23. Les réformes du coeur du système
économique
Les deux décennies précédent
l'arrivée de Gorbatchev ont été marquées par un
déclin des performances de l'économie soviétique. Celle-ci
a en effet été confrontée à une
décélération continue de la croissance du PIB et des
investissements, induisant une dégradation significative du niveau de
vie des Soviétiques, au renforcement de la démotivation au
travail (chute de la productivité), ainsi qu'au développement de
l'économie souterraine. Revitaliser l'économie est donc apparu
indispensable et c'est ce que va tenter de faire Gorbatchev par des mesures
spectaculaires. Elles peuvent être séparées en deux grandes
catégories : Les réformes du système qui concerne
l'industrie d'Etat et les réformes sur des points particuliers du
système comme l'agriculture ou le commerce extérieur.
La réforme industrielle de 1987 est la clef de la
perestroïka économique. Elle définit plusieurs grandes
orientations : les entreprises industrielles doivent fonctionner sur la
base de l'autofinancement et de l'autonomie comptable. Après avoir
payé à l'Etat la location du terrain, des équipements, des
bâtiments, les entreprises pourront employer à leur convenance les
profits réalisés, celles qui continueront à enregistrer
des pertes pouvant être fermées. Cette exigence de
rentabilité et la nécessité de rationaliser des postes de
travail doit inciter les entreprises à se débarrasser du
personnel en surnombre. Cette loi donna lieu à d'importants
dégraissages. La logique du nouveau système est que chaque
entreprise réalise une partie de la production selon des
modalités proches de l'ancienne formule de planification
centralisée. (Ordres administratifs, approvisionnement
centralisé, prix fixés), et l'autre partie de façon plus
autonome, à partir des liens directs avec les fournisseurs et les
clients et à des prix libres. Il s'agit d'une forme d'économie
mixte avec une diminution de la partie centralisée. L'objectif
recherché ici est de passer d'un système de pénurie
où dominent les vendeurs à des marchés plus
équilibrés voire des marchés d'acheteurs. Une telle
configuration nécessite des réorganisations institutionnelles
dans plusieurs domaines que sont : l'organisation hiérarchique,
l'approvisionnement, les prix et le crédit, le salariat. Le but des
réformateurs dans ce cadre là est d'induire un changement des
comportements économiques qui pourront transformer les cercles vicieux
en cercles vertueux permettant une accélération de la
croissance.
La loi sur l'entreprise permet à l'entreprise
d'élaborer de façon autonome son plan quinquennal. Les commandes
d'Etat étant le seul élément obligatoire, on est en
présence en réalité d'un système dual couplant
planification impérative et planification indicative. La structure duale
de l'économie réformée suggère les modalités
d'une transition graduelle par une augmentation progressive de la part
décentralisée de l'économie. La structure du nouveau
système de planification est donc mixte, l'introduction de comportements
influencés par une logique de marché étant supposée
contribuer à la rationalisation de la sphère centralisée
restante. Ainsi, ce projet à l'ampleur inédite comporte d'autres
volets que nous allons présenter.
231. Dégraissage de la hiérarchie
bureaucratique
La perestroïka maintient le système
ministériel, tout en cherchant une réduction de son pouvoir comme
le montrent les nouvelles modalités de planification. Au niveau des
ministères de branche, qui se voient supprimer leurs fonctions de
contrôle au jour le jour sur les entreprises, la réforme consiste
à concentrer l'organigramme et à concentrer les effectifs.
La création de superministères qui regroupent
plusieurs ministères couvrant le même domaine d'activité
doit permettre une simplification de la hiérarchie intermédiaire
facilitant le contrôle du centre. Ainsi sept superministères sont
crées entre 85 et 87 dans plusieurs branches : agriculture,
construction, relations économiques extérieures, la construction
mécanique, énergie, complexe chimique et du bois,
développement social. La réduction des effectifs doit accompagner
la réorganisation administrative. D'importants redéploiements sur
des centaines de milliers de fonctionnaires ont eu lieu, renforçant
ainsi la défiance de la population vis à vis des réformes.
Cette réorganisation est une véritable rupture dans une
société où la garantie de l'emploi bureaucratique
était un des piliers du compromis social. Cependant, on peut observer
qu'elle contraste avec la logique générale des réformes
qui est de promouvoir une logique concurrentielle dans l'activité et les
comportements économiques. Le ministère garde des fonctions
élargies. En effet, s'il doit respecter les nouveaux droits de
l'entreprise, il reste tenu responsable de l'activité de sa branche.
Les mesures de 1987 prévoient également de mieux
accorder la nature des branches et des administrations responsables,
l'industrie lourde devant relever de ministères fédéraux
et l'industrie légère de ministères fédéraux
républicains.
Enfin elles prévoient d'intégrer une
déconcentration régionale de l'industrie, qui élargit les
responsabilités économiques des soviets locaux. Les budgets
locaux percevront des revenus accrus en provenance de taxes sur les profits des
entreprises de la région, et pourront être gérés
avec une plus grande autonomie, renouant ainsi avec l'esprit originel de la
réforme.
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