Prospective de la demande de transport dans l'Aire Métropolitaine de Port-au-Prince( Télécharger le fichier original )par Theuriet DIRENY Université d'Etat d'Haiti (CTPEA) - Maîtrise en Développement urbain et régional (spécialité : Gestion urbaine) 2004 |
CHAPITRE I : PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES.1.1.- Introduction L'étalement de l'AMP se fait sentir au jour le jour avec pour corollaire l'allongement des distances à parcourir. Contrairement à des régions métropolitaines d'autres pays, elle s'étale dans un grand désordre urbanistique. Mais, comme toutes les régions métropolitaines, elle étend toujours plus loin sa domination. Dès lors, se pose le problème de la mobilité (le rapport de l'offre et de la demande de transport). Ses résidents sont obstinés à trouver, d'abord comment relier dans un temps relativement court leur lieu de résidence et le Centre des Affaires et, ensuite, le moyen de transport qui leur permettrait d'arriver plus vite à destination. L'automobile conçue à cette fin malheureusement, n'est pas à la portée de tous. De plus Port-au-Prince est une ville à faible revenu. Même la possibilité de payer le service d'un moyen de transport en commun serait très limitée dans cette ville où le ratio de dépendance économique (inactifs +chômeurs/actifs occupés) est de 156.4%1(*). Mais tous ont des motifs de déplacement différents qui nécessitent le service d'un mode de transport. Alors, il est à se demander, si le système de transport en commun, lui même, répond convenablement à l'attente des usagers ? Une tentative de réponse à cette question renvoie aux différents problèmes qu'affronte et pose le transport urbain à Port-au-Prince. 1.2.- Diagnostic de la situation actuelle du transport urbain à Port-au-Prince. Le transport urbain à Port-au-Prince aurait concerné environ une population de plus de 2.000.000 habitants selon les données tirées de l'IHSI. De zéro à 65 ans et plus, cette population utilise la voirie à des heures et des jours donnés selon des motifs différents via des modes de transport. Actuellement, 2003 on ne peut pas se dire exactement le nombre de déplacement quotidien ni le choix de mode prioritaire. Toutefois, des études antérieures menées par une firme d'étude étrangère pour le compte de l'Etat haïtien évaluent la demande de TC des résidents de Port-au-Prince à des taux de croissance annuelle de 8.1% entre (1975 - 1981) et de 7.9% entre (1981 - 1991). Alors que les taux de croissance pour la demande de transport par véhicule privé, pour les mêmes années, sont de 10.4% et 10.2%.2(*) Les déplacements, au moyen de ces modes de transport pour Port-au-Prince étaient respectivement de 39% pour les véhicules privés et de 47% pour les véhicules de transport en commun.3(*) A propos de ces derniers, il faut mentionner un laisser aller ; les véhicules y afférents sont pour la plupart inappropriés, inconfortables. Jusqu'à date à notre humble connaissance il n'y pas de mesures étatiques ou gouvernementales qui rappellent ou définissent les limites de la qualité de l'offre. Au contraire, l'inconfort de l'offre s'empire avec des moyens de transport comme le « rachepwèl et le kokorat4(*) ». Deux titres significatifs de l'entière déception et de la résignation des usagers. Parallèlement, des services de transport du type de `' Service Plus'' `'Transter'' et `'Transvert''5(*) viennent offrir, apparemment un meilleur service aux usagers de T.C avec un nombre limité de véhicules. A cela il faut ajouter un nombre considérable de motocyclettes et de bicyclettes non recensées. Il faut mentionner que, même pour le parc automobile, on a que des données approximatives quant à l'effectif réel des différents modes de transport et qui ne sont pas à jour. Toutefois, le tableau 1.1 donne une idée de ce qu'il aurait été. Tableau 1.1.- Parc d'automobile de l'AMP en nombre et % respectifs des différents modes et de leur augmentation (années 1975, 1996).
Sources de données : MTPTC et Service de la Circulation *Autres : désigne les véhicules affectés aux transports de marchandises, au service de certaines institutions etc. Si le nombre de véhicules motorisés n'intéresse pas trop des institutions créées à cet effet, pour la marche à pieds cela est pire. La carence de données récentes, à ce propos, fixe d'avantage les observations et recherches sur la circulation des véhicules et sur le réseau routier défonçé de l'AMP. Lionel F. Henriquez dans un de ses textes datés de Septembre 1998 intitulé : Infrastructures et équipements de transport urbain présente le réseau routier de Port-au-Prince comme étant le plus sollicité des réseaux du pays mais qui fait face à des problèmes de capacité. A contrario, écrit-il, les voies créées au cours de récents processus d'urbanisation sont construites avec des largeurs d'emprise beaucoup plus faibles et remplissent une fonction ne correspondant pas à leur géométrie. Il les caractérise en des voies remplissant des fonctions d'artère urbaine principale, de collectrice, de voie de quartier, (...) trop souvent sans trottoir. Et dans son souci de comparer les réseaux urbains des pays développés et des pays non développés, il a présenté le tableau que voici : Tableau.1. 2.- Comparaison de la hiérarchie des composantes d'un réseau routier urbain et des équipements de transport entre pays développés et pays non développés
Source : Lionel F. Henriquez, Infrastructures et équipements de transport urbain « tiré dans Ph. H. BOVY, Ecole Polytechnique de Lausanne, Suisse. 1981 » Le réseau routier de l'AMP jusqu'en 1996 comptait 600 kilomètres de voie dont 240 kilomètres de rues revêtus (2/3 en bicouche, 1/3 en béton bitumeux, béton hydraulique et adoquins)6(*). Maintenant avec les travaux d'amélioration de la route de carrefour jusqu'à Bizoton 53, les travaux de réhabilitation de plusieurs rues, les travaux de reconstruction et de prolongement de la rue du Champs de Mars, de Delmas 33, de la route rail à carrefour, de la rue Bois Patate à Canapé Vert, de la route de l'Aéroport, reliée à celle du 15 Octobre, le réseau s'agrandit. Cela n'a pas pu toutefois enrayer la congestion des voies principales, ni non plus atténuer la pénibilité des trajets. Aucun espace n'a jamais été aménagé à la circulation des cyclistes, bien que la topographie de Port-au-Prince ne s'y prête pas trop. En 1975 déjà, le mouvement des véhicules dans l'AMP dessinait le spectre de la congestion d'aujourd'hui en l'absence d'infrastructures adéquates. Il est à noter qu'à l'époque Port-au-Prince produisait 64% de tous les voyages en Haïti et presque la moitié du total des transports se faisait dans Port-au-Prince. Tableau 1.3.- Répartition du mouvement des véhicules par type de transport
Sources : MTPTC * Autre désigne les villes de province chefs lieux d'arrondissement des principaux départements. Sans parler, en profondeur, du trafic induit par le transport des villes de province, une enquête menée auprès d'un échantillon représentatif de chauffeurs de tap-tap sur la route de carrefour a permis d'identifier aux heures de pointe les causes suivantes comme responsable de l'embouteillage du réseau routier de Port-au-Prince : l'indiscipline des chauffeurs, l'étalage de marchandises à même la chaussée dans les zones de marché, des tas d'immondices jetés sur la chaussée et/ou apportés par des averses ; l'occupation des trottoirs par des cahutes ou étalages (à ce propos voir annexe I et II), le dépôt des matériaux de construction sur la chaussée, l'insécurité des rues (le banditisme social), le dysfonctionnement des feux de signalisation, les nids de poule créés par les travaux de la CAMEP et de la TELECO, l'exiguïté de certaines voies du réseau et enfin, l'improvisation çà et là de gares routières en des lieux non appropriés. L. F. Henriquez, dans son texte : Le transport et la circulation dans l'agglomération de Pétion-Ville, fait ressortir que « les principaux problèmes du transport collectifs ne sont pas seulement liés à la déficience de la gestion de la circulation, à la carence d'une bonne régulation, à l'absence de la coercition mais aussi et surtout au mode d'exploitation des TCU ». Des handicaps tout à fait inconcevables dans la circulation routière ajoutés aux "pointes normales" causées par des migrations alternantes. D'autres motifs de déplacements sont aussi responsables des pointes. Ils ne représentent qu'une minorité mais constituent la part majeure de la mobilité tout au long de la journée. Ce sont : les déplacements scolaires, les déplacements effectués dans le cadre de la vie professionnelle, les déplacements d'achat, les déplacements de loisirs et les déplacements d'accompagnement Tout cela complique le déplacement des captifs du tap-tap. Anxieusement, aux heures de pointes, sur tous les circuits du réseau routier de TC à Port-au-Prince, ils espèrent prendre place à bord d'un tap-tap. Ils se bousculent, s'injurient tout en bondissant massivement vers le ou `'les lieux'' (portes et fenêtres) y accédant. Et le chauffeur ne perd pas son temps à observer leur calamité. Il s'en soucie guère. Seulement, il veut s'assurer que son tap-tap soit rempli d'usagers (au-delà de sa capacité d'accueil) qu'il espère débarquer au plus vite, afin qu'il ait le temps de réaliser un autre voyage. Voilà pourquoi souvent il scinde et rescinde le circuit "légalement proposé". Et, si son calcul lui permet de percevoir qu'avec l'embouteillage il ne fera pas le voyage dans le temps escompté, il triple ou quadruple le "tarif légal "que l'usager aurait dû lui payer au trajet. Il procède, ainsi, à l'instar du vendeur ou de l'employeur sur un marché monopolistique qui essaie de tirer profit de la situation désespérée d'un affamé ou d'un chômeur. (cf. L-N Tellier, 1994,81-84). En effet, à certaines heures du jour, quelque soit le jour, le chauffeur de tap-tap (témoin des difficultés auxquelles s'expose l'usager et imbu de ses anxiétés quant aux risques éventuels encourus selon l'heure, l'origine et/ou la destination) entreprend des tractations pour faire payer aux usagers le tarif le plus élevé. Ainsi de cinq (5) gourdes, le chauffeur fait payer le trajet à vingt et cinq (25) gourdes. Un surplus du consommateur évalué à vingt (20) gourdes. Vingt gourdes de plus, sur le marché concurrentiel du TC à Port-au-Prince, que l'usager accepte ou est prêt à payer pour arriver à destination plutôt que de rester bloqué. Or, d'après l'IHSI, "le revenu annuel par tête vaut, pour l'ensemble du pays, huit mille cinq cent trente -six gourdes (8,536.6 gourdes) et se situe en-dessous du revenu annuel par unité de consommation, soit douze mille cinq cent quatre-vingt -trois gourdes (12,583.7 gourdes)." 7(*) Qu'adviendra t-il de la mobilité d'un nombre d'usagers dont leur revenu vaudrait leur salaire et quand on sait que le salaire de base est à soixante et dix gourdes (70 gourdes) par jour ? 1.3.- Hypothèses Les résultats préliminaires du quatrième recensement affirment que l'AMP absorbe plus d'un tiers (39%) de la population totale du pays. Selon l'Enquête budget - consommation des ménages (EBCM 1999-2000) publié par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) ; la population de l'AMP est estimée à 59,3% de la population urbaine du pays. Les autres villes ne comptent, seulement, que 15% et le monde rural 64%. Cette même publication permet de constater que loin de vieillir la population de l'AMP présente toutes les caractéristiques d'une jeune population. Elle compte 31.2% d'individus qui ont moins de 15 ans, 65.1% de ceux dont l'âge est compris entre 15 à 64 ans et 3.7% de ceux âgés de 65 ans et plus. Comparée aux autres milieux de résidence, l'AMP connaît le taux de chômage ouvert le plus élevé (20.4%) contre (9.7%) pour les autres villes et (2.7%) pour le milieu rural. Même dans deux (2) décennies la tendance peut être, encore, la même surtout si l'on tient compte du flux migratoire (en raison de l'effet revenu et des opportunités de services) et du taux de natalité (eu égard aux progrès de la science médicale sur le MST/SIDA). En conséquence la demande de transport en commun sera à la hausse. Alors si l'évolution spatiale de l'AMP continue dans le non-respect des normes d'urbanisme et si le système de transport en commun n'est assujetti à aucune forme de gestion partenariale : public- privé (PPP) d'ici 15 ans le droit au transport des usagers ira de mal en pis jusqu'à provoquer une réduction de la mobilité en raison de la mauvaise qualité des services de l'offre, de l'insuffisance de l'offre et, du bas revenu des ménages. Ces hypothèses s'inscrivent dans une démarche prospective de la demande de transport. A ce sujet, nous avons passé en revue des textes complémentaires mais qui approchent différemment le transport routier urbain. CHAPITRE II.- CHAMP THÉMATIQUE ET APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES. 2.1.- Introduction Les textes et livres consultés permettent de circonscrire la démarche de l'étude dans un cadre scientifique de transport urbain. Ils sont tour à tour méthodologique, du fait qu'ils ont tracé les étapes indispensables à franchir pour arriver à une bonne gestion du transport urbain et, théorique en raison des idées et réflexions émises par chaque auteur dans sa démarche pour structurer `'la pensée du transport'' en proposant des paradigmes à des fins d'analyse du système de transport dans les villes. Des oeuvres de quatre auteurs sont alors analysées. Il s'agit des oeuvres : a) Effet du vieillissement démographique sur la demande de transport dans la région métropolitaine de Montréal, 1986-2011 de Yves Bussière, b) Démogaphie et prospective de la demande de transport des personnes : le cas de Marrakech de Yves Bussière et Jeanne M. Wolfe c) Les transports urbains de Pierre Merlin et, d) Economie urbaine et régionale (Logique spatiales des mutations économiques) de Mario Polèse. L'analyse résumée de ces oeuvres nous a permis, d'abord, de dégager l'orientation de notre méthodologie et, ensuite, de situer théoriquement l'analyse de notre étude. 2.2.- Revue de littérature 2.2.1.- Analyse des textes de Yves Bussière Yves Bussière dans deux (2) de ces textes publiés tour à tour, en 1990 et 1995, dans les `'cahiers québécois de démographie'' et dans l'ouvrage collectif intitulé : `'L'urbanisation des pays en développement'' avec la collaboration de Sylvain Lefebvre sous la direction de Mario Polèse et Jeanne M.Wolfe a pu développer en guise de méthode : le modèle de projection de la demande de transport. Dans les deux (2) textes, il est alors question des comportements de transport des populations Montréalaise et de Marrakech qui sont déterminants dans la demande future de transport laquelle, dans une région métropolitaine, ne dépend pas de la simple croissance ou décroissance démographique. D'autres facteurs, comme les caractéristiques socio-économiques des ménages, les motifs de déplacement etc. sont pris en compte et des modélisations, en guise de scénario, sont émanées de ces facteurs là pour pouvoir dégager un certain nombre de tendances. Ainsi, l'auteur arrive à schématiser la relation entre démographie et comportements de transport en faisant interagir les variables : âge, sexe, région, mobilité et mode de transport. Tout ceci, intègre la formule mathématique (cf p.18) de la demande de transport pour différentes régions à partir d'une année de base en comparaison avec des années futures. Cependant, bien que les habitudes de transport semblent être les mêmes « tant dans les villes du Nord que dans les grandes villes du Sud » (Montréal et Marrakech par exemple) les prévisions ne s'articulent pas autour des mêmes paramètres en raison surtout des conditions socio-économiques différentes. Si pour Montréal une croissance démographique liée à la poursuite de l'étalement urbain peut stimuler la progression de l'automobile au détriment du transport en commun, pour Marrakech, l'ampleur des pressions démographiques et sociales met en rapport les orientations des déplacements et la forme urbaine. 2.2.2.- Analyse de l'oeuvre de P. Merlin Le livre de Pierre Merlin " Les transports urbains" édité par les Presses Universitaires de France en 1992 dans la collection Que Sais-je ? permet de cerner plusieurs dimensions du transport urbain. Depuis l'Antiquité à nos jours, on a pu comprendre que le transport joue un rôle déterminant dans la dimension spatiale des villes et en conséquence entraîne des enjeux humains, économiques et environnementaux. En ce sens, des méthodes de planification urbaine sont nécessaires pour l'adéquation du système de fonctionnement de la ville. Des données de l'offre et de la demande sont alors importantes pour assurer le droit au transport de tous les citadins. Entendons par là, une réduction des inégalités qui consiste dans un système de transport commode pouvant faciliter aux citadins l'accessibilité à tous les secteurs de la ville. C'est pourquoi, au niveau de la demande, la démarche classique est imparfaite puisqu'elle permet de recenser par enquête auprès des ménages que les déplacements réalisés tout en négligeant les déplacements éludés (latents). Il faut pouvoir connaître la demande réelle résultante des demandes réalisée et latente. De même que pour l'offre, la démarche classique n'est pas suffisante. Pour trouver des informations adéquates, en ce qui concerne le transport en commun, il faut recourir surtout à des sociétés d'exploitation du système et en ce qui concerne les transports individuels, faute de source fiable, il est recommandé de procéder à partir des ventes annuelles.
Ainsi, la planification du transport urbain implique l'étude et l'analyse économiques d'un ensemble de projets qui doivent prévoir des flux de déplacements incorporés à la capacité des infrastructures existantes pour pouvoir déterminer les infrastructures supplémentaires souhaitables. Il devient évident, à ce niveau, de définir l'ordre de priorité des infrastructures et de tester leur rentabilité. L'auteur souligne que la rentabilité financière ne suffit pas. Il faut la dépasser, en mettant au point ou en adoptant des méthodes de jugement adaptées comme les méthodes : coûts-bénéfices, coûts-avantages, analyses multicritères. En effet, il ne saurait être question de simple profit financier. Il faut, dans le domaine des transports urbains, déduire des profits à caractères sociaux et humains, environnementaux et spatiaux. Le rôle du planificateur des transports sera de faciliter l'utilisation qui concilie au mieux les intérêts collectifs (limiter les investissements, assurer le meilleur usage de l'espace public, réduire les nuisances, accroître la sécurité et les intérêts des usagers, gagner du temps, voyager confortablement, dépenser le moins possible). 2.2.3.- Analyse de l'oeuvre de Mario Polèse. `'Economie urbaine et régionale (Logique spatiale des mutations économiques), publié en 1994.'' Ce livre, dégage l'importance des moyens de transport urbain par rapport à l'interaction spatiale et l'interaction sociale. Les deux sont sensibles à la distance et de ce fait impliquent des coûts de transport qui sont explicables par les coûts de communication de l'information, par les coûts de déplacements des personnes et par les coûts de transport des marchandises. Tous sont assumés par le consommateur sous forme de déplacements, ou par le producteur sous forme de coûts réels de transport et de distribution. Donc, dans leurs échanges économiques et leurs contacts interpersonnels, les hommes franchissent une distance qui comporte un ensemble de coûts dont le coût d'option du temps consacré aux transports. Tout ceci traduit l'impact de la distance sur les activités humaines tant économiques que sociales et la nécessité pour les particuliers comme pour les entreprises de la réduire au maximum. Les concepts «agglomérations géographique» et «centralité géographique» expriment en peu de mots la possibilité qu'ont les agents économiques pour réduire leurs coûts de transport et d'interaction sociale. En un seul lieu, ils peuvent arriver à effectuer un ensemble d'activités (de production, d'achats) qui leur favorise des gains de productivité à partir d'économie d'échelle réalisée en raison du regroupement des entreprises. La possibilité de partager des frais fixes est, donc, l'un des avantages de l'agglomération urbaine. Dans ce cas-ci, les gains de productivité ne proviennent pas uniquement d'économies d'échelle internes véritables, mais aussi des économies de localisation ou de juxtaposition. On comprend, aisément, qu'avec la localisation des entreprises se développe une approche de proximité entre entrepreneur et consommateurs. Ainsi, l'entrepreneur cherche à minimiser la distance ou en d'autres termes cherchent à réduire ses coûts de transport. De cette approche, découlent : la théorie économique de la rente foncière, la théorie des économies d'agglomération ... et la théorie des lieux centraux. Toutes ces théories, sont étroitement liées à la localisation, à la distance franchie et au temps écoulé. Mais, celle qui explique le mieux l'apport du transport urbain par rapport aux activités des agents économiques est la théorie des lieux centraux. Selon la théorie des lieux centraux, les entreprises s'arrangent à s'installer là où, d'après leurs calculs, elles peuvent attirer le plus grand nombre de consommateurs. Elles se regroupent alors dans un même lieu pour former une place centrale. Leur regroupement se fait à partir d'une économie basée sur une gamme diversifiée de produits (biens et services) dont chacun a sa fonction de production propre. Le résultat de ce processus aboutit à une hiérarchie de lieux centraux de taille différente. Plusieurs espaces de production ou plusieurs `'marchés'', en ce sens, sont créés pour desservir les mêmes populations. Alors, le consommateur, dans son souci d'exploiter au maximum son temps et réduire le coût de ses achats et celui des interactions spatiales, se déplace pour effectuer simultanément plusieurs activités. En agissant de la sorte, il maximise le rendement de son déplacement. Selon la terminologie économique il y a là : la notion de coût d'option qui se dégage. Entendons par-là un usage rationnel du temps face à des transactions de toutes sortes. Les consommateurs comme la société dans son ensemble, `'écrit l'auteur'' réalisent une économie de temps si plusieurs besoins exigeant des déplacements peuvent être satisfaits à partir d'un seul lieu. L'analyse des oeuvres de Bussière, de Merlin et de Polèse permet de dégager trois approches différentes mais complémentaires sur le transport urbain. Riches en méthodologie et en théorie, ces oeuvres ne réduisent, pas pourtant, le champ de notre documentation. Elles permettent, tout au contraire, de contextualiser les argumentations qui sont élaborés dans le cadre des approches théoriques et analytiques de notre démarche. 2.3.- Méthodologie La démarche de l'étude se situe dans le champ de la Gestion du transport urbain et, fait référence à l'utilisation du sol urbain qui suppose la répartition dans l'espace port-au-princien de toutes les activités économiques et de loisirs à des distances de desserte accessibles à toute la population. Le transport en commun un des facteurs de cette accessibilité est l'objet de l'étude. Les informations y relatives sont insaisissables par le sens d'un simple observateur. C'est pourquoi nous adoptons la « méthode de l'étude des traces8(*) » considérée comme une forme d'observation différée résidant dans l'analyse de documents appropriées et de statistiques officielles aptes à nous procurer des informations nécessaires. Dans ce contexte, des visites de bibliothèques sont réalisées et des personnes ressources sont entretenues. Toutes les données découlant des visites et entretiens sont abordées sous l'angle évolutif en vue de réaliser ou d'obtenir certaines projections dans l'espace et dans le temps. Car il s'agit de faire, une analyse prospective de la demande de transport en commun. Cela suppose une mise en relation des projections de population avec des comportements de transport. Ceux-ci, selon Y. Bussière, sont schématisés en deux composantes, la mobilité, c'est-à-dire le nombre de déplacement par personne et le choix de mode. A ce niveau, des méthodes statistiques de calcul concernant la croissance d'une population et le taux de croissance sont utilisées. Ainsi, nous-nous sommes mis à envisager l'avenir de la demande de transport en commun à Port-au-Prince. Ce qui nous a amené à concevoir deux scénarios qui nous ont permis d'explorer des futurs possibles, de délimiter des futurs réalisables et de spécifier des futurs souhaitables. Il est évident que la méthode prospective offre une double face : d'un coté, elle construit des représentations des artefacts de situations futures, (...) de l'autre, elle décline au présent, les voies à suivre ou mieux, les embûches à contourner pour atteindre des objectifs. Le cas échéant, elle décrit, avec plus ou moins de précisions les modalités opératoires des actions à engager . (S. Wachter, 1998,196) En effet, faute de données actualisées et/ou inexistantes, surtout, en matière de mode de transport et de déplacement par mode, par personne et par jour, nous avons procédé par approximation en considérant des données vieilles entre 8 à 21 ans En résumé, grâce à la prospective nous avons aussi formulé des recommandations, c'est-à-dire nous avons proposé la voie à suivre pour assurer le droit au transport et surtout au transport collectif des personnes. Dans ce contexte nous avons fait intervenir la théorie des services publics et la théorie des lieux centraux pour pouvoir, d'abord, situer et ou fixer les recommandations dans une logique urbaine (celle de Port-au-Prince) ensuite, dégager l'impact socio-économique d'une bonne gestion du transport collectif dans le développement et l'étalement futur de l'AMP et enfin bâtir un cadre de partenariat public-privé(PPP) selon la formule recommandée par la Banque Mondiale incluant les pouvoirs publics et la société civile tout en se basant sur le degré de commercialisabilité du service offert par les tap-tap. DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL * 1 IHSI, EBCM 1999-2000 (population, ménages et emploi), Port-au-Prince, Nov 2000, Vol.I. P. * 2 MTPTC, Etude Nationale des Transports, Rapport définitif (Le secteur des transports en Haïti), Louis Berger International inc, Août 1977, Tome II. * 3 ibid tome 3 * 4 Nom donné à un moyen de transport en commun dans l'AMP (Cf. T. Direny, Le tap-tap bwafouye face à l'urbanisation de Port-au-Prince, Mémoire de licence, UEH, Faculté d'ethnologie, Novembre 1999) * 5 Transter et Transvert furent deux compagnies éphémères de TC disparues avec les coopératives 15% le mois * 6 Coordination des Unités Techniques de Planification et de Programmation (MTPTC), Diagnostic sectoriel, Janvier 1999. * 7 IHSI, EBCM 1999-2000, Revenus, dépenses et consommation des ménages, Janvier 2001, Vol. II * 8 R. Ghiglione et B. Matalon, Les enquêtes sociologiques (Théories et pratiques), Armand colin, Paris 1978, P.11 |
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