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L'influence des principes de la doctrine sociale de l'Eglise sur les politiques de ressources humaines des entreprises

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par Ranim EL-HAGE
Université Paris 1 Pantheon Sorbonne - M2 Recherche Economie des ressources humaines et des politiques sociales 2007
  

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I.1.c Jean-Paul II : Encyclique « Laborem exercens » sur l'homme au travail (1981)

Quatre-vingt dix ans après Rerum novarum, Jean Paul II consacre l'encyclique Laborem exercens au travail, « bien fondamental de la personne, facteur primordial de l'activité économique et clef de toute la question sociale5 Entretemps, plusieurs papes étaient intervenus sur des questions sociales de prime importance. Jean XXIII, dans son encyclique Mater et magistra (1961), commémorant le soixante-dixième anniversaire de Rerum novarum, avait abordé le thème de l'universalisation de la question sociale : les inégalités à l'intérieur des nations sont désormais ressenties au niveau international, faisant ressortir clairement la situation dramatique dans laquelle se trouvait le tiers monde pauvre. Et Paul VI, dans sa lettre apostolique Octogesima adveniens (1971), à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de Rerum novarum, réfléchissait sur les problèmes complexes de la société post-industrielle, notamment du chômage, de la condition des jeunes, de l'accroissement démographique et des discriminations, et sur l'insuffisance des idéologies existantes pour répondre à ces défis. Ainsi, de pontificat en pontificat, les papes se faisaient régulièrement le porte-parole d'une société universelle juste et fraternelle qu'il devenait de plus en plus urgent de construire.

Dans Laborem exercens, Jean-Paul II relance le débat sur le travail humain. Face au chômage de masse qui gagne en intensité depuis les chocs pétroliers, il souligne l'importance particulière des entreprises, responsables de veiller à ce que leurs innovations continues et leurs gains de parts de marché se traduisent par une création d'emplois. L'Eglise rame à contre-courant dans une mer de plus en plus agitée.

Avec le développement de nouvelles formes « sociales » du capitalisme, on aurait pu croire que le travail serait désormais pensé et évalué plus humainement qu'auparavant, mais un nouveau facteur est venu s'ajouter à l'équation sociale : la mondialisation de l'économie, et donc la multiplication des employeurs agissant en interdépendance. L'idée de l'autarcie est désormais dépassée. L'employeur d'une entreprise dépend de son

5 Compendium de la Doctrine Sociale de l 'Eglise, n. 101.

secteur, et le secteur, à son tour, de l'économie nationale, elle-même dépendante des conditions économiques de l'extérieur. Ces employeurs invisibles, distants mais influents, sont appelés employeurs indirects. Bien qu'ils n'interviennent pas dans les détails des contrats de la relation directe employeur-salarié, ils peuvent influencer les salaires et les trajectoires des employés, et même conditionner les termes du contrat que fixe le patron direct. Pour Jean-Paul II, le principal employeur indirect qui soit responsable, d'un point de vue éthique, de mener une politique juste de travail est bien l'Etat, notamment en adoptant des politiques tendant à résorber le chômage. Le pape s'inquiète surtout pour les jeunes diplômés atteints par la crise du chômage, et préconise alors la nécessité de subventionner ces périodes de crise selon le principe de l'usage commun des biens.

A l'époque, les différents Etats sont certes interdépendants, notamment au niveau économique, et plus aucun pays ne peut vivre en parfaite autosuffisance. Mais les grands pays industrialisés profitent d'un avantage comparatif par rapport aux plus petits. Ils dominent le marché et les secteurs dans lesquels ils sont impliqués. Cette monopolisation les incite à hausser les prix des outputs et à baisser jusqu'à exploitation les prix des inputs, d'où l'apparition dans ces pays d'une main d'oeuvre, souvent étrangère, vouée aux travaux physiques rudes dans des conditions de servilité. C'est le « quart-monde », et cette nouvelle servilité ne fait qu'accroître les clivages entre les pays. Dans ces conditions, le droit du travailleur devient on ne peut plus élastique. L'employeur s'en sert comme «marge de manoeuvre » pour rééquilibrer son bilan en cas de tout choc pouvant freiner le roulement de son activité. C'est pourquoi Jean-Paul II recommande la prise en considération du droit inaliénable des travailleurs, qui doit demeurer un paramètre constant et inviolable pour l'entreprise. Ce droit doit aussi être préservé par les employeurs indirects, et en particulier par l'Etat.

Ainsi, Jean-Paul II se concentre sur le problème du chômage, sur la nécessité de sa prise en charge collective, et sur l'urgence de trouver des solutions en stimulant la création d'emplois avant que la crise ne se traduise en une impasse structurelle parasitant la santé globale de l'économie nationale. Chaque chômeur a droit à la vie et à la subsistance à travers le principe de l'usage commun des biens.

I.1.d Jean-Paul II : Encyclique « Sollicitudo rei socialis » sur la préoccupation de la question sociale (1987)

En 1967, le pape Paul VI publia une célèbre encyclique sociale, Populorum progressio, consacrée aussi bien au développement solidaire de l'humanité qu'au développement intégral de l'homme. Pour que chaque personne sur la planète puisse profiter du développement, défini comme « le passage, pour chacun et pour tous, de conditions moins humaines à des conditions plus humaines6 le pape fait appel au principe de solidarité entre peuples riches et peuples pauvres au niveau mondial.

Vingt ans après, Jean-Paul II commémore le vingtième anniversaire de Populorum progressio en publiant son encyclique Sollicitudo rei socialis, qui aborde à nouveaux frais le thème du développement. Il y a, dit l'encyclique, une différence entre progrès et développement, et c'est ce dernier qui, au-delà de la possession des biens et des services matériels nécessaires, favorise la plénitude de l' « être » humain. Pour cela, le pape préconise de nouveau la solidarité entre les peuples, allant même jusqu'à affirmer, en évoquant la devise du pontificat de Pie XII, « Opus iustitiae pax », la paix est le fruit de la justice : « Aujourd'hui on peut dire, avec la même justesse et la même force d'inspiration biblique : Opus solidaritatis pax, la paix est le fruit de la solidarité7

Sur un registre parallèle, Jean Paul II rappelle l'importance du droit à l'initiative économique, souvent étouffé dans des Etats dont l'appareil bureaucratique, fortement informatisé, est l'unique organe d'organisation, de décision, sinon même de possession. Or, souligne le pape, la « personnalité créative du citoyen »8 est éthiquement incompressible et ne peut, comme le prétendent certains, se fondre au nom d'une prétendue « égalité », qui ne serait pas la véritable égalité mais une sorte de nivellement par le bas. Cette personnalité créatrice permet de combattre la bureaucratie dominante, ainsi que la concentration des richesses dans les mains d'une minorité. Dans le cas

6 Paul VI, Populorum progressio, n. 20.

7 Jean Paul II, Sollicitudo rei socialis, n. 39.

8 Jean Paul II, Sollicitudo rei socialis, n. 15

contraire, c'est-à-dire en présence d'un Etat entravant le droit à l'initiative en matière économique et démotivant l'innovation, les citoyens, par frustration ou par désespoir, vont se désintéresser de la vie nationale, et les plus qualifiés d'entre eux seront poussés à émigrer. De même, toute entrave aux autres droits humains, tels que les droits à l'expression, à l'association et à la liberté religieuse, appauvrira avant tout la santé sociale ainsi que l'harmonie de la diversité d'un peuple.

I.1.e Jean-Paul II : Encyclique «Centesimus annus» sur les cent premières années de pensée sociale de l'Eglise (1991)

Pour le centenaire de Rerum novarum, Jean-Paul II publie sa troisième encyclique sociale, Centesimus annus, en y faisant ressortir la continuité doctrinale de cent ans d'enseignement social de l'Eglise.

En matière de « travail », l'encyclique rappelle les recommandations de Léon XIII qui, à l'époque, était intervenu pour redimensionner ce concept, non limité à son apport laborieux, mais conditionné par la vocation de la personne dans le domaine de la création de richesses et dans le domaine social et familial.

Les papes n'ont pas épargné les critiques au socialisme déresponsabilisant la personne et allant à l'encontre du bien commun. La triste expérience historique des pays socialistes a apporté la preuve d'une augmentation de l'aliénation sous ces régimes et d'une pénurie accrue des ressources. Rerum novarum s'oppose donc à l'étatisation des instruments de production, qui réduirait chaque citoyen à n'être qu'un boulon dans la machine de l'Etat. L'Etat a à charge de déterminer un cadre juridique sain qui stimulerait l'initiative privée en prônant une sphère privée autonome et créatrice d'emplois.

Léon XIII avait pris la défense absolue de la propriété privée. Ses successeurs ont eu une vision plus modérée à ce niveau. Ils ne s'opposent pas à la liberté des marchés ni au profit, indicateur du bon fonctionnement de l'activité, mais exigent un contrôle légitime par les partenaires sociaux afin de garantir les besoins fondamentaux de toute la société. L'entreprise est avant tout une communauté de personnes qui se met au service

de la société entière en multipliant les richesses qu'elle manipule. L'Eglise reconnaît le caractère positif du marché, qui ne peut être reconnu comme tel qu'à travers le développement intégral de la personne humaine, y compris dans le travail, où elle améliore son efficacité et sa créativité. C'est à ce niveau que l'Eglise se situe au-delà des deux courants classiques du socialisme et du capitalisme, en instaurant un ordre social dirigé par l'Etat, mutualisant les risques économiques et sociaux et mobilisant ainsi de nouvelles ressources au service de l'investissement dans le bien commun. Ceci passe par une démocratie authentique et une orientation intellectuelle idéale afin que la coresponsabilité soit acceptée par toute la société. Jean-Paul II insiste également sur la réalisation d'une production ex-post de qualité, en soulignant le problème de l'environnement ainsi que les répercussions du travail sur la famille.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand