Ou encore dans cet exemple du français moderne
(72) Haase (A), 1898, Syntaxe française du XVIIe
siècle, ed. Traduite et remaniée par M.Obert Paris,
Delagrave, 1971. p 22
« Il maniait les spécimens
étalés, en discutait la forme, la couleur, la bordure ; et
Frédéric se sentait de plus en plus irrité par son air de
méditation. »
(Flaubert, Educ. Sent. p.51)
Le pronom en a aussi
été employé en français classique à la place
des pronoms personnels à référent humain avec
de (de moi, de
toi, de lui, etc....)
« (...) La
politique l'obligeait d'approcher cette duchesse de sa personne afin d'en
approcher aussi le roi. »
(La Fayette, Pr. de Clèves, p.130)
« Ils
trouvèrent enfin qu'ils la (Mlle de Chartres) louaient trop, et ils
cessèrent de dire ce qu'ils en
pensaient ; mais ils furent contraints d'en
parler les jours suivants partout où ils se
rencontrèrent. »
(Id. ib. p.140)
« Il aimait une des plus
belles femmes de la cour et en était aimé. »
(Id. ib. p.160)
« Elle se mit
un jour à parler de lui, elle lui en dit du
bien et y mêla beaucoup de louanges empoisonnées sur la sagesse
qu'il avait d'être incapable de devenir
amoureux... »
(Id. ib. p.168)
Ce type d'emploi est toujours en usage dans la langue moderne
malgré les restrictions faites sur la référence du pronom
en. En effet, Wagner et
Pinchon reconnaissent que « le
pronom en peut évoquer une personne, surtout
avec un verbe qui admet pour complément un substantif évoquant
aussi bien un animé qu'un inanimé (dire
de, faire de, obtenir
de, parler de
etc....) » 73
(73) Wagner (RL) à Pinchon (J) Grammaire du
français classique et moderne, Paris, Hachette 1962- p.184-5.
« Enfin, un jour
elle (la Maréchale) répondit qu'elle n'acceptait pas les
restes d'une autre.
-Quelle autre
-Eh oui ! Va retrouver Mme Arnoux.
Car Frédéric en
parlait souvent ; »
(Flaubert, Educ sent. p.175)
Le pronom en représente dans
cet exemple Mme Arnoux qui doit être repris
régulièrement par d'elle.
En français moderne l'usage de
en référant à une
collectivité est également fréquent :
« -Ce soir je
dîne en ville
- Chez les Dambreuse ? Pourquoi ne
m'en parles-tu
jamais. »
(Id. ib. p.53)
« Représentant la compagnie près les
ouvriers, il s'en ferait adorer, naturellement, ce
qui lui permettrait, plus tard, de se pousser au conseil général,
à la députation ».
(Id. ib. p.222)
Dans ces exemples-ci en reprend
successivement les Dambreuses et les
ouvriers et peut être remplacé par
d'eux.
Ces emplois exceptionnels du pronom
en à référent humain
témoignent des écarts qu'il y a toujours entre la règle et
l'usage de la langue. Quant à Georges et Robert
Lebidois, ils considèrent cet emploi comme une faute de
grammaire.
* Le pronom
y :
Tout comme le pronom en, le pronom
y a gardé dans les textes classiques son
emploi pour représenter des personnes. Dans Les femmes
savantes y est souvent employé à la place du
personnel lui précédé de la
proposition à.
« - Votre visée au moins n'est pas mise à Clitandre
- et par quelle raison
n'y serait-elle pas ? »
(V 88-9)
Y anaphorise un nom propre
humain Clitandre
Ensuite aux vers 99-100
« Ainsi, n'ayant au coeur nul
dessein pour Clitandre,
Que vous importe-t-il qu'on y
puisse prétendre »
Ou encore aux vers 1026-7
« - oui, oui, je te renvoie
à l'auteur des Satires
- je t'y
renvoies aussi »
« (...)
c'est ma faute de lui avoir caché que j'aimais Mme de Tournon ; sil
l'eût su il ne s'y serait peut être pas
attaché... »
(La
Fayette, Pr. de Clèves, p.185-6)
Le pronom y réfère
à l'auteur des Satires qui est
également un antécédent humain.
En français moderne le pronom lui
précédé de
à conviendrait plus à la place du
pronom y.
Ces emplois de y représentant
une personne sont hérités de la syntaxe ancienne puisqu'au XVIIe
siècle ce pronom s'est spécialisé dans la
représentation des choses. Cependant l'emploi de
y à la place de lui
a été parfois conservé dans l'usage par les
écrivains jusque dans la langue moderne.
« -Tu
m'y présenteras plus tard, n'est ce pas, mon
vieux ?
- Certainement, dit
Frédéric. »
(Flaubert, Educ sent p.63)
Le pronom y anaphorise ici un
humain, il reprend Arnoux et l'équivalent
de à lui.
De même que les pronoms soi,
en et y qui ont, en
français classique, eu un antécédent humain à la
place de lui, elle et
eux, ceux-ci aussi, ont pu dans les textes du XVIIe
siècle représenter des noms de choses.
3-2 - Les pronoms lui, elle(s),
eux représentant des noms de choses à la place de
soi, en, et
y
Bien qu'au XVIIe siècle
lui, elle et
eux ont été (en position
accentuée) spécialisé dans la représentation
humaine, on constate dans l'usage qu'ils ont continué à cette
période à prendre la place des pronoms
soi, en,
y. Cela est stimulé sans doute par l'extension
donnée à leur emploi (ils remplacent
soi dans la représentation des personnes
définies) au détriment des restrictions faites sur ceux des
pronoms soi, en et
y qui sont réduits à la
représentation des choses dans la plupart de leurs emplois.
3-2-1- Le pronom
lui à la place du
réfléchi soi :
En français classique et en français
moderne, les grammairiens ont établi que le pronom
soi devait être employé pour marquer
la réflexion des noms de chose et des noms de personne
indéfinis (ou pronoms indéfinis).
En effet Brunot confirme :
« soi est aujourd'hui
exclusivement employé pour marquer la réflexion là
où le sujet est
indéterminé.74
Cependant cette règle qui était récente
à l'époque classique avait crée la confusion chez les
écrivains qui ont employé les deux pronoms l'un pour l'autre. Et
lui a été utilisé pour
représenter un antécédent humain indéfini à
la place de soi.
« On
répugne à se faire immoler ce qu'on aime
Et l'on veut n'obtenir un coeur que par
lui-même »
(Molière, Fem. sav
v.1509-10)
Ici lui-même assure la
réflexion du pronom indéfini on. Cet
emploi n'est plus admis en français moderne où le pronom
soi prendrait la place de
lui dans cet exemple.
3.2.2 Le pronom lui à la place de
en et y ou représentant une
chose :
En français classique, les pronoms
lui, elle et
eux ont parfois référé à
des noms de choses alors que la règle les réservait à la
référence humaine.
En effet après leur spécialisation ces pronoms
ont continué à servir dans l'usage dans des cas où la
norme exigeait l'emploi des adverbiaux en et
y.
Ces quelques exemples montrent des emplois irréguliers
des pronoms lui, elle,
eux.
« Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on
l'entend,
Un tel mot à l'esprit offre de
dégoûtant,
De quelle étrange image on est par
lui blessée »
(Molière Fem. sav v.9-11)
(74) Brunot (F), La pensée et la langue,
Paris, Masson et Cie, 1936. p.329
Le pronom lui dans cet exemple
reprend mal un nom de chose un tel mot. L'emploi du
pronom en serait plus approprié selon la
règle : de quelle étrange image on en est
blessé.
Il en est de même l'exemple :
« - Mon plus
solide espoir, c'est votre coeur, Madame
- Pour mon coeur, vous pouvez vous
assurer de lui »
(Id.
ib.v.1450)
Lui anaphorise dans ce passage-ci le
groupe nominal mon coeur alors que l'emploi du pronom
en est plus régulier : Vous pouvez
vous en assurer.
En français moderne ces emplois du pronom
à référent humain ne sont possibles que dans les cas
où le nom de chose qu'il reprend est personnifié. On peut voir ce
genre d'emploi dans l'exemple :
« Vous en voulez beaucoup
à cette pauvre cour.
Et son malheur est grand de voir que
chaque jour
Vous autres, beaux esprits, vous
déclamiez contre elle
(Molière, Fem. sav. v.1331-3)
Le pronom elle représente
la cour parce que Clitandre en parle comme d'une
personne.
Le français moderne n'emploie plus ces pronoms
à référent humain pour reprendre des noms de chose, il
utilise à leur place d'autres pronoms ou groupes nominaux
équivalents comme, celui-ci,
ce (s)
dernier (s),
ceux-la, etc. C'est ce qui fait que des exemples
comme :
« Je ne puis consentir, pour
gagner suffrages,
A me déshonorer en prisant ses
ouvrages ;
C'est par
eux qu'à mes yeux, il a d'abord
paru »
(Id. ib v.247-9)
ne s'aurait être en règle dans la langue actuelle
qui n'emploie ces pronoms pour référer à par des choses
que lorsque cet emploi sont strictement nécessaire. En effet,
Haase rapporte à ce sujet, qu'au XVIIe siècle,
« Th. Corneille exige l'emploi qui prévaut
aujourd'hui et consiste à éviter autant que possible le pronom
tonique de la troisième personne en parlant de
choses. »75
Après l'étude de cette partie de notre
travail, nous avons constaté que la référence du pronom
personnel est un thème qui a beaucoup suscité
l'intérêt des remarqueurs classiques (Vaugelas,
Le père Bouhours, Andry de Bois-Regard
etc.) Cela est du au fait que le XVIIe siècle est l'époque
où, les règles visant la stabilité et la clarté
dans la représentation pronominale ont été
instaurés. Ces règles classiques ont cependant connu plus de
succès en français moderne. En effet à cette
première période, les pronoms personnels ont eu, pour la plupart,
des emplois qui n'ont pas survécu dans la langue moderne, soit à
cause :
* de la norme de clairvoyance qui a condamné certaines
tournures ambiguës ou
*de la spécialisation des pronoms qui a limité les
capacités référentielles de certains d'entre eux.
(75) Haase (A) Syntaxe française du
XVIIème siècle éd.
Traduite et remaniée par Monsieur Obert, Paris, Delagrave, p29
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