DEUXIEME PARTIE
L'ACCULTURATION
La cohésion de deux cultures différentes
provoque ce qu'on appelle le métissage culturel qui est le fait de
maintenir sa propre identité culturelle tout en adoptant la culture
dominante. Mais quand vient le cas où il y a abandon de son
identité culturelle pour adopter la culture dominante, qui est celle des
colonisateurs, il y a ce qu'on appelle acculturation, et on assiste alors au
méfait destructeur de cette cohésion apportée par la
colonisation qui est bel et bien réel hélas.
Dans cette deuxième partie de notre travail, notre
activité sera surtout consacrée sur l'engagement du roman
à propos de l'acculturation. Et pour cela, nous allons voir à
travers le roman et à partir de la réalité les causes de
l'acculturation dans la première partie, puis ses conséquences
dans la deuxième partie.
I- Les causes de l'acculturation
Si la colonisation et la cohésion de deux cultures sont
les causes primaires de l'acculturation, les causes secondaires sont multiples
et de différentes origines. Parmi ces facteurs, nous allons
étudier quelques uns dont l'école ou l'éducation
européenne, l'influence de l'être hybride sur les individus, et
enfin l'attrait de la ville.
1- L'école ou l'éducation européenne
Comme nous le savons, tout le monde est attiré par
toute nouveauté ou toute chose inhabituelle ; et la venue de
l'école sur le continent africain, importée par les colons est
une nouvelle chose non seulement pour le continent africain mais aussi pour
tout son peuple qui vivait encore dans la pure tradition jusqu'à
l'arrivée des colonisateurs Blancs. L'apparition des colons
européens10 dans leur vie a entraîné tout un
changement, et le plus impressionnant est la manière dont s'est fait le
passage de leur vie, qualifiée de primitive, vers une vie plus
modernisée.
10 Dans Mission Terminée, il s'agit de colons
français
Bien avant l'arrivée de l'école
européenne en Afrique, afin d'assurer l'éducation de ses sujets,
l'apprentissage purement africain et traditionnel existait déjà.
Cette éducation était suivie par tous et bien établie car
les choses qu'on leur apprenait et qu'ils devaient savoir étaient tous
indispensables, nécessaires et utiles à leur vie et à leur
survie. Cette éducation est tout d'abord très bien
appropriée aux contextes de l'Afrique traditionnelle comme son
environnement, sa Culture et surtout les problèmes qui pourront
survenir. Cette initiation est un long processus qui débute dès
le plus jeune âge de l'individu pour ne se terminer qu'à
l'âge adulte. Elle peut toujours se poursuivre tant qu'il est sous
l'influence d'un adulte et/ou demander son aide ou conseil comme dans le cas de
Niam demandant conseil au patriarche Bikokolo (p. 23). Cette éducation
traditionnelle s'est toujours faite de bouche à oreille
évoquée directement ou sous forme de mythes, contes et
légendes (p. 30) , et surtout, elle est le fruit d'une accumulation
d'expériences qu'ont vécues les grandes personnes. Tout le monde
est appelé à contribuer à cette éducation ;
même les femmes doivent s'y mettre et ce sont elles qui assurent les
premières formations de l'individu dès son plus jeune âge.
Les apprenants, ici des enfants, s'instruisent tout en aidant ces femmes qui
les éduquent, dans les petites tâches ménagères et
aux travaux des champs. A partir de l'adolescence, les adultes n'interviennent
que rarement sur l'éducation car cette fois- ci elle ne se fait plus
qu'entre adolescents de même sexe afin de leur permettre de se
découvrir tout en explorant le monde extérieur. Ils peuvent ainsi
mettre en pratique et améliorer ce qu'ils ont pu en retenir et devenir
responsables petit à petit. C'est le moment de sevrage pour chacun, que
ce soit les filles ou les garçons. Les filles elles, apprennent à
devenir de bonnes femmes, c'est-à-dire travailleuses, soumises et
silencieuses, tandis que les garçons à être des hommes,
c'est-à-dire travailleurs, débrouillards et dominateurs. C'est ce
que nous apercevons tout au long du passage de Medza à Kala, où
il a pu se découvrir et découvrir beaucoup de nouvelles choses
à partir des nombreuses aventures en compagnies des jeunes du même
age que lui à Kala comme Zambo, Petrus Fils-de-Dieu,...11.
Passé à l'age adulte, chacun est prêt à
11 A partir du chapitre II, Mission Terminée
affronter seul la vraie vie, mais toutefois les vieux gardent
un oeil sur eux et sont toujours là pour conseiller,informer et à
rectifier ce qui ne va pas.
Mais l'arrivée en Afrique des colons, surtout de
l'éducation occidentale, a bouleversé cette initiation
traditionnelle car fascinés et attirés par cette nouvelle forme
d'enseignement,petit à petit les jeunes délaissent cet usage
traditionnel pour opter la nouvelle éducation. Et peu à peu, les
grandes personnes ne trouvent plus de jeunes gens à qui transmettre leur
savoir et leur enseignement car tous se ruent vers l'école occidentale.
Commence alors la perte de leur Culture et des coutumes parce que au fur et
à mesure que ces jeunes reçoivent cette nouvelle
éducation, ils perdront alors tout ce qui peut tourner autour de
l'Afrique traditionnelle car ils sont transformés par les disciplines de
cette nouvelle école qu'ils ont tendance (malgré eux) à
vivre et à penser comme les Blancs ; c'est le cas de Medza, le
personnage principal du roman qui ignore tout de ce qui est traditionnel car il
est issu de l'école européenne.
Opter pour l'éducation occidentale c'est
délaisser la tradition et sa propre culture pour n'apprendre que la
culture de l'autre, c'est-à-dire celle des Blancs car cette nouvelle
éducation pratiquée et donnée n'a pas été
adaptée pour être enseignée aux Noirs mais aux Blancs. Par
conséquent, ces jeunes Noirs apprendront les mêmes choses que les
Blancs comme par exemple l'histoire de la civilisation occidentale mais non
point celle de l'Afrique. Et pour confirmer cela, dans le roman, Daniel un
jeune Noir issu de la même école européenne que Medza dit :
« Moi, mes ancêtres furent non point Gaulois, mais Bantous ; ils
le sont d'ailleurs restés depuis. [...] » (p. 14). Ici on
assiste à une prise de conscience d'un individu qui n'a pas encore
été totalement converti par l'éducation coloniale, mais
plus il sera de plus en plus plongé, plus il saura de moins en moins sur
toutes les bases de son existence. Mais le pire, est que le jeune lui-
même se rend compte de cette éducation coloniale qui avait pris
toute sa jeunesse. Ceux qui ont voulu aller à l'école ont vu leur
jeunesse s'envoler car ils n'ont pas eu l'occasion de jouer aux jeux coutumiers
que les enfants de même âge qu'eux pratiquaient étant
donné qu'ils ne rentraient aux villages que lors des vacances, donc la
majeure partie de leur temps, tous restaient à « l'Internat
Indigène » (p. 13). Les règlements intérieurs de
l'école ne les ont
pas permis cette sortie étant donné que c'est un
internat, un établissement qui assure à la fois
l'hébergement et la nourriture de tous ses pensionnaires tout au long de
leurs études. Ceci arrange tout de même les élèves
Noirs habitant dans la majeure partie des cas très loin de
l'école car ils évitent le long trajet d'allerretour entre
l'établissement et leur village respectif. Par exemple dans le cas du
personnage principal du roman, Medza Jean Marie, la distance qu'il devait
parcourir pour aller de son village natal à Ongola, la ville où
se trouve son école est de soixante kilomètres. Pour le faire en
autocar, il lui faut au moins trois heures à cause de l'état de
la voiture, des routes qui laissent à désirer et surtout des
conditions météorologiques souvent très
mauvaises12. Nous constatons donc les difficultés qu'endure
le héros pour ses déplacements, ce qui nous emmène
à dire qu'il est pénible, voire impossible pour lui de faire un
va-et-vient quotidien de soixante kilomètres tout au long de
l'année afin d'étudier. Et pour que cela ne soit pas un handicap
pour l'enseignement, tout se doit d'être séduisant, fascinant et
bien établi à l'avance afin d'attirer et d'inciter les africains
à venir étudier dans les écoles européennes. Nous
constatons aussi à travers le fait de faire un très long voyage
pour pouvoir étudier à l'européenne, la place importante
de l'école coloniale aux yeux des Noirs car malgré cette longue
distance qu'ils devront parcourir, ils ne se découragent pas et veulent
toujours étudier dans l'école moderne.
Tellement tous sont fascinés par cette nouvelle
école qu'ils adoptent tout de suite sans même trop
réfléchir sur l'avenir de leurs enfants. Avenir qui,
déjà est voué à un échec car ayant
terminé leurs études, ils ne sauront pas vraiment quoi faire des
connaissances et diplômes délivrés par cette école
parce qu'ils ne trouveront pas les métiers adéquats.
Etudier dans une école européenne c'est
acquérir de nouvelles connaissances et abandonner ce qui appartient
à sa propre culture car dans ces établissements, on enseigne tout
sauf la civilisation de l'Afrique. Grâce au parler de Medza, on peut
déterminer ce qu'ils étudient dans « l'Internat
Indigène » comme la géographie, l'histoire (de la
France, de la Russie, des Etats-Unis), les mathématiques, ... ; mais
à part le fait d'enseigner ces matières
12 « Ce fut une pluie [...] une des averses sous lesquelles
les cases, dirait-on, s'enfonce plus
-là, les règlements intérieurs des
établissements obligent aussi leurs élèves à avoir
de bonnes conduites qu'il faut et qu'ils doivent savoir que dès qu'ils
ont adopté cette nouvelle éducation, tous doivent laisser de
côté tout ce qui se rapporte à leur tradition et culture.
L'école occidentale pousse même plus loin ses exigences en
obligeant les élèves Noirs à ne plus parler leur langue
maternelle « afin de les soustraire aux influences traditionnelles
». Et « ceux qui sont surpris en train de parler sa langue
maternelle se voyait affublé d'une planchette appelée «
symbole » sur laquelle était dessinée une tête
d'âne, et se voyait privé de déjeuner ...
»13. Nous constatons à travers ces mots de
A.Hampaté Bâ, (célèbre écrivain Noir dans le
monde et spécialiste sur la tradition orale peul), les
procédés des Blancs pour éloigner les disciples Noirs de
leur culture. Et à part les attaquer moralement en leur interdisant de
parler leur propre langue, ils sont aussi obligés de changer leur mode
vestimentaire pour adopter à peu près celle des Blancs : se
vêtir et chausser de blanc (p.17). On leur apprend aussi à avoir
les bonnes manières à table en les habituant à ne plus
manger avec les mains mais à utiliser la cuillère et la
fourchette. C'est pourquoi pendant l'une des conférences en plein air de
Medza à Kala, une femme lui a demandé une chose intrigante. Un
jour quand elle viendrait chez lui, pourrait-elle manger dans la même
assiette que lui, même si elle ne sait pas tenir une fourchette (p.118),
étant donné que les Blancs lui a appris à vivre comme eux
à l'école.
Bref, lorsqu'un Noir est sortant d'une école
européenne, cette dernière l'a complètement
transformé et il aura tendance à (imiter) vivre comme les Blancs.
Ils sont effectivement pour lui le bon modèle à suivre car la vie
que mènent les Blancs est un signe de réussite et de richesse,
non seulement pour lui mais aussi pour le reste des Noirs.
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