Les publications des violations des droits de l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique( Télécharger le fichier original )par Mahamadou Soré Université de Nantes - Diplome universitaire de troisième cycle en Droits Fondamentaux 2008 |
1.1.3. Les limites ou la mutité dans l'ordre juridique interneA titre comparatif, il est important d'évoquer l'état du droit positif dans d'autres Etats avant de présenter ce qu'il en est du Burkina Faso de façon spécifique. Pour cela, l'étude se réfère d'abord aux cas français et belge puis à la jurisprudence. Le ton est donné en France par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce texte qui a acquis le rang de loi constitutionnelle proclame en son article 11, la liberté de presse en ces termes : « La libre communication des pensées et de opinions est un des droits les plus précieux de l'homme tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Pour un auteur comme E. DREYER57(*), il y a en France une pléthore de textes en ce qui concerne la matière. Il y a d'une part le droit commun à travers le code pénal, le code de la santé, le code de justice militaire et de façon plus spécifique par la loi de 1881 qui dispose en son article premier que « l'imprimerie et la librairie sont libres » d'autre part. Pour ce qui concerne la présente recherche, l'étude portera uniquement sur les lois incriminant directement les faits relatifs aux valeurs objet de l'étude à savoir l'impartialité et la promotion des droits de l'homme par les publications de la presse écrite. La loi du 29 juillet 1881 est la loi de référence en matière de liberté d'expression et donc de liberté de la presse en France. Son autorité dans la matière est affirmée dans la jurisprudence. Ainsi, la cour de cassation a affirmé dans un arrêt en date du 12 juillet 2000 que « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 138258(*) du code civil ». Relativement aux abus, la loi de 1881 distingue les actes d'omission et les actes de commission. Les actes d'omission porte sur exclusivement sur la non publication des droits de réponse ou des rectifications. Les infractions de commission porte sur trois types de contenus. On a les contenus liés aux personnes, les contenus liés aux actes et enfin ceux liés à certaines informations. L'atteinte aux valeurs des droits de l'homme s'inscrit dans les actes de commission liés non aux personnes mais aux actes et aux informations. Dans ce domaine précis, les infractions prévues portent sur les actes apologétiques de délits ou la contestation des crimes contre l'humanité. Selon DREYER, le législateur n'a pas donné un contenu exact à l'apologie des infractions. Et, aussi on établit souvent une distinction entre l'apologie et la provocation au crime. Pour des auteurs, « l'apologie peut-être définie comme tendant à justifier une action condamnée par la loi et à encenser celui qui l'a perpétrée » (P. 116). Aux termes de l'article 24, alinéa 3 de la loi de 1881, l'apologie incriminée ne concerne qu'une liste limitée d'infractions. L'incrimination de l'apologie porte sur les louanges des infractions de droit commun (comme le vol, l'extorsion, les destructions, les dégradations et détérioration dangereuses pour les personnes...), les crimes de guerre, les « infractions politiques » comme les infractions de collaboration avec l'ennemi et celle des crimes contre l'humanité. La liste des actes dont l'apologie est incriminée par la loi de 1881 étant limitative, il s'en suit, dès lors, que la répression de l'apologie ne saurait concernée les louanges faites relativement à d'autres actes même répréhensibles à fortiori à des actes non juridiquement incriminés comme les atteintes à l'éthique des droits de l'homme. Donc, en droit français, il serait difficile d'incriminer un acte constitutif d'une violation des valeurs des droits de l'homme lato sensu. Pis, un annotateur d'un arrêt de la chambre criminelle de la cour d'appel de Bourges en date du 28 novembre 1962, cité par DREYER, relativement à une affaire de publication vantant les mérites d'un guérisseur a observé que « l'article ne faisait qu'encourager d'hypothétiques infractions futures dont on ne savait même pas si elles auraient lieu, sous quelles modalité et avec quels participants. Ces délits futurs n'avaient encore aucune consistance réelle et n'étaient même pas arrivés aux actes préparatoires »59(*). On peut donc en conclure que ni la loi, ni la jurisprudence encore moins la doctrine n'autorise une incrimination directe des faits de publication de la presse attentatoires aux valeurs éthiques des droits de l'homme. Dans certains pays comme la Belgique, les journalistes jouissent d'un privilège de juridiction pour les délits autres que ceux liés à la xénophobie et au racisme. En effet, la constitution de la Belgique dispose que les délits de presse sont passibles de la cour d'assises ; une façon de décourager les poursuites contre la presse. A l'instar du cas français, au Burkina Faso, les délits de presse se retrouvent dans le droit commun mais surtout dans le droit spécial de la matière contenu dans le code de l'information. En dehors des infractions liées aux individus et à l'ordre public, il y est prévu ceux qui portent sur la publication de textes aux contenus apologétiques ou provocateurs d'infractions. En ce sens, l'article 103 du code de l'information incrimine sans distinction l'apologie de tout acte pourvu que ce dernier soit légalement reconnu comme un délit ou un crime. Les auteurs de telles publications sont punis au même chef comme complices de l'acte principal. Cette disposition va plus loin en incriminant les louanges faites aux actes de racisme, du régionalisme, du tribalisme, de la xénophobie. En rappel, si le racisme et la xénophobie peuvent être définies respectivement comme la haine contre les individus de race différentes et de non nationaux, le régionalisme et la tribalisme renvoient à la haine ou l'hostilité à l'encontre d'individus provenant de régions nationales ou de groupes ethniques différentes. Egalement, les mécanismes existants qui auraient pu - en cas de non respect de ces valeurs - être mis en mouvement dispose d'une marge de manoeuvre qui n'est pas forcement incitatif à la poursuite des potentiels auteurs de violation. D'abord parce que dans le cas des propos faisant l'apologie des crimes ou délits, l'initiative de la poursuite relève de la discrétion du ministère publique. Si fait que dans le cas du Burkina Faso, on a rarement assisté à une poursuite contre l'auteur d'une publication sur des violations des droits de l'homme qui n'auraient pas respecté l'impartialité voire qui en auraient fait l'apologie. Dans la législation burkinabé, il ressort donc que la poursuite pour des publications de presse non respectueuses de l'éthique des droits de l'homme n'est pas directement prévue. Pourtant, ces principes éthiques ont une valeur supra législative qui, en principe, devrait les rendre justiciables devant leurs juridictions nationales. Cet état s'expliquerait par la désarticulation entre l'ordre interne et l'ordre international. * 57 DREYER, Droit de l'information, page 3 * 58 L'article 1382 du code civile dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » * 59 60 DREYER, page 121 |
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