Partie 2: UTILISATION DES CDO
Dans le cadre de notre analyse, il serait intéressant
de faire une opposition schématique de deux visions du monde de la
finance : l'« ancien » et le « nouveau ». L'« ancien
» monde de la finance est caractérisé par un système
d'intermédiation bancaire dans lequel seules les banques jouent un
rôle d'intermédiaires financiers. En revanche, dans le «
nouveau » monde de la finance titrisée, avec à la clé
le développement fulgurant des produits sophistiqués à
l'instar des CDO, la majeur partie de l'intermédiation financière
est affectée sur les marchés. Cette affectation se fait par le
biais de transactions sur titres. Les positions et les titres sont bien entendu
valorisés en valeur de marché (ou en juste valeur) sur les livres
des intermédiaires financiers7.
Dans l'un comme dans l'autre de ces deux mondes, des chocs
peuvent se produire, découlant par exemple d'une modification brutale de
la demande de liquidité. Des retraits massifs (banK runs) se produisent
lorsque les déposants commencent à émettre des doutes sur
la solvabilité d'un établissement et retirent
précipitamment leurs dépôts (en septembre 2007, ruée
des clients sur la banque Northern RocK au Royaume-Uni pour la clôture de
leurs comptes). Cette situation crée ou aggrave la pénurie de
liquidité au niveau de la banque.
De même, des doutes relatifs à la valeur des
actifs sous-jacents peuvent entraîner un effondrement de la demande de
titres à court terme émis par un intermédiaire financier.
Ce qui peut déclencher une crise de liquidité. Ces deux
phénomènes ont été d'ailleurs observés
depuis le début des perturbations financières actuelles, que nous
analyserons dans la suite de notre étude. Ces chocs, qu'ils se
produisent dans un système d'intermédiation bancaire ou de
marché, résultent de défauts de coordination entre les
déposants et les investisseurs.
7Banque de France -- Revue de la stabilité
financière -- Numéro 11
I. EVOLUTION DU MARCHE
I.1 Difficultés de mesure
Le marché des CDO est particulièrement
difficile à quantifier et à cartographier. Cela est dû
à un défaut de sources fiables, cohérentes et
représentatives de l'ensemble du marché. Les données
disponibles, qui sont essentiellement produites par les agences de notation
financières et les banques d'investissement, portent sur les volumes
d'émission et non sur les encours8. En outre, elles sont
souvent parcellaires, hétérogènes et difficiles à
réconcilier. En effet, une grande partie du marché est
constituée de placements privés non notés. La
généralisation des CDO à tranche unique a encore
renforcé cette tendance.
Par ailleurs, si les CDO de flux ne soulèvent pas de
difficultés de mesure, il en va tout autrement pour les CDO
synthétiques, qui posent un problème spécifique. Il s'agit
notamment de la variété des structures de financement de ces
produits. Pour un CDO de flux, il suffit, en effet, de mesurer le montant des
tranches émises, qui correspond peu ou prou à celui du
portefeuille sous-jacent. En revanche, pour un CDO synthétique, le
montant des tranches émises peut ne correspondre qu'à une
fraction du portefeuille de dérivés sous-jacent.
Les émissions de CDO synthétiques font ainsi
l'objet de trois types de mesures concurrentes :
· La première porte sur la partie «
financée » des émissions. Dans ce cas, l'accent est mis sur
le montant des tranches émises. Cette mesure est très
utilisée car les données sont assez simples à obtenir et
permettent d'évaluer l'importance relative des CDO par rapport aux
émissions obligataires privées. Cependant, elle sous-estime la
taille du marché des CDO synthétiques par rapport à celui
des CDO de flux, ainsi que
8 OLIVIER COUSSERAN, Direction des Études et
des Statistiques monétaires, Banque de France
l'ampleur des transferts de risque de crédit auxquels
ces produits donnent lieu.
La deuxième mesure vise le montant du portefeuille
sous-jacent. Elle permet de bien appréhender le montant de risque de
crédit transféré, mais elle aboutit à
surpondérer les volumes d'émission des CDO à tranche
unique. Portant, au niveau de ces derniers, seule une fraction du portefeuille
de référence fait l'objet d'un transfert de risque.
Enfin, la troisième mesure porte sur l'offre de
protection de crédit découlant des opérations de
couverture des émissions de CDO synthétiques (CDO bid for
credit). Cette méthode de mesure relativement récente (apparition
en 2003) est spécialement adaptée aux CDO à tranche
unique. Elle consiste à mesurer les émissions de CDO
synthétiques à l'aide des besoins de couverture « en delta
neutre » qu'elles imposent aux arrangeurs. Ces besoins sont variables
selon la taille de la tranche émise, son niveau de subordination et donc
son effet de levier. Elle permet, ce faisant, d'évaluer l'incidence
potentielle des émissions de CDO sur les spreads de crédit des
signatures traitées sur le marché des CDS (Credit default
Swaps).
Par exemple, pour un portefeuille de référence
de 100 millions d'euros, une tranche mezzanine de 3 millions signifie pour
l'arrangeur la nécessité de vente de protection à titre de
couverture pour un montant 5 fois plus important (delta -5) sur le
marché des CDS. Les ventes de protection requises
s'élèvent donc à 15 millions d'euros, niveau
intermédiaire entre la taille de la tranche et celle du portefeuille
sous- jacent.
Au regard de cette difficulté de mesure du
marché, il importe d'analyser la problématique liée
à la corrélation des rendements des actifs au travers de la
notion de copules.
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