Le management par la valeur financière : une approche nécessaire à la démarche stratégique( Télécharger le fichier original )par Hervé DORNIER ESSEC - Mastere Gestion Financière Controle 2008 |
2. LES MESURES DE CREATION DE VALEUR FINANCIERELe terme de création de valeur n'est apparu que récemment dans la littérature économique. Il s'est en fait imposé à la fin des années 90, porté par les principaux cabinets de consultants anglo-saxons. TSR, MVA, EVA, CVA, autant d'indicateurs en quête de mesurer la création de valeur, les premiers se fondant sur la valorisation boursière, les seconds se fondant sur une estimation interne. Ces indicateurs sont le plus souvent utilisés pour mesurer la création de valeur a posteriori. Dès lors, ces indicateurs ne présentent pas beaucoup d'intérêt pour les dirigeants, dont la problématique est de mesurer « ex ante » la création de valeur induite par les stratégies qu'ils entendent mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle nous introduirons la méthode de valorisation basée sur l'actualisation des Flux de Trésorerie Disponibles, qui, selon la théorie financière, permet de mesurer la valeur de tout actif, quel qu'il soit (qu'il s'agisse d'une entreprise, d'une machine, d'une marque...) sur la base des flux de trésorerie qu'il génère. 2.1. Les mesures externes de création de valeur2.1.1. TSRLe modèle TSR (Total Shareholder Return) représente le taux de rémunération des actionnaires. Développé par le Boston Consulting Group, il se mesure par la variation de la capitalisation de l'entreprise sur une année, à laquelle est ajouté le montant des dividendes versés, exprimée en pourcentage de la capitalisation en début de période. En admettant qu'il n'y ait pas eu d'émission ou de rachat de titres, on peut l'exprimer ainsi : 2.1.2. MVALa Market Value Added est la différence entre la capitalisation boursière et la valeur comptable des capitaux propres. Elle représente la valeur financière créée par l'entreprise depuis son origine. Le principal reproche que l'on peut adresser à ces instruments de mesure est qu'ils ne peuvent être mis en oeuvre au niveau des entreprises non cotées, et a fortiori au niveau de SBU (Strategic Business Unit). Par ailleurs, ces indicateurs mesurent la création de valeur ex post, à partir de données passées (même s'il faut relativiser concernant la MVA, qui intègre à date la création de valeur anticipée perçue par le marché). 2.2. Les mesures internes de création de valeur financièreLes instruments qui suivent présentent l'avantage de pouvoir être mis en oeuvre au niveau d'entreprises non cotées. 2.2.1. EVA et CVAv L'EVA L'Economic Value Added s'estime par différence entre le résultat opérationnel après impôt et le résultat normatif : Exprimé autrement : Avec Ka : rentabilité de l'actif économique, CMPC : Coût moyen pondéré du capital. En d'autres termes, l'EVA correspond au surplus de valeur dégagé par un investissement ou une entreprise sur une année. Ce surplus est égal à la différence entre la rentabilité obtenue et la rentabilité espérée compte tenu des fonds qu'il a fallu engager. L'EVA introduit donc la notion fondamentale de supplément de valeur par rapport au coût d'opportunité du capital. Le coût d'opportunité du capital ou Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC ou WACC en anglais pour Weight Average Cost of Capital) représente le coût d'opportunité supporté par les différents apporteurs de fonds (actionnaires et créanciers financiers) pour les sommes qu'ils ont mises à disposition de l'entreprise, compte tenu du risque qu'ils supportent. Il correspond à la moyenne entre la rentabilité qui est exigée par les actionnaires (Rc) et celle qui est exigée par les créanciers financiers (Rd), pondérée par la part respective, en valeur de marché, des capitaux propres (Vcp) et des dettes financières (Vdf) dans le financement de l'entreprise. Cette moyenne tient également compte du fait que les intérêts des emprunts sont fiscalement déductibles. La détermination du CMPC fait l'objet d'un développement en Annexe A. La Cash Value Added est la traduction en termes de trésorerie de l'EVA : Où FT opérationnel (Operating Cash Flow) = ROP après impôt + DAP - Investissements de maintien La CVA introduit quant à elle la notion incontournable, s'agissant de création de valeur, de flux de trésorerie. Elle présente l'avantage de mesurer la performance de l'entreprise à l'aune du supplément de trésorerie dégagé au-delà du cash attendu par les investisseurs, et non plus seulement à l'aune du supplément de résultat dégagé par l'entreprise. Illustration - Calcul de l'EVA et de la CVA de BLINI Le Tableau 1 permet de calculer l'EVA et la CVA de BLINI sur l'exercice 2006-2007. Avec ROP après impôt = -1 391 ke FT opérationnel = 1636 ke CMPC = 8,6% AE = 32 541 ke ð EVA = -4 177ke ð CVA = -1 150ke Tandis que l'EVA enregistre une destruction de valeur massive, principalement en raison d'une dépréciation de l'actif incorporel (marque), la CVA « limite la casse », la dépréciation de la marque ne se traduisant pas par une sortie de cash. La CVA est affectée principalement par la détérioration du BFR et l'augmentation des investissements. Soulignons que même si la dépréciation de la marque ne donne pas lieu à sortie de trésorerie, il n'en est pas moins vrai que cela correspond à une perte de valeur pour l'entreprise. Cela signifie en effet que la marque n'est plus en mesure de maintenir le niveau de flux qui justifiait de son prix lors de son acquisition. Ainsi, en mars 2002, Jean-Marie Messier, présentant les résultats annuels de Vivendi Universal, se félicitait d'une augmentation de l'Ebitda de 5 milliards d'euros. La suite de la présentation faisait ressortir des dépréciations pour 15,7 milliards d'euros, induisant une perte nette de 13,6 milliards. J.-M. Messier expliquait alors : `il s'agit là d'une écriture comptable ne correspondant à aucune sortie de trésorerie ». En fait, les acquisitions avaient induit de fortes sorties de fonds et un recours massif à l'endettement, et l'on sait ce que l'histoire dira par la suite de la stratégie mise en oeuvre sous l'ère Messier. Pour autant, EVA et CVA ne permettent pas le pilotage de l'entreprise par la valeur, car elles ne rendent compte que du passé. Pour juger de la création de valeur « en devenir », la seule susceptible d'intéresser le Dirigeant « à la manoeuvre », nous ferons appel à la méthode de l'actualisation des Flux de Trésorerie Disponibles (FTD). Cette méthode, comme son nom l'indique, repose sur l'un des axiomes de la théorie financière qui stipule que tout actif est assimilable à un actif financier et peut être évalué sur la base de la somme des flux de trésorerie futurs qu'il va générer, actualisés à un taux qui reflète l'aléa lié à ces flux. C'est cette méthode que nous nous proposons d'étudier dans le chapitre qui suit. |
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