Prospective de la demande de transport dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince( Télécharger le fichier original )par Theuriet DIRENY Université d'Etat d'Haiti (CTPEA) - Maîtrise en Développement urbain et régional (spécialité : Gestion urbaine) 2004 |
CHAPITRE III.- DÉMARCHE THÉORIQUE
La question du transport urbain suscite des idées qui ne datent pas d'aujourd'hui. De l'antiquité à la modernité, le besoin de relier deux lieux distincts (origine - destination) le plus rapide se faisait toujours sentir. L'objectif primordial pour l'homme résidait dans un gain du temps élément indispensable à tout procès de production de services et de biens lesquels sont tantôt à caractères privés, tantôt à caractères publics. Mais ils visent tous deux à satisfaire les besoins de l'homme. Franchir la distance est un besoin qui, selon M. Polèse, exige des efforts, des ressources et du temps. Comment peut-on concilier la distance et le temps pour arriver à la satisfaction de ce besoin humain ?
Avec les nomades dans les sociétés pré-historiques, la distance consiste dans un aller. Dans les sociétés historiques ou sédentaires, la distance comporte un aller et un retour. La distance est donc devenue, pour l'homme, une contrainte de la quotidienneté qui participe à la vie active. Elle comporte des coûts dont les coûts de déplacement des personnes. Ces coûts sont variables et sont en règle générale d'autant plus élevé que la distance à franchir est grande9(*). Contrecarrer les coûts de la distance fait naître chez l'homme, l'idée d'agglomérer autour d'un espace vital à son existence. Et là, sous l'effet de générations de nouvelles vies urbaines prennent de la propension à travers un élément central. « L'élément peut-être un centre urbain, un équipement polarisant plus spécialisé (...). L'accessibilité est une condition majeure ». (Cf, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement). Donc les vies urbaines ou les nouvelles villes ne sauraient être conçues de façon indépendante à la ville originelle qui incarne le Centre lequel regroupe traditionnellement les lieux du pouvoir, les mouvements, les commerces rares et de nombreuses activités spécialisées. (...) Son rôle est double : il permet aux habitants de s'identifier à la communauté des citoyens d'une même ville ; il constitue pour le visiteur une image résumée de la ville. (J.P.Lacaze,1995,15). En raison de sa position et de son aire d'influence, ce centre constitue aussi la Métropole régionale d'un réseau de villes lesquelles s'auto-influencent tout en exerçant elles-mêmes leur influence sur des zones restreintes. C'est dans ce contexte que J. Beaujeu a parlé de centralités de premier, deuxième et troisième modes. Abondant dans le même sens P. Merlin et F. Choay avancent que "la centralité peut être unique (agglomération) ou polynucléaire (cornubation). Elle varie en fonction des changements techniques, économiques ou politiques". (Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement). Selon M. Polèse, l'agglomération géographique des populations dans des villes ou villages tire, dans un premier temps, ses origines de la possibilité qu'elle donne aux agents économiques de réduire leurs coûts de transport et d'interaction sociale. 1(*)0 « En effet, l'ensemble des problèmes urbains, les localisations de diverses activités et des logements impliquent des problèmes de déplacement. Plus s'accroissent les unités urbaines en dimension et en complexité, plus s'approfondit la ségrégation fonctionnelle de l'espace et plus les liaisons internes prennent de l'importance1(*)1 ». Sur ce point de vue F.Ascher et J.Giard n'ont pas d'avis différents. « La crise des transports urbains, écrivent-ils, est donc d'abord le produit de la crise urbaine dans son ensemble. Elle présente une acuité particulière dans la mesure ou la majeure partie des déplacements dépend du choix de localisation.»1(*)2 Donc les coûts qu'entraîne la distance engendrent une localisation qui évoque toujours l'esprit de centralité géographique lequel sous-tend la fulgurance du temps par rapport au centre des activités, et des besoins ou intérêts de la population urbaine. La maximisation des déplacements ou de préférence la maximisation du rendement de chaque déplacement voilà ce qui ressort de l'esprit d'agglomération : corollaire du principe de la centralité géographique. Ce principe, « ne se limite pas aux activités marchandes. Il s'applique dès qu'il s'agit de desservir efficacement une population (...). Par efficacité, nous entendons ici la maximisation du temps de déplacement et des autres coûts d'interaction spatiale pour le plus grand nombre d'utilisateurs.»1(*)3 Qualifié de théorie des places centrales ou des lieux centraux, ce principe réfère à la compétence des pouvoirs publics qui seuls ont les moyens et la capacité d'organiser l'espace à de telles fins. 3.3.- La distance : une implication de la théorie des services publics Le temps, l'espace, le lieu sont des concepts qui s'organisent en un tout autour de la distance pour former et expliciter la sphère d'action de l'homme dans ses échanges socio-économiques. Cette spatio-temporalité rend obligatoire l'interaction spatiale et l'interaction sociale. Pierre Bourdieu parle des effets de lieu comme pour stigmatiser ces interactions qui sont manifeste à partir des luttes pour l'appropriation de l'espace tant physique que social. « L'espace, ou plus précisément, les lieux et les places de l'espace social réifié, et les profits qu'ils procurent, sont des enjeux de luttes. »(P.Bourdieu, 1993, 256) La possession du capital est pour Bourdieu l'élément déterminant pour la jouissance de ces profits et pour la conquête de l'espace. Le pouvoir que le capital, sous ses différentes formes, donne sur l'espace est aussi, du même coup, un pouvoir sur le temps. Ceux qui en sont dépourvus sont tenus à distance, soit physiquement, soit symboliquement, des biens socialement les plus rares et condamnés à côtoyer les personnes ou les biens les plus indésirables et les moins rares.(P. Bourdieu, 1993, 258). Donc le succès dans ces luttes dépend du capital détenu (économique, social, culturel ...). C'est pour atténuer ces effets de lieu ou de distance provoqués par la possession du capital que les kénesiens et les libéraux se prononcent pour l'intervention de l'Etat dans l'allocation et la distribution des richesses. En effet, certains biens et services n'auraient été bénéfiques à une large majorité sans cette intervention. « La notion de service public (...) contient l'idée de finalité sociale, de satisfaction des besoins collectifs et peut donc être appréhendée comme pivot du rôle de l'Etat. »(G.Dupuis et M-J Guedon, 1993, 439). Le transport urbain fait référence au besoin collectif de déplacement des citadins. Il engendre un ensemble de services qui sont tous à caractères collectifs puisqu'ils sont indivisibles et s'imposent à tous. Les plans et règlements d'urbanisme en sont de bons exemples. Le transport en commun dans l'AMP est aussi dans la lignée des services collectifs puisqu'il vise la justice sociale. Mais, n'est pas pur. La théorie des services publics, qui entend restreindre le domaine de l'action administrative à la satisfaction des besoins collectifs hors du jeu du marché économique, fait obligation aux pouvoirs publics à assumer leurs responsabilités, pour pouvoir permettre aux captifs du TC à banaliser la distance, réduire le temps de voyage et atteindre leur destination à moindre coût. CHAPITRE IV : DÉMARCHE CONCEPTUELLE. 4.1.- Introduction La démarche conceptuelle vise la définition de certains concepts utilisés tout au cours de l'étude en question. Leur portée et leur signification sont dégagés afin d'éviter des interprétations différentes de celles intrinsèques à l'étude même. Bien que le caractère de l'étude ne soit pas sociologique, notre démarche s'y apparente. Alors, comme la sociologie, la Gestion des transports urbains en tant que discipline scientifique « a affaire à des objets construits, contre le sens commun, les apparences, les explications trompeuses (...). Le donné doit être soumis à un travail parce que premièrement, il est infini, chaotique et nécessite un choix en fonction d'un point de vue, deuxièmement, il induit en erreur du fait qu'il a été fondé sur des préjugés, troisièmement, il dissimule des relations cachées qu'il a pour fonction de masquer. Il s'avère alors nécessaire de le déconstruire et de le reconstruire en le situant dans un réseau conceptuel qui lui restitue son sens caché ou simplement un sens.»1(*)4
L'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince désignent l'organisation spatiale de Port-au-Prince, la capitale, qui entretient des rapports d'interdépendance socio-économiques avec des communes avoisinantes dont leur rayonnement urbain favorise l'évolution réciproque de leur aire d'influence caractérisée par des flux de personnes, de marchandises, de communications immatérielles et de capitaux qu'elles échangent les unes avec les autres. Elles constituent ainsi un réseau urbain dont Port-au-Prince est le centre autour duquel évoluent : Pétion-Ville, Delmas, Carrefour, Kenscoff, Gressier ... Elle est, dans le cadre de l'étude, synonyme de Port-au-Prince et par extension d'Arrondissement de Port-au-Prince. 4.2.2.- Transport en commun (TC). Système « organisé du transport» qui fournit un service collectif selon un tarif déterminé par les pouvoirs publics et qui assure la mobilité (origine-destination) de tous ceux-là qui ne sont pas propriétaire, au moins d'une automobile ou qui n'ont pas à leur disposition un véhicule motorisé quand vient le moment de se déplacer pour quelque soit le motif. 4.2.3.- Captif du transport en commun Tout résident de l'AMP qui pour se déplacer sur une distance n'a d'autre choix que de solliciter le service d'un moyen de transport en commun (tap-tap) 4.2.4.- Moyens de transport en commun. (tap-tap) Ce sont à Port-au-Prince des camionettes, autobus, voitures etc. qu'on désigne sous des dénominations d'origine populaire telles que : yole, bwafouye, bisjon, rachepwèl, kokorat... Dans la terminologie du transport en commun à Port-au-Prince, tap-tap1(*)3 est l'expression générique qui désigne tous les véhicules du système. ( voir Annexe IV ) 4.2.5.- Motifs de déplacement d'une population. Ensemble de contraintes qui suscitent, bon gré, malgré, le déplacement d'une population. Elles sont de divers ordres et traduisent le dynamisme et le degré de modernité d'une société. En fait, il n'est pas toujours aisé de fixer un motif unique à un déplacement et on devrait parler de motif à l'origine et de motif à la destination.1(*)5 Par contre, au nombre de ces contraintes il y a habituellement : les déplacements entre le domicile et le lieu de travail, les déplacements scolaires (entre le domicile et le lieu d'études) les déplacements pour achat les déplacements pour affaires professionnelles les déplacements à titre professionnel les déplacements de loisirs (spectacles, visites, promenades, sports, activités sociales, etc.) les déplacements d'accompagnements (des enfants en particulier.) 4.2.6.- Mobilité La mobilité est la propension de la population de l'AMP à se déplacer. Elle est un corollaire du motif de déplacement et varie selon le développement socio-économique d'une région et du revenu des ménages. 4.2.7.- Les pouvoirs publics Ensemble d'institutions étatiques responsables des questions de transport, de circulation, de signalisation, de voirie dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince à savoir : le Ministère des Travaux Publics transport et Communication (M.T.P.T.C), le Service de la Circulation et de Contrôle des Véhicules (S.C.C.V), l'Office Assurance des Véhicules Contre Tiers (OAVCT), le Service de signalisation routière (S.S.A) les municipalités de l'AMP le Ministère de la Planification. 4.2.8.- Centres des Affaires (Centre) Zones d'intenses activités économiques de production et de vente de biens et services dans l'AMP qui regroupent : les industries, tout le commerce, les activités export-import, les bureaux de services etc. En raison de l'effet revenu qu'ils dynamisent, les centres des affaires attirent quotidiennement et pendant des heures des résidents de presque toutes les régions d'Haïti. (voir Annexe III ) TROISIÈME PARTIE : CADRE D'ANALYSE CHAPITRE V.- PORT-AU-PRINCE: STRUCTURE DÉMOGRAPHIQUE, URBAINE ET ÉCONOMIQUE.
5.1.- Introduction Dans la structure hiérarchisée, de dominance entre les villes d'Haïti, Port-au-Prince en raison de son aire d'influence et de son rayonnement économique est la seule capitale. Autour de cette capitale évoluent : huit (8) métropoles simples, trente et six (36) villes moyennes et quatre et vingt et huit (88) petites villes. Elle reste jusqu'à date (2003) la seule ville d'Haïti dotée de certaines infrastructures proches de la modernité. Elle incarne, en ce sens, le mieux être, le rêve d'un lendemain meilleur, l'espace de transition de mobilité sociale. Les habitants de toutes les villes, dans ce contexte déferlent sur Port-au-Prince. Elle « absorbait déjà en 1990 plus de 75% de la population des principales villes du pays.»1(*)6 En 1997 sa population représentait 95.02 % 1(*)7de la population urbaine du département de l'Ouest dans lequel elle est située. Actuellement 59 %1(*)8 de la population urbaine du pays s'y retrouvent. Qu'adviendra t-il de son urbanisation, de ses structures urbaines et économiques d'ici 2018 soit dans 15 ans ? 5.2.- Urbanisation de Port-au-Prince. De par sa position dans l'armature urbaine ou dans le réseau des villes d'Haïti Port-au-Prince représente une métropole régionale. En tant que telle elle a une force d'attraction qui va au-delà même de son site du fait de la volonté de la population haïtienne à ne pas y vivre trop distante. Graduellement et à un rythme effréné on assiste à l'augmentation de sa population. D'aucuns pensent qu'actuellement (2003) l'estimation démographique de cette ville excède l'ordre de 2.000.000 habitants. Il faut, tout de même, attendre le résultat des derniers recensements (2002) de la population pour le confirmer. Toutefois, l'IHSI dans un document sorti en 1997 compta 1.556.588 habitants1(*)9 pour Port-au-Prince. Avec un taux de croissance annuelle positive de l'AMP on s'étonnerait en effet que l'effectif de population soit en deçà des 2.000.000. Les fondements de l'urbanisation, nous dit M. Polèse, sont en grande partie économique. (1994,11) Présentant toutes les caractéristiques d'un centre régional, Port-au-Prince est loin de connaître une faible croissance démographique. Toutes les projections le démontrent. D'ailleurs depuis plusieurs années déjà, une tendance très nette se dégage dans la distribution spatiale de la population urbaine du pays : les principes villes de province perdent graduellement de leur importance au profit de Port-au-Prince, la Capitale et ses satellites »2(*)0... Ainsi, les populations des villes de province cherchent à éviter les coûts et à maximiser les gains. C'est à dire, les déplacements des populations des villes de province vers la capitale s'inscrivent dans la logique d'une recherche de meilleures conditions d'existence socio-économiques. D'ailleurs, il est vérifié par les enquêtes de l'IHSI que les limites des déciles du revenu diffèrent entre l'AMP, les villes de province et le milieu rural. Ainsi les ménages appartenant à un décile quelconque dans l'AMP sont nettement mieux lotis que les ménages correspondants dans les villes de province et en milieu rural. La limite de revenu du premier décile de la capitale est trois fois plus élevée que celle des autres villes et six fois plus que celle du milieu rural. Et le revenu médian par unité de consommation de la capitale vaut environ deux fois celui des villes de province et 4.4 fois celui du milieu rural. Cela traduit un type de rapport entre la population et le revenu.2(*)1 En effet, « La relation positive entre le revenu moyen par habitants et taille urbaine a, maintes fois, été confirmée par des études tant pour les pays industrialisés que pour les PED. Manifestement, l'agglomération urbaine exerce un impact positif sur la capacité de production de plusieurs secteurs d'activités économiques. Ce gain de productivité se répercute sur les salaires qui sont en moyenne plus élevés dans les grandes villes » (ibid, P.69) C'est ce que prouve le tableau 5.1 reproduit à partir de l'oeuvre de Polèse. Tableau 5.1. - L'importance économique des villes : quelques indicateurs, divers pays, diverses années. a
Sources : M. Polèse, Economie urbaine et régionale (logique spatiale des mutations économiques) « tiré dans, Banque Mondiale (1991) ; Coopération française pour le développement urbain (1989). » a) L'année sur laquelle portent les données n'est pas toujours la même, mais se situe entre 1970 (Sao Paulo) et 1985 (Casablanca). Ces chiffres sont des estimations, que le lecteur doit interpréter avec prudence. b) Part du total national. Partant de cette réalité, la richesse de Port-au-Prince, comparée à celle d'autres villes du monde est, en rapport à sa population, son agglomération. Apparemment on aurait tendance à croire que les externalités contribueraient beaucoup plus aux déséconomies de l'espace port-au-princien plutôt qu'à des gains de productivité. L'affluence des migrants combinée aux différents types d'entreprises de biens et services prouvent tout à fait le contraire. En dépit de l'insalubrité et de l'insécurité, sous toutes ses formes, Port-au-Prince continue encore à hanter des résidents tant du monde rural que des villes de province et sera en conséquence, pendant longtemps, le seul espace urbain en Haïti où la massification urbaine, pour répéter Claude souffrant, sera produite à un degré significatif. En effet les projections réalisées par l'IHSI prouvent la supériorité démographique de Port-au-Prince par rapport aux autres villes de province jusqu'en 2015. Une publication du système des Nations-Unies en Haïti écrit : « L'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince héberge plus de 60% de la population urbaine totale avec un effectif 15 fois supérieures à la 2ème ville du pays, le Cap-Haïtien »2(*)2. Cette population qui ira grandissante (voir figure 5.1) fera déborder le cadre physique de Port-au-Prince en repoussant chaque jour plus loin les limites de sa périphérie. Et, graduellement, selon un processus de substitution certaines activités du centre intégreront la périphérie et feront d'elle une ville émergente celle où se dessinent les comportements urbains du futur. 2(*)3 Fig 5.1 La figure 5.1 traduit en fait l'évidence de ce que sera en 2018 la population de Port-au-Prince. Mais cette évolution démographique sera t-elle en harmonie avec une structure urbaine où tous les résidents auraient la possibilité d'avoir accès à tous les services, particulièrement, le service du transport en commun ? 5.3.- Structure urbaine de Port-au-Prince L'urbanisation de Port-au-Prince passe par le bidonville. C. Souffrant dans sa sociologie prospective d'Haïti résume ainsi la structure urbaine de Port-au-Prince. Ce résumé renvoie à la non application des lois d'urbanisme (même dépassées) dont les premières datent de 1937. Toutes les communes de Port-au-Prince ou de l'Aire Métropolitaine ont leurs bidonvilles respectifs. Et parfois même elles s'y confondent. Carrefour, dit-on, est un vaste bidonville. Même dans les milieux officiels (exemple les études notariales ) elle est ainsi considérée. En témoigne sa valeur foncière qui selon la Direction Générale des Impôts (DG I) est la plus basse. A 275 gourdes le m2 du sol la DGI ne voit aucun inconvénient à accepter l'affaire (vente ou achat) et à prélever des taxes. Contrairement à une affaire passée à Pétion-Ville ou à Delmas, si la déclaration de vente est en deçà de 400 ou de 350 gourdes le m2 elle est contestable et peut être refusée par le Service des Impôts Directs de la DGI.2(*)4 Bref, toutes les zones urbanisées de Port-au-Prince font face aujourd'hui à un phénomène de non-ségrégation spatiale. « Nous sommes là, confrontés à deux formes d'aménagement spontanés et / ou non réglementés qui se partagent les mêmes espaces et qui produisent les mêmes effets. Les interstices abandonnés et laissés inoccupés entre les propriétés des classes aisées, sont remplis par des constructions érigées par les classes sociales les plus défavorisées. Ainsi, dans cette agglomération, il n'est pas rare d'observer dans certaines zones d'urbanisation récente, de somptueuses villas côtoyées des poches d'habitat précaire et très précaire. ( D.Bazabas, 1997,36) L'impact physique du bidonville sur l'espace port-au-princien peut être apprécié à partir du tableau 5.3. Tableau 5.3.- Importance spatiale des aires bidonvillisées de cinq communes de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince.
* Pourcentage par rapport à l'ensemble des bidonvilles ** Pourcentage par rapport à l'aire bâtie totale de l'aire urbanisée Source : G. Lhérisson, Logement et bidonvilles, « tiré dans Projet HAI-94-003 : évaluation de la population de l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince » Les rues à l'instar des maisons, mis à part les collectrices sont improvisées. Les rues locales sont dimensionnées et conçues suivant le caprice de lotisseurs informels qui, à l'insu de toutes normes élémentaires d'urbanisme et de circulation érigent de nouveaux quartiers bidonvillisées. En ce sens, toutes les infrastructures de base sont absentes dans ces quartiers là. C'est ce qui fait qu'à chaque averse, circuler dans les rues de Port-au-Prince devient une gageure. Cela handicape la desserte du transport en commun et met à nu l'incapacité de Port-au-Prince à satisfaire tant la demande de transport que celle de l'offre de transport. D'aucuns disent de 1950 à aujourd'hui, rien n'a été fait, en matière infrastructurelle, pour que Port-au-Prince puisse répondre à la croissance démographique actuelle. 5.4.- Structure économique de Port-au-Prince Dans la logique de la théorie des lieux centraux, l'AMP comprend trois (3) grands centres d'activités économiques qui se localisent en des lieux précis créant ainsi différents Centres des Affaires équivalent au District Business Center (CBD) des USA : A.- le premier se situe au Coeur de la ville historique de Port-au-Prince il regroupe indistinctement toutes les activités de production de biens et de services, B.-le second à caractère industriel avoisine le centre historique et se situe dans une zone ; il y a cinquante années de cela, considérée comme étant périphérique, C.-le troisième situé dans une zone autrefois de renommée bourgeoise regroupe en par ticulier des activités de services relatifs à l'enseignement primaire, secondaire, universitaire et autres.(voir annexe) Ces Centres de regroupement des entreprises engendrent une forte augmentation de la valeur foncière des espaces en question au point qu'il en résulte d'abord, une augmentation de la population au m² c'est-à-dire une forte densité occupée par des locataires à faible revenu, ensuite l'abandon graduel ou la délocalisation forcée, au profit des entrepreneurs de tout espace vital par ceux-là dont les conditions sociales et/ou économiques d'existence ne permettent pas d'en supporter les coûts financiers et/ou environnementaux, et enfin, la transformation de certaines maisons familiales en micro entreprises. Ainsi la rente foncière et la rente de localisation tout en convoitant les entrepreneurs font émerger d'autres espaces intermédiaires et périphériques où résident toutes les couches sociales en dehors des heures d'activité de production, de vente et d'achat de biens et services. Pourtant, distant des Centres, ces gens sont condamnés, quotidiennement, à se déplacer en leur direction, via différents modes de transport, particulièrement le transport en commun pour divers motifs. Tous y vont pour effectuer, simultanément, plusieurs activités car le regroupement des entreprises leur facilite la réalisation d'économies d'échelle. S.Wachter parle de ville émergente pour désigner ce processus de mutations socio-spatiale et spatio-économique qui affecte les périphéries de l'AMP par des activités industrielles et commerciales dont les plus caractéristiques selon l'IHSI sont réparties en huit branches : les activités de fabrication (fabrication de produits alimentaires, de boissons et du tabac ; industries textiles et habillements ; fabrication de produits chimiques ; imprimerie édition- industries annexes ; autres activités de fabrication) gaz et eau construction commerces, restaurants et hôtels transports, postes et communications intermédiations financières, immobiliers, locations et services aux entreprises. « Ces industries de la zone métropolitaine emploient un effectif de 33081 salariés repartis en 55% d'hommes et 45% de femmes avec un salaire moyen de 20 000 gourdes. Près de 90 % des emplois industriels sont des emplois d'ouvriers.(...)
«De plus l'industrie utilise un pourcentage non négligeable de main- d'oeuvre temporaire qui représente 3300 emplois environ »2(*)5. En somme elle permet à beaucoup plus de ménages dans l'AMP d'avoir un emploi quand on la compare à la fonction publique qui embauche pour l'ensemble du pays, 34671 personnes dont l'AMP à elle seule absorbe 16 026 soit 41% des employés.2(*)6 Tout compte fait, cette structure formelle embauche très peu de gens contrairement à la structure informelle qui dans presque toutes ses dimensions reste insaisissable. `'La nature même de l'informel, selon J.M Hoerner, implique l'impossibilité structurelle de pouvoir sérieusement l'évaluer. On considère généralement qu'il représente au moins les deux tiers de l'économie des grandes villes du tiers monde.'' (1995,125) A ce propos, les données disponibles pour Haïti font état pour l'année 1999 d'un effectif de 1432678 soit 51.4% dans l'emploi d'Haïti.2(*)7 L'auto emploi qui comptait pour 42.3 % des effectifs occupés selon l'EBCM de 1986-1987 devient la principale catégorie socioprofessionnelle en 1999-2000 (48.7 %), loin devant les catégories salariées prises séparément, et, en particulier, loin devant les employés et ouvriers (37.1 %). 2(*)8 A supposer que l'ensemble des activités informelles puisse être approximé par le travail à compte propre, indépendamment de toute considération sur le statut juridique et la taille des entreprises, cette extension de l'auto- emploi peut être interprétée comme la poursuite et l'approfondissement du processus de l'informalisation de l'emploi urbain.2(*)9 Au regard de ce processus évolutif des structures port-au-princiennes que sera, d'ici 15 ans, la demande de transport collectif des personnes dans l'AMP? CHAPITRE VI.- LA DEMANDE DE TRANSPORT EN COMMUN A L'HORIZON 2018. 6.1.- IntroductionCe titre évoque l'avenir de la demande de transport collectif des personnes dont la méthode d'appréhension la plus sûre, dans le cadre de notre étude, reste la prospective. Tout le cheminement démographique, urbain et économique de Port-au-Prince est alors considéré pour bâtir des scénarios et / ou choisir un modèle. `'Dans le vocabulaire de la prospective, souligne C. Souffrant, le mot scénario désigne une méthode d'analyse d'évolution d'une situation en fonction des données de base variant d'une époque à l'autre et sous certaines contraintes impossibles à modifier ou à éviter.'' (1995, 53). Le modèle choisi, dans le cadre de notre démarche, est le modèle de prospective de la demande de transport, proposé par Y. Bussière, qui met en relation des projections de population avec des comportements de transport. Ce modèle a été appliqué à Montréal, plus particulièrement dans la région métropolitaine et à Marrakech une agglomération des PED en Afrique. Cela traduit déjà les nuances qui peuvent en découler en raison des différences de données. Le cas de Port-au-Prince nécessite bien des considérations, puisque, `' toute démarche prospective fait appel à des choix au niveau des hypothèses de base. `'3(*)0 A la lumière des hypothèses formulées (cf. p.4) nous allons observer et projeter des données démographiques tout en décrivant, d'abord, le modèle utilisé. * 9 M. Polèse, Economie urbaine et régionale (Logique spatiale des mutations économiques), Economica, Paris, 1994. P.39 * 10 ibid P.40 * 11 F. Ascher et J.Giard, Demain la ville (Urbanisme et politique), Ed. Sociales, Paris, 1975, PP. 25, 100 * 12 idem * 13 M. Polèse, ibid P.50 * 14 J.P. Durand et R. weil, Sociologie contemporaine, Vigot, Paris, 1978, P.226 * 15 P. Merlin et F. Choay, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, PUF, Paris, 1996. P.243 * 16 IHSI, Tendances et perspectives de la Population d'Haïti au niveau régional (département, arrondissement et commune 1970-2005), Port-au-Prince, 1992. P.27 * 17 IHSI, Haïti : Projection de la population totale par arrondissement et par commune, Port-au-Prince, 1997 * 18 IHSI, EBCM 1999-2000 (Population, ménages et emploi), Port-au-Prince, Novembre 2000.Vol. I * 19 IHSI, op cit * 20 ibid * 21 IHSI, EBCM 1999-2000 (Revenus, dépenses et consommation des ménages), Port-au-Prince, Janvier 2001, Vol. II, P. 27 * 22 Système des Nations Unies en Haïti, Haïti bilan commun de pays, Imp. Henri Deschamps, Port-au-Prince, décembre 2000, P.39 * 23 S. Wachter, Economie politique de la ville (les politiques territoriales en question). L'Harmattan, Paris, 1998, P.55 * 24 C'est ce que nous a révélé une enquête auprès du Service des Impôts de la DGI et de 15 études notariales de l'AMP. * 25 IHSI, Enquête industrielle de 1999 (Résultats définitifs), Port-au-Prince, Septembre 2000. P.3 * 26 IHSI, Recueil de statistiques sociales, Port-au-Prince, Août 2000. P. 39 * 27 Système des Nations Unies en Haïti, op. cit. P.3 * 28 IHSI, EBCM 1999-2000, Novembre 2000, op cit * 29 ibid * 30 M. Godet, Crise de la prévision essor de la prospective (exemples et méthodes), PUF, Paris, 1977. P.51 |
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