Partie 2
Internet :
« Devenir Média »
Les enjeux de la stratégie Web dans la communication des
Associations Humanitaires
Pour comprendre les enjeux et la fonction d'Internet,
intéressons nous d'abord sur ce qu'est un média avec les
différents médias existants, puis nous étudierons à
«l'hypermédia» qu'est Internet.
I - Medium, media
A - le milieu
Medium, en latin, c'est le milieu, le centre.
C'est donc ce qui «est entre»... Ce qui est entre
nous et vous. Tout être vivant vit dans un «milieu» qu'il
organise en fonction de son système nerveux. Et nous-mêmes, nous
sommes évidemment très loin de pouvoir nous représenter le
centième ou même le millième ou le millionième des
interactions qui définissent ce que nous appelons notre
«milieu» et notre relation à ce milieu...
Mais laissons là la biosphère et
l'écologie du vivant pour nous centrer sur l'idéosphère,
sur la sphère de nos idées dont les médias,
précisément, sont le milieu. Car les médias sont le milieu
de nos idées. Les médias, ce sont le milieu dans lequel circulent
nos idées, et ce sont aussi les moyens par lesquels elles circulent.
Pour exister pour autrui (et sans doute aussi pour
nous-mêmes), nos idées ont besoin d'un médium, milieu et
moyen. Nos idées ont d'abord besoin de la parole, intérieure ou
extérieure (un aphasique a-t-il encore les idées qu'il ne peut
exprimer?). Pour que ces idées demeurent, elles doivent être
mémorisées : dans un premier temps ce seront les longs
apprentissages oraux des sociétés «sans
écriture», assortis des moyens mnémotechniques de la
versification, du rythme, etc. Puis, l'écriture est découverte et
permettra à l'homme de remplir cette fonction de stockage de
l'information, qui libérera de la présence d'un interlocuteur,
mais aussi de décontextualisation (permettre de couper l'énoncer
de son énonciateur). D'après Sir John Goody, l'écriture
entraîne un travail critique qui permet de distinguer, d'analyser, comme
la vue par rapport à l'ouie, cela oblige l'homme à la
réflexion théorique 1.
« Ecrire c'est (RE) construire un monde »
2.
B - Les 3 âges des média
Le premier âge des médias, Régis
Debray 3 le nomme, logosphère:
«L'Âge théologique». Et il explique cela par:
« L'écriture est de Dieu:
Dieu dicte, l'homme note et dicte à son tour. On lit
avec les lèvres, et en groupe. Les grandes religions fixent par
l'écrit une révélation orale. La Bible dit tout sur tout.
Le Coran aussi. D'où la sainteté du Langage et la toute puissance
théologique de la parole (...) L'esprit humain n'invente pas. Il
transmet une vérité reçue »
3.
1
2
: Sir John Goody, «The domestication of the savage
mind», Cambridge University Press, 1977, 192p.
: William Spano, maître de conférence à
l'université Lyon 2 Lumière, France (69), responsable de la
Licence Professionnelle Communication électronique.
3 : Régis Debray, «Cours de
médiologie générale», Edition Gallimard, Paris, 1991,
395p.
Ensuite vient le deuxième âge, avec l'invention de
l'imprimerie, la graphosphère:
« Subordination de l'image au texte, apparition de
l'auteur (et de l'artiste) comme garant de la vérité, abondance
des références écrites, liberté d'invention. On lit
avec les yeux » 1.
Enfin l'électron « fait descendre le livre de son
piédestal symbolique » 1 et c'est la
vidéosphère : « Le visible y fait autorité, en
contraste avec l'omnipotence antérieurement reconnue aux grands
Invisibles (Dieu, l'Histoire ou la Raison) »
1.
Ces «trois états» se succèdent au cours
de l'histoire des hommes, l'un (ou l'une) ne remplace jamais l'autre, ne
détruit jamais l'autre: elles s'emboîtent.
« Il y avait 900 documents dans les archives de Charles V
et il y en a à peu près 11.000.000 à la
Bibliothèque Nationale. Ce n'est plus la même bibliothèque,
mais les 900, ou leurs copies, sont toujours en stock. (...) Les
écosystèmes s'emboîtent dans la culture comme ils le font
dans la nature; et chaque médiasphère est elle-même
l'emboîtement des sphères précédentes,
imbriquées les unes dans les autres, avec des parties vivantes et des
parties survivantes. (...) Les médiasphères ne se
succèdent pas en se chassant l'une l'autre, et pourtant chacune a son
unité propre, sa personnalité. (...) Le cinéma n'a pas
tué le théâtre, l'avion n'a pas tué le train, ni la
télé et le journal. Ni le fax à la carte postale de nos
grand-mères. (...) Ajoutons que l'informatique ne nous a pas
enlevé nos stylos, ni la bicyclette à nos coureurs à pied.
Toute la question est de savoir si les propriétés de chaque mode
de transmission, les pratiques et les rôles sociaux qu'ils supportent
restent les mêmes, après chaque mutation. Notre-Dame est toujours
au coeur de Paris (et sans doute plus visible, mieux dégagée
qu'au 15ème siècle). Mais elle n'est plus dans le coeur des
Parisiens » 1.
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