C'est dans ce contexte quelque peu pessimiste que m'a
été confiée la mission d'effectuer une enquête sur
les publics des Archives sonores et du Centre de documentation musicale. Cette
enquête avait pour objectif d'obtenir des informations concernant la
composition des publics de ces services qu'aucune donnée existante ne
mesurait, si ce n'est en terme de documents consultés, les fiches de
communication des documents étant conservées pour être
ensuite transcrites en statistiques. L'enquête, qui ne devait
initialement porter que sur les publics des Archives sonores, ne visait pas
tant à définir une typologie très précise des
publics (qui aurait été faussée de toute façons du
fait de la période de réalisation de l'enquête, en pleines
vacances d'été), mais surtout de tenter de définir les
usages transversaux des publics, à l'intérieur de la MMP et au
niveau des autres établissements musicaux de Paris.
Compte tenu de la pluralité des problèmes
soulevés par la mise au point de cette enquête, il ne paraît
pas inutile de détailler la mise en oeuvre de cette entreprise point par
point. Pour répondre à la question « qui sont les
publics des Archives sonores et du Centre de documentation et quelles sont
leurs pratiques ? », il importait au préalable de
collecter un maximum d'information documentaire sur la MMP, ses
départements et ses publics. Ici la bibliothèque professionnelle
de la MMP (revues, ouvrages de référence, mémoires de
l'ENSSIB, rapports de missions...) et les ouvrages personnels de Gilles Pierret
m'ont donné une solide connaissance de la problématique de la
musique en bibliothèque et de la question des publics. Les entretiens
réalisés auprès d'Alfred Caron et de Gilbert Morrison,
responsables respectifs des Archives sonores et du Centre de documentation ont
apporté à ma réflexion une dimension plus pratique et plus
actualisée. En outre, les discussions informelles avec les
différents agents rattachés à ces deux services ont
également été riches d'enseignements. La consultation des
statistiques des Archives sonores m'a donné quelques indications
chiffrées, encore difficilement exploitables à ce stade de
l'enquête. Enfin, la synthèse d'une enquête de 1997
réalisée auprès du public de la Médiathèque
de prêt m'a permis de m'immerger un peu plus dans cette
problématique et de cerner des aspects à approfondir dans
l'enquête que j'allais réaliser. Cette phase préliminaire a
duré plusieurs semaines, le temps nécessaire pour
m'intégrer dans l'établissement et en percevoir les
subtilités.
L'élaboration matérielle de l'enquête a
véritablement commencée avec une séance de travail avec
Gilles Pierret, Conservateur Général durant laquelle nous avons
formalisé ses desiderata en la matière. Plus qu'une investigation
sur le profil des publics et sa composition sociologique (CSP, niveau
d'étude, pratiques culturelles...) l'interrogation principale portait
sur la fréquentation et/ou la multifréquentation des services au
sein de la MMP et des autres établissements musicaux de Paris. Il
s'agissait en fait de vérifier le constat pessimiste que Gilles Pierret
effectuait en 2002 :
« spécialistes et `grand public' se sont
ignorés, chacun restant dans son univers. Combien d'usagers de la
médiathèque de prêt n'ont même jamais eu conscience
qu'il pouvait exister, au même endroit, des archives sonores ou un centre
de documentation musicale, pourtant tout aussi accessibles ? Inversement,
bien rares sont les spécialistes fréquentant ces
départements qui utilisent aussi les ressources des collections de
prêt. »36(*)
Sur le plan de la méthodologie, l'option d'une
étude quantitative sous forme de sondage a été
préférée aux entretiens individuels et ce pour plusieurs
raisons : premièrement du fait d'un manque de connaissances de ma
part des techniques d'entretien guidés, lesquels sont risqués
à entreprendre sans un minimum de pratique. Deuxièmement, en
raison de la disponibilité et disposition d'esprit de ce public
particulier, très concentré sur ses recherches et dont il est
difficile de détourner l'attention sans le contrarier ou l'irriter.
Enfin, l'objectif de quantification de la multifréquentation de nos
publics que nous nous étions fixé seyait plus au mode
opératoire du sondage.
Il a été relativement aisé de
définir la population mère de notre enquête : toutes
les personnes étant physiquement présentes aux Archives sonores
et au Centre de documentation musicale. Aussi un échantillonnage n'a pas
été nécessaire au vu de la faible fréquentation de
ces services, et ce plus particulièrement en période
d'été, traditionnel-
lement plus calme. L'enquête a donc
été proposée au public de manière exhaustive.
Concernant le mode d'administration, l'option d'un
questionnaire auto-administré d'une durée de 2 ou 3 minutes a
été retenue pour les raisons invoquées plus haut. Afin
d'obtenir un maximum de réponses, il convenait que le public soit le
plus libre possible de répondre à l'enquête, quitte
à l'emporter chez lui et la ramener plus tard. Par ailleurs, les
questions ont été rédigées de telle manière
qu'elles ne nécessitaient pas l'aide de l'enquêteur pour y
répondre. Sur le plan de l'organisation de la diffusion du
questionnaire, une réunion du personnel a été
convoquée le 17 juillet 2004 au cours de laquelle j'ai pu exposer les
objectifs et le modus operendi de l'enquête, sollicitant au passage
l'indispensable collaboration des agents, dont la tâche consistait
à inviter le public à remplir le questionnaire au moment de la
communication des documents en salle d'Archives, et en le distribuant
systématiquement aux personnes présentes en salle de lecture pour
la partie Documentation. Ces consignes ont ensuite été
intégrées dans le compte-rendu37(*) de la réunion et distribuées sur le
bureau de chaque membre du personnel, y compris ceux n'ayant pas assisté
à la réunion. Notons que cette communication interne s'est
révélée indispensable à l'aboutissement de
l'enquête, la circulation de l'information dans une structure de 33
personnes se faisant relativement mal.
Le questionnaire a été élaboré
avec la participation de Gilles Pierret et d'Alfred Caron. Il leur importait
premièrement de quantifier la perméabilité entre les
départements spécialisés et la médiathèque
de prêt, puis de savoir la proportion de leur public qui
fréquentait les autres établissement offrant des ressources
musicales, cela afin d'appréhender statistiquement les pratiques
combinatoires des publics. Dans un souci d'évaluation de
visibilité extérieure des départements
spécialisés, il convenait également de savoir comment les
personnes interrogées avaient connu les Archives sonores et le Centre de
documentation. Ces questions liminaires constituaient le socle de
l'enquête auquel allaient s'ajouter des questions de profil sur chaque
service : type de documents consultés, fréquence et
durée des visites, satisfaction en échelle de Lickert, et
améliorations souhaitées. Deux questions sur la section
Médiathèque de prêt permettent de vérifier si les
publics des départements spécialisés utilisent ou non les
ressources des collections de prêt, et si oui sur quel type de document.
Enfin, des questions d'identification, volontairement peu nombreuses, visent
à connaître la relation que les publics de ces départements
spécialisés entretiennent avec la musique.
L'enquête a d'abord été testée,
puis corrigée et ensuite entrée sur le logiciel Sphinx. Le choix
de la mise en page s'est porté sur la simplicité et la
clarté, optant pour un format A4 recto-verso, aisément
photocopiable. Il a d'abord été tiré une cinquantaine de
formulaires et cinquante de plus au cours de la phase d'administration qui
s'est étendue sur 1 semaine et demi, du 17 au 29 juillet 2004.
(Comprenant 2 samedi, journées où l'activité est la plus
intense dans les deux services)
La période de réalisation de l'enquête
constitue d'entrée un biais qu'il faut avoir à l'esprit dans
l'analyse des résultats. Déjà faible pendant
l'année scolaire / universitaire (18 personnes par jour sur 246
jours)38(*), le taux de
fréquentation chute sensiblement pendant la période
d'été, étudiants, enseignants et chercheurs étant
alors en vacances. Même si -de l'avis des agents- des habitués
viennent presque tous les jours toute l'année, on peut supposer que le
public d'été n'est pas le même et par conséquent que
la représentativité de l'échantillon interrogé est
légèrement faussée. Ce phénomène est moins
sensible au Centre de documentation où la fréquentation est plus
massive et ne semble pas diminuer outre mesure pendant l'été.
De même, le nombre total de questionnaires remplis
étant de 88 (57 à la Documentation et 31 aux Archives), le taux
de représentativité demeure faible et les données obtenues
doivent être considérées avec mesure.