Les publications des violations des droits de l'homme dans la presse écrite au Burkina : Essai d'analyse éthique( Télécharger le fichier original )par Mahamadou Soré Université de Nantes - Diplome universitaire de troisième cycle en Droits Fondamentaux 2008 |
Première partie : L'éthique dans les publications des violations des droits de l'hommeAvant d'aborder les questions d'éthique des droits de l'homme que peuvent poser les publications de la presse écrite dans le contexte du Burkina Faso, il sied d'un point de vue méthodologique de procéder à une distinction des concepts qui seront utilisés dans le présent document. Mais avant cela, il est utile de préciser que la presse quotidienne écrite au Burkina Faso concerne quatre journaux. Les plus importants en termes d'audience, de tirage et de régularité dans leurs parutions sont les trois suivants : 1. « L'observateur Paalga » : Organe privé et premier quotidien national crée le 28 mai 1973. Entre 1984 et 1991, le journal a cessé de paraître suite à un incendie motivé par des raisons politiques10(*). 2. « Sidwaya » : quotidien gouvernemental crée le 5 avril 1984 sous la « Révolution » du président Thomas Sankara pour contrebalancer « L'observateur Paalga » tout en offrant au régime en place un organe de communication et de propagande politiques. 3. « Le Pays », a été crée le 30 Octobre 1991 dans l'effervescence du vent de démocratisation de l'après discours de la Baule11(*). C'est un organe privé qui, semble être reconnu dans le paysage médiatique national comme l'un des plus indépendants. Chacun des ces trois journaux tirent en moyenne à 7 000 exemplaires journellement. Et chacun de ces journaux dispose d'une version électronique publiée sur leurs sites Internet respectifs.12(*) Chapitre 1 : DistinctionsLes droits de l'homme sont des prérogatives universellement reconnus à tout individu quelle que soit sa provenance nationale. Ces droits inhérents à tout homme transcendent les normes juridiques. L'ensemble de ces droits est consacré au niveau international par un certain nombre de textes juridiques dont le socle est la charte internationale des droits de l'homme. En rappel, la charte des droits de l'homme est composée de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948), du Pacte international sur les droits civils et politiques (1966) et ses deux protocoles facultatifs13(*) ainsi que du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (1966). En plus de cette charte, on compte de nombreux textes à vocation catégorielle : convention contre la torture, convention internationales sur les droits des enfants, convention internationale sur l'élimination des toutes les discriminations à l'égard des femmes. Au niveau régional également, on retrouve une déclinaison des outils internationaux. Ainsi en Afrique on citera la CADHP, la charte africaine du bien être et des droits de l'Enfant. Enfin, de nombreuses dispositions de ces instruments internationaux ont été intégrées dans les ordres juridiques nationaux. C'est le cas au Burkina Faso avec la constitution de 1991. Celle-ci renvoie clairement dans son préambule à la DUDH. Mieux, elle contient avec des dispositions expressément dédiées aux droits fondamentaux : droit à la vie, interdiction de la torture des traitements inhumains cruels et dégradants. Au regard de ce qui précède, une violation des droits de l'homme dans ce document renvoie à toute forme d'atteinte aux droits fondamentaux protégés par la charte internationale des droits de l'homme et les autres textes internationaux, régionaux ou nationaux des droits de l'homme. Quant à l'éthique, elle vient du terme grec ethikos. L'éthique renvoie à des valeurs d'ordre moral partagées au sein d'une communauté. Pour Daniel Cornu « l'éthique peut être considérée comme une instance supérieure à la morale car elle légitime les fondements moraux eux-mêmes »14(*). Des auteurs comme Ruwen Ogien15(*), ne font pas de distinction entre les deux concepts que sont morale et éthique. Une autre notion liée à l'éthique est la déontologie. Etymologiquement, la déontologie vient de déon (devoir) et logos (science). Elle se définit comme « l'ensemble des devoirs inhérents à l'exercice d'une activité professionnelle libérale le plus souvent définis par un ordre professionnel »16(*). La déontologie serait donc une catégorie de règles éthiques spécifiques à un corps de métiers. Elle se trouve très souvent inscrits dans un code ou une charte comme la charte des journalistes du Burkina Faso de 1990. Des définitions qui précèdent, l'expression « éthique des droits de l'homme » serait l'ensemble voire l'observance des principes et valeurs contenus dans les instruments internationaux de protection des droits de l'homme comme le droit à la vie, la dignité, l'égalité, la non-discrimination, l'interdiction de la torture, des traitements inhumains, cruels et dégradants, l'interdiction de l'esclavage... Dès lors, rapportée aux publications de la presse écrite sur des cas de violations des droits de l'homme, l'éthique repose sur un certain nombre de principes. Pour le guide de l'animateur en surveillance et documentation des violations des droits humains produit par le Programme Spécial Afrique d'Amnesty International17(*), les principes de recherche applicables aux violations des droits de l'homme sont : l'impartialité, l'exactitude, la confidentialité et l'approche "sexospécifique" autrement dit la prise en compte de la dimension genre. Dans le cadre de la présente étude, deux principes serviront de repères pour l'appréciation éthique des écrits publiés par les journaux burkinabé relativement à des cas d'atteinte des droits de l'homme. Pour la présente recherche, l'analyse portera spécifiquement sur deux principes à savoir l'impartialité et la promotion du respect des droits de l'homme. Ces deux principes seront appréciés à travers le cas des quotidiens d'informations générales paraissant au Burkina Faso. Dès lors comment interviennent ces principes d'ordre éthique dans la relation que fait la presse écrite burkinabé des cas de violations des droits de l'homme qu'elle est amenée à publier ? * 10 Mouvement burkinabé des droits de l'homme et des peuples, Rapport 1996-2000. Ouagadougou 2001. * 11 Discours prononcé par le président Français F. Mitterrand lors du sommet Afrique France tenue à la Baule (France) en 1989. Ce discours inaugurait la conditionnalité de l'aide publique française au développement à la démocratisation dans les pays destinataires. * 12 www.lepays.bf; www.lobservateur.bf; www.sidwaya.bf * 13 Le premier protocole facultatif (1976) au PIDCP porte sur la procédure des communications (plaintes) individuelles devant le comité des droits de l'Homme des Nations unies. Le second (1989) concerne l'abolition de la peine de mort * 14 Cité par Anne-Eva AURE, Le journalisme citoyen : quelle réalité sociale ? Mémoire de master 1 en communication Juin 2007, Université Paul Valery Montpellier 3, CORNU.D, Ethique de l'information, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1997, p.5 * 15 Ruwen Ogien, L'éthique aujourd'hui, Maximalistes et Minimalistes, Folio, 2007 * 16 Gérard Cornu, 2007 * 17 Amnesty international / CODESRIA, Ukwéli ; manuel relatif à la surveillance et la documentation des violations des droits humains en Afrique, 2005, page 33 |
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