I.2 Principaux segments du marché
Il importe de souligner que même si le marché
des CDO a vu le jour aux États- unis, il s'est par la suite
développé rapidement et sous diverses formes en Europe ainsi
qu'en Asie (cf. figure ci-dessous). A ce stade, il demeure néanmoins
difficile d'évaluer précisément l'importance de chacun de
ces segments du marché. Cela en raison du
poids variable des CDO synthétiques selon les zones
d'émission, mais aussi de la diversité des mesures visant ce
segment.
En ce qui concerne les CDO de flux, le marché global
aurait représenté en 2004 plus d'une centaine de milliards de
dollars en termes de volume d'émission, dont les trois quarts aux
États-unis, le cinquième en Europe et les 5 % restants en
Asie.
Figure 9 : Émission de CDO de flux selon la zone
géographique
Source : JP Morgan
S'agissant des CDO synthétiques, il existe peu
d'estimations de la taille du marché. La banque de données
creditflux (fournisseur de données et éditeur d'une revue sur le
marché des dérivés de crédit et des CDO), diffuse,
certes, des informations sur ce segment, mais elle ne couvre pas l'ensemble du
marché. A l'appui des chiffres émanant de cette source et des
estimations de JP Morgan, il est néanmoins possible d'évaluer le
marché global des CDO synthétiques selon les différents
critères de mesure disponible comme indiqués dans le tableau
ci-dessous :
Tableau 2 : Méthodes de mesure et estimations des
volumes globaux de CDO en 2004
A s'en tenir aux montages financés, le volume des
émissions représenterait près du double de celui des CDO
de flux. Au sein de la catégorie des CDO synthétiques, les
données décomposant les émissions par zone
géographique sont rares. Il est néanmoins possible
d'évaluer leur importance par rapport aux émissions de CDO de
flux dans chaque zone.
Depuis l'apparition des premiers CDO, à la fin des
années 80 aux États-unis, l'éventail des structures des
actifs sous-jacents n'a cessé de s'élargir, tout en gagnant en
complexité. La sophistication croissante des produits est notamment
liée à l'objectif de satisfaction de la demande des investisseurs
sur le marché.
I.3 Des investisseurs de plus en plus
diversifiés
Selon l'enquête annuelle Fitch (2004) sur les
dérivés de crédit, il semble que les intervenants sur le
marché des CDO soient, en premier lieu, des établissements de
crédit (acheteurs nets de protection, donc vendeurs nets de CDO) et des
compagnies d'assurance (vendeuses nettes de protection, donc acheteuses nettes
de CDO) dans le but de transférer les risques liés à
l'assurance vers les marchés financiers. Parmi ces dernières,
figurent des compagnies spécialisées dans la garantie du risque
de crédit (assureurs monoline) qui investissent en
priorité dans les tranches super senior non notées des montages
synthétiques.
En effet, une étude « sigma » publiée
en 2007 par le groupe Swiss Re, qui dresse un bilan complet des marchés
mondiaux de l'assurance, confirme la bonne santé du marché de
l'assurance-vie. En 2006, les encaissements de primes ont totalisé 3 723
milliards USD dans le monde, repartis comme suit : 2 209 milliards USD
l'assurance vie et 1 514 milliards USD pour l'assurance non-vie. Ainsi, le
volume total des primes a progressé de 5% en terme réel, les
primes vie augmentant de 7,7% contre 1,5% pour les primes non-vie. Avec la
disponibilité de cette manne financière, on a assisté
récemment à la titrisation dans le secteur assurantiel (la
première transaction s'étant déroulée au
début des années 90). Les assureurs vie titrent certaines parties
de leurs
activités. En vendant des risques aux investisseurs,
les compagnies d'assurance ont moins besoin de fonds propres et augmentent leur
capacité à souscrire de nouveaux contrats. En plus, les assureurs
vie et les fonds de pension sont de plus en plus confrontés au risque de
longévité. La titrisation devrait permettre une certaine
atténuation de ce risque. Ces cinq dernières années, le
volume des titres assurantiels non-vie en circulation a doublé, tandis
que celui des obligations de l'assurance vie a triplé, portant l'encours
total des titres à environ 23 milliards USD.
Au niveau juridique, il existe des réglementations
régissant la solvabilité des compagnies d'assurance
(réglementation fédérale au Canada, Solvabilité I
et bientôt II en Europe). Selon le Bureau d'assurance du Canada, parmi
les pays du G7, le Canada est celui qui a les exigences règlementaires
en matière de capital et de placement les plus strictes. Ainsi, selon la
section 2 de la norme canadienne 81-102 relative aux placements : « les
fonds ne sont pas autorisés à détenir plus de 10% d'une
catégorie de titres d'une même société (à
l'exception des titres gouvernementaux). De plus, ils ne peuvent investir plus
de 10% de leur actif dans d'autres fonds de placement, ni détenir plus
de 10% de leur actif dans des titres non liquides ».
Par rapport à ces restrictions, étant
donné que les CDO (du moins certaines tranches) ont la même note
que les titres gouvernementaux (AAA), avec en plus de meilleurs rendements, il
est évident que les fonds s'orientent davantage vers ces produits de
titrisation. N'est ce pas d'ailleurs ce qui aurait sous-tendu les
investissements du leader mondial de l'assurance AIG (American International
Group). En effet, selon le Wall Street Journal du 06 juin 2008, la compagnie
AIG ferait l'objet d'une enquête de la SEC car elle aurait
exagéré la valeur de certains produits financiers (CDS)
liés aux segments à risque « subprime mortgages
»11.
Par ailleurs, les hedges funds et les
départements de banques en charge de la gestion pour compte propre
semblent avoir accentué leur présence à mesure que le
marché des CDO gagnait en complexité. Ainsi, ils exploitent la
liquidité et la
11
http://fr.biz.yahoo.com/06062008/17/aig-enquete-de-la-sec-sur-des-contrats-lies-au.html
flexibilité des tranches standardisées de CDO
référencées sur les indices de CDS, pour prendre des
positions acheteuses ou vendeuses selon leurs vues sur les niveaux de
corrélation de défauts au sein des portefeuilles sous-jacents. De
même, ils se portent volontiers contrepartie des opérations de
couverture des vendeurs de CDO à tranche unique. Enfin, ils investissent
dans des tranches non financées qui leur permettent d'obtenir un effet
de levier important, avec une mise de fonds minimale. Au total, Standard and
Poor's (2005) estime que les hegdes funds représentent un tiers de
l'activité globale sur les CDO.
Au regard de cette croissance et évolution du
marché et à condition de s'appuyer sur des montages bien
conçus et robustes, les CDO peuvent faciliter grandement la dispersion
du risque de crédit au sein d'un large éventail d'investisseurs.
Leur portefeuille sous-jacent peut, en effet, recouvrir un grand nombre de
signatures et de secteurs économiques. La part de chaque signature et de
secteur dans le portefeuille est limitée à un niveau très
faible (typiquement 2%). L'on se demande donc si ces produits ont pleinement
joué ce rôle de dispersion du risque ces dernières
années avec la crise de l'été 2007. Les agences de
notations sont, au demeurant, devenues très attentives à la
vérification de ces conditions déterminantes dans le processus
d'attribution des notes aux tranches de CDO. Nous allons analyser plus en
détail ces éléments dans la prochaine section.
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