Le gage-espèces( Télécharger le fichier original )par Fouad HAMIDI Université Paris I - Master 2 Recherche Droit patrimonial approfondi 2006 |
2ème PARTIE / LE REGIME JURIDIQUE DU GAGE-ESPECES
132. Un régime juridique dépendant de la seule volonté des parties - La volonté des parties est au coeur des sûretés sur l'argent. Elle jouait un rôle dans le mode de sûreté à choisir, elle joue encore un rôle dans l'organisation de ces sûretés postérieurement à la dépossession ou au transfert fiduciaire. La volonté des parties va fixer l'étendue des droits et obligations des parties sur l'assiette de la sûreté. Que l'on soit en présence d'une fiducie-sûreté ou d'un nantissement avec dépossession, les droits du créancier sont déterminés par le contrat. Ses pouvoirs ne découleront pas de la nature des choses mais de la volonté. (Chapitre 1).
De même, au niveau de la réalisation de la sûreté, la volonté des parties est maîtresse. C'est en vertu de leur seule volonté que l'acquisition à titre définitif de l'objet affecté en garantie est réalisée. La nature particulière de la monnaie facilite (surtout en matière de nantissement) en tout cas la réalisation de la sûreté (Chapitre 2). CHAPITRE I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES AVANT LA REALISATION DE LA SURETELes droits et obligations des parties diffèrent selon que l'on est en présence d'un transfert fiduciaire (Section I) ou d'un nantissement (Section II). SECTION I / LES DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES EN PRESENCE D'UN TRANSFERT FIDUCIAIRE A TITRE DE GARANTIELe transfert fiduciaire a pour effet de transmettre l'universalité au créancier pour qu'il en devienne propriétaire. Mais il n'en devient pas pour autant un propriétaire souverain et absolu au sens de l'article 544 du Code civil. Il a une propriété spéciale. A l'image d'un propriétaire de droit commun, il peut jouir et disposer de l'universalité (§1). Cette propriété étant affectée à la garantie de la dette principale, le créancier a des obligations réelles (Section II). Le constituant est le créancier de ses obligations (§2). §1 : LES PREROGATIVES DU CREANCIERLe créancier bénéficiaire d'une sûreté fiduciaire a des prérogatives similaires à celle d'un propriétaire. Ainsi, il a d'une part, une jouissance exclusive (I) et, d'autre part, un pouvoir de disposition (II). I) La jouissance exclusive de l'universalitéLe créancier fiduciaire a une jouissance exclusive de l'universalité. En vertu de ce pouvoir de jouissance il peut exclure les créanciers du constituant (A) et tirer tous les utilités de l'universalité (B). A) Le pouvoir d'exclure les tiers 133. L'intérêt : le droit des procédures collectives - A la différence d'un nantissement, le transfert fiduciaire a pour effet de faire sortir l'universalité du patrimoine du constituant. L'exclusivité conférée par la propriété fiduciaire permet alors au créancier bénéficiaire de cette garantie d'exclure les tiers saisissants. Ceux-ci ne pourront pas venir appréhendés ni l'universalité ni un de ses éléments afin de recouvrir leur dette. Tel est un des intérêts majeurs de la sûreté fiduciaire : le droit exclusif du créancier sur l'assiette de la sûreté. Cet avantage a surtout un intérêt en cas de mise en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du constituant. L'universalité, ne faisant pas partie du patrimoine du fiduciant, les représentants des créanciers ainsi que les organes de la procédure ne pourront atteindre l'universalité.
B) Le pouvoir de jouir des utilités de l'universalité 134. Le sort des fruits ? - L'universalité attire toutes les utilités des éléments contenus vers elle145(*). En matière de sûretés sur l'argent, l'universalité attire les utilités des unités monétaires qu'elle contient à elle, c'est-à-dire leur valeur économique. Le bénéficiaire de l'universalité peut jouir de toutes les utilités de l'universalité et notamment mettre les éléments contenus dans un rapport juridique. Par exemple, c'est une façon de jouir des utilités de l'universalité que d'aliéner les unités monétaires contenues dans l'universalité. Par cet acte, le propriétaire fiduciaire exploite l'universalité et peut en tirer des fruits146(*) (par exemple, les intérêts d'un prêt). Ces fruits devront être remis dans l'assiette de l'universalité. II) Le pouvoir de disposer de l'universalité 135. Le pouvoir de disposer147(*) du contenant - Le propriétaire, même fiduciaire, a un pouvoir de disposition sur l'universalité. Ce pouvoir de disposer est défini par les Professeurs ZENATI & REVET de la manière suivante : « Le pouvoir de disposer est le pouvoir de faire de sa chose l'objet d'un acte juridique 148(*)». Mais l'accomplissement d'un acte juridique n'est pas suffisant. Il faut en plus qu'il vienne « modifier l'ordonnancement juridique149(*) ». Entendu dans ce sens, le pouvoir de disposer ne s'entend pas de la simple disposition matérielle (destruction matérielle) ou juridique (aliénation) au sens que l'entendait la théorie classique. En vertu de ce pouvoir de disposition, le créancier bénéficiaire de la sûreté fiduciaire pourra affecter en garantie l'universalité. La conclusion d'un contrat de nantissement, par exemple, fait naître un droit : le droit réel de gage. Mais ce n'est pas la seule possibilité. Il peut accomplir tous les actes juridiques qu'il veut. La seule limite dans l'exercice de ce pouvoir de disposer réside dans l'affectation assignée au créancier et les obligations auxquelles il est tenu. 136. Le pouvoir de disposer du contenu - Ce pouvoir de disposition concerne tant la structure que les éléments contenus. Ainsi, il peut aliéner les unités monétaires qui sont contenues dans l'assiette de l'universalité. L'exercice de ce pouvoir de disposition implique alors qu'il remette dans l'assiette de l'universalité le produit de cette aliénation au titre de son obligation d'entretien de l'universalité. Par exemple, s'il aliène les unités monétaires à travers une opération de prêt, il devra intégrer au fur et à mesure les unités monétaires objet des dettes de remboursement. Le principe de non-enrichissement applicable aux sûretés implique aussi, à notre avis, que le créancier remette les fruits dans l'universalité, c'est-à-dire les intérêts conventionnels et légaux résultant du prêt. * 145 C. KUHN, Le patrimoine fiduciaire - Contribution à l'étude de l'universalité, n°46 et s. * 146 En vertu du principe de non-enrichissement du créancier du fait de la sûreté, le créancier devrait intégrer les fruits dans l'assiette de la garantie. V. article 2287 du Projet Grimaldi : « La sûreté garantit l'exécution d'une obligation. Elle ne peut procurer au créancier aucun enrichissement ». Malheureusement, cette disposition n'a pas été reprise par l'ordonnance du 23 mars 2006 * 147 Les parties peuvent convenir que le créancier ne pourra pas céder l'universalité. * 148 F. ZENATI & Th. REVET, Les biens, 2ème éd., n°101, p.125 * 149 F. ZENATI, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD Civ. 1993, p.317 : « Sans nul doute, à l'instar des utilités de la propriété, est-il (le pouvoir de disposer) le fruit de l'exercice de la volonté du propriétaire, mais il produit en outre un résultat important : la modification de l'ordre juridique existant soit par la naissance d'un droit, soit par la disparition d'un droit, soit par la conjonction de ces deux phénomènes » |
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