Les enjeux de la coopération sino-africaine( Télécharger le fichier original )par Awuve Koffi Afetogbo AZILAN Ecole Nationale d'Administration du Togo - Diplome de Cycle III de l'ENA, Option Diplomatie 2008 |
Paragraphe II : Les attentes de l'AfriqueDans le cadre de la coopération sino- africaine, la Chine et l'Afrique ont des intérêts partagés. Si la Chine gagne beaucoup de cette coopération, l'Afrique n'en attend pas moins. Cette coopération lui offre l'avantage d'avoir des ressources additionnelles pour financer son développement (B). Elle permet également le contournement des circuits commerciaux traditionnels (A). A- Le contournement des circuits commerciaux traditionnels L'indépendance des pays africains dans les années 60 devrait leur permettre de discuter d'égal à égal avec les ex-dominateurs sur la scène internationale et beaucoup plus spécifiquement, sur le marché international. Tel n'est cependant pas le cas. Les pays africains se sont retrouvés dans un schéma de fidélisation à leurs colonisateurs d'hier devenus aujourd'hui leurs clients privilégiés. Certes, il est souvent reproché à l'Afrique de n'exporter que des matières premières sans réelle valeur ajoutée mais la vente de ces matières aurait pu être rentable s'il lui était donné de discuter librement les cours sur le marché international et de les vendre à qui elle voudrait. Il s'est au contraire instauré des circuits commerciaux qui lient chacun des pays africains à son ancienne puissance colonisatrice ; ce qui n'est pas à l'avantage de ces pays. La France par exemple est le premier partenaire commercial de plusieurs pays africains francophones. Non pas que ces pays n'ont pas la volonté d'essayer d'autres partenaires mais il pèse sur eux une sorte d'épée de Damoclès qui menace la stabilité des régimes en place. L'arrivée de la Chine en Afrique offre aux pays africains la possibilité de choisir leurs partenaires et de contourner ainsi ces circuits commerciaux traditionnels qui ne sont libéraux que de façade. Ceci est ou peut être profitable à l'Afrique. Comme le relève si bien Alpha Omar Konaré, ancien Président de la Commission de l'UA «...cela nous permet de faire jouer la concurrence »46(*). Et cette mise en concurrence est au profit de l'Afrique. Avant l'arrivée du dragon asiatique sur le continent noir, les pays africains n'avaient d'autres choix que ceux offerts par les occidentaux qui ont en réalité un véritable monopole sur le commerce africain. Ces derniers achètent les matières premières sur le continent au prix qu'ils arrêtent eux-mêmes, leurs interlocuteurs d'Afrique n'ayant d'autres choix. Aujourd'hui, l'entrée de la Chine47(*) sur le marché africain permet à l'Afrique de pouvoir comparer les offres. Comme cela se dit vulgairement, c'est dans la multiplicité que le choix est possible. Cette situation contribue à la réelle indépendance économique des pays africains. « Un individu ou un pays, s'il ne peut choisir librement, n'est ni indépendant ni souverain »48(*). Le commerce sino-africain a eu pour conséquence majeure d'entraîner une hausse sensible des prix des matières premières et offre la chance aux ménages africains de s'offrir certaines marchandises qu'ils ne pourraient avoir même s'ils accumulaient les économies de toute une vie de travail. B- L'apport de ressources additionnelles pouvant financer le développement L'Afrique est le continent le moins développé au monde. « La pauvreté y est omniprésente », dira Henry Kissinger, avant d'ajouter que « l'Afrique est le continent dont le taux de croissance économique est le plus faible et la modernisation y a pris un immense retard »49(*). Depuis leur accession à l'indépendance, les pays africains cherchent des pistes pour amorcer leur processus de développement mais les résultats obtenus jusque là sont sinon décevants, du moins pas très concluants. L'aide publique au développement octroyée par les pays occidentaux et qui a été présentée comme devant apporter à l'Afrique les ressources financières indispensables à sa relance économique n'a accouché que d'une souris. Elle a été insuffisante ou dans certains cas, tellement liée et accompagnée de conditionnalités qu'elle n'a presque pas profité aux pays bénéficiaires. Selon Antoine Glaser, Directeur du journal la Lettre du continent, « jusqu'en 2000, sur 100 francs français donnés à un pays africains, 61 reviennent dans l'hexagone sous forme de commande ».50(*) Dans ce contexte, l'aide chinoise est la bienvenue pour bon nombre de pays africains qui du reste, sont en rupture de paiement vis-à-vis des institutions financières internationales. En effet, les investissements de la Chine en Afrique s'accroissent de façon régulière et les champs de la coopération sino-africaine ne cessent de s'élargir. Durant les six premiers mois de l'année 2007, les investissements directs réalisés par les entreprises chinoises en Afrique ont atteint 485 millions de dollars US. Le Fonds de Développement Chine-Afrique, qui est devenu opérationnel depuis juin 2007, vise à encourager les entreprises chinoises performantes et crédibles à investir en Afrique et à s'engager dans les projets permettant d'élever le niveau technologique des pays africains, de créer des emplois et de promouvoir le développement socio-économique de ces derniers. Le gouvernement chinois a mis à la disposition de ce fonds 5 milliards de dollars. Par ailleurs, la Chine s'est engagée en 2005 à octroyer 10 millions de dollars de prêts concessionnels à l'Afrique pour la période 2006-2008. Pour ce qui est de l'aide publique au développement, il y a lieu de mentionner que le gouvernement de la RPC a fait des dons considérables aux pays africains. Toutes ces aides constituent des moyens dont l'Afrique pourrait se servir pour relancer son économie et amorcer le développement. * 46 Marwane Ben Yamed, « Mirage ou miracle », Jeune Afrique l'Intelligent, n°2392, Op. cit.p.42 * 47 Non seulement elle mais aussi l'Inde, le Brésil, bref, tous les pays émergents. * 48 Lu Shaye, Ambassadeur de Chine au Sénégal, « La Chine, une opportunité et non une menace pour l'Afrique », www.gabrielperi.fr * 49 Henri Kissinger, La Nouvelle Puissance américaine, Ed. Nouveaux Horizons, Paris, 2003, p. 223. * 50 Antoine Glaser et Stephen Smith, Comment la France a perdu l'Afrique, Ed. Hachette Littérature, col. Pluriel, Paris, 2006, p. 103. |
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