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Le réalisme dans Mission Terminée

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par Andry RANDRIAMANGA
Université de Tuléar, MADAGASCAR - Maîtrise 2007
  

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DEUXIEME PARTIE

L'ACCULTURATION

La cohésion de deux cultures différentes provoque ce qu'on appelle le métissage culturel qui est le fait de maintenir sa propre identité culturelle tout en adoptant la culture dominante. Mais quand vient le cas où il y a abandon de son identité culturelle pour adopter la culture dominante, qui est celle des colonisateurs, il y a ce qu'on appelle acculturation, et on assiste alors au méfait destructeur de cette cohésion apportée par la colonisation qui est bel et bien réel hélas.

Dans cette deuxième partie de notre travail, notre activité sera surtout consacrée sur l'engagement du roman à propos de l'acculturation. Et pour cela, nous allons voir à travers le roman et à partir de la réalité les causes de l'acculturation dans la première partie, puis ses conséquences dans la deuxième partie.

I- Les causes de l'acculturation

Si la colonisation et la cohésion de deux cultures sont les causes primaires de l'acculturation, les causes secondaires sont multiples et de différentes origines. Parmi ces facteurs, nous allons étudier quelques uns dont l'école ou l'éducation européenne, l'influence de l'être hybride sur les individus, et enfin l'attrait de la ville.

1- L'école ou l'éducation européenne

Comme nous le savons, tout le monde est attiré par toute nouveauté ou toute chose inhabituelle ; et la venue de l'école sur le continent africain, importée par les colons est une nouvelle chose non seulement pour le continent africain mais aussi pour tout son peuple qui vivait encore dans la pure tradition jusqu'à l'arrivée des colonisateurs Blancs. L'apparition des colons européens10 dans leur vie a entraîné tout un changement, et le plus impressionnant est la manière dont s'est fait le passage de leur vie, qualifiée de primitive, vers une vie plus modernisée.

10 Dans Mission Terminée, il s'agit de colons français

Bien avant l'arrivée de l'école européenne en Afrique, afin d'assurer l'éducation de ses sujets, l'apprentissage purement africain et traditionnel existait déjà. Cette éducation était suivie par tous et bien établie car les choses qu'on leur apprenait et qu'ils devaient savoir étaient tous indispensables, nécessaires et utiles à leur vie et à leur survie. Cette éducation est tout d'abord très bien appropriée aux contextes de l'Afrique traditionnelle comme son environnement, sa Culture et surtout les problèmes qui pourront survenir. Cette initiation est un long processus qui débute dès le plus jeune âge de l'individu pour ne se terminer qu'à l'âge adulte. Elle peut toujours se poursuivre tant qu'il est sous l'influence d'un adulte et/ou demander son aide ou conseil comme dans le cas de Niam demandant conseil au patriarche Bikokolo (p. 23). Cette éducation traditionnelle s'est toujours faite de bouche à oreille évoquée directement ou sous forme de mythes, contes et légendes (p. 30) , et surtout, elle est le fruit d'une accumulation d'expériences qu'ont vécues les grandes personnes. Tout le monde est appelé à contribuer à cette éducation ; même les femmes doivent s'y mettre et ce sont elles qui assurent les premières formations de l'individu dès son plus jeune âge. Les apprenants, ici des enfants, s'instruisent tout en aidant ces femmes qui les éduquent, dans les petites tâches ménagères et aux travaux des champs. A partir de l'adolescence, les adultes n'interviennent que rarement sur l'éducation car cette fois- ci elle ne se fait plus qu'entre adolescents de même sexe afin de leur permettre de se découvrir tout en explorant le monde extérieur. Ils peuvent ainsi mettre en pratique et améliorer ce qu'ils ont pu en retenir et devenir responsables petit à petit. C'est le moment de sevrage pour chacun, que ce soit les filles ou les garçons. Les filles elles, apprennent à devenir de bonnes femmes, c'est-à-dire travailleuses, soumises et silencieuses, tandis que les garçons à être des hommes, c'est-à-dire travailleurs, débrouillards et dominateurs. C'est ce que nous apercevons tout au long du passage de Medza à Kala, où il a pu se découvrir et découvrir beaucoup de nouvelles choses à partir des nombreuses aventures en compagnies des jeunes du même age que lui à Kala comme Zambo, Petrus Fils-de-Dieu,...11. Passé à l'age adulte, chacun est prêt à

11 A partir du chapitre II, Mission Terminée

affronter seul la vraie vie, mais toutefois les vieux gardent un oeil sur eux et sont toujours là pour conseiller,informer et à rectifier ce qui ne va pas.

Mais l'arrivée en Afrique des colons, surtout de l'éducation occidentale, a bouleversé cette initiation traditionnelle car fascinés et attirés par cette nouvelle forme d'enseignement,petit à petit les jeunes délaissent cet usage traditionnel pour opter la nouvelle éducation. Et peu à peu, les grandes personnes ne trouvent plus de jeunes gens à qui transmettre leur savoir et leur enseignement car tous se ruent vers l'école occidentale. Commence alors la perte de leur Culture et des coutumes parce que au fur et à mesure que ces jeunes reçoivent cette nouvelle éducation, ils perdront alors tout ce qui peut tourner autour de l'Afrique traditionnelle car ils sont transformés par les disciplines de cette nouvelle école qu'ils ont tendance (malgré eux) à vivre et à penser comme les Blancs ; c'est le cas de Medza, le personnage principal du roman qui ignore tout de ce qui est traditionnel car il est issu de l'école européenne.

Opter pour l'éducation occidentale c'est délaisser la tradition et sa propre culture pour n'apprendre que la culture de l'autre, c'est-à-dire celle des Blancs car cette nouvelle éducation pratiquée et donnée n'a pas été adaptée pour être enseignée aux Noirs mais aux Blancs. Par conséquent, ces jeunes Noirs apprendront les mêmes choses que les Blancs comme par exemple l'histoire de la civilisation occidentale mais non point celle de l'Afrique. Et pour confirmer cela, dans le roman, Daniel un jeune Noir issu de la même école européenne que Medza dit : « Moi, mes ancêtres furent non point Gaulois, mais Bantous ; ils le sont d'ailleurs restés depuis. [...] » (p. 14). Ici on assiste à une prise de conscience d'un individu qui n'a pas encore été totalement converti par l'éducation coloniale, mais plus il sera de plus en plus plongé, plus il saura de moins en moins sur toutes les bases de son existence. Mais le pire, est que le jeune lui- même se rend compte de cette éducation coloniale qui avait pris toute sa jeunesse. Ceux qui ont voulu aller à l'école ont vu leur jeunesse s'envoler car ils n'ont pas eu l'occasion de jouer aux jeux coutumiers que les enfants de même âge qu'eux pratiquaient étant donné qu'ils ne rentraient aux villages que lors des vacances, donc la majeure partie de leur temps, tous restaient à « l'Internat Indigène » (p. 13). Les règlements intérieurs de l'école ne les ont

pas permis cette sortie étant donné que c'est un internat, un établissement qui assure à la fois l'hébergement et la nourriture de tous ses pensionnaires tout au long de leurs études. Ceci arrange tout de même les élèves Noirs habitant dans la majeure partie des cas très loin de l'école car ils évitent le long trajet d'allerretour entre l'établissement et leur village respectif. Par exemple dans le cas du personnage principal du roman, Medza Jean Marie, la distance qu'il devait parcourir pour aller de son village natal à Ongola, la ville où se trouve son école est de soixante kilomètres. Pour le faire en autocar, il lui faut au moins trois heures à cause de l'état de la voiture, des routes qui laissent à désirer et surtout des conditions météorologiques souvent très mauvaises12. Nous constatons donc les difficultés qu'endure le héros pour ses déplacements, ce qui nous emmène à dire qu'il est pénible, voire impossible pour lui de faire un va-et-vient quotidien de soixante kilomètres tout au long de l'année afin d'étudier. Et pour que cela ne soit pas un handicap pour l'enseignement, tout se doit d'être séduisant, fascinant et bien établi à l'avance afin d'attirer et d'inciter les africains à venir étudier dans les écoles européennes. Nous constatons aussi à travers le fait de faire un très long voyage pour pouvoir étudier à l'européenne, la place importante de l'école coloniale aux yeux des Noirs car malgré cette longue distance qu'ils devront parcourir, ils ne se découragent pas et veulent toujours étudier dans l'école moderne.

Tellement tous sont fascinés par cette nouvelle école qu'ils adoptent tout de suite sans même trop réfléchir sur l'avenir de leurs enfants. Avenir qui, déjà est voué à un échec car ayant terminé leurs études, ils ne sauront pas vraiment quoi faire des connaissances et diplômes délivrés par cette école parce qu'ils ne trouveront pas les métiers adéquats.

Etudier dans une école européenne c'est acquérir de nouvelles connaissances et abandonner ce qui appartient à sa propre culture car dans ces établissements, on enseigne tout sauf la civilisation de l'Afrique. Grâce au parler de Medza, on peut déterminer ce qu'ils étudient dans « l'Internat Indigène » comme la géographie, l'histoire (de la France, de la Russie, des Etats-Unis), les mathématiques, ... ; mais à part le fait d'enseigner ces matières

12 « Ce fut une pluie [...] une des averses sous lesquelles les cases, dirait-on, s'enfonce plus

-là, les règlements intérieurs des établissements obligent aussi leurs élèves à avoir de bonnes conduites qu'il faut et qu'ils doivent savoir que dès qu'ils ont adopté cette nouvelle éducation, tous doivent laisser de côté tout ce qui se rapporte à leur tradition et culture. L'école occidentale pousse même plus loin ses exigences en obligeant les élèves Noirs à ne plus parler leur langue maternelle « afin de les soustraire aux influences traditionnelles ». Et « ceux qui sont surpris en train de parler sa langue maternelle se voyait affublé d'une planchette appelée « symbole » sur laquelle était dessinée une tête d'âne, et se voyait privé de déjeuner ... »13. Nous constatons à travers ces mots de A.Hampaté Bâ, (célèbre écrivain Noir dans le monde et spécialiste sur la tradition orale peul), les procédés des Blancs pour éloigner les disciples Noirs de leur culture. Et à part les attaquer moralement en leur interdisant de parler leur propre langue, ils sont aussi obligés de changer leur mode vestimentaire pour adopter à peu près celle des Blancs : se vêtir et chausser de blanc (p.17). On leur apprend aussi à avoir les bonnes manières à table en les habituant à ne plus manger avec les mains mais à utiliser la cuillère et la fourchette. C'est pourquoi pendant l'une des conférences en plein air de Medza à Kala, une femme lui a demandé une chose intrigante. Un jour quand elle viendrait chez lui, pourrait-elle manger dans la même assiette que lui, même si elle ne sait pas tenir une fourchette (p.118), étant donné que les Blancs lui a appris à vivre comme eux à l'école.

Bref, lorsqu'un Noir est sortant d'une école européenne, cette dernière l'a complètement transformé et il aura tendance à (imiter) vivre comme les Blancs. Ils sont effectivement pour lui le bon modèle à suivre car la vie que mènent les Blancs est un signe de réussite et de richesse, non seulement pour lui mais aussi pour le reste des Noirs.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand