WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le réalisme dans Mission Terminée

( Télécharger le fichier original )
par Andry RANDRIAMANGA
Université de Tuléar, MADAGASCAR - Maîtrise 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II- Les conséquences de l'acculturation

A partir des causes que nous avons évoquées, nous pouvons en déduire que l'acculturation est un mal pour l'Afrique et qui prolifère sans bruit Nous allons voir les changements engendrés par l'acculturation qui touchent non seulement l'individu mais aussi l'environnement social et surtout la culture.

1- La perte de l'identité

La conséquence de l'acculturation sur l'individu est phénoménale car elle attaque directement la psychologie de la personne et on assiste soit à une perte partielle de son identité, soit à une perte totale. Mais dans tous les cas, la

victime est toujours entre deux cultures différentes, africaine et européenne, et soit il se balance entre la culture des colonisateurs et sa propre culture, soit il est complètement désorienté et étranger aux deux cultures qu'il ne saura plus vraiment où est sa vraie place dans la société traditionnelle ou moderne. Qu'ils soient grands ou petits, hommes ou femmes, tous ont tendances à changer de mode de vie, et dans ce roman de Mongo Béti, on assiste à une déculturation19, mais aussi à une reculturation qui est le retour vers une culture originelle.

Parmi tous les personnages du roman, Medza est le plus touché par cette perte de l'identité puisqu'il est allé en ville et cela depuis son plus jeune âge pour étudier dans les écoles coloniales. Par rapport aux jeunes de même âge que lui mais qui sont restés dans la brousse, il est bel et bien très avancé intellectuellement car il a passé toute son enfance et toute son adolescence à étudier. Du coup, il n'a plus eu le temps de savourer sa jeunesse parce que l'école l'avait tout pris. Il n'était donc en contact avec la vie traditionnelle que rarement, plus précisément pendant les vacances où il rentrait chez lui, d'où le fait qu'il ne comprenait que peu de chose de cette vie. Medza n'a plus rien à voir avec un africain, sauf sa couleur, et se comportait exactement comme un Blanc. Si un africain se réservait en signe de respect face à un aîné qu'il soit Blanc ou Noir, Medza lui n'a aucun complexe devant les autres et ose les tenir tête jusqu'au bout. C'est ce qui s'est passé entre lui et Kritikos le grec qui tout le long du trajet vont discuter, ce qui est chose inimaginable puisque ce n'est pas tous les jours que l'on puisse voir un petit Noir s'engager dans un débat avec un Blanc (p.16). Son geste est même poussé jusqu'à l'arrogance puisqu'il se croit tout permis avec ses connaissances et prend la parole au village pour défendre sa cause. Dans le roman, c'est lui le seul jeune ayant osé faire cet acte, et le plus étonnant c'est la réaction des grandes personnes, plus exactement des hommes, face à ce qu'il avait fait. Comme nous le savons, les femmes et les enfants n'ont pas droit à la parole dans cette société, et toute personne transgressant cette règle sera sévèrement punie ; or ils se sont laissés faire sans aucune réaction violente de leur part. On assiste donc ici à un commencement du non respect de la tradition dans les deux camps, c'est-à-

19 Dégradation culturelle sous l'influence d'une culture dominante

dire chez les jeunes et chez les adultes. Si Medza ne suit plus les règles, les grandes personnes eux déforment cette sagesse traditionnelle afin de tirer des profits personnels. L'amitié, la fraternité sont devenues par exemple des moyens pour faire d'une personne ce que l'on veut, autrement dit comme un chantage. C'est ce que le chef de village de Kala fait lorsqu'il a besoin de quelque chose auprès des autres (p.178). Le père de Medza lui joue sur la générosité pour avoir des bénéfices en prêtant son argent à ceux qui en ont besoin mais qui n'en ont pas. Ne pouvant pas rembourser, l'équivalent de la somme est rendu soit sous forme de grand service à longue durée indéterminée en travaillant au champ de cacao, soit le père de Medza usait du troque en prenant les bétails à prix cassé (solde) en échange de la somme due pour être revendus au prix élevé en ville (pp.233-234). Toute la mentalité des Noirs est alors en train de se transformer à cause de leur ambition démesurée. La fierté n'est plus alors d'être un simple Noir, mais être un Noir vivant et ressemblant aux Blancs que ce soit au niveau professionnel ou intellectuel car être comme un Blanc c'est l'idéal, c'est automatiquement avoir réussi sa vie, tandis que rester en tant que Noir conservateur sous-entend tout le contraire. Il est donc impératif de changer de mode vie si l'on veut réussir dans la vie et devenir riche. C'est la raison pour laquelle les parents poussent leurs enfants « comme on pousse des troupeaux vers un abattoir » (p.23 1) vers les établissements coloniaux afin qu'ils puissent bénéf icier de tous les atouts pour réussir leur vie. Dès qu'ils optent pour ce chemin, une partie de leur identité s'effaceront pour faire place à une nouvelle qui est l'opposée de l'autre. Tel est le prix à payer pour vouloir réussir sur ce chemin et par conséquent, chacun agira selon l'enseignement qu'il a reçu. Ceux qui choisiront l'école comme Medza seront amenés à obéir et agir selon les disciplines de l'enseignement en appliquant non plus la pensée et la logique africaine mais uniquement la logique cartésienne. Les autres qui n'ont pas choisi la voie de l'école iront vers l'armée où ils se soumettront à tous les ordres qu'on leurs donneront. Dans cette institution, on obéi sans penser ni discuter ; la seule chose à faire c'est exécuter les ordres de son supérieur sans se poser de questions. La raison n'a

pas sa place dans l'armée surtout pour les simples soldats non gradé qui sont en majorité des Noirs car leur situation ne le permet pas.

Si le Noir n'est pas rentré ni à l'école ni à l'armée, il lui reste encore la voie du Seigneur, c'est-à-dire la religion chrétienne. Ici aussi il n'est pas question de discuter puisqu'il n'y a rien à discuter concernant Dieu. Le Noir est conduit à aller vers le bon et le droit chemin en adoptant la religion chrétienne qui est monothéiste et en laissant complètement tomber leur religion traditionnelle qui est polythéiste. La religion importée apparaît comme un moyen de persuader les populations d'accepter le nouvel ordre que le colonisateur leur impose par l'intermédiaire de Dieu. La personne est donc transformée par la foi, et là encore il ne sera plus comme les autres puisqu'il va aller à l'église et sera qualifié de chrétien croyant et/ou religieux.

Toutefois, si on avait développé que l'acculturation provoque la perte de l'identité par l'influence d'une autre culture, définit par déculturation, elle peut aussi entraîner la reculturation mais cela par la volonté de l'individu.

Comme on avait mentionné auparavant, Medza est le personnage le plus acculturé dans le roman puisque lui avait habité en ville et a fréquenté l'éducation européenne. Mais lorsqu'on analyse le parcours du héros, on constate que son voyage à Kala pour retrouver et ramener l'épouse Niam n'est qu'un prétexte ; sa vraie mission est en fait de rechercher et de retrouver sa vraie identité qu'il avait perdue à cause de l'école. Grâce à son voyage à Kala, il a pu, par exemple, pour la première fois fréquenter des adolescents de même âge que lui tout en découvrant la joie de vivre dans la jeunesse, c'est-à-dire goûter (pour la première fois) à tout comme le sexe, l'alcool et les fêtes entre jeunes. Même sous la forme de débauche, Medza a pu savoir ce que c'est la solidarité entre ami ; mais cette solidarité est poussée encore plus loin avec ses entretiens avec l'oncle Mama (pp.124-1 26) car il y a encore ce qu'on appelle la « communauté du sang » qui lie involontairement tout le monde par le sang même sans avoir un seul lien de parenté. A part la solidarité, à Kala, Medza a vraiment su ce qu'est l'hospitalité des gens de l'arrière pays, surtout celle de l'oncle Mama qui d'après Bikokolo « [...] ne se compare à aucune autre ; [...] » (p.31). Effectivement, Medza ne manqua de rien, surtout au niveau de

l'alimentation, pendant son hébergement chez l'oncle Mama. Cette hospitalité envers Medza est aussi perçue chez les autres familles bien qu'elle se présente sous la forme d'invitation dans le but de se faire considérer par les autres puisque inviter Medza chez soi, avoir un hôte intellectuel est devenu un grand honneur (p.122) car il est très estimé et est considéré comme un dieu favorable, que l'on ne jure plus que par son nom dans chaque foyer (p.74).

C'est aussi à Kala que Medza a pu découvrir ce qu'est vraiment la vie à la traditionnelle, différente de ce qu'il a vécue en ville. Pendant tout son séjour, il a pu observer la vie quotidienne et monotone des villageois qui se résumait à travailler les champs à la machette du matin jusqu'au soir pour vivre. Toutefois même si c'est une dure vie, Medza en est fasciné car comparé à ce qu'il a enduré en ville, la vie à la campagne n'est rien ; pour lui, elle est le symbole de la pureté, le dernier paradis sur Terre car elle est encore éloignée de la modernité et de ses problèmes. Mais Kala ne va pas échapper à cette modernisation ; un commencement de déformation de la culture originelle est déjà aperçu.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille