ses plans
de restructuration forcée suite à la crise du pays et de la
région. Ainsi les restructurations ne peuvent être
légitimées si la vie de l'entreprise n'est pas réellement
en jeu et si elle ne découle que d'un débarras de
responsabilités. En cas de scénario catastrophe, l'entreprise est
dans l'obligation de justifier tout licenciement et d'accorder
un délai de préavis. Ensuite, elle doit s'engager
à aider ses salariés à être reclassés
ailleurs.
Les partenaires externes : Les fournisseurs ponctuels
et efficaces, ainsi que la clientèle fidèle aux produits
commercialisés d'une entreprise, sont des partenaires externes que toute
entreprise doit absolument conserver en vue d'amples collaborations
ultérieures, surtout lorsque de telles collaborations dans le
passé ont fait preuve de succès et ont donné
entière satisfaction.
L'environnement : L'environnement est partie «
donnante » avant d'être partie « prenante ». C'est le
principal fournisseur de toute entreprise, fidèle et ponctuel en
général, et pouvant réserver des surprises bonnes ou
mauvaises selon les saisons, les régions et les années. C'est
pour cela que l'entreprise et tout son entourage ont une responsabilité
suprême envers cette partie. Les dégâts de l'industrie sur
l'environnement sont majeurs, immédiats et, ce qui est pire,
différés. Ils nuisent aux ressources naturelles et risquent de
faire disparaître des espèces de faune et de flore, perturbant
ainsi tout l'écosystème et privant les générations
futures de ressources essentielles à leur santé. Outre la
prévention, les quotas, les lois et les bons à polluer, toute
entreprise doit établir des plans proactifs, débloquer des fonds
et réserver un temps annuel pour des services non lucratifs tel que le
nettoyage des côtes ou le recyclage du papier.
Le pays et la société : Un pays dans
lequel une entreprise vient s'établir donne à cette
dernière des caractéristiques et une identité unique et
lui assure le roulement continu de son activité et de son succès.
Le respect de l'entreprise pour le pays hôte ne passe pas seulement par
le respect de ses lois. Pour être « citoyen » fidèle,
l'entreprise doit investir une partie de ses bénéfices dans le
bien-être de la collectivité, et donc essentiellement dans
l'innovation, l'établissement de nouvelles filières et la
création de nouveaux emplois, avec tout ce que cela comporte comme
obligations au niveau de la gestion du personnel. Ce n'est qu'à travers
de telles démarches que l'entreprise pourra maintenir une
réputation irréprochable et inspirer confiance à ses
collaborateurs internes et externes, augmentant leur nombre et leur
qualité, qu'ils soient ou non installés dans le pays.
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