3-Le statut de la femme
Dans le roman, nous assistons à une soumission totale
de la femme. Elles n'ont pas les mêmes droits que les hommes, et sont
réduites à n'obéir et à ne servir qu'aux hommes.
Dans une société où les hommes dominent, la place de la
femme est très réduite. Epousées très jeunes, comme
la femme de l'oncle Mama et comme toutes les femmes, elles vieillissent
précocement à cause des maternités successives et des durs
travaux des champs (pp.63-64) ; elles sont donc comme des machines agricoles et
de procréation. Cependant cette société traditionnelle a
vraiment besoin de femmes car ce sont elles qui font les travaux des champs et
en même temps elles s'occupent du foyer : le repas, les enfants et
surtout le mari à qui elles doivent une totale soumission au risque de
se faire battre ; par conséquent la femme joue un rôle important
dans la vie de l'homme puisqu'un homme sans une femme à ses
côtés n'est rien aux yeux de tout le monde et ne sera pas
estimé. L'accaparation d'une femme est donc nécessaire pour
l'homme afin qu'il soit estimé et considéré par tous. Elle
est alors un bien essentiel pour l'homme mais aussi pour la
société (p.141). C'est donc un être précieux bien
qu'elle soit marginalisée puisqu'elle est tout et fait tout en
même temps. C'est pourquoi le phénomène de polygamie est
bien accepté et persiste toujours dans la société car plus
un homme possède de femmes, plus il est considéré comme
riche et se sent plus puissant ; c'est le cas du chef de canton qui
d'après le roman « possédait les six plus belles femmes
de la région et s'apprêtait à en acquérir d'autres
» (p.34), mais aussi du chef de village de Kala qui est à sa
septième femme (p.177). Bien qu'il s'agisse ici d'une union entre deux
êtres, on peut dire que leur unification n'est pas le fruit de l'amour
parce que tout se passe entre le futur mari et la famille de la fille. Il
suffit que la famille accepte la somme donnée en signe
de dot pour acquérir la femme. On peut dire alors qu'une femme est une
sorte de marchandise que l'on peut s'acquérir en échange d'une
somme d'argent. Plus elles sont belles et bonnes plus elles sont
coûteuses, et plus elles sont vieilles et moches, plus elles sont moins
valeureuses (p.217). Toutefois si les hommes ont le droit d'avoir plusieurs
femmes en sa possession pour son épanouissement, il est interdit de
pratiquer la polyandrie et être frivole est lourdement sanctionné.
C'est donc le cas de l'épouse Niam qui a décidé de quitter
son mari pour aller chez un autre homme. Bien que la cause de son départ
soit due aux maltraitances qu'inflige son mari, cette cause n'est pas valable
par toute la société puisque une femme doit respecter son mari
quelles que soient les circonstances. Par conséquent, si la femme
voudrait quitter définitivement son mari pour aller chez un autre, elle
doit rembourser toute la dot à son mari, sinon elle doit retourner chez
celui-ci et cela par tous les moyens.
La présence de la femme est donc très importante
dans la société, mais elle reste toujours un sujet de discussion.
Parfois on associe la femme à de mauvaises choses. Tel est le point de
vue du père de Medza qui accuse les femmes d'être la source de
l'échec de Medza dans ses études. Mais si le père condamne
la femme globalement, les autres hommes peuvent trouver des détails sur
la femme pour la dévaloriser totalement. Si se parfumer est une
coquetterie, une manière de se mettre en valeur pour les femmes, cet
acte est perçu et traduit autrement par les hommes. Le fait qu'une femme
se parfume est signe qu'elle cache ses mauvaises odeurs pour les hommes. Ils
sont même convaincus que derrière ces mauvaises odeurs se cache
une maladie vénérienne, maladie la plus grave et la plus crainte
de tous (p.106). Donc ici on est en face d'une mauvaise interprétation
des choses où une fois encore c'est la femme qui en est victime, et dans
le roman cette personne féminine est la fille venant de la ville qui
n'est rien d'autre qu'Eliza. Le sort réservé à Eliza est
donc la mise en écart, mais ceci est aussi valable pour toutes les
femmes bien qu'elles ne soient pas malades. En effet, la séparation de
l'homme avec la femme ne s'arrête pas seulement au moment du repas comme
nous l'avons dit auparavant, mais elle continue bien plus qu'au-delà.
Après une lecture
minutieuse, nous avons constaté que les femmes et les
hommes ne dorment pas ensemble dans la même case mais dorment
séparément, d'où l'existence de ce qu'on appelle «
une case de femme » (p.133) où est entassé le sexe
féminin, que ce soit la mère, la grand-mère ou les petites
filles. On a donc ici affaire à une ségrégation, voire
à du sexisme si on synthétise tout ce qui a été dit
au sujet de la femme face à l'homme et une société qui lui
donne toujours tort, c'est-à-dire la femme. L'homme n'a aucune estime
pour la femme bien que leur sort dépende d'elle. Même à
partir des mots employés par l'auteur, on ressent ce mépris
envers la femme. L'utilisation du terme coucherie à la page 21 du
roman par exemple donne une très mauvaise image et qui sous-entend une
perversion totale de la femme ; or ici on a affaire à une simple
tromperie, que l'on appelle adultère puisque dans le texte il n'y a
jamais eu question de sexe mais juste une femme qui s'était fait
charmée par les offrandes d'un « market-boy » (p.21).
Ici donc le terme est poussé à l'extrême pour aggraver la
situation et discréditer la femme. La femme est donc réduite
à accepter sans discuter dans la vie traditionnelle ; celle qui veut
protester le fait en silence sous peine d'être battue par son mari. Elle
doit donc faire de « l'opposition silencieuse » (p.230) et
se réfugier à la cuisine qui est le seul endroit où elle
se sentira un peu en sécurité car le mari ne viendra jamais la
chercher là-bas pour la corriger (p.246). Toute femme de la brousse est
donc condamnée à une perpétuelle soumission mais sera
qualifiée de bonne femme, tandis que celles revenant de la ville sont
libérées et seront toujours mal vues part tous. Mais que ce soit
homme, femme ou enfant, tous doivent faire face à un grand
problème qui est en train de toucher leur monde traditionnel : c'est
l'acculturation.
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