La théorie de la correction symétrique des bilans( Télécharger le fichier original )par Mohamed Ben Mahmoud faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005 |
B/. La portée de la qualificationLa doctrine administrative155(*) retient la règle de rattachement des charges financières à leur exercice comme condition de validité desdites charges. En cas d'erreur ou d'omission dans la prise en compte des charges financières au titre d'un exercice, il est possible d'appliquer la correction symétrique des bilans dès lors que l'erreur est commise de bonne foi. Dans le cas d'espèce, la non comptabilisation des charges financières résultait de l'application des normes comptables156(*). Dans le cas contraire, l'Administration fiscale considère que les charges non comptabilisées à temps par omission ou erreur volontaire sont à réintégrer au résultat de l'exercice de leur comptabilisation et ne sont pas susceptibles de venir en déduction du résultat de l'exercice de leur engagement157(*). C'est dans le souci de respecter la sincérité et la régularité des écritures comptables, que l'Administration réintègre ces charges, elle refuse leurs déductions car ils reflètent la mauvaise foi du contribuable. Ainsi, l'Administration n'autorise pas l'application de la théorie de la correction symétrique en cas d' « erreur volontaire » et se contente de la réintégration des charges non comptabilisées. Ce n'est pourtant pas le cas en droit français. En effet, pour ce qui est de la catégorie des erreurs comptables délibérées, l'Administration étant en droit de prendre l'initiative de corriger les décisions irrégulières peut, lorsque cela est nécessaire faire jouer la théorie de la correction symétrique. La portée de la distinction entre erreur comptable et décision irrégulière est, dès lors, réduite, puisque les décisions irrégulières sont assez largement inopposables à l'Administration, ainsi que les écritures qui sont la « conséquence directe d'une opération étrangère à une gestion commerciale normale »158(*). Le Conseil d'Etat admettant souvent l'idée d'un renouvellement de ces décisions dans les exercices non prescrits. Seule demeure, pour ces dernières, leur opposabilité au contribuable en tant qu'élément caractéristique159(*). Par ailleurs, les amateurs d'adages latins y verront une application de la maxime « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). Falsifier sa comptabilité est une turpitude et il n'est pas question d'accorder une prime fiscale au contribuable qui se livre à ce genre d'exercice. D'autant plus, la qualification de décision de gestion a un but essentiellement pragmatique, à savoir opposer au contribuable les incidences défavorables de son erreur volontaire160(*). Cette asymétrie a soulevé de sévères critiques. En effet, refuser au contribuable le droit de demander la rectification des erreurs qu'il a commises même volontairement, revient à le taxer plus lourdement que ne le prévoit la loi fiscale. C'est consacrer un phénomène de double imposition contrairement au voeu même de la loi. Il n'est pas fait de distinction en la matière selon que l'erreur soit volontaire ou involontaire. De même, le principe de légalité et le principe d'égalité devant l'impôt impliquent que la loi s'applique de façon égale aux contribuables se trouvant dans la même situation, quelque soit par ailleurs leur comportement161(*). Malgré les critiques dont elle a fait l'objet, la théorie des erreurs comptables délibérées est aujourd'hui confirmée avec éclat. Cette confirmation consolide d'un côté, le souci de ne pas accorder une prime fiscale à ceux qui truquent leur comptabilité, et « la volonté d'imposer un strict respect des normes comptables »162(*), d'un autre côté. L'arrêt « Intraco » se présente comme un arrêt de principe confirmant une jurisprudence française traditionnelle certes, mais dont la pérennité était discutée : « Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a relevé que la SARL Intraco avait omis de comptabiliser des frais de déplacement exposés au cours de l'exercice clos en 1982, afin de présenter à un organisme bancaire un résultat bénéficiaire ; qu'en admettant la correction de cette omission à la demande de la société, alors que ce défaut de comptabilisation avait un caractère délibérément irrégulier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit .... Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Intraco a délibérément omis de comptabiliser, au titre de l'exercice clos en 1982, des frais de déplacement s'élevant à 63016 F ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à demander la rectification de cette omission »163(*). Le Conseil d'Etat, prévoyant qu'une telle solution équivaudrait à faire bénéficier de la théorie un contribuable de mauvaise foi, a ainsi décidé que la garantie que le contribuable trouvait dans la correction symétrique ne s'appliquait pas en matière de « fraude délibérée »164(*). Il en résulte que parmi les erreurs volontaires, seules les moins graves sont susceptibles de bénéficier de la correction symétrique. Reste à définir le critère pratique de la fraude délibérée qui écarte l'application de la théorie de la correction symétrique des bilans. * 155 Prise de position DGELF (1085) du 13 mai 2000, Prise de position DGCF (661) du 10 juin 2000. * 156 CHOYAKH (F), « La correction symétrique des bilans », RCF, n°66, 2004, p.58. * 157 Prise de position (30) du 10 janvier 2000, op.cit, p.39. * 158 C.E., 28 mars 1979, D.F., n° 6, 1981, concl. FABRE, p.271. * 159 LOUIT (C), « BIC : les décisions de gestion et les erreurs comptables. Correction symétrique des bilans », op.cit., p.22. * 160 AGOSTINI (A), « Les options fiscales », Paris, L.G.D.J, 1982, p.35. * 161 COZIAN (M), « On ne badine pas avec les écritures comptables, la théorie des erreurs comptables délibérées », op.cit. p.738. * 162 Ibid, p.734. * 163 CAA Paris, 21 juin 1994, req. n°93-611, SARL Intraco : D.F., 1994, n°52, comm. 2260. * 164 C.E. 28 mars 1979, D.F., 1980, n°6, p.271, concl. FABRE, cité par SERLOOTEN (P), « Droit fiscal des affaires » op.cit.p.86. Selon la doctrine française: « la notion d'erreur matérielle est exclusive de celle de d'intention frauduleuse », in J-CL fiscal, fasc. 1465, n°108. |
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