Les changements profonds observés sur les
marchés de capitaux ces dix dernières années ont
modifié les contours de la notion de liquidité. Aujourd'hui, la
liquidité et le crédit sont créés en grande partie
en dehors du système bancaire. Parallèlement à la
fourniture de liquidité par le biais de l'intermédiation bancaire
classique se développe une deuxième composante qui dépend
du montant des lignes de crédits que les intermédiaires
financiers sont disposés à accorder à leurs contreparties.
Par conséquent, la dépendance des intervenants de marché
vis-à-vis de la liquidité de marché s'est accrue. Une
interaction étroite s'est développée entre la
liquidité, la valorisation des actifs titrisés et la
solvabilité21. De nouveaux vecteurs de contagion sont apparus
et, enfin, l'incertitude exerce une incidence sans précédent sur
la liquidité de marché et de financement.
Toutefois, il est plus facile d'identifier la
liquidité que de la définir précisément.
Fondamentalement, la liquidité peut être décrite comme
étant la facilité avec laquelle il est possible d'extraire de la
valeur à partir d'actifs. Cette extraction de valeur peut être
réalisée, soit en utilisant sa solvabilité pour obtenir
des financements externes, soit en vendant son papier sur le marché.
Le premier concept, la « liquidité de
financement », permet d'appréhender la capacité des
institutions financières à remplir leurs fonctions
d'intermédiation. En général, une institution
financière est un fournisseur de liquidité qui émet des
titres à court terme. Cela dans le but de détenir des actifs
moins liquides et dont les capitaux propres lui permettent de couvrir le risque
de liquidité et de dégager par la fourniture de services de
liquidité une rentabilité supérieure au coût des
capitaux investis.
Le deuxième concept, la « liquidité de
marché », concerne la capacité de réaliser des
transactions d'une manière qui permette d'ajuster les portefeuilles et
les
21 Caballero R. et Krishnamurthy A. «
Collective risk management in a flight to quality episode », à
paraître dans The Journal of Finance
profils de risque sans que les prix sous-jacents en subissent
l'incidence. Les dimensions qui caractérisent la liquidité du
marché incluent :
· La « profondeur » du marché, ou la
capacité de réaliser des transactions de grande ampleur sans
influer de manière excessive sur les prix ;
· L'«étroitesse du marché», ou
l'écart entre le cours acheteur et le cours vendeur;
· L'«immédiateté», ou la
rapidité avec laquelle les transactions peuvent être
exécutées ;
· La « résilience », ou la rapidité
avec laquelle les prix des actifs reviennent à leur niveau normal
après un épisode de perturbation des marchés.
La liquidité de marché exerce une incidence sur
tous les intervenants. Elle peut constituer un puissant vecteur de contagion
quand ses fluctuations déclenchent des mouvements à
caractère discret des prix des actifs, suivis d'une expansion -- ou
d'une contraction -- brutale des fonds propres des institutions
financières, et enfin, dans une réaction en boucle, d'une
augmentation -- ou d'une diminution -- de leur capacité à fournir
de la liquidité au marché.
Depuis l'été 2007, les marchés mondiaux
de capitaux ont été entraînés dans une crise de
liquidité sévère. Un certain nombre d'intervenants de
marché ont pointé du doigt des stratégies de concurrence
imparfaite, qui pourraient expliquer les tensions observées sur le
marché interbancaire. En effet, certaines banques se sont sans doute
montrées peu enclines à prêter de la liquidité
à court terme afin de rétablir leur propre influence sur le
marché en affaiblissant leurs concurrentes. La section suivante sera
consacrée à l'analyse de cette crise.