Dans cette section, il n'en sera pas question de plonger dans
les siècles pour chercher les origines de la gouvernance. Nous la
cherchons tout simplement dans le dernier quart du 2oème
siècle.
L'idée de gouvernance indique au moins deux
évolutions : les frontières entre public et privé se sont
effacées sous l'emprise de la globalisation. Public et privé
s'interpénètrent. Le public requiert aujourd'hui, la
participation du privé : par exemple, quête de parrainages, en
particulier financiers. Le privé se trouve conduit à assurer des
tâches publiques ; Ainsi l'entreprise dite citoyenne, assumant des
actions de charité ou des opérations culturelles.
En somme, « le public, désacralisé, n'est
plus au-dessus de la société, il en est une des dimensions,
essentielle mais coopérer, sur une base de moins inégale, avec le
privé ».17
La deuxième évolution s'explique par la
transformation de l'intérêt général, car celui-ci,
est devenu une construction multiforme ouverte et permanente. Ce qui justifie
son passage de l'ère des gouvernements à l'ère de la
gouvernance
17 Philippe Moreau DEFARGES la gouvernance, éd. PUF
2003.
(l'intérêt général se construit et
circule appartenant temporairement à celui que l'exploite).
C'est dans cette perspective que J.P. Gaudin nous dit :
<< la gouvernance, ce serait tout bonnement de l'action publique en
réseau, une pratique relationnelle de coopération non
prédéfinies et toujours à réinventer, à
distance des armatures hiérarchiques du passé et des
procédures de négociation, l'ajustement entre acteurs n'en reste
pas moins nécessaire. La négociation en réseaux
apparaît comme un mode de coordination entre action, impliquant objectifs
et moyens, systèmes de valeurs et logique d'intérêts. Et
cela par des procédures d'interaction et de négociation
systématique>>.18
Toutefois, cette construction et affirmation de la gouvernance
se sont réalisées dans les différents domaines au cours de
l'histoire. Le mot << gouvernance >> apparaît en 1937 dans un
article << the nature of de firme >> écrit par Ronald COASE,
économiste américain.
Dans les années 70, certains économistes
définiront la gouvernance comme des dispositifs mis en oeuvre par
l'entreprise pour mener de la coordination interne en vue de réduire les
coûts de transaction que génère le marché. On parle
alors de gouvernance de l'entreprise.
Aujourd'hui, la << corporate gouvernance >> a pour
objet de fixer de nouvelles règles du jeu entre les dirigeants et les
actionnaires. En fait, sur le triple effet de la mondialisation, de la
globalisation financière et de la circulation
accélérée des capitaux, les actionnaires exigent un
modèle de << gouvernement d'entreprise >> prenant acte des
nouvelles perspectives offertes par la globalisation financière sous
l'influence de la réglementation des marchés financiers, la
<< corporate gouvernance >> vise à supplier les manques du
droit des sociétés les devoirs des dirigeants vis-à-vis
des actionnaires : loyauté, transparence, efficacité, etc.
Dans les années 80, les institutions internationales
à l'instar, de la Banque Mondiale et du fond Monétaire
International, s'emparent de l'expression << good
18 Gaudin J.-P. (2002), pourquoi la gouvernance ? Paris, presses
des sciences PO.
gouvernance >> pour définir et préciser
les critères d'une bonne administration publique applicables à
des Pays fortement incités en échange de prêt à
mettre en place des reformes institutionnelles utiles à la
réussite de leurs programmes économiques.
Cette perspective pénètre l'espace
étatique, selon une logique analogue à celle des entreprises.
L'Etat n'est plus une entité fermée et souveraine, ne rendant de
compte qu'à elle-me. << La souveraineté étatique,
dans son sens le plus fondamental, est en plein redéfinition. Les Etats
sont maintenant largement considérés comme des instruments au
service de leur peuple et non l'inverse. Au même moment, la
souveraineté de l'individu est renforcée par une conscience
nouvelle et en plein diffusion des droits individuels >>.19
L'accord de Cotonou (juin 2000) partenariat entre l'Union
européenne et 77 Pays de ACP(Afrique, Caraïbe et pacifique),
définit dans son article 9, la bonne gouvernance comme << gestion
transparente et responsable des ressources humaines, naturelles,
économiques et financières dans des buts de développement
équitable et durable>>.
En 1997, lors de la crise asiatique, la Banque Mondiale
reconnaît que le marché ne peut assurer une allocation optimum des
ressources et réguler les effets pervers de la globalisation.
Définir une doctrine de << gouvernance mondiale
>>, c'est admettre le postulat que les pratiques traditionnelles de
gouvernement fondées sur la coopération internationale entre
Etats-Nations ne permettent plus de résoudre les problèmes issus
de la mondialisation. Il s'agirait donc de définir un corps de valeurs
universelles qu'inspirerait les bonnes pratiques tant au monde des affaires
qu'aux gouvernements aux organisations chargées de la régulation
de la mondialisation.
19 Kofi Annan, Secrétaire général des
Nations Unies, 1999.
Par ailleurs, pour des raisons analytiques, il est
souhaitable de distinguer entre trois dimensions de la gouvernance, que l'on
désigne souvent comme gouvernance politique, gouvernance
économique et gouvernance sociale. La gouvernance politique se rapporte
au processus par lequel la société s'organise et gère ses
affaires ; la gouvernance économique à l'articulation de
politique, se rapporte à des procédures et mécanismes
organisationnels nécessaires pour la production et la distribution des
biens et des services ; et la gouvernance sociale au système valeurs et
croyances sur lequel reposent les comportement sociaux et la prise de
décision politique.
Ces trois dimensions sont interdépendantes. La
gouvernance sociale est responsable de la base ou fondation morale de la
gouvernance économique et politique. De son coté, la gouvernance
économique fournit la fondation matérielle des gouvernances
sociale et politique. Quant à la gouvernance politique, elle
représente la dynamique organisationnelle de base pour les gouvernances
sociale et économique. Elle est, par conséquent le facteur de
l'ordre et de la cohésion d'une société.
Nonobstant l'importance des différentes sphères
de gouvernance citées plus haut, notamment, la bonne gouvernance et la
gouvernance mondiale associées aux trois dimensions que nous venons
juste d'analyser, il me semble que la sphère locale qui est le terrain
le mieux adapté pour renforcer des liens sociaux et maintenir la
cohésion sociale afin de construire une conscience collective. Elle
constitue de ce fait, une « école de formation » et de prise
de conscience de la nécessité de bâtir un monde dans lequel
tout être aura la possibilité de combler ses aspirations et
besoins.
Conscient de l'importance de cette sphère de gouvernance,
nous allons dores et déjà la définir et essayer de
démontrer ses rapports avec le développement.