b). Le français standard : la norme hexagonale
de la langue
La langue française est la langue
nationale et officielle de la France. Elle est ainsi le code de communication
commun à la communauté française. Il s'agit d'un code fait
de sons particuliers associés à des sens particuliers
qu'utilisent les Français pour communiquer. C'est ici qu'on parle du
français comme langue maternelle (des Français) avec sa norme
hexagonale caractéristique, comme le précise Minyono Nkodo
(2003 :37), d' « une langue homogène obéissant
aux exigences métropolitaines »,une norme
issue de la langue latine. En tant que norme standard,
Onguéné Essono (2003 : 57) la définit comme
étant
la prescription linguistique [...] une convention
établie par une autorité institutionnelle, pour uniformiser et
harmoniser les usages et les utilisations des activités discursives de
la société qui accepte de s'y conformer .Dans tous les milieux,
on s'accommode de la norme.
Cette norme standard est aussi celle qu'utilisent les
Français pour communiquer avec d'autres peuples, même si
au-delà du contexte spécifiquement français, d'«
autres langues françaises » existent hors de la
France. C'est le cas au Québec qui est une province du Canada et
même en Suisse. On parle alors du français québécois
ou de Suisse. C'est également le cas de l'Afrique en
général et plus précisément celui de l'Afrique
francophone subsaharienne où la langue française se crée
de plus en plus une identité spécifique.
c). Le français en Afrique francophone
subsaharienne
Il est question ici de la langue telle qu'elle est
utilisée et parlée dans les communications quotidiennes dans les
pays francophones de l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit d'une langue
française qui respecte globalement la norme standard ou hexagonale
surtout dans les occasions et discours officiels, mais aussi d'une langue peu
orthodoxe, métissée ou « frelatée »
quand il faut exprimer dans leur complétude les réalités
fondamentalement africaines.
En Afrique francophone subsaharienne, la langue
française a plusieurs dénominations que reflètent ses
multiples statuts. Elle est à la fois langue officielle, langue
véhiculaire, langue vernaculaire, langue des médias, langue de
scolarisation, langue de travail, langue seconde, langue
étrangère, langue maternelle même. Tous ces statuts
impliquent des évolutions, des modifications à appréhender
par rapport au français standard et à sa norme dite
exogène.
Le français de l'Afrique francophone subsaharienne a
par conséquent ses caractéristiques et normes qui sont dites
endogènes. Ce français extrêmement
hétérogène se caractérise, comme le dit Nissim
(2001 :49-50) parlant de l'oeuvre de Kourouma, par
[des] infractions syntaxiques, la
désagrégation des structures, bref, toutes les innovations de
langue et de style, qui, seulement après coup, seront reconnues comme un
maniement exceptionnel de la langue.
Ainsi, si la langue française de Kourouma, prototype de
celle(s) de beaucoup d'Africains s'explique comme le dit Ngalasso (1985 :
13) par le fait que « à chaque niveau d'analyse
(lexical, sémantique, morphosyntaxique et discursif), on se
trouve face à une démarche résolument
volontariste de déconstruction-reconstruction des
systèmes établis », celle des autres
auteurs ou sujets-parlant peut s'expliquer par un apprentissage imparfait, la
non-maîtrise de la norme et les latitudes langagières qu'offre
l'oralité. Toutes ces raisons débouchent inéluctablement
sur la création de normes endogènes internes à
l'Afrique.
En effet, les normes endogènes sont une
réalité indéniable, une réalité bien
différente de la norme hexagonale standard, ne serait-ce que par les
effets de productivité et d'appropriation linguistiques
constatées dans les interactions communicatives quotidiennes en
société. Une telle situation, écrit Manessy
(1994 :11-12), est révélatrice du fait que
la langue importée est devenue commune (en droit
sinon en fait) à l'ensemble de la population des pays
concernés(...) elle cesse d'être un objet de compétence
individuelle pour devenir un bien de la communauté ; en d'autres
termes, elle passe du statut de savoir spécialisé à celui
d'outil langagier et se trouve dès lors incluse dans un réseau
diffus de lignes de force socioculturelles.
Ainsi, l'appropriation du français par les francophones
de l'Afrique subsaharienne est passée de sa phase
spécialisée et fonctionnelle permettant « de
satisfaire aux exigences d'une société en mutation
socioéconomique et sociopolitique »
(Manessy ;1994 :12) à une
appropriation vernaculaire intégrant outre les premières
exigences, les besoins langagiers les plus naturels de ses utilisateurs et
partant les paramètres de l'interculturel. L'évolution vers une
option interculturelle se justifie alors, comme le pense si bien Mendo Ze
(1999), par le fait que le français au fil du temps est devenu une
« langue africaine ». Et pour les tenants
de cette thèse parmi lesquels Manessy (1994 : 11), ce
français local à l'africaine ne
serait « ni sabir, ni créole, ni pidgin mais un
français régional, avec ses registres de langues, ses formes
écrites et orales, mais aussi ses néologismes, ses
emprunts ».
Voilà totalement décrit le contexte dans lequel
« le français langue africaine », le français
à l'africaine, le français africain et plus proche de nous le
français camerounais ont vu le jour. Ce sont les variétés
de cette réalité aux multiples facettes qui sont
découvertes dans les nouvelles écritures
africaines, réalité dont il faudrait envisager la
possibilité de prise en compte didactique. Il s'agit de la situer au
centre des préoccupations pédagogiques et didactiques
fondamentales dont les grands axes demeurent la prise en charge réelle
dans les curricula et les démarches méthodologiques. Une telle
démarche permettrait d'en mesurer le poids au sein de la pensée
scientifique.
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